Décryptage des délais de recours administratif et contentieux 

Paragraphe 2 : Les délais de recours administratif et contentieux

Dans le cours de ce développement, il sera mis en exergue à proprement parler du délai imparti par le législateur pour introduire un recours administratif (A) et/ou un recours contentieux (B), lorsqu’il est question du contentieux de l’excès de pourvoir.

A- Le délai du recours administratif

La recevabilité d’un recours dépend en principe de l’existence d’une décision. Il appartient à l’administré de provoquer la naissance d’une décision, seul moyen pour lui d’accéder utilement à la juridiction. Ainsi, l’exercice du recours administratif est le point de départ de tout recours contentieux.

64 En France, depuis la signature de la Convention européenne du 16 mai 1972, la computation des délais de procédure par le délai franc, est en principe supprimée.

65 Le dies a quo représente le jour déclencheur du délai, et le dies ad quem quant à lui, représente le jour auquel se termine un délai.

En effet, conformément aux dispositions de l’article 49 66 précité, « Le demandeur doit, avant de se pourvoir contre une décision individuelle, présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision.

Le silence gardé plus de deux (02) mois par l’autorité compétente suite ou recours hiérarchique ou gracieux vaut décision de rejet ».

Il ressort de l’analyse de cette disposition qu’avant de se pourvoir contre une décision individuelle, le demandeur doit présenter un recours gracieux, un recours hiérarchique ou un recours mixte 67 tendant à faire rapporter ladite décision. Depuis l’étude du 29 mai 2008 adoptée par l’Assemblée générale du Conseil d’État , cette règle s’énonce désormais comme un préalable obligatoire (d’où l’expression Recours Administratif Préalable Obligatoire). Ce préalable obligatoire s’entend s’exercer dans un délai de deux (02) mois à compter de la connaissance du fait dommageable. 68

Ainsi, lorsque le requérant formule son recours administratif hiérarchique « par correspondance datée du 9 septembre 2016 » à l’endroit du supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte et que celui-ci « y donnant suite, a fait notifier au requérant, une correspondance datée du 23 septembre 2016 et enregistrée sous le numéro 1328/MDGL/CTJ/DGAE/SA » il en résulte qu’il y a eu une réponse explicite venant de l’autorité administrative. 69 Ou, lorsque « le recours préalable a été déposé à la présidence de la République le 27 octobre 2006 et dûment enregistré à son secrétariat administratif » et « que du 27 octobre au 27 décembre 2006, deux mois se sont écoulés sans qu’il y ait eu une réponse explicite de l’administration », le

66 Cet article est le ‘’ copier-coller ‘’ de celui 32 de la loi n° 2004-20 du 17 août 2004 abrogée

67 Ce troisième type de recours est une spécificité béninoise, et est qualifié recours administratif préalable mixte ou dérivé et existe depuis 1998.En effet quel est la nature d’un recours administratif préalable adressé à un Ministre au sujet d’une décision qui a été prise en Conseil des Ministres ?

Pour répondre à cette question qui a priori, devrait conduire à l’irrecevabilité du recours, la Chambre administrative a estimé que lorsque la décision a été prise sur proposition d’un ministre , qui l’a contresigné, et est chargé de sa mise en application, que le Ministre doit être considéré comme « l’autorité la mieux informée » Partant, il peut être le destinataire du recours préalable qui en résulte.Ne pouvant pas être pris pour un recours gracieux encore moins un recours hiérarchique , la doctrine l’a considéré au Bén in comme étant un recours administratif préalable mixte ou dérivé.À ce sujet, l’arrêt n° 110/CA 21 du septembre 2017 LAKOUSSAN Béatrice et deux (02) autres C/ ETAT BENINOIS est illustratif.

68 Il faut rappeler ici que le délai en cause, n’est pas un délai franc ou de procédure mais plutôt un délai non franc ou administratif. Il ne peut être computé de quantième à quantième et donc, ne fait pas objet de prolongation.

69 N° 78/CA du 19 avril 2018 DJIGLA Mathias C/ Préfet du département de l’Atlantique – ACLEHINTO Michel juge considère dans ces circonstances, qu’il n’y a pas violation des textes en vigueur régissant la procédure administrative contentieuse. 70

Toutefois, dans d’autres cas, le juge a requalifié un recours de tutelle en un recours hiérarchique, et l’a justifié en arguant qu’« un recours qui tend en définitive à amener l’administration à reconsidérer sa position avant la phase contentieuse », satisfait aux conditions de recevabilité d’un recours administratif . 71

Le délai du recours administratif ainsi exposé, il convient d’étudier au cas par cas, celui attaché à l’exercice du recours contentieux.

B- Le délai du recours contentieux

Aux termes des dispositions de l’article 49 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 régissant les règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, « Le demandeur dispose pour se pourvoir contre cette décision implicite, d’un délai de deux (02) mois à compter du jour de l’expiration de la période de deux (02) mois indiquée au troisième alinéa du présent article.

Néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux

(02) mois, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

Les délais prévus pour introduire le recours ne commencent à courir que du jour de la notification de la décision explicite de rejet du recours gracieux ou à l’expiration du délai de deux (02) mois prévu au quatrième alinéa du présent article… ».

