Réflexions sur l’efficacité des délais en contentieux administratif au Bénin

Université d’Abomey-Calavi

Ecole nationale d’administration (ENA)

Mémoire de fin de formation du cycle ii pour l’obtention du diplôme d’administrateur civil
Mention : Administration Générale
Spécialité : Administration Générale et Territoriale
Réflexion sur la gestion des délais en justice administrative au BéninRéflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin

Réalisé et soutenu par :
Mahugnon Joubel Hervé AVOCEFOHOUN

Sous la direction de :
Directeur du mémoire :
M. Césaire KPENONHOUNAgrégé des Facultés de droit
Enseignant-Chercheur de droit public
Conseiller à la Chambre administrative de la Cour suprême

Octobre 2022

Tuteur de stage
M. Florent GNANSOMON
Président du Tribunal de Première Instance de Deuxième Classe d’Abomey-Calavi

IDENTIFICATION DU JURY
Président :M. Simon DAKO
Vice-président :M. Lambert K. AYITCHEHOU
Membre :M. Codjo Ali KOUGBE

Promotion :
2020-2022

AVERTISSEMENT

L’ÉCOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION N’ENTEND DONNER NI APPROBATION, NI IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS CE MÉMOIRE.

CES OPINIONS DOIVENT ÊTRE CONSIDERÉES COMME PROPRES À LEUR AUTEUR.

DÉDICACE

À Colette ma défunte mère, À Blaise mon père,

À mes Sœur et Frère, À Rose mon épouse,

À Nehira et Ratsone mes enfants, À Tous mes parents,

À la vie et aux belles âmes qu’elle met sur mon chemin.

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire n’aurait pas été possible sans l’appui de plusieurs personnes que nous tenons à remercier ici.

Nous remercions d’abord notre Maître de mémoire, le Professeur Césaire KPENONHOUN, avec qui nous avons eu la chance de travailler tout au long de ce projet de recherche et qui nous a permis de bénéficier de son expérience et de ses précieux conseils. Nous ne saurons assez lui dire merci pour le support, l’accompagnement, les conseils et encouragements qu’il nous a apportés ainsi que pour le temps personnel qu’il a investi le long de la réalisation de ce travail. Qu’il reçoive ici nos plus sincères remerciements.

Nous remercions également M. Florent GNANSOMON, pour le patient concours qu’il nous a apporté pendant la réalisation de ce travail ainsi que pour sa disponibilité pendant notre stage au Tribunal de Première Instance de Deuxième Classe d’Abomey- Calavi.

Notre reconnaissance est acquise à nos enseignants de l’École nationale d’Administration. Elle est également acquise à notre mentor M. Gabriel- Taurin A. A. AFFOGNON.

Nous remercions notre Ami Codjo Grégoire GBÊHO pour son encouragement, son appui et pour la complicité qui nous lie. Nous lui disons également merci pour l’écoute, les encouragements et la compréhension pendant nos moments de stress dûs aux nombreuses heures de travail.

Nous remercions enfin nos amis, ceux de l’ÉNA, du Tribunal d’Abomey-Calavi, et de la Cour suprême du Bénin en particulier la Conseillère Isabelle SAGBOHAN, de nous avoir poussé en nous encourageant sans cesse.

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

A. J.:Actualité Juridique
AJDA:Actualité Juridique du Droit Administratif
CA/CS:Chambre Administrative de la Cour Suprême
CAA:Cour (s) Administrative(s) d’Appel
C.E.:Conseil d’État
Cf.:Confer
Concl.:Conclusions du rapporteur public
CPCCSAC:Code de Procédure Civile, Commerciale, Sociale, Administrative et

des Comptes.

