7 secrets pour gérer les délais d’instruction judiciaire

Section 2 : Les conséquences liées au non-respect du délai d’instruction

Les conséquences liées au non-respect du délai d’instruction, sont les effets qui peuvent s’attacher à l’inobservance des règles de délais édictées en matière d’instruction des requêtes lorsqu’elles sont soumises au juge. En effet, ces conséquences peuvent se trouver appliquées, à deux inhérents acteurs intervenant dans la matière administrative contentieuse. Il s’agit principalement des parties en l’instance (Paragraphe 1), et en vertu de l’article 13 de la nouvelle loi régissant la procédure devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, du rapporteur (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conséquences sur les parties au procès

Comme on l’a vu, le juge administratif fixe les délais dans lesquels les mémoires ou observations doivent être produits. Lorsque la partie n’a pas répondu à la demande du juge après une mise en demeure fixant un nouveau délai à elle faite, deux (02) hypothèses sont soulevées. Le juge considère qu’il y a lieu soit d’un désistement lorsqu’il s’agit du demandeur (A), soit d’un acquiescement lorsqu’il est question du défendeur (B).

A- La ‘’ consommation ’’ du désistement du demandeur

Conformément à l’article 832 du Code de procédure de 2011 modifié et complété par loi n° 2020-08 du 23 avril 2020, et ‘’ en application de l’alinéa 2 de l’article ci-dessus, le demandeur qui n’a pas observé le délai prescrit, est réputé s’être désisté et il lui en est donné acte par décision…’’.

En effet, défini en droit administratif, comme « une renonciation du requérant à sa demande, qui met fin à l’instance », le désistement est présent dans toutes les procédures qu’elles soient administrative, civile, communautaire, constitutionnelle ou pénale, et peut revêtir plusieurs formes. On distingue, en effet, trois (03) types de désistement chez les spécialistes du droit processuel : le désistement d’action. le

GUILLIEN (Raymond), op. cit. p.735
Particulièrement radical, le désistement d’action intervient lorsqu’une partie renonce définitivement à son droit d’engager une action en justice. Cette renonciation débouche sur l’extinction de l’action.

désistement d’instance et le désistement d’un acte de procédure. Mais dans le cas d’espèce, il ne peut être fait application par le juge que celui d’instance. Dans le procès administratif, le ‘’ désistement d’instance ’’ est érigé en principe.

Pour ce qui nous concerne, il ressort de la lecture des dispositions de l’article sus- référencié que, lorsqu’en principe en cours d’instruction, le requérant reçoit de la part du rapporteur par les soins du greffe des injonctions l’invitant à produire ses observations et que celui-ci n’a pas cru devoir s’exécuter, le juge conclut au désistement de son action et par conséquent, éteint l’instance.

Toutefois, il faut relever à ce niveau qu’avec la nouvelle loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, le législateur entend utiliser le terme de ’’ forclusion ’’ au détriment du celui de ‘’désistement ‘’ lorsqu’après mise en demeure à lui adressé, il apparaît que le requérant est toujours resté camper sur sa position.

Cette sanction prononcée à l’endroit du requérant, peuvent aussi se trouver appliquer au défendeur inactif.

7 secrets pour gérer les délais d'instruction judiciaire

Moins radical, le désistement d’instance implique, quant à lui, le renoncement à la poursuite de l’instance en cours.

Le désistement d’un acte de procédure, plus marginal, se rapporte à un élément isolable de l’instance.

Il est consacré par les articles 479 à 490 du Code de procédure précité.

Le Conseil d’État a récemment jugé « qu’en principe un désistement a le caractère d’un désistement d’instance ; qu’il n’en va autrement que si le caractère de désistement d’action résulte sans aucune ambiguïté des écritures du requérant
; que, par voie de conséquence, lorsque le dispositif de la décision de justice qui donne acte d’un désistement ne comporte aucune précision sur la nature du désistement dont il est donné acte, ce désistement doit être regardé comme un désistement d’instance ; que toutefois les décisions de justice irrévocables à la date de la présente décision doivent être regardées, lorsque le désistement dont elles donnent acte n’est pas expressément qualifié, comme ayant donné acte d’un désistement d’action ». CE, Sect. , 1er octobre 2010, M. et Mme Rigat
Il est fait sommairement allusion à l’expression ‘’ en principe ’’ puisque, le désistement peut intervenu à n’importe quels moment de la procédure (entendu par-là, au cours de la phase d’instruction, ou en cours d’audience devant le juge).

