5 techniques pour sauver les trésors culturels du trafic

Paragraphe 2 :

Les institutions nationales

La nature des organes et leurs attributions dépend de la capacité des pays à s’engager dans le processus, à mobiliser les ressources humaines, financières et logistiques. Généralement, il existe trois types d’oranges dont l’action s’inscrit dans cette dynamique : les services chargés du patrimoine culturel, la police et la douane.

Si l’action des premiers s’inscrit dans une démarche purement préventive à l’image des musées, les deux autres agissent une fois le processus du trafic devient réel : leur action est répressive. Ainsi nous dans cette partie aussi, nous distinguerons entre organes de prévention (A) et organes de répression (B).

107 Le réseau Internet offre des opportunités d’accès à l’information et à son partage par les acteurs de lutte contre le trafic illicite des biens culturels

Les organes de prévention

Dans l’action des premiers s’inscrit dans une démarche purement préventive, nous ferons une liste non exhaustive.

Le Ministère de la Culture

Enjeu majeur pour le ministère de la Culture, le contrôle de la circulation des biens culturels bénéficie de l’action constante d’une pluralité d’acteurs, réunis par l’enjeu commun de lutter contre leur trafic illicite. Ces missions comprennent la protection des trésors nationaux, le contrôle à l’exportation des biens culturels, la prévention des vols, les remises ou restitutions de biens volés ou disparus, et les acquisitions pour les collections publiques. Ces actions s’exercent dans un cadre législatif et réglementaire et certaines d’entre elles s’inscrivent dans la coopération européenne et internationale.

Ainsi, il veille aux biens culturels du domaine public. En effet, Dans les domaines de l’archéologie, des archives, des bibliothèques, des monuments historiques mobiliers et des musées, les services du ministère de la Culture conseillent les propriétaires des biens relevant du domaine public mobilier dans leur bonne conservation et, lorsque cela est possible, dans leur sécurisation in situ. Ils assurent auprès d’eux à la fois des missions de conseil et de contrôle.

Les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire (État, collectivités territoriales et leurs groupements, établissements publics), en application du code général de la propriété des personnes publiques (article L2112-1).

Ce sont des trésors nationaux au regard du code du patrimoine (article L111-1).

Il s’agit notamment des archives publiques et des archives issues de fonds privés entrées dans les collections publiques ; des biens archéologiques mobiliers devenus ou demeurés propriété publique ; des biens culturels maritimes de nature mobilière ; des objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ou situés dans un immeuble classé ou inscrit ; des objets mobiliers d’intérêt historique ou artistique devenus ou demeurés propriété publique en application de la loi de séparation des Églises et de l’État ; des collections des musées ; des œuvres et objets d’art contemporain acquis par le Centre national des arts plastiques (CNAP)108 et ceux inscrits sur les inventaires du Fonds national d’art contemporain (FNAC)109; des collections de documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques ; enfin, des collections publiques du Mobilier national et de la Manufacture nationale de Sèvres.

5 techniques pour sauver les trésors culturels du trafic

Sauf s’ils ont fait l’objet d’une mesure formelle de déclassement, ces biens relevant du domaine public mobilier sont inaliénables et imprescriptibles.

La prévention des vols est l’un des objectifs majeurs des services patrimoniaux. En cas de constat de vol ou de disparition et de dégradation volontaire, ceux-ci recommandent le dépôt de plainte et accompagnent les propriétaires publics dans leurs demandes de restitution et dans leurs actions en revendication, en facilitant l’identification des biens culturels redécouverts et leur retour dans leur lieu d’origine. Le contrôle à l’exportation contribue aussi à ces identifications. L’efficacité de ces actions se mesure au nombre de restitutions, par voie amiable ou à la suite de décisions judiciaires, à leurs propriétaires légitimes (État ou collectivités territoriales) de ces biens culturels, qui ont été volés ou ont disparu de longue date.

Il Contrôle l’exportation des biens culturels et Maintient les trésors nationaux sur le territoire.