CS:Cour Suprême
ÉNA:École nationale d’Administration
C-R:Conseiller-Rapporteur
RAPO:Recours Administratif Préalable Obligatoire
RD publ:Revue de Droit public
REP:Recours pour Excès de Pouvoir
RFD const.:Revue Française de Droit constitutionnel
CADHP:Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
C. E. D. H:Cour Européenne des Droits de l’Homme
HAAC:Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
CJA:Code de Justice Administrative française
T.A:Tribunal Administratif
TPIDC:Tribunal de Première Instance de Deuxième Classe
CEPEJ

Al CES

AHJUCAF

:

:

:

:

Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice Aliéna

Conseil Économique et Social

Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage l’usage du Français

SOMMAIRE

Introduction Générale

Premiere partie: Les délais d’exercice des recours d’exces de pouvoir et de pleine juridiction

Chapitre 1 : Les délais relatifs au recours pour excès de pouvoir

Section 1 : Le point de départ du délai et les préalables avant la saisine du juge

Paragraphe 1 : Le point de départ des délais

Paragraphe 2 : Les délais de recours administratif et contentieux

Section 2 : Les conséquences tirées du non-rrespect des délais

Paragraphe 1 : Les effets attachés à l’expiration du délai

Paragraphe 2 : Les effets attachés au non-épuisement des voie et délai de recours

Chapitre 2 : Les délais relatifs au plein contentieux

Section 1 : Les délais et les préalables avant la saisine du juge

Paragraphe 1 : La computation du délai de recours

Paragraphe 2 : Les préalables avant la saisine du juge

Section 2 : Les sanctions découlant du non-respect de la règle du délai

Paragraphe 1 : Les conséquences attachées à l’expiration du délai

Paragraphe 2 : Les conséquences attachées à l’inépuisement des voies de recours

Seconde partie : Les délais communs aux deux types de recours

Chapitre 1 : Les délais liés aux mesures d’instruction

Section 1 : Le déroulement de l’instruction et la ‘’ mise en etat ’’ du dossier

Paragraphe 1 : La durée de l’instruction sous le signe du contradictoire

Paragraphe 2 : Le délai et la mise en état du dossier

Section 2 : Les conséquences liées au non-respect du délai d’instruction

Paragraphe 1 : Les conséquences sur les parties au procès

Paragraphe 2 : Les conséquences sur le conseiller-rapporteur

Chapitre 2 : Les autres applications du délai : délai de jugement, de notification et d’exécution des arrêts

Section 1 : Le délai de jugement

Paragraphe 1 : Le délai éprouvé dans la pratique

Paragraphe 2 : Les réformes souhaitables pour une durée maitrisée

Section 2 : Les délais de notification et d’exécution des décisions de justice

Paragraphe 1 : Le délai relatif à la notification des décisions de justice

Paragraphe 2 : Le délai lié à l’éxecution des décisions de justice

Conclusion Générale

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Du célèbre arrêt Rothschild1 à l’arrêt Blanco,2 « Le droit administratif apparait tout à la fois comme le droit de l’action administrative et le droit de protection des administrés contre l’arbitraire administratif ».3 Du point de vue de « l’arbitraire », « trouver l’équilibre entre la protection des droits fondamentaux et des intérêts publics souvent légitimes »,4 devient « la pierre d’assisse »5 de la justice administrative.

En effet, le service public de la justice administrative, comme celui de la justice en général, vise un double objectif. D’une part, il vise la satisfaction d’un besoin des usagers les justiciables en l’occurrence- en leur permettant de trancher un litige de nature administrative et donc en leur fournissant ce service un peu particulier qu’est la « procédure contentieuse ».

D’autre part, le service public de la justice administrative poursuit un « but à la fois plus subtil et crucial dans une démocratie ».6 Instances de production du droit comme tout ordre juridictionnel, les juridictions administratives concourent à l’édification de l’État de droit à travers le Contentieux des recours. Cependant, pour que les contentieux relevant de cet ordre juridictionnel soient les plus possibles satisfaisant et efficace, le législateur entend les soumettre au ‘’ temps ’’. Le temps est alors ce qui permet d’encadrer tant l’action administrative que l’activité administrative juridictionnelle elle-même dans une durée délimitée. Dans ce dernier cas, on parle alors de ‘’ délai ‘’.

En effet, particulièrement en droit du contentieux administratif, cette règle d’ordre public7 fait la part belle des juristes,8 en particulier les administrativistes.9

1 CE, 6 décembre 1855, Rothschild c. Lacher et Administration des postes (Annexe 3). Contrairement à la norme communément admise, l’arrêt Rothschild est celui initiateur de règles exorbitantes du droit commun applicables à l’ensemble de l’action administrative.