En appui au désistement développé dans la première partie, il y a lieu de signaler ici que celui-ci peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure.

163 Article 14 : ‘’ Le rapporteur dirige la procédure. Il procède à toutes mesures d’instruction qu’il estime nécessaires.
Il assigne aux parties en couse un délai pour produire leurs mémoires.
Ce délai est de deux (02) mois sauf en cas d’urgence reconnue par ordonnance du président de la Cour suprême, sur requête de la partie qui sollicite l’abréviation et après avis motivé du président de chambre.
Lorsque le délai imparti par le rapporteur est expiré, le rapporteur adresse à la partie qui n’a pas observé ce délai, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai de trente (30) jours.
Si cette mise en demeure reste sons effet, la forclusion est encourue…’’

B- La consommation de l’acquiescement du défendeur

Conformément à l’article 832 du Code de procédure précité, « …si c’est l’Administration, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. ». Ainsi posé, l’acquiescement quant à lui, est définit comme « le fait de la part d’un plaideur de se soumettre aux prétentions de l’autre. Il emporte reconnaissance du bien- fondé des prétentions de l’adversaire ». L’acquiescement peut être· exprès ou implicite. Il est express lorsqu’il résulte d’une manifestation de volonté claire des parties. Dans ce cas, acte sera donné à la partie diligente. À moins que celle-ci ne précise son caractère explicite, il est considéré comme implicite lorsqu’il résulte d’un mutisme venant de l’une des parties ou des deux. Dans ce dernier cas, le juge ne fait que le constater.

Pour reprendre la même méthode d’analyse, nous pourrons inférer que lorsqu’en cours d’instruction le défendeur généralement représenté par l’Administration a reçu venant du Rapporteur, des injonctions par les soins du greffe de la juridiction saisie l’invitant à produire ses observations et que celui-ci n’a pas cru devoir s’obliger en conséquence de cause, le juge conclut à l’acquiescement des prétentions élevées par la partie adverse et par conséquent, fait droit lorsque certaines conditions sont réunies dans certains cas aux conclusions de celles-ci. Il est fait ainsi application, lorsqu’il est prouvé dans une affaire que l’autorité administrative « n’a donné aucune suite aux mesures d’instruction de la Cour par lesquelles il a été invité à faire ses observations relativement aux griefs des requérants » ; le juge estime « que son silence délibéré doit être considéré comme un acquiescement aux faits » et par conséquent, reçoit les prétentions du requérant en annulant in fine, l’acte en cause. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un acquiescement implicite de la part du défendeur. De même, lorsque le défendeur déclare ne s’opposer aux prétentions alléguées par le requérant, le juge infère « qu’il y a lieu de lui en donner acte et d’annuler l’ensemble des décisions querellées avec toutes les conséquences ».
Il est régi par les articles 491, 492 et 493 du Code de procédure sus évoqué.
(GUILLIEN (Raymond), Ibidem.
Arrêt N° 19/CA du 14 février 2018 HOIRS DOSSA VODJO REPRESENTES PAR HUBERT DOSSA ET ZOGHO ROSALIE C/ GNANCADJA ODETTE ET MAIRE DE SEME-PODJI, Rec. CS. Bénin, p. 33.

Arrêt N° 150/CA du 20 juillet 2018 ADEGBINDIN Salimane – ALLISOUTIN Géraud – HINSON YOVO Denis – OSSENI Raimi Saliman – ADEKOUNTE Fatiou Lassissi – OBE Adissa Moukaramou – AMOUSSOU Pascal Lokossa C/ Commission Nationale des Tableaux de l’Ordre des Experts Comptables et Comptables Agréés du Bénin, Rec. CS. Bénin, p. 61. Dans ce cas-ci, il y a lieu d’un acquiescement exprès.

Paragraphe 2 : Les conséquences sur le Conseiller-rapporteur

La sanction résultant du non-respect par le Conseiller-Rapporteur des délais d’instruction des requêtes à lui soumettre, est une nouveauté apportée par l’article 13 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 puisque dans un passé récent, cette règle n’était uniquement régie que dans les matières commerciale et sociale prévues par le Code de procédure.

