Les délais de recours dans le contentieux administratif : guide complet

PREMIÈRE PARTIE:LES DÉLAIS D’EXERCICEDES RECOURS D’EXCÈS DE POUVOIR ET DE PLEINE JURIDICTION

Le procédé du contentieux administratif ne peut avoir lieu comme nous l’avons rappelé, sans l’indispensable règle de délai.

Toutefois, en dehors des délais de droit commun, certains recours peuvent être régis par des délais spéciaux d’une autre durée, et d’autres peuvent se soustraire à toute condition de délai.Il en est ainsi des contentieux pré et post électoral, 41 et/ou du déféré préfectoral, 42 qui sont régis par des délais spéciaux ; et des contentieux des travaux publics, 43 des actes matériellement ou juridiquement inexistant, 44 l’ exception d’illégalité des actes d’urbanisme, 45 réglementaire, 46

L’article 43 et 196 al 1 du Code électoral dispose respectivement que « Le rejet d’une candidature ou d’une liste de candidatures est motivé.

La décision de rejet est notifiée aux concernés et peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction compétente dons un délai de quarante-huit (48) heures. La juridiction compétente statue sur les recours dans un délai de cinq jours », et « L’élection du maire et de ses adjoints peut être frappée de nullité. Le délai de recours pour évoquer cette nullité est de quinze (15) jours et commence à courir vingt-quatre (24) heures après l’élection. ».

L’article 278 du Code de l’administration territoriale dispose que « Le préfet défère ou juge administratif, dans un délai de huit (08) jours à compter de la date de l’accusé de réception, les actes des autorités communales devenus exécutoires qu’il estime entachés d’illégalité.Toutefois, le préfet dispose pendant ce délai de recours, du pouvoir de suspendre les actes concernés s’ils lui paraissent apporter un trouble manifeste à l’ordre public.

Le juge saisi, statue sur le recours du préfet contre les actes des autorités communales dons un délai maximum de trente (30) jours à compter de sa saisine, le préfet et les dites autorités entendues. ».

Cette exception est révolue, depuis l’intervention du décret français n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017.CJA, art.R.421-1 (Mod., D.n° 2016-1480, 2 nov.2016, art.10) « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle.

NOTA : Conformément au I de l’article 35 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, ces dispositions sont applicables aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017. »

44 CE, 8 déc. 1982, Cne de Dompierre-sur-Besbre : Rec. CE 1982, p. 707

En principe, l’exception d’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un acte d’urbanisme ne peut normalement plus être soulevée au-delà d’un délai de six mois après la date d’opposabilité aux tiers du document dont l’illégalité est contestée. Mais, cette règle comporte trois exceptions. En effet, tout moyen ou argument tiré de l’absence de rapport de présentation, de documents graphiques ou de la violation des règles de l’enquête publique peut être invoqué à tout moment à l’appui d’une exception d’illégalité.

Le requérant peut exciper de l’illégalité de décisions définitives, c’est-à-dire devenues insusceptibles de recours, à l’appui du recours exercé, dans le délai de deux mois, contre une décision dont elle est l’application.En d’autres termes, le mécanisme de l’exception d’illégalité consiste, à l’occasion d’un procès fait à un acte individuel, à invoquer l’illégalité d’un autre acte administratif, antérieur, sur lequel celui-ci est fondé ou dont il constitue une application.Cette règle ne s’applique pas entre deux actes à caractère réglementaire. Voir CE, 14 avr.1999, Assoc.de défense des propriétaires et exploitants du technopole de Château-Gombert : Rec.CE 1999, p.973 ; BJDU 1999/4, p.308, concl .Salat-Barroux ), pas plus qu’entre un acte réglementaire et une décision sui generis ( CE, sect., 25 févr. 2005, Assoc. Préservons l’avenir

non réglementaire et théorie des opérations complexes, 47 pour lesquels la juridiction administrative peut être saisie sans condition de délai. Jean ROCHE soulignait pour sa part, que le législateur avait voulu renforcer la protection des droits des requérants, raison pour laquelle, en « écartant cette règle il [avait] supprimé tout délai de recours autre que celui relatif à la prescription quadriennale ».