2 TC, 8 février 1873, Blanco, 00012

3 FOULQUIER-EXPERT (Caroline), « Le point sur… la qualité de la justice administrative : l’expérience du Royaume-Uni », in revue française d’administration publique, vol. 159, 3, 2016, p-p. 835-848, précisément p. 846

4 FÉLIX (Thibault), auditeur à la 1re chambre de la section du contentieux « Être des moteurs du dynamisme de l’institution », in bilan d’activité du Conseil d’État, 2019, p. 78

5 DISAINT (Mathieu), « Justice constitutionnelle et évolution jurisprudentielle » in Actes de colloque « La Cour constitutionnelle béninoise entre rupture et légalité », Revue Constitution et Consolidation, 2019, pp.31-50, précisément p.49

6 DU MARAIS (Bertrand), GRAS (Antonin), « La cyberjustice, enjeu majeur pour la qualité de la justice administrative », in Revue française d’administration publique, vol. 159, n° 3, 2016, p-p 789-806, précisément p. 790

7 Cela signifie que pendant une instance, l’irrecevabilité d’un recours contentieux tirée de la règle du délai, peut être soulevée soit par les parties en instance ou le juge lui-même à toutes les étapes de la procédure juridictionnelle.

8 DISAINT (Mathieu), op. cit. p. 33. Il relevait à cet effet « que les rapports entre le droit et le temps ont toujours intrigué les juristes ».

Mais, il l’est plus encore pour le juge administratif oscillé par le temps pour prononcer une sentence. Ceci rend bien compte de la nature des délais et par ricochet, de leur gestion dans les litiges d’ordre administratif. En tout cas, c’est ce qui justifie le choix du sujet « Réflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin ».

Néanmoins, une première difficulté se fait jour : comment définir le ‘’ délai ’’ ?

Ce que nous désignons ici par le substantif « délai » serait défini comme un « espace de temps à l’écoulement duquel s’attache un effet de droit ». Plus spécialement, il s’agit d’un « laps de temps fixé par la loi, le juge ou la convention soit pour interdire, soit pour imposer d’agir avant l’expiration de ce temps ».10 On parle alors de délais de réflexion, de procédure, de rétractation ou de délibération, etc. Mais dans le cas d’espèce, il est spécifiquement question de délais de procédure.11 En Droit et particulièrement en droit administratif, il existe deux (02) types de délais de procédure : les délais d’action12 et les délais d’attente.13 Les délais participent également au respect des principes14 de la « bonne administration de la justice »15 et de « sécurité juridique ».16 Ceci recouvre plus de sens pour le Professeur Serges Frédéric MBOUMEGNE DZESSEU, lorsqu’il pense que « la sécurité juridique, en matière contentieuse ou non, impose une certaine clarté, une précision des délais raisonnables afin de parer à l’instabilité des situations juridiques ».17

9 Ce terme désigne plus largement un spécialiste du droit administratif et par ricochet de l’Administration. L’École nationale d’Administration du Bénin forme par excellence des administrativistes.

10 CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, 12è éd, PUF, 2018, p. 688

11 Les délais de procédure se définissent donc, comme « le temps conféré aux parties à l’instance pour l’accomplissement des actes et des formalités de la procédure. Ils participent à l’encadrement temporel du procès, dans le but d’éviter l’engorgement des juridictions, d’assurer le respect des droits de la défense ainsi que la sécurisation des jugements ». Fiches d’orientation Délai (Procédure civile), Septembre 2021, consultée sur https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F000390, (https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F000390)le 06 août 2022 à 14h14)

12 Les délais d’action sont les délais qui imposent aux parties une attitude positive dans la marche de l’instance. Ce sont ceux qui permettent une progression de la procédure en déterminant le temps dans lequel les parties doivent agir. Ce type de délai permet ainsi de conférer un certain rythme à l’instance et entraîne une sanction lorsqu’il n’est pas respecté. Ainsi, par exemple, un justiciable qui estime un acte individuel illégal doit à peine de forclusion, saisir dans un délai de (02) mois à compter de la notification de l’acte à lui faite, l’auteur de l’acte ou son supérieur hiérarchique soit d’un recours gracieux ou d’un hiérarchique.