Cependant, une question mérite d’être posée en de telles circonstances : qu’arrivera-t-il lorsque dans une affaire dont il est saisi, un rapporteur refuse ou néglige de rédiger son rapport dans le délai indicatif de (06) mois à lui imparti par le constituant dérivé ? Pour répondre à cette question, il y a lieu d’évoquer deux hypothèses toutes désignant une même sanction procédurale. La première est celle dans laquelle il y a lieu de conclure que le refus ou la négligence du rapporteur à rédiger son rapport dans le délai de 6 mois à lui imparti, s’analyserait à une faute lourde professionnelle commise dans l’exercice de ses fonctions (A). Quant à la seconde, elle est celle qui augure que le refus ou la négligence de celui-ci doit inéluctablement être considéré comme une prise à partie revêtant la forme d’un déni de justice qui peut donner droit à indemnisation du requérant dont l’affaire est en cause lorsqu’il le soulève (B). Dans ce dernier cas, l’État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts prononcées à raison de ces faits contre ceux-ci, sauf son recours contre ces derniers. Il en est ainsi puisqu’il est désormais admis selon la doctrine de ce que la faute personnelle commise dans ou à l’occasion du service, ou celle non dépourvue de tout lien avec le service, n’est en principe pas détachable du service. Il s‘agit là de la responsabilité pour faute du magistrat dont l’État civilement responsable, devra en payer le prix, libre à lui de se rabattre in fine sur l’agent fautif au moyen d’une action récursoire.

A- La faute lourde tirée de l’inobservance du délai d’instruction

Conformément à l’article 13 de la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour

Pour rappel, la prise à partie est ‘’ une procédure par laquelle un plaideur peut dans les cas précisés, agir en responsabilité civile contre un magistrat en vue d’obtenir contre celui-ci une condamnation à des dommages et intérêts ’’Article 967 du Code de procédure de 2011

Article 115 du Code précité

Voir CE, du 26 juillet 1918 Epoux LEMONINER, GD, p. 801, cité par KPENONHOU (Césaire) op. cit. p.26

suprême, « …Le président de la chambre ou de la Cour attribue le dossier à un conseiller- rapporteur, suivant un procédé automatisé ou autrement en cas de nécessité. Les mentions relatives à l’attribution sont portées en marge du dossier.

Le rapporteur dispose d’un délai n’excédant pas six (06) mois pour rédiger son rapport… ».

Dès lors, lorsqu’il est prouvé qu’un rapporteur n’exécute convenablement les prescriptions énumérées au présent article, il y a lieu de faire cas que celui-ci a commis une faute lourde faisant partie intégrante des règles de déontologie administrative. La sanction d’une faute lourde aux termes de l’article 235 et suivants de la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 modifiée et complétée par celle n° 2018-35 du 05 octobre 2018 portant statut général de la fonction publique, est la suspension immédiat de l’agent public qui donnera lieu par ricochet à la révocation de celui-ci. Lorsque ces dispositions sont appliquées au rapporteur qui n’a pas cru devoir s’obliger, celui-ci serait irrémédiablement suspendu et par la même occasion démis de ses fonctions pour avoir refusé se soumettre aux prescriptions réglementaires du service public en particulier celles de la justice.

Lorsqu’il n’est pas pris à partie pour une faute lourde dans le premier cas, il peut l’être pour un déni de justice dans le second cas.

B- Le déni de justice tiré du non-respect du délai d’instruction

« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Ces mots de Charles de Secondat DE MONTESQUIEU,
Cette disposition sus énumérée s’appliquant à l’édiction des rapports dans un délai indicatif de (06) mois, ne vaut pour les magistrats-rapporteurs des juridictions de fond.

Cf. SOHOUÉNOU (Épiphane), Cours sur la Déontologie administrative, Énam-UAC, 2016
Aux termes des dispositions de l’article 234 et suivants de la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 modifiée et complétée par celle n° 2018-35 du 05 octobre 2018 portant statut général de la fonction publique, ‘’ sont considérées comme fautes lourdes, – le refus d’exécuter un ordre ou un travail entrant dans le cadre des activités relevant de l’emploi public occupé, – la violation d’une prescription concernant l’exécution du service public et régulièrement portée à la connaissance du fonctionnaire…’’. Selon la jurisprudence, la faute lourde est celle d’une « faute manifeste et d’une particulière gravité » ou, celle d’une « faute d’une exceptionnelle gravité ». Voir à cet effet, KPENONHOUN (Césaire), op. cit. p.25
DE MONTESQUIEU (Charles de Secondat), De l’esprit des lois, t. 1, Paris, Gallimard 1995, p. 560 pp. 111-129, précisément p. 112

transposés dans notre cas, augurent qu’il revient au constituant seul de circonscrire par l’effet de règles à caractère général et impersonnel, toute activité instructive du rapporteur chargé de mettre en état un dossier à lui soumettre. C’est précisément d’ailleurs pour cette raison que le jurislateur a désormais par la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022, encadré cette activité instructive du rapporteur dans le temps !

