Titre I Les concours de police administrative marqués par la prédominance de la police spéciale

Plus que de principe, il sera question, dans ce titre, d’étudier la prédominance de la police spéciale au sein du principe de précaution. Toutefois, la distinction entre le principe et l’attitude de précaution est importante pour éviter les confusions entre la dimension juridique du principe et sa dimension philosophique.

Il est clair que les textes qui formulent le principe de précaution inspire une éthique des rapports de l’Homme à l’environnement. Il faut rappeler que le principe de précaution est une notion dérivée du droit de l’environnement.

Nicolas de Sadeleer24 a illustré son « paradigme » au travers d’un modèle curatif centré sur la responsabilité civile ; un modèle anticipatif illustré par la volonté de préserver l’environnement et enfin un modèle préventif qui fait appel aux pouvoirs de police administrative.

En effet, le modèle préventif est basé sur une prise de conscience des risques environnementaux et d’éventuels impacts sanitaires sur la population.

C’est la raison pour laquelle, des mesures de précaution sont mises en place, elles permettent de prévenir les risques et par conséquent, de limiter les effets nocifs sur la santé humaine.

Ces mesures sont mises en œuvre par la police administrative. Les activités administratives sont multiples et hétérogènes.

Certaines se rattachent aux missions de règlementation du comportement. C’est le cas avec le principe de précaution qui relève dans la plupart des cas du domaine de la police administrative spéciale. Toutefois, de nombreuses conditions régissent le fonctionnement de ces polices. Il n’en demeure pas moins, que certaines conditions imposent à la police administrative spéciale une exclusivité totale (Chapitre 1).

D’autant plus que, cette exclusivité résulte d’une volonté de préserver l’ordre constitutionnel des compétences. (Chapitre 2)

24 « Le principe de précaution dans le monde » De SADELEER Nicolas, mars 2011, Fondation Jean- Jaurès

Chapitre 1 Les conditions d’exclusivité de la police administrative spéciale

Le caractère préventif de la police administrative permet de la distinguer de la police judiciaire qui a un caractère répressif. CE, 11 mai 1951, Consort Braud.

L’article 14 du code pénal précise que la police judiciaire a pour objet de « constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte ».

A l’opposé, la police administrative consiste à prévenir la réalisation de telles infractions. En effet, la police administrative générale a pour objet la protection de l’ordre public, les polices administratives spéciales peuvent se voir assigner d’autres buts, ou en tout cas elles présentent un certain nombre de spécificités. En vertu des articles L.2212-1 et s du code général des collectivités territoriales, le maire est titulaire de pouvoirs de police générale.

La question de son intervention en matière de précaution et plus largement en matière environnementale fait l’objet de nombreux débats.

En application du principe specialia generalibus derogant, selon lequel le spécial déroge au général, l’intervention du maire au titre de ses pouvoirs de police générale est de facto restreinte voire impossible lorsqu’il existe un pouvoir spécial en la matière. (I).

Ainsi, l’articulation du principe de précaution tend vers une exclusivité totale de la police spéciale. (II)

I. L’impéritie du maire au titre de ses pouvoirs de police administrative générale

Les activités qui entrent dans le champ d’application du principe de précaution font bien souvent l’objet d’un encadrement par la police administrative spéciale. En opposition à la police administrative générale dont l’objet est de protéger l’ordre public au sein d’un ressort géographique déterminé, la police spéciale opère au sein d’un cadre restreint.

Par conséquent, la police est spéciale si, elle est conférée à une autorité différente de celle qui est par principe territorialement compétente dans l’ordre public.

En l’occurrence, le maire, autorité de police générale ne peut intervenir sur les activités de facto encadrées par la police spéciale. (A). En revanche, de facto, le maire peut tout de même intervenir sur le fondement de l’article L.2212-4 du code général des collectivités territoriales relatif au péril imminent.

Il n’en demeure pas moins que cette intervention est très souvent rejetée (B) limitant ainsi sa possibilité à agir.

Les conditions relatives à l’interventionnisme de maire en sa qualité de police administrative générale ont occasionné des approfondissements doctrinaux donnant lieu à des solutions jurisprudentielles bien établies.

A. L’existence d’activités encadrées de facto par la police spéciale

En matière environnementale, le maire dispose d’une certaine possibilité d’agir au titre de ses pouvoirs de police générale. En revanche, son intervention fait l’objet d’un encadrement fortement limité et parfois impossible en la matière.

Ces derniers mois, les faits d’actualité législatifs et jurisprudentiels ont remis en lumière l’articulation des pouvoirs de police générale du maire face aux autorités de police spéciale. L’articulation du principe de précaution demeure toutefois négative pour l’intervention du maire.

Par un arrêté municipal en date du 23 août 2008, le maire de la commune de Valence au titre de ses pouvoirs de police générale avait interdit la culture d’OGM sur le territoire de sa commune sur le fondement de l’article 5 de la Charte de l’environnement. La culture d’OGM est soumise à la police spéciale, plus précisément au ministre chargé de l’agriculture.

C’est la raison pour laquelle, dans une décision du 24 septembre 2012, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation à l’encontre de la Cour Administrative d’Appel de Lyon. Celle-ci avait rejeté l’appel contre le jugement du Tribunal Administratif de Grenoble qui était à l’origine de l’annulation de l’arrêté du maire.

Par conséquent, s’il incombe au maire, responsable de l’ordre public sur son territoire de mettre en œuvre des mesures nécessaires à cet ordre public, il n’en demeure pas moins, qu’il ne lui appartient pas de s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale, confiée à l’Etat par le biais d’une règlementation locale. CE, 24 septembre 2012, Commune de Valence.