13 Les délais d’attente sont des délais qui ont une finalité protectrice. Ils n’imposent pas d’agir mais confèrent au contraire un temps dans lequel il est possible de préparer une future action. Par exemple, le délai de comparution est un délai d’attente : devant le tribunal judiciaire. De même, en droit du contentieux administratif, les parties en instance doivent été avisées quinze jours (15) avant la date de l’audience.

14 Voir à cet effet, arrêt N° 19/CA du19 mars 2014 ZANKARO Issifou C/ Maire de la commune de Parakou

15 En effet, une bonne administration de la justice commande que les délais prescrits par les textes soient scrupuleusement respectés par les différentes parties à une instance, spécialement lorsqu’ils concernent un aspect procédural. Elle a selon Olivier Gabarda, une utilité « fonctionnelle » dans le sens où elle est souvent évoqué afin de garantir une justice rapide, un jugement de qualité tout en ayant comme particularité de renforcer le rôle de créateur de droit du juge puisque, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ce dernier peut sortir un peu de sa stricte

 La règle du délai permet donc de réduire les risques d’insécurité juridique en limitant dans la durée, le droit de saisir le juge, conférant par là même, une stabilité à l’action administrative dès l’expiration du délai18 concerné. Les délais à l’horizon, peuvent revêtir un caractère franc ou non franc. Dans ce dernier cas, cette règle recouvre tout son sens lorsqu’il s’agit particulièrement d’un recours contentieux19 en contentieux administratif. Pour faire une pause sur la raison même d’une procédure contentieuse, le contentieux administratif désigne un litige qui nait des rapports, d’une part, entre l’État et ses ‘’ administrateurs ’’20 assumant les missions ou activités d’intérêts généraux qui lui incombent, et, d’autre part, entre ces mêmes ‘’ administrateurs ’’ et leurs ‘’ administrés ’’ ; qui en principe21 est connu d’une juridiction exorbitante de droit commun appelée la justice administrative. En empruntant la célèbre classification de LAFFERRIERE, nous distinguons quatre (04) groupes de contentieux administratif.22 Il s’agit plus particulièrement du contentieux de l’annulation,23 du contentieux de pleine juridiction ou plein contentieux,24 du contentieux de l’interprétation25 et du contentieux de la répression.26 La juridicité de ces matières est confiée au Bénin, à une entité non distincte de l’ordre judiciaire appelée ’’ Chambre administrative ’’.27

 

16 Elle implique du moins « que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles. ». Conseil d’État, « Sécurité juridique et complexité du droit », in Rapport public annuel 2006, p-p 225- 338 précisément p. 281

17 MBOUMEGNE DZESSEU (Serges-Frédéric), « Le temps du procès et la sécurité juridique des requérants dans la procédure devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in Annuaire africain des droits de l’homme (AADH) (Volume 3) ed. Pretoria University Law Press (PULP), 2019, p-p 88-92 précisément p. 72

18 Voir l’arrêt ‘’ Czabaj ’’ CE, Ass. 13 juill. 2016, 387763 : Lebon, p. 340 ; JCP A 2017, 2053

19 Le recours contentieux est le recours intenté par un requérant devant le juge de la légalité ou de plein contentieux contre une décision implicite ou explicite de rejet venant de l’Administration.

20 Entendu par-là les personnes investies d’une activité ou mission d’intérêt général.

21 Il est préféré l’utilisation ‘’ en principe ’’, d’autant plus que les litiges résultant du droit privé entre l’État et ses employés, sont connus du juge judiciaire.

22 .Edouard LAFFERRIERE qui fut en effet président de la section du contentieux du Conseil d’État en 1880, puis vice- président du Conseil d’État en 1886, est le fondateur de l’exposé scientifique global du droit administratif moderne.

23 Les historiens du droit repèrent l’origine du recours pour excès de pouvoir dans la loi des 7-14 octobre 1790 qui, dans son article 5, attribue au roi en sa qualité de chef de l’administration générale la connaissance des » réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs «.