Il recherche les biens volés ou disparus. En effet, Résultat d’une intrusion dans un lieu ou un site pour y dérober un ou plusieurs biens culturels, le vol est un événement daté et doit donner lieu à un dépôt de plainte. Une disparition est constatée, sans pouvoir être datée, et ne donne pas systématiquement lieu à un dépôt de plainte au moment du constat ; certaines font suite à un événement particulier (incendie, inondation, conflit).

Les services patrimoniaux du ministère de la Culture recommandent aux propriétaires de déposer plainte, en joignant la documentation requise, afin de préserver leurs droits, si le bien est redécouvert sur le marché de l’art. En effet, si le fait de vol initial est prescrit, le recel, lui, est un délit continu et, dans la majeure partie des cas (trésors nationaux, dont les biens du domaine public mobilier et les monuments historiques mobiliers), les biens concernés sont imprescriptibles.

108 Collection en ligne, La base de données des œuvres du Fonds national d’art contemporain répertorie plus de 90000 œuvres sur 107000, acquises par l’État depuis 1791,

109 Base de données sur les œuvres acquises par l’État en 2000 (arts plastiques, photographies, arts décoratifs, métiers d’art, création industrielle).

La recherche des biens culturels publics, volés ou disparus, passe par une coopération élargie, en France et à l’étranger, des services du ministère de la Culture et de ceux de la police, de la gendarmerie et des douanes, des magistrats, des opérateurs du marché de l’art, avec l’expertise d’universitaires et de professionnels du patrimoine.

Dans ce domaine, la documentation et la diffusion de l’information sont capitales. L’inventaire et le récolement périodique (contrôle de la présence et de l’état de conservation), assurés par les professionnels du patrimoine, permettent d’identifier et de documenter des vols ou des disparitions anciennes.

Les services du ministère de la Culture, en administration centrale comme dans les directions régionales des affaires culturelles, se mobilisent auprès des propriétaires pour communiquer la documentation nécessaire, dans les plus brefs délais, à l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), relevant de la direction centrale de la police judiciaire (Nanterre), au service central de renseignement criminel (SCRC) de la gendarmerie nationale (Pontoise), aux douanes et aux juridictions. Cette compilation est essentielle pour la redécouverte des biens dérobés.

Les bases de données patrimoniales du ministère de la Culture, accessibles par la Plateforme ouverte du patrimoine, contribuent à ces signalements. Ainsi, la Plateforme ouverte du patrimoine (POP) propose, sur la page de recherche simple, un filtre «Objets manquants ou volés» pour les bases JOCONDE (biens des musées de France) et PALISSY (objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques).

Les données, notamment photographiques, des objets volés (avec dépôt de plainte) sont également enregistrées dans la base nationale TREIMA II (thésaurus de recherche électronique et d’imagerie en matière artistique) de l’OCBC, créée en 1995, et dans la base internationale d’Interpol, accessible au public depuis 2009 sur accréditation.

Pour les monuments historiques et biens publics mobiliers, le ministère de la Culture établit un bilan des vols, disparitions, dégradations et restitutions d’objets mobiliers intervenus dans l’année, outil indispensable à la prévention et à la lutte contre le trafic des biens culturels.

Il Coopère à l’international avec les différentes institutions de lutte comme l’OMD, l’INTERPOL.

La Direction du patrimoine

Cette Direction a pour mission de veiller à la protection et à la préservation du patrimoine culturelle. A cet effet, elle dresse :

  • La liste des biens après un inventaire exhaustif et initie les procédures de classement;
  • Établit une base de données des biens culturels ;
  • Encadre les procédures pour les fouilles ;
  • Développe un programme d’information et de sensibilisation en direction des populations vivant dans le lieu où se situe le bien.

Conseille l’Etat sur toutes les questions qui concernent les biens culturels.

Au Sénégal, La Direction du Patrimoine Culturel crée par le décret n°70-093 du 27 janvier 1970110 est l’opérateur stratégique de la politique de sauvegarde, de conservation et de valorisation du patrimoine culturel du pays.

Elle a pour missions :

  • Le recensement et le classement des sites et monuments historiques ;
  • La restauration et la réhabilitation des sites et monuments historiques ;
  • L’acquisition et la gestion de la collection du Domaine Privé artistique de l’État ;
  • La réalisation et le développement de Musées publics.

