Le marché du bio aujourd’hui : Vers l’industrialisation

II Le bio aujourd’hui, de la paysannerie à l’industrialisation

2-1 Le bio à grande échelle, début de l’industrialisation

2-1-1 Vers un bio de masse, contexte actuel du secteur

A partir de l’entrée dans le cercle de la grande distribution, le bio a le vent en poupe, les ventes décollent et on entend même parler de mode, le bio devient tendance et cela fait vendre.
L’accès à l’information joue également un rôle important dans le développement du secteur, la démocratisation d’internet principalement permet à beaucoup de prendre conscience du caractère néfaste de l’agriculture moderne, pire encore internet permet la mise en lumière de beaucoup de scandales concernant l’agroalimentaire, vache folle, épidémie de grippe aviaire, scandale de la viande de cheval, lait à la salmonelle…
Les scandales sanitaires sont nombreux et le secteur du bio lui, rassure, avec son cahier des charge et son image naturelle tendance il semble être la solution aux problèmes du secteur agroalimentaire que tout le monde attend.
Aujourd’hui le marché du bio français représente presque 8 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2018 et profite d’une croissance exceptionnelle qui semble totalement insensible à la baisse du pouvoir d’achat globale des français avec une croissance de 10% chaque année 19.
D’après le rapport chiffré de l’Agence Bio, la France se positionne au rang de deuxième marché bio européen avec un total de 53 940 entreprises engagé dans le bio au 31 décembre 2017 alors qu’on en comptait moins de 10 000 en 1997 lorsque que carrefour s’engageait à peine dans le bio de grande distribution.
Parmis ces entreprise engagées on retrouve environs 36 000 producteurs et 17 000 transformateurs/distributeurs qui exploitent 1,77 millions d’hectares de terres en bio en 2017, soit 6,5% de la surface agricole cultivable en France.
Dans le même rapport on apprend également que “85% des français se déclarent intéressé par des produits bio” et 7 français sur 10 déclaraient en consommer régulièrement en 2016 (contre 65% l’année précédente) alors qu’en 2003 d’après la première édition du baromètre Agence Bio / CSA, c’est 43% des français qui déclarent ne jamais consommer de produits bio 20.
Cette évolution importante du comportement des consommateurs s’explique par la part de marché gigantesque qui a été débloqué par la grande distribution à un moment propice où régnait un climat globale de remise en question du système de production moderne, la tendance globale de la société pour un retour au naturel (dans le sens large du terme) que l’on retrouve dans tous les secteurs d’activité depuis les années 2000 a été un facteur majeur pour beaucoup de foyer qui entrent dans l’univers bio avec l’espoir d’une vie plus saine et plus moderne, mais l’attrait pour le bio peut prendre bien d’autres visages, le contexte socio-économique de chaque individu semble influer énormément sur l’attachement ou non aux valeurs du bio.
Le marché du bio contemporain est alors devenu un marché extrêmement diversifié dans lequel on constate plusieurs niveaux de conviction auprès des consommateurs, d’après l’Agence Bio ces derniers se divisent en 7 catégories distinctes représentant chacune de 11 à 19% de la population.21
Du côté des moins consommateurs on trouve ainsi les “jeunes citadins peu attachés” (11%), une population qui se sent peu concernés par les aspects militant du bio et consomme rarement ce genre de produit.
“Les célibataires économes” (15%) sont des personnes pour qui le bio représente un investissement financier trop conséquent pour être maintenu au quotidien, ces personne sont plus sensibles aux offres bio de la grande distribution et ne sont pas non plus touchés par l’aspect militant.
“Les peu confiants” (13%) sont des personnes qui n’ont aucun attrait particulier pour le bio, pourtant conscient des soucis liés à l’agriculture moderne et des valeurs véhiculées par le bio ils ne sont pas convaincu que le bio soit la réponse adéquate et consomment également sans enjeu militant.
A mi-chemin entre petit et gros consommateur on trouve les “convaincus de la première heure” (14%) ils représentent le consommateur bio moyen et n’ont jamais douté des bienfaits de l’agriculture biologique.
Le marché du bio aujourd’hui : Vers l’industrialisation
Chez ces personnes l’aspect militant est présent mais ne représente par leur identité.
Ils défendent le bio par leur achats aux quotidien et sont plutôt sensible à l’offre des réseaux spécialisés ou des petits producteurs locaux.
Des côtés des consommateurs les plus importants on trouve d’abord les “jeunes familles convertis” (14%) qui représentent les jeunes couples et parents nouvellement intéressés par le bio pour lesquels la transitions s’est très souvent faîte par l’univers bébé, par soucis éthique et bien-être.