Aux termes des dispositions de l’article 131 de la Constitution béninoise: « La Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière administrative…». Relève de cette « matière », les recours en annulation pour excès de pouvoir des décisions des autorités administratives, les recours en interprétation des actes des mêmes autorités sur renvoi des autorités judiciaires, les litiges de plein contentieux mettant en cause une personne morale de droit public sauf les exceptions prévues par la loi, les réclamations des particuliers pour les dommages causés par le fait personnel des entrepreneurs concessionnaires et régisseurs de l’administration et le contentieux fiscal.28

En pratique, la « Haute juridiction », n’est saisie que des contentieux en premier ressort contre des actes pris par le Président de la République ou des décisions prises en Conseil des Ministres portant grief, et en dernier ressort contre les décisions rendues par les Chambres administratives des Cours d’appel et les Organismes à caractère juridictionnel.29

Il n’est souvent admis au vu des prescriptions législatives en la matière, que « Les requêtes introductives d’instance irrégulières » pour « vice de forme ou de fond » « n’entraînent nullité ou irrecevabilité », selon « l’appréciation » de la Chambre administrative.30 Cette disposition est à notre sens critiquable pour deux raisons.

24 Le contentieux de pleine juridiction comprend deux sous branche : le recours objectif et le recours subjectif.

25 Comme son nom l’indique, ce contentieux a un double objet. Il s’agit pour le juge administratif qui en est saisi d’interpréter un acte administratif, c’est-à-dire d’en préciser le sens et la portée, ou d’en apprécier la légalité. Ce recours est aujourd’hui, en contentieux administratif Béninois, l’un des plus rares qui soient, ce qui est un signe de qualité rédactionnelle. CE Sect. 28 janvier 1966, Société La Purfina française

26 Le contentieux de la répression est essentiellement constitué par la matière des contraventions de grande Voirie. Dans ce contentieux, le juge administratif est compétent pour sanctionner certaines infractions qui constituent des atteintes au domaine public : les contraventions de grande voirie.

27 Les juridictions de fond et la Cour suprême comprennent chacune en leur sein, une Chambre administrative en vertu des articles 49 et 61 de la loi 2001-37 du 27 août 2002 modifiée et complétée par la loi 2018-13 du 02 juillet 2018 et 3 de la loi n° 2022-10 du 27 juin 2022 portant respectivement organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, et composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême.

28 Article 53 de la loi 2001-37 du 27 août 2002 modifiée et complétée par la loi n° 2018-13 du 02 juillet 2018, op. cit.

29 Il est prévu par les dispositions de l’article 34 de la loi n° 2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême. Pour le dernier cas, il s’agit des décisions de l’Ordre des Avocats du Bénin, de Autorité de Régulation des Marchés Public ou encore celle de Ordre National des Pharmaciens du Bénin etc

D’abord, elle augure que même les requêtes manifestement irrecevables ; c’est-à-dire, celles introduites aux mépris des règles de formes (comme celles tenant à la nature de l’acte et au délai),31 peuvent être déclarées irrecevables comme recevables tout simplement selon le ‘’ bon vouloir ’’ de ladite Chambre. Ensuite, elle met en balance le principe de l’égalité de tous devant la loi puisqu’il appartient dorénavant à la Haute juridiction d’apprécier (non pas en fonction des textes auxquels elle-même est soumise, mais plutôt) souverainement la recevabilité des recours qu’elle serait appelée à connaitre. Laisser la Chambre décider ainsi du ‘’ sort ’’ des citoyens lorsqu’il s’agit plus généralement du contentieux de la légalité dénote à notre avis, d’un laxisme législatif qui se trouve à l’antipode même des principes constitutionnels érigés, en ce que tous les humains « sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale », sont « égaux en droit »32 et de ce fait, bénéficient « des mêmes garanties devant les juridictions ».33 Nous le voyons ainsi puisque l’intentionnalité qui doit justifier l’action de la Chambre, pourrait être influencée par leur propre idéologie et idée préconçue qui engendrerait (à coup sûr) des