En effet, conformément à l’article 13 de la loi précitée, tout rapporteur formellement appelé à diriger la procédure d’instruction d’une affaire est tenu de produire son rapport dans un délai n’excédant pas mois (06) mois, à compter de la date à laquelle il en a expressément eu connaissance. Ainsi, lorsqu’il serait établi qu’un rapporteur enfreint aux prescriptions sus-évoquées régissant le délai d’instruction des requêtes sur lesquelles il serait appelé à se prononcer à l’échéance du terme, il y a lieu de retenir dans ces liens, qu’il a commis un déni de justice.

Pour rappel, il y a déni de justice lorsque les juges refusent ou négligent de répondre aux requêtes des parties ou de juger les affaires en état et en cours d’être jugées. Dès lors que le requérant estime se trouver être en présence d’un fait pareil, il a selon la loi, la faculté de saisir d’une requête signée de lui ou de son conseil à laquelle sont jointes les pièces justificatives, la Chambre judiciaire de la Cour suprême pour se voir conforter dans ces droits. L’article 13 de la loi susvisée est salutaire des justiciables en particulier et l’observateur citoyen en général, en ce qu’il apporte des mesures palliatives à la lenteur dont fait souvent montre la juridiction administrative béninoise.

En outre, au vu des questionnaires d’enquête soumis aux acteurs judiciaires de la Cour, il ressort que la phase d’instruction des requêtes peut se révéler parfois lente pour d’autres causes comme le manque de célérité dans la procédure. En effet, selon les acteurs chargés d’animer ces formations juridictionnelles au sein de la Haute juridiction, la procédure administrative contentieuse est confrontée à l’interne à certaines difficultés. Il en va ainsi lorsqu’en matière de recours pour excès de pouvoir et de pleine juridiction par exemple, un requérant qui dans l’urgence saisit la Cour d’un recours, doit opérer une période d’attente généralement longue compte tenu des considérations procédurales,
Ces dispositions sont énumérées aux articles 115 à 117 de la loi régissant la procédure devant la Cour.

Ce questionnaire élaboré, est adressé aux acteurs judiciaires animant la Chambre administrative de la Cour suprême, et porte principalement sur les difficultés ou limites auquel est confronté à l’interne le processus juridictionnel.

Il s’agit-là d’abord de l’enregistrement de la requête au secrétariat du greffe et de sa transmission dans la soirée au greffier en chef qui se chargera à son tour, de le convoyer le lendemain au secrétariat du Président de la Chambre

avant de pouvoir se voir prononcer à son égard, des mesures à régularisation tendant valablement à la recevabilité de son recours. Or le processus administratif juridictionnel comme nous le connaissons, s’inscrit inéluctablement dans le temps et certaines pratiques juridictionnelles comme celle évoquée, ne feront qu’exacerber l’attente parfois préjudiciable aux requérants. Dès lors, il faut que dans la disposition des choses, cette pratique qui a cours soit palliée. Désormais, l’on pourrait admettre que, lorsque le requérant saisit la Haute juridiction de son recours, il peut lui être permis de satisfaire en présentiel certaines formalités dites régularisables comme celles de la consignation, du timbrage et de la constitution d’un conseil, sans que le juge n’ait à prononcer au préalable dans ce sens une quelconque mesure.

Ces solutions d’une manière peu palliatives, pourraient avoir le mérite de permettre à la fois aux juridictions qu’aux requérants, d’enregistrer un gain de célérité quant au traitement managériale des requêtes contentieuses.

En dehors des délais qui organisent l’instruction du recours du requérant, d’autres sont plus concernés par d’autres phases de la procédure.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Réflexion sur la gestion des délais dans le contentieux administratif au Bénin
Université 🏫: Université d’Abomey-Calavi - Ecole nationale d’administration (ENA) - Spécialité : Administration Générale et Territoriale
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de formation du cycle ii pour l’obtention du diplôme d’administrateur civil - 2020-2022
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