Il ressort des propos de Charles DEBBASCH et de Frédéric COLIN que les délais peuvent également faire objet d’une prorogation en cas de réouverture des délais par le législateur, 48 des délais de distance, 49 d’une demande d’assistance judiciaire, de recours à Ours Mons Taulhac et a. : Rec. CE 2005, p. 83 ; BJDU 1/2005, p. 43, concl . Guyomar , obs. C.D.B. ; RFDA 2005, p. 608, concl . Guyomar et note Hostiou ; JCP A 2005, p. 1211, note Billet ; AJDA 2005, p. 1224, chron . C. Landais et Lénica

L’exception d’illégalité des actes non réglementaires est irrecevable, sauf très rares exceptions parmi lesquelles figure

la théorie des opérations complexes.L’opération complexe peut être définie en ces termes : « il y a opération complexe lorsqu’une décision finale ne peut être prise qu’après intervention d’une ou de plusieurs décisions successives spécialement prévues pour permettre la réalisation de l’opération dont la décision finale sera l’aboutissement » .R.Chapus, Droit du contentieux administratif , Montchrestien, 13e éd.2008, p.692,.La théorie des opérations complexes constitue une exception à la règle de l’interdiction d’exciper l’illégalité des actes non réglementaires, notamment en matière de zones d’aménagement concerté (CE, sect., 23 mars 1979, Valentini : Rec.CE 1979, p.133 ; AJDA 1979, p.53, note Souloumiac.– CE, 10 juill.1996, Assoc.

Comité des Cinq Cantons Barre : Rec.CE 1996, p.1119.– CE, sect., 26 mars 1999, Sté d’aménagement de Port Léman : Rec.CE 1999, p.111), de projet d’intérêt général (CE, 4 juill.1997, Les Verts Île-de-France et a.: Rec.CE 1997, p.287 ; BJDU 1997/4, p.244, concl.Stahl, obs.Touvet.

– TA Lyon, 1er déc. 1999, Conac : BJDU 2/2000, p. 83) et d’expropriation pour cause d’utilité publique (CAA Marseille, 4 avr. 2013, SCI La Lauzière : RD imm. 2013, p. 311, obs. Hostiou. Cette possibilité a été étendue aux décisions de préemption. Ainsi, à l’occasion d’un recours contre une seconde décision de préemption sur « réquisition d’emprise totale », il est possible de contester la justification de la première décision et ses motifs (CE, 10 févr. 2010, Cne de Hyèresles- Palmiers : Rec. CE 2010, p. 1015 ; BJDU 2010/2, p. 204, concl. Drepas et obs. Glaser ; AJDA. 2010, p. 298, note Jégouzo ; RD imm. 2010, p. 341, note Soler-Couteaux ; JCP A 2010, 2156, note Dutrieux

Celui-ci opère de la sorte dans le cas de guerre ou de troubles intérieurs graves. En France par exemple, la loi du 5 août 1914 ou celle du 19 octobre 1940 , a suspendu tous les délais jusqu’au 31 décembre 1946.

49 On applique en matière administrative les dispositions des articles 25 et 115 respectivement des lois n°s 2022-12 du 05 juillet 2022 et 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par celle n° 2020-08 du 23 avril 2020 qui proroge le délai lorsque les personnes destinataire d’un acte, sont à l’ étranger

.Ainsi, « Lorsqu’un acte destiné à une partie domiciliée à l’étranger ou en un lieu où elle bénéficierait d’une prorogation de délai est notifié à sa personne en un lieu où ceux qui y demeurent n’en bénéficieraient point, cette notification n’emporte que les délais accordés à ces derniers ».

devant une juridiction incompétente, 50 et de recours administratif que celui-ci soit qualifié

de préalable ou exercé par le Préfet. 51

Mais quoiqu’il en soit, les procédures devant la juridiction administrative sont encadrées dans un délai, selon qu’il s’agit à proprement parler du recours pour excès de pouvoir (Chapitre I) et/ou du recours de la pleine juridiction ou de plein contentieux (Chapitre II).

CHAPITRE 1 : LES DÉLAIS RELATIFS AU RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR

Le recours pour excès de pouvoir est le recours juridictionnel dirigé contre des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité administrative, soit d’un organisme privé chargé d’une mission de service public, 52 en vue de les faire annuler pour cause d’illégalité. 53 Qualifié par LAFFERRIERE de « procès fait à un acte » , le REP est consacré par les articles 818 et 34 des lois n°s 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par celle n°2020-08 du 23 avril 2020 et 2022-10 du 27 juin 2022 portant respectivement Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes et composition, organisation, fonctionnellement et attribution de la Cour suprême ; et se projette comme la principale branche du contentieux des recours dont le mécanisme de recevabilité, est conditionné à plusieurs règles à caractère d’ordre public.

En effet, en matière de recours pour excès de pouvoir , le législateur entend subordonner la saisine du juge au respect de certaines exigences dont celle de la règle de délai.Celle-ci recèle

50 Dans un but d’indulgence envers les plaideurs mais également de justice, puisque la détermination de la juridiction compétente n’est pas toujours évidente, un recours exercé devant une juridiction incompétente conserve toujours le délai.L’arrêt N°77 de la Chambre administrative de la Cour suprême du 19 avril 2018, TOKPLONOU Pauline Cica et SOGNIDODE Alfred contre (Annexe 7) État béninois est édifiant à cet effet.