Elle a pour activités principales :

  • La réalisation d’inventaires des sites et monuments historiques
  • La numérisation des archives culturelles
  • La restauration des bâtiments du patrimoine immobilier
  • L’organisation des Journées Nationales du Patrimoine.

Les Musées

Les musées endossent un rôle majeur dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. Ainsi, en appui de principes éthiques établis, mais également au-delà du seul cadre législatif national et international qui lui est applicable en raison de son État d’établissement, le musée se doit d’être force de proposition et de se saisir effectivement de la question du trafic illicite de biens culturels. Si l’on observe des disparités parmi les musées dans leur manière d’appréhender et d’organiser la lutte contre ce trafic, on assiste toutefois à une multiplication d’initiatives muséales notables et pertinentes, confirmant la capacité du musée à agir en tant que force « ad hoc » de proposition dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

110 Décret portant création de la Direction du Patrimoine Culturel

L’introspection croissante et le questionnement sur la légitimité et la cohérence des collections muséales contribuent à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, tandis que le musée se doit de favoriser les processus de retour et de restitution de biens culturels volés ou illicitement exportés, afin d’en renforcer la crédibilité et d’enrayer l’impunité de ces actes.

  • L’introspection croissante des musées quant à la légitimité de leurs collections

Les efforts d’ajustement de la politique de gestion des collections aux enjeux de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, parmi lesquels le travail continu de recherche de provenance, mais également celui de la mission d’éducation et de sensibilisation aux méfaits du trafic auprès du public que l’entité muséale est susceptible d’exercer, concourent à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. La politique de gestion des collections, dont certains aspects de l’élaboration procèdent d’une autorégulation du musée, est une composante incontournable de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, tandis que le fait de repenser la propriété des collections muséales et d’en explorer les alternatives est susceptible, à terme, d’impacter les schémas opérationnels des acteurs du trafic.

  • Les retours et restitutions, une donnée indissociable de la lutte contre le trafic illicite

Le musée apparaît comme une institution appropriée pour faciliter et favoriser les processus de restitution ou retour de biens volés ou illicitement exportés. Les problématiques de retour et de restitution sont par ailleurs perçues de manière croissante comme étant « indissociables de celle du trafic illicite »111.

La mission de protection du patrimoine culturel qui incombe à l’institution muséale et où figure indubitablement le volet de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels s’inscrit dans une réflexion plus large autour de la construction du paysage muséal de demain, allant de pair avec une remise en cause croissante du « musée universel » : une communauté muséale où les retours et restitutions de biens culturels volés ou illicitement exportés sont appréhendés comme des vecteurs de régulation du marché de l’art et où la pleine propriété des collections muséales est repensée au profit d’une coopération muséale pérenne et organisée.

111SAVOY (B.), SARR (F.). (2018). Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, N°2018-26. URL : http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf.

Les organes de répression

La Police Nationale

En France, L’office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), créé en 1975, est un service d’enquête de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), doté d’une compétence nationale, composé de policiers et de gendarmes.

Le trafic illégal de biens culturels demeure, au regard des profits générés, comme un des plus importants trafics mondiaux.

Pleinement engagé dans la lutte contre la criminalité organisée, l’OCBC traite d’enquêtes complexes en matière de vol et de recel de biens culturels mais aussi des affaires de faux, d’escroquerie en bande organisée et de blanchiment de dimension nationale et internationale. Il intervient notamment dans la lutte contre le pillage et le trafic de biens archéologiques en provenance des zones de conflit, communément appelées « antiquités du sang ».

La lutte contre le trafic de biens culturels se caractérise ainsi par son aspect protéiforme et un large spectre infractionnel visant une délinquance organisée dégageant des profits particulièrement importants.

La saisie des avoirs criminels demeure ainsi un axe majeur des stratégies d’enquête déployées par les enquêteurs.