« risques supplémentaires de déformation et d’erreur ».34

En effet, à la lecture des jurisprudences de la Cour, il nous est clairement révélé que nombre de recours à elle adressée par les justiciables, n’ont pu affranchir l’étape de la recevabilité. En s’y intéressant de plus près, il ressort que la principale cause qui y fait échec, est l’irrespect des règles de forme, en l’occurrence celle du délai. Elle est à la fois non comprise d’un bon nombre de justiciables mais aussi appliquée parfois avec mansuétude par les formations juridictionnelles requises. Nous le disons du moment où, pour des recours pourtant identiques dans leurs formes, d’aucuns sont jugés recevables et d’autres sont jugés irrecevables. Face à cette morose situation, il nous est apparu plus qu’indispensable lorsqu’il nous y est permis, de nous appesantir à la lumière des textes et des pratiques étrangères admises, sur la gestion qui est faite de l’insoluble règle du délai par les formations juridictionnelles de la Chambre administrative de la Cour suprême.

30 Article 49 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022, op. cit.

31 MAILLOT (Jean-Marc), Leçon 1 : « Les branches du contentieux administratif » in Contentieux administratif, Université Numérique Juridique Francophone, p. 5

32 Ce principe sacro-saint est consacré à l’article 26 de la loi 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Constitution du Bénin.

Article 9 al 2 de la loi n° 2001-37 du 27 août 2002 modifiée et complétée par la loi n° 2018-13 du 02 juillet 2018, op.

cit.

MONTEIRO (Célestin), Cours de Science administrative, Éna-Bénin, 2022, p-p. 42-60, précisément p.42.

Deux raisons ont cependant motivé notre choix. Premièrement, du fait de sa prépondérance en matière administrative contentieuse, la Chambre administrative de la Cour suprême a pendant longtemps été en premier et dernier ressorts, seule juge des recours contentieux. Ce n’est véritablement qu’à partir de 2017, que les Chambres administratives de certaines juridictions de fond, ont progressivement pris corps.35

Deuxièmement, au vu du but poursuivi, il nous est donc apparu judicieux de porter notre réflexion, en fonction de la matière disponible sur le sujet, sur les arrêts rendus de 2011- 2019 en matière administrative par la plus Haute juridiction et publiés dans le Recueil des arrêts de la Chambre administrative. Il a été procédé ainsi parce que ce n’est qu’à partir de cette dernière année (2019) que toute l’activité humaine s’est trouvée accessoirement hibernée en réponse à la pandémie de Covid-19.

Par ailleurs, cette conception globale de gestion des délais dans la justice administrative apparait néanmoins intéressante36 et mérite d’être présentée ; d’une part, parce que la doctrine française continue de la mettre en perspective et, d’autre part, parce qu’elle peut offrir une occasion pour l’observateur béninois, d’y trouver un point de comparaison intéressant avec ses propres institutions.37 De plus, la présente étude nous permettra d’analyser sans doute l’une des probables causes de la lenteur de la juridiction administrative béninoise enfin d’y proposer des remèdes, car, cette pathologie de l’administration juridictionnelle pourrait rendre vain l’espoir mis dans le droit à un recours effectif, et pourrait dans une moindre mesure être préjudiciable aux justiciables tout comme à l’État, puisqu’il est constant que celui-ci soit naturellement condamné au paiement des dommages-intérêts par le juge du fait par exemple des délais de jugement anormalement long ou déraisonnable, attisé par un service public de justice défectueux ou dysfonctionnel.

Il en est ainsi puisque la matière administrative contentieuse demeure encore latente pour nombre de béninois. Face à ce constat amère, le Gouvernement a inscrit dans son PAG 2021-2026, « pilier 1 » : Renforcer la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance », « Axe stratégique 2: Consolidation de la bonne gouvernance », secteur de la « Justice », le « projet 1 » visant à « l’opérationnalisation des Chambres Administratives au niveau des juridictions de fond ».

36 En effet, la présente étude, qui doit analyser la situation « des délais dans le contentieux administrative au Bénin » à l’aune des jurisprudences de la Chambre administrative, vise à rendre compte le plus convenablement possible de la portée des délais dans le contentieux administratif s’agissant respectivement des recours pour excès de pouvoir et de la pleine juridiction d’une part, et de l’application qui en est faite par le juge lorsqu’il est saisi d’un recours dans ce sens, en ce qui concerne particulièrement les délais présidant la recevabilité de la requête ou des délais que le juge fixe au cours de l’instruction ou à l’issue de ses décisions d’autre part.