51 L’introduction d’un recours administratif préalable proroge le délai mais ceci, qu’une fois.Il en est ainsi qu’il s’agisse d’un recours gracieux (recours devant l’auteur de la mesure) ou d’un recours hiérarchique (recours adressé au supérieur hiérarchique de l’auteur de la mesure. Cette prorogation a pour but d’inciter le justiciable à rechercher un règlement amiable avec l’administration

.De même, dans le domaine de la décentralisation et en vertu des dispositions de l’article 277 du Code de l’administration territoriale, lorsque les actes des autorités communales sont soumis au représentant de l’État dans le département, et même après leur publication ou leur notification aux intéressés, l’autorité de tutelle peut demander dans le délai légal du recours, une seconde lecture de ces actes s’il estime ceux-ci irrégulières.Cette prorogation de délai vaut également pour les cas énumérés à l’article 259 et suivants du Code précité.En effet le mémoire détaillé adressé par un contribuable inscrit au rôle d’une commune à l‘autorité de tutelle lorsqu’il estime avoir subi un préjudice né des agissements de sa commune, a l’intérêt de proroger également le délai de recours .

52 TC, du 22 janvier 1921, n°00706 publié au recueil Lebon, Arrêt bac d’Eloka

53 Dans le contentieux de la légalité il faut distinguer s’agissant de la légalité externe, « le vice de forme et de procédure et l’incompétence », du « détournement du pouvoir et de la violation de la règle de droit » pour ce qui est de la légalité interne.

d’autant plus de valeurs du fait que par la disposition des choses, cette règle participe au respect de certaines prescriptions préalables à la saisine du juge (Section I), et dont le non-respect peut valoir des sanctions (Section II).

Section 1 : Le point de départ du délai et les préalables avant la saisine du juge

La règle de délai est autant plus capitale dans la procédure administrative contentieuse puisqu’elle argue une compréhension permettant aux acteurs procéduraux de circonscrire la durée d’action, et par la même occasion, de déterminer avec précision le dies a quo et le dies ad quem de celle-ci. Il est question ici de mettre en exergue, la règle de la computation du délai ( Paragraphe 1), et les délais impérativement impartis par le jurislateur avant la saisine du juge sur l’acte ennuyeux (Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 : Le point de départ des délais

Le délai de droit commun pour saisir le juge administratif, est de deux mois. Son calcul s’opère de quantième à quantième, quel que soit le nombre de jours que comportent les mois concernés (B) et ne commence à courir qu’à partir de la notification ou la publication de l’acte (A).

A- Le déclenchement du délai de recours

Conformément aux dispositions de l’article 49 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 précitée, « Le délai du recours pour excès de pouvoir est de deux (02) mois. Ce délai court de la date de publication ou de notification de la décision attaquée. ». 54

Pour rappel, la notification en droit administratif, elle est le « fait par l’administration de faire connaître à un administré la décision qui le concerne spécialement ». 55 La publication quant à elle, est « l’accomplissement d’une formalité légale de publicité (affichage, insertion dans le Journal officiel ou la presse, inscription sur un registre public, etc.) destiné à prévenir les tiers, à leur rendre opposable l’acte ainsi publié ». 56 Ainsi, pour

54 En matière fiscale, ce délai est de trois (03) mois et court à compter de la date de notification de l’avis de mis en recouvrement énuméré à l’article 583 al 2 de la loi 2021-15 du 23 décembre 2021 portant Code général des impôts de la République du Bénin, de dix (10) jours ouvrables précédant la date prévue pour le dépôt de la candidature ou de la soumission devant la PRMP ou dans les cinq (05) jours ouvrables à compter de la publication et/ou notification de la décision d’attribution du marché, et de deux (02) jours ouvrables à compter de Ia notification de la décision faisant grief du PRMP devant l’autorité de régulation s’agissant du contentieux relevant des marchés public.

55 CORNU (Gérard), op. cit .

56 Ibidem.

les décisions de portée règlementaire et individuelle, le délai de recours de deux (02) mois mentionné supra, ne commence à courir respectivement qu’à partir de la publication et de la notification complète, régulière et suffisante de l’acte.En application de cette règle, la Cour fonde dans son considérant de principe, la règle selon laquelle « les autorités administratives ne peuvent légalement fixer l’entrée en vigueur de leurs décisions, réglementaires ou non, à une date antérieure à celle, selon les cas, de leur publication ou affichage, ou de leur signature ou notification » ; qu’« avant leur entrée en vigueur, ces actes doivent faire l’objet de notification qui constitue un mode de publicité visant à informer personnellement les personnes intéressées de la mesure en cause ».