Dans un cadre euristique, il importe de revenir avec précisions, sur les deux hypothèses qui peuvent faire foi à l’issue de l’exercice d’un recours préalable. La première est celle à l’issue de laquelle, il y a une décision explicite 72 de rejet de la part de l’Administration. Dans ce cas, la décision explicite intervenue à l’issue des deux mois de facto, fait de nouveau courir de deux mois le délai de recours. Techniquement, on dit que le recours administratif proroge le délai de recours (cf. supra). En revanche, la seconde

70 N° 07/CA du 19 janvier 2018 ALOAKINNOU G. HONORE – BIAO NICOLAS C/ ETAT BENINOIS REPRESENTE PAR L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

71 N° 153/CA 23 novembre 2017 SUCCESSION BERNARD LAURENT TAÏROU AROUNA DA AROYNARD C/ MAIRE DE SEME-PODJI

72 La décision explicite est une manifestation expresse et claire de volonté venant de l’administration. Elle est écrite. Dans certains cas positifs, le procès prendra alors fin et comme le mentionne une formule assez connue, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.

plus rigide est celle à l’issue de laquelle, il y a une décision cette fois-ci implicite 73 de rejet de la part de l’Administration. Lorsqu’il en est ainsi, le demandeur dispose pour se pourvoir contre cette décision implicite, d’un nouveau délai de deux (02) mois, à compter du jour de l’expiration du délai du recours préalable. 74 À juste titre, Olivier HENRARD 75 dira que « le délai de recours contentieux est l’un des points névralgiques où s’équilibrent le principe de légalité et la stabilité des situations juridiques » .

Par exemple, lorsqu’il est établi selon le juge dans une affaire, que le requérant a adressé à l’auteur de l’acte « un recours gracieux en date du 05 juin 2002, qui serait resté sans suite jusqu’au 06 août 2002 », celui-ci affirme que « toute saisine de la Chambre Administrative de la Cour suprême » par le requérant « avant le 07 août 2002 est précoce ».Sur ce point, cette computation opérée par les soins de la Cour, mérite d’être approfondie.

En effet, dans de pareils cas, les deux mois à l’issue desquels l’autorité administrative devrait se prononcer, expire le 5 août 2002.Ainsi, lorsque, le juge affirme que « toute saisine de la Chambre Administrative de la Cour suprême par le sieur ATTINDEHOU Patrice avant le 07 août 2002 est précoce », 76 il y a lieu là, de relever que celui-ci ne l’a pas fait exprès.Il en est ainsi puisque le délai en de pareilles circonstances, est un délai non franc, un délai administratif, donc déjà à partir du 6 et non le 7 août 2002 comme le prétend la Chambre administrative, le requérant pouvait valablement exercer son recours contentieux, qui en principe devrait être déclaré recevable devant les formations juridictionnelles de ladite Cour.

Mais lorsque « le recours hiérarchique adressé par le requérant » à l’autorité administrative « est daté du 04 octobre 1999 » et que, cette dernière par « lettre n° 2190-

73 Généralement selon la règle, qui ne dit rien consente, mais en matière administrative contentieuse, cette règle fait observer des aménagements. En effet le silence gardé de l’administration à l’issue du délai de deux mois (02) à elle imparti par le constituant dérivé, vaut une décision de rejet eu égard, s’agissant des conclusions du requérant.

Il faut rappeler qu’aux termes de l’article 32 al 6 de la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 abrogée par la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême , « Les délais de recours contre une décision déférée à toute juridiction administrative ne sont opposable, qu’à condition d’avoir été mentionnés ainsi que, les voies de recours dans la notification de la décision » .Autrement dit, toute notification de décisions individuelle doit mentionner à l’intention du destinataire, les voies de recours qui lui sont ouvertes ainsi que les délais dans lesquels il doit les exercer

.Faute à l’Administration d’avoir accompli cette formalité substantielle, le délai de recours ne peut commencer à courir.Il faut constater que l’ancienne loi a opéré une régression en supprimant cette disposition qui jadis, constituait une garantie de protection des administrés contre l’arbitraire administratif (Voir à cet effet, DOSSOUMON (Samson), Contentieux administratif au Bénin et au Togo, Imprimerie Presse Indépendante, 2008, p.51.

Rapporteur public sur l’affaire Czabaj : RFDA 2016, p. 927

76 N° 82/CA du 17 décembre 2014 ATTINDEHOU Patrice C/ PREFET DE L’ATLANTIQUE

C/MFE/SP du 29 novembre 1999 » rejette « explicitement le recours hiérarchique », le juge infère que « le recours du requérant en date du 22 décembre 1999, enregistré au greffe de la Cour le 13 janvier 2000 sous le numéro 0032/GCS », n’appelle pas d’observation. 77

Cette partie dédiée aux délais de recours ayant été débattue, il y a lieu de se pencher à présent sur les conséquences de leur non-respect .

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Réflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin
Université 🏫: Université d’Abomey-Calavi - Ecole nationale d’administration (ENA) - Spécialité : Administration Générale et Territoriale
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de formation du cycle ii pour l’obtention du diplôme d’administrateur civil - 2020-2022
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