Le bio en France: développement du secteur et acteurs

1-2 Le développement du secteur, les premiers acteurs du bio français

Conjointement à ces avancées institutionnelle en faveur du bio depuis les années 40, les entreprises de leur côté ont également joué un rôle primordial dans le développement du secteur.
Pour continuer dans notre étude de l’identité du bio il apparaît alors essentiel d’étudier les premiers acteurs qui ont participés à la construction du secteur à travers l’activité entrepreneuriale.
Le commerce des produits issus de l’agriculture biologique est lié de manière inévitable à la lutte menée simultanément par les producteurs d’un côté et les consommateurs de l’autre.
L’un des précurseurs de ce domaine en France est l’entreprise La Vie Claire fondée par Henri-Charles Geffroy, un poilu gazé à la guerre qui se remet sur pied avec une alimentation végétarienne à base de fruits, légumes et céréales cultivés naturellement, fier de son rétablissement au naturel il publie un livre dans lequel il raconte son histoire et ses découvertes en matières d’alimentation ainsi qu’une revue : La Vie Claire.
Dès la fin des années 40 dans le sillon du succès de ses publications il crée une première coopérative bio, qui sera rapidement liquidé pour devenir une entreprise avec sa propre boutique bio avant de multiplier les points de vente dans tout le pays.14
Son objectif est de partager avec la société un mode d’alimentation alternatif qui repose sur les produits bio en mettant l’accent sur les bienfaits pour la santé.
Dans une démarche similaire on peut citer Raoul Lemaire (du courant Lemaire-Boucher) qui dès les années 30 estime que le bio n’a pas d’avenir sans une commercialisation efficace.
Il comprend alors vite l’impact de l’accessibilité pour la croissance du mouvement et ouvre une première boulangerie à Paris où il vend son pain “naturel” qui se trouve être bio avant l’heure (à cette époque aucun cahier des charges ni institutionnalisation du mouvement n’est encore en vigueur).15
D’abord qualifié de commerçant marginal, le pain Lemaire rencontre un tel succès qu’il se retrouve avec plus de 300 boulangeries sous contrat en 1968.
La croissance de ce type d’entreprise inscrit alors très tôt le bio dans une démarche nutritionniste, l’idée est de rendre accessible une alimentation saine avant tout et c’est cette l’image là de la bio qui persistera dans le temps pour le consommateur.
La Vie Claire - Le bio en France: développement du secteur et acteurs
Mais l’existence de ces précurseurs en la matière montre également que le consommateur est déjà réceptif bien avant que le mouvement ne devienne un question de société globale et laisse présager une augmentation importante de la demande en produit bio dans les décennies à venir.
C’est dans cette vague de croissance que l’on assiste à la démocratisation d’un nouveau type de distributeur au début des années 80 : des entreprises commerciales coopératives, les “coops”.
Ces coopératives naissent de l’effort commun des agriculteurs et consommateurs et l’objectif est de renforcer la proximité de ces derniers en privilégiant des circuits courts et locaux.
C’est dans la continuité de cette démarche qu’est créé le réseau Biocoop, résultat de la fusion de deux regroupements régionaux, Intercoop et Biopaïs16.
Le réseau de coopératives spécialisées propose une démarche plus accès sur l’éthique à travers le principe de commerce équitable et se revendique avant tout comme un acteur engagé et militant.
Ce nouveau genre de réseaux spécialisés permet de mettre en lumière la naissance d’un nouveau type de consommateur : le “consomm’acteur”.
Ce dernier se différencie du consommateur lambda par son émancipation vis à vis des produits de consommations, il se veut autonome et ne se contente pas de ce que lui impose les marchés majoritaires ou la tendance du moment.17
Par son esprit critique il agit directement sur l’offre de producteurs en se tournant vers des options alternatives et devient ainsi un acteur du marché.
Ce nouveau groupe de consommateur vient renforcer la demande d’un bio éthique et responsable, en s’intéressant à ce qu’il consomme le consomm’acteur encourage les producteurs engagés à aller encore plus loin dans leur démarche et le marché se construit peu à peu avec l’effort commun des producteurs et consommateurs.
Avec cette démarche le réseau Biocoop se construit une clientèle fidèle de convaincus qui ne jurent que par le bio au quotidien, mais cette population ne représente alors qu’une faible portion des français et les grands distributeurs s’attaquent sans tarder à un marché encore plus prometteur : celle du consommateur occasionnel peu engagé.
C’est dans cet objectif de conquête des marchés que le géant de la grande distribution Carrefour propose dans ses rayons ses premiers produits bio en 1997 avec sa marque “Carrefour bio”.
Le dirigeant de l’enseigne souhaite proposer une offre bio moins militante mais plus économique 18
Avec cette initiative, le bio sort enfin définitivement du statut de mouvement marginal aux yeux du consommateur lambda.
Une nouvelle ère se lève pour le bio, pour beaucoup il devient plus accessible, plus “raisonné” et dans les faits ce n’est pas forcément faux, les produits bio deviennent effectivement plus faciles à trouver au quotidien, le nombre de référence bio sur le marché explose et leur prix baisse légèrement avec la quantité de production augmenté permettant au consommateur moyen d’y porter plus d’attention dans la vie de tous les jours.
Mais compte tenu du tableau que nous avons dressé concernant la véritable identité du bio, il devient plutôt naturel de se demander : était-ce réellement l’objectif du mouvement ? Car en fin de compte avec cette initiative le bio entre sur le terrain qu’il dénonce précisément : le consumérisme et l’économie productiviste.
Quoi de plus ironique pour un mouvement qui prône le retour à des valeurs simples et saines que de s’installer dans les étales du temple de la consommation de masse.
L’arrivé du bio sur les étalage de la très grande distribution classique marque pour moi le début de son inévitable dégradation en tant que mouvement militant et le réduit au stade de marché à conquérir.
Le mouvement bio face à l’industrialisation  : Comment l’identité du bio est-elle en train de s’effacer au profit de son industrialisation ?
Mémoire professionnel – Master 2 LCAI – Université de La Rochelle
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14 Stratégie: la Vie Claire, enseigne pionnière du bio, grossit pour rester en forme, Claire Bouleau https://www.challenges.fr/entreprise/strategie-la-vie-claire-enseigne-pionniere-du-bio-grossit-pour-rester-e n-forme_611301
15 BIOCONTACT n°242, p36-42, Dossier “le choix du bio” Février 2013
16 Biocoop, plus de 30 ans d’engagement, https://www.biocoop.fr/Biocoop/Histoire-et-valeurs/Historique
17 Consom’acteur, définition marketing https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Consommacteur-consom-acteur-241053.htm
18 Historique Carrefour http://www.carrefour.com/fr/content/historique

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de La Rochelle - Master 2 LCAI - Mémoire professionnel
Auteur·trice·s 🎓:

Zacharie Arpaillanges
Année de soutenance 📅:
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