Pour le juge, « ce mode de publicité et de communication recèle un intérêt procédural », « en ce qu’il établit le dies a quo c’est à dire le point de départ des délais de procédure ».De ce fait et en l’espèce, lorsque les actes en cause « ont été notifiés aux requérants le 13 octobre 2006 », ceux-ci ne peuvent leur être opposable qu’« à compter de cette dernière date ».Dès lors, « l’autorité administrative fixant la date d’entrée en vigueur desdits [actes]

» au « 14 septembre 2006, soit avant leur notification, voire même avant leur existence juridique », a raisonnablement « violé les dispositions » de la loi. 57

Par ailleurs, cette règle simple a dû recevoir certains aménagements : la règle de la ‘’ connaissance acquise ’’ 58 peut aussi faire courir le délai de recours. En effet, il peut se faire qu’une décision individuelle soit susceptible d’intéresser les tiers 59 (d’autres fonctionnaires en cas de nomination d’un fonctionnaire par exemple); elle ne peut être attaquée par ces derniers qu’à compter de la date à laquelle ils en ont eu connaissance ; le délai ne court donc pour eux qu’à compter de celle-ci. Inversement, lorsqu’il s’agit d’actes individuels qui touchent un grand nombre de personnes (actes collectifs), la jurisprudence a admis que la publication constituait une publicité suffisante.

57 N° 07/CA du 19 janvier 2018 ALOAKINNOU G. HONORE – BIAO NICOLAS C/ ETAT BENINOIS REPRESENTE PAR L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR (Annexe 8)

58 La théorie de la connaissance acquise est consacrée par l’arrêt du Conseil d’État du 11 avril 2008.

59 « Il est admis de jurisprudence constante que les fonctionnaires appartenant à une administration publique ont qualité pour déférer au juge administratif les nominations jugées par eux illégales, faites dans cette administration, lorsque ces nominations sont de nature à leur porter préjudice en retardant irrégulièrement leur avancement ou en leur donnant d’ores et déjà pour cet avancement, des concurrents ne satisfaisant pas aux règles ou conditions exigées par les lois et règlements ; Qu’il est plus généralement admis devant le juge administratif que même en l’absence de tout préjudice personnel, le recours est recevable contre les mesures concernant le statut et les intérêts de carrière des agents qui, au nom de la sécurité juridique du corps auquel ils appartiennent, ont le plus grand intérêt à ce que les règles qui les gouvernent, soient respectées de tous »

.N° 227/CA du 23 mai 2019 DAGA Salihou – HOUNSINOU Pascal Martial C/ Président de la République et un (01) autre.

Toutefois, en vertu de l’article 48 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022, les vices de forme et de fond n’entrainent nullité ou irrecevabilité du recours, selon l’appréciation souveraine de la juridiction saisie.C’est le cas par exemple lorsque dans une affaire, il est fait mention d’une « absence de notification d’acte administratif individuel ».En de pareils cas, le juge estime que « seul l’accomplissement par le requérant d’un acte conférant une connaissance certaine de l’existence dudit acte, fait courir le délai du recours.

».En l’espèce, litigieux sur la propriété d’un immeuble, l’administration au détriment de la requérante délivre en lieu et place, une attestation de recasement au nom d’une tierce personne.La requérante n’étant pas alors le destinataire de l’acte administratif individuel à délivrer, elle s’est vue en conséquence refuser la notification.C’est ainsi que devant le juge et d’après « l’examen des éléments et pièces du dossier », il a été démontré que

« l’acte accompli par la requérante susceptible de fixer indubitablement et de façon certaine, la date à laquelle elle a eu connaissance des actes querellés, est le recours gracieux qu’elle a adressé, le « 18 mai 2012 » à l’auteur de l’acte. Dès lors, Le juge pose la condition sine qua non selon laquelle « les délais de recours » ne peuvent commencer

« à courir contre elle, à partir de cette date c’est-à-dire le 18 mai 2012 » et in fine, déclare

« le recours » de la requérante « intervenu dans les forme et délai légaux », « recevable

».60

À notre sens, cette position du juge mérite d’être critiquée en trois points.D’abord, c’est à notre avis pourvu de sens que la requérante ne s’est pas au premier chef vu notifiée l’acte attaqué puisqu’elle n’en est pas du moins le destinataire direct ou légitime, donc en aucun cas ne pourrait recevoir notification ou encore moins ampliation dudit acte.Ensuite, il est sans secret de polichinelle que les litiges résultant d’un droit de propriété sont inéluctablement connus du juge judiciaire.