Son action se décline en 5 axes principaux :

  1. L’investigation, au travers d’enquêtes menées d’initiative ou sur délégation judiciaire par plusieurs groupes opérationnels, assistés d’un groupe dédié au traitement du renseignement opérationnel et stratégique.
    L’Office peut travailler en co-saisine avec l’ensemble des enquêteurs en s’appuyant sur un réseau de correspondants affectés au sein des services territoriaux de police et de gendarmerie.
  2. Le renseignement criminel, en traitant des renseignements émanant des services territoriaux, des partenaires internationaux et des douanes, le groupe SIRASCO (le Service d‘Information, de Renseignement et d’Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée) effectue des rapprochements en exploitant l’ensemble des bases judiciaires et la base TREIMA (thésaurus de recherche électronique et d’imagerie en matière artistique). Il alimente la base d’Interpol PSYCHE et exerce une veille internet permanente.
  3. La coopération internationale, en étant le point d’entrée national d’INTERPOL et en participant à des opérations européennes de police dans le cadre du projet EMPACT. Il échange des informations opérationnelles avec EUROPOL et les services d’enquête étrangers. Il travaille également étroitement avec le ministère des affaires étrangères et du développement international.
  4. La formation, grâce à des stages organisés, au profit d’enquêteurs français ou étrangers et en intervenant dans le cycle de formation des magistrats et au sein d’universités.
  5. La prévention, en travaillant avec des partenaires institutionnels tel que le ministère de la culture, ou des professionnels du marché de l’art (syndicats d’antiquaires ou d’experts, assureurs…)

Dans le cadre de sa mission de prévention, l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) a participé à la rédaction d’un guide de prévention sur la sécurité des biens culturels édité par le ministère de la culture et de la communication. Ce guide s’adresse à tous les propriétaires et responsables d’œuvres d’art, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels. Il fournit des conseils et des outils simples et pratiques, permettant à tout un chacun de protéger contre le vol ses propres biens et à travers eux notre patrimoine commun artistique et culturel.

Récemment, l’OCBC a renforcé son activité afin de lutter contre les atteintes au patrimoine archéologique national et le trafic international d’antiquités en provenance du Moyen-Orient et d’Amérique du sud.

A l’instar de nombreux trafics, le réseau Internet demeure un vecteur important dans la circulation d’objets d’origine frauduleuse. L’ensemble des enquêtes traitées au sein de l’office lui permet de renforcer en permanence ses connaissances liées au fonctionnement du marché de l’art au plan national et international.

Ces compétences ont vocation à être partagé avec l’ensemble des magistrats, enquêteurs, acteurs institutionnels ou privés, engagés dans la lutte contre le trafic des biens culturels.

La Douane Nationale

La gestion des musées dans le monde tend vers une mise à niveau en termes de méthodes de conservation et d’acquisition. Dans la plupart des pays qui souffrent du phénomène du trafic illicite, les organes chargés du patrimoine culturel ne disposent pas de pouvoir de police. Le plus souvent, l’inventaire de ces biens leur fait défaut, ce qui fausse l’appréciation de l’impact du phénomène car ces biens échappent à leur contrôle et c’est alors aux services de police qu’incombe la tâche de répression au niveau interne. Malheureusement, ces services sont incompétents quant à la détermination de la qualité patrimoniale de ces biens et leur compétence est limitée aux frontières nationales. D’où le recours aux services de Douane qui sont souvent les plus aptes à agir dans ce sens, d’autant plus qu’une mise à niveau au niveau international commerce à s’instaurer quant à leurs méthodes de travail.

En effet, On considère généralement le contrôle douanier comme le principal moyen de détecter le trafic de biens culturels et de faire respecter la législation visant à l’interdire. Il faut organiser les programmes spéciaux de formation afin de faire prendre davantage conscience aux fonctionnaires de la police et aux agents des douanes de la gravité de ce type de trafic.

Pour faire échec à ce trafic, policiers et douaniers doivent avoir de solides connaissances et être en fait capables de reconnaître les objets protégés. Il faudrait donc faire en sorte que des archéologues et des conservateurs de musées puissent communiquer de l’information détaillée aux agents susceptible d’être confrontés à ce problème.

Une autre possibilité consisterait à renforcer la collaboration entre les services de douane et les services culturels, par exemple, en affectant un archéologue ou un historien de l’art aux services de douane.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’encadrement juridique du trafic illicite des biens culturels en droit international
Université 🏫: Université du Sahel - Membre du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES)
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master en Droit Public - Mention : Relations Internationales - 2023
Juriste internationaliste .
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