Les “exigeants connectés” (14%) sont une population pour qui le bio s’inscrit dans la continuité logique d’une qualité de vie relativement élevé, ils sont très connectés à l’information mais ne sont pas spécialement militants pour autant.
Ils possèdent en général les moyens de maintenir un niveau de vie relativement confortable et souhaitent s’offrir ce qui se fait de mieux pour leur consommation au quotidien.
Enfin les “bio-citoyens ambassadeurs” (19%) représentent la plus grosse part de consommateurs bio, ils sont convaincus mais au-delà de ça sont militants, le bio vient pour eux s’insérer dans un mode de vie qui et une démarche globalement éco-responsable.
Pour eux le bio n’est pas une mode mais une nécessité qui émerge d’une prise de conscience plus globale, ils sont beaucoup plus sensibles à l’offre des producteurs locaux et réseaux spécialisés, ils sont également les consommateurs les plus exigeants en ce qui concerne à l’origine des produits, le respect de l’éthique et de l’environnement et sont donc ceux qui se rapprochent le plus des valeurs originales du mouvement bio.
Par ce paysage de consommateurs français on se rend compte que la marché du bio se trouve être plus complexe à aborder qu’il n’y paraît, si les attentes et demandent des consommateurs sont différentes pour un même secteur il alors naturel que les acteurs y répondent en diversifiant l’offre.
Cette variation en terme de consommateurs de produits bio est la raison même qui entretien une telle disparité du côté des producteurs et distributeurs, c’est pourquoi on peut observer aujourd’hui la cohabitation des tout petits producteurs locaux avec vente en direct (fermes), des entreprises militantes engagée pour le bio en tant que mode de vie (Biocoop, Léa Nature, La Vie Claire) et des géant de la distribution (Carrefour, Leclerc, Système U…).
Mais si l’on prend le temps de s’intéresser à qui profite réellement du bio aujourd’hui, on se rend compte que l’on se trouve actuellement très loin du mouvement de contestation envers l’économie productiviste que nous avons décrits dans les années 50.
Avec 1300 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2018 sur le bio, c’est bien le groupe Carrefour qui occupe aujourd’hui la première place sur le marché.
Suivi de près par le seul distributeur engagée et militant sur ce podium : Biocoop avec 1100 millions d’euros de chiffre d’affaire, au coude à coude avec le groupe Casino en 3ème position (environs 1100 millions également).
Viennent ensuite derrière tous les autres grands groupes de la grande distribution française : E. Leclerc, Auchan, Intermarché, Système U…22
A la vue de ces chiffres il devient évident que nous sommes d’ors et déjà entré dans l’ère du bio de masse et cette industrialisation éclair ne vient pas sans conséquences sur la qualité de la production.
En 2018 le dirigeant lui-même du groupe Carrefour annonçait qu’il comptait parier très gros sur l’avenir du bio, il souhaite accompagner la société française dans la transition alimentaire vers le bio, en proposant des produits bio toujours plus accessible et toujours moins cher.
Mais peut-on toujours parler de bio dans ce cas de figure ?
Au milieu de toute cette croissance, les valeurs du bio semblent très fortement fragilisées, il est évident que le mouvement se dirige aujourd’hui dans une démarche d’industrialisation excessive, mené par la soif de profit des géants de la grande distribution et les attentes irréalistes d’une grosse portion des consommateurs.
Le mouvement bio face à l’industrialisation  : Comment l’identité du bio est-elle en train de s’effacer au profit de son industrialisation ?
Mémoire professionnel – Master 2 LCAI – Université de La Rochelle
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19 Les chiffres clés du bio, L’agence bio https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/
20 Repères chiffrés 2017 du bio en France, Agence pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique
21 Baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France Agence BIO/Spirit Insight, Février 2019 https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2019/02/AgenceBio-DossierdePresse-Barometre2019.pdf
22 Infographie : A qui profite le bio en France ? Réalisée par Marina Fabre https://www.novethic.fr/actualite/infographies/isr-rse/infographie-carrefour-biocoop-casino-a-qui-profite-le- bio-en-France -145958.html

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de La Rochelle - Master 2 LCAI - Mémoire professionnel
Auteur·trice·s 🎓:

Zacharie Arpaillanges
Année de soutenance 📅:
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