Il apparaîtrait alors maladroit pour un juge relevant d’un ordre administratif de se prononcer de quelque manière que ce soit sur un acte qui quoiqu’administratif, puiserait son essence-même d’un droit réel immobilier dont la contestation fait déjà l’objet d’un litige devant le juge judiciaire.Le fait ainsi, serait pour notre part, s’ingérer dans une compétence qui relèverait en principe du droit privé et par ricochet, celle du juge judiciaire de la propriété.Enfin, comme conséquence directe de cette décision, il serait désormais admis que n’importe quel quidam (surtout ceux de mauvaise foi) sans la moindre qualité à agir (Cf.infra) brandisse devant le juge administratif pour annulation un quelconque acte individuel conférant des droits aux tiers,

60 N° 78/CA du 26 novembre 2014 DAKPOGAN SUZANNE EPOUSE AGOSSOU C/ MAIRE DE LA COMMUNE D’ADJARRA). (Annexe 9)

bien qu’il n’en soit du moins pas le titulaire.Au surplus , il ressort de la lecture de l’article 3 de la loi n° 2022-12 que la matière foncière est très sensible auquel cas, le juge qu’il soit judiciaire ou administratif, a le devoir d’y consacrer plus qu’une attention particulière.

Le juge aurait alors mieux fait, s’il avait dans le cas échéant, prononcé un sursis à statuer par lequel sera posée une question préjudicielle concernant un droit de propriété, substantiellement liée au bien-fondé du recours qui lui est soumis.Il devrait en être ainsi puisqu’en aval à la décision du juge administratif, le juge judicaire pourrait lui dans sa sentence, se retrouver à l’antipode du premier, ‘’ déboutant ’’ ainsi la requérante préalablement constituée en instance administrative de sa prétendue propriété, et par la même occasion, ‘’ confirmant ‘’ celle du défendeur en intervention à l’autorité administrative en cause. 61 Dans l’apparence, et au cas où cette hypothèse s’avérait vérifiée, l’Assemblée plénière de l’auguste Juridiction en serait sans doute ébranlée.Notre critique n’a pas vocation à être acrimonieuse loin de là, elle vise seulement l’éthique des décisions rendues par l’auguste Cour. 62

Le déclenchement du délai ayant été clairement exposé, il y a lieu d’effriter son

calcul.

B- La computation du délai

Il ressort de la lecture combinée des articles 109, 110, et 111, et 19, 20, et 21, des lois n°s 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par celle n° 2020-08 du 23 avril 2020, 63 et 2022-12 du 05 juillet 2022 que, lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.Mais lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

De même, quand un délai est exprimé en mois, celui-ci expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai.À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.Lorsqu’il est exprimé en mois et en jours, les mois sont

61 Voir l’arrêt n° 40 du 15 juin 1963 de la Chambre judiciaire, sieur Marcos Djogbénou Désiré contre Cour d’appel de Cotonou, consulté sur l’url https://juricaf.org le 10 septembre 2022 à 09h10.

62 En France, lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétence. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. Article R771-2 du CJA

63 Op. cit .

d’abord décomptés, puis les jours. Il importe de signaler que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre (24) heures. Le délai qui expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvré suivant.

Il en ressort que, le délai en cause est un délai franc (cf. supra). 64 Ainsi, dans ce délai, en droit administratif béninois, le dies a quo et le dies ad quem ne sont pas comptés. 65 Cela signifie que, pour son calcul, ni le premier jour (dies a quo) ni le dernier jour (dies ad quem) du délai ne sont pris en compte.

Par exemple, si l’acte administratif est notifié le 20 février 2003, le délai commence à courir le 21 février à 0 heure ; il expire le 20 avril à 24 heures mais, comme le dies ad quem ne comptant pas, le recours est encore recevable le 21 avril 2003 (en principe jusqu’à minuit, en fait jusqu’à l’heure de fermeture de l’Administration). Si ce 21 avril est un dimanche ou un jour férié ou chômé, le recours serait recevable jusqu’à la fin du premier jour ouvrable suivant.

Par ailleurs, cette computation trouve également à s’appliquer, lorsqu’il est particulièrement question du délai des recours administratif et contentieux imparti par le constituant dérivé lui-même.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Réflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin
Université 🏫: Université d’Abomey-Calavi - Ecole nationale d’administration (ENA) - Spécialité : Administration Générale et Territoriale
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de formation du cycle ii pour l’obtention du diplôme d’administrateur civil - 2020-2022
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