37 Au Bénin, même si les arrêts de la Chambre administrative de la Haute Cour sont d’excellents facture en ce qu’ils sont rédigés d’une manière claire et compréhensible, certains peuvent paraître aux yeux de certains commentateurs, caractérisés par leur brièveté et leur laconisme. Ce constat découle des travaux du VIIEME congres de l’AHJUCAF tenu à Cotonou, le 30 juin 2022.

Elle est tout aussi essentielle en ce sens qu’elle commandera les démarches actuelles des réformateurs de la procédure. Pierre HEBRAUD38 avait écrit dès 1935 à ce sujet que « Toute réforme de la procédure consiste, aujourd’hui, à accélérer la marche du procès ».

Toutefois, à la lecture des dispositions relatives aux délais en matière de procédure administrative contentieuse au Bénin, une question principale mérite d’être posée : quelles sont les matières principalement régies par l’effervescente règle du délai ?

Dans le contexte de la présente étude, cette interrogation en appelle deux autres, plutôt causales, à savoir : en dehors des cas limitativement prévus par les lois, quels sont les délais d’instruction et de jugement d’une affaire, et ceux de notification et d’exécution d’une décision de justice ? Quels en seraient du fait de leurs inobservances, les impacts tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’instance ?

Il convient de préciser la démarche adoptée pour répondre à ces interrogations. En effet, la méthodologie euristique adoptée vise en tout état de cause, à permettre un recensement optimal des informations.

Dès lors, les entretiens et envoi de questionnaires aux multiples acteurs judiciaire39 furent donc privilégiés comme propédeutique, tout comme la revue de la littérature pertinente, y compris étrangère fut également retenue. À ce titre, certaines pratiques de droit comparé à l’instar de celles du Conseil d’État français, peuvent s’avérer précieuses d’enseignements pour mieux apprécier les originalités des positions du juge administratif béninois. À cet effet, il convient de préciser, que l’approche comparative dans le cas d’espèce n’a « d’ambition d’exhaustivité, ni par rapport au point de comparaison, ni au référentiel possible. Elle vise tout simplement à établir qu’il existe une pluralité » de pratiques législative et jurisprudentielle sur la question, « sans la prétention d’en présenter telle ou telle étant meilleure aux autres ».40

38 HEBRAUD (Pierre), « La réforme de la procédure, LGDJ », 1936, spéc. n° 2, p. 3. Citée par AMRANI-MEKKI (Soraya), « LE PRINCIPE DE CÉLÉRITÉ » in Revue française d’administration publique, vol. 125, n°1, 2008, pp. 43-53 précisément p. 44

39 Sur ce plan, il faut préciser que le nombre de réponses fut relativement faible. Néanmoins des enseignements ont pu être retenus ; des attentes de la part de chacun des acteurs ont pu notamment être identifiées, comme cela sera précisé par la suite. Ce faible nombre de réponses n’est pas aisé à expliquer, les lourdes charges de travail de chacun de ces acteurs constituent certainement l’un des arguments les plus sérieux.

A priori, le sujet conduit à traiter de l’interprétation des dispositions des lois n°s 2022-12 du 05 juillet 2022 et 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par celle n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant respectivement règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême et Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, qui garantissent la règle du délai mais surtout les sanctions que peuvent créditer leur inobservance.

Toutefois, la jurisprudence de la Chambre administrative de la Cour suprême du Bénin sur le délai va au-delà de la question. À l’analyse, il apparait que la règle du délai ne concerne pas que la recevabilité des recours pour excès de pouvoir et de la pleine juridiction (Partie I), elle concerne in concreto, l’instruction, le jugement, la notification et in fine, l’exécution des décisions de justice de la Cour (Partie II).

40 SOHOUÉNOU (Épiphane), « l’évolution de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Bénin en matière de grève à la lumière du droit comparé », in Actes du colloque « La cour constitutionnelle béninoise, entre rupture et continuité » op. cit. p.54

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Réflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin
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