Aussi, sur le fondement du principe specialia generalibus derogant l’exercice d’une police spéciale exclut le concours entre la police générale et spéciale. D’ailleurs, la jurisprudence du Conseil d’Etat, du 30 juillet 1935, établissements S.A.T.A.N met en avant que le fait que l’existence d’une police administrative spéciale empêche l’intervention de la police générale.

A fortiori, l’ensemble des activités qui relève de la compétence d’une police spéciale, serait soumis aux mesures de cette police et non à celles de la police générale. Il est donc possible de considérer que de jure, l’ensemble des activités encadrées par la police spéciale empêchent l’autorité de police générale d’intervenir. A priori, cette condition s’applique à l’ensemble des activités.

En effet, cette condition ne s’applique pas seulement aux activités qui détiennent un lien étroit avec l’environnement et la santé humaine.

L’existence du pouvoir de police spéciale détenu par le ministre chargé de l’aviation civile exclut l’intervention du maire de la commune afin de règlementer les pilotages au-dessus de son territoire. CE, 10 avril 2002, requête n°238212, ministre de l’équipement et des transports25

Avec l’apparition de la Charte de l’environnement dans l’ordre juridique français en 2005, les maires pouvaient effectivement penser qu’une possibilité d’agir en la matière était ouverte.

En effet, l’article 5 de la Charte dispose que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

25 Rec.p.123 ; RFDA 2002, p.676

Force est de constater qu’eu égard aux éléments de cet article, le principe de précaution n’autorise pas un réaménagement des compétences. C’est d’ailleurs, toute la portée de l’arrêt de 2012 sur la commune de Valence.

Le Conseil d’Etat a jugé que l’article 5 de la Charte de l’Environnement n’habilitait pas le maire à prendre des mesures relatives aux OGM du fait de l’existence d’une police spéciale détenue par l’Etat.

De même, l’article 5 n’autorisait pas le maire de la commune de Cast à refuser le déploiement des compteurs Linky au motif qu’ils « exposeraient le public à des champs électromagnétiques et ne prendrait pas suffisamment en compte le principe de précaution ». En effet, cette compétence règlementaire était attribuée à une police spéciale, plus précisément, le Premier Ministre et le Ministre chargé de l’industrie.

En ce sens, l’article 5 ne permet donc pas à une autorité « d’excéder son domaine de compétences et d’intervenir en dehors de ses attributions ». CE 11 juill. 2019, n° 426060, Commune de Cast, AJDA 2019.

La notion est invoquée dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des antennes relais, de la culture des OGM, du Gaz de schistes et d’une manière générale l’ensemble des activités dont les conséquences réelles ou supposées peuvent créer des craintes au sein de la population.

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs eu l’occasion de pouvoir se prononcer sur les antennes relais et l’application du principe de précaution dans plusieurs affaires en date du 26 octobre 2011.26.

Là encore, le Conseil d’Etat a rappelé que l’existence d’une police spéciale interdisait à la police générale, et donc le maire d’intervenir dans le même domaine pour le même objet. De plus, il confirme que l’article 5 relatif au principe de précaution ne procède pas à une modification des compétences administratives.

Enfin, le Conseil d’Etat a rappelé que la Charte et notamment l’article 5 s’impose aux autorités de l’Etat qui dans l’exercice de leurs compétences doivent appliquer le principe de précaution.

Toutefois, il représente une nouvelle contrainte constitutionnelle, celui-ci ne réalise pas une extension des pouvoirs de police générale du maire.

26 CE, Assemblée, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, requête numéro 326492 ; CE, Assemblée, 26 octobre 2011, Société française de radiotéléphone, requête numéro 341767 et requête numéro 341768; CE, Commune des Pennes-Mirabeau, requête numéro 329904

« Le concours n’est possible que s’il n’est pas expressément exclu par un texte». Cette affirmation illustre parfaitement la question de l’intervention du maire au titre de ses pouvoirs de police générale.

En plus du fait, que l’article 5 n’autorise pas le bouleversement de l’ordre des compétences, ce principe nécessite que face à un risque incertain, l’autorité compétente doit agir de deux manières. D’une part, avec la mise en place d’une évaluation du risque et d’autre part avec l’adoption de mesures provisoires afin de prévenir le risque ou d’en limiter les conséquences. L’évaluation est une compétence détenue par l’Etat.

D’ailleurs, dans l’arrêt du Conseil d’Etat relatif au maire de la commune de Valence, le juge insiste sur le fait que l’expertise menée a été réalisée par les autorités compétentes qui ont jugé qu’une autorisation pouvait être délivrée. En l’espèce, il découle de cette expertise que les spécificités locales ont été prises en compte.

L’évaluation a été menée de manière exhaustive et il n’appartient donc pas à la police générale, ici le maire de pouvoir conduire une quelconque intervention. Le refus du Conseil d’Etat sur l’intervention des maires au sein d’une police spéciale est lié à l’importance d’apporter une réponse uniforme sur l’ensemble du territoire national. CE, 26 octobre 2011, n°326492.

De manière générale, le Conseil d’Etat a pris la décision de freiner les volontés municipales, en procédant à une restriction pour les maires d’intervenir dans les domaines contrôlés par la police spéciale.

Force est donc de constater que dès lors qu’une activité fait l’objet d’un contrôle par la police spéciale, l’intervention de la police générale est quasi-impossible. Les activités environnementales sont nombreuses et la plupart relèvent d’un contrôle prépondérant par les autorités compétentes en la matière.

A titre d’exemple, le préfet est titulaire de pouvoirs de police en matière d’installations classées, c’est ainsi qu’il met en place des mesures permettant de protéger l’environnement27.

Il est également compétent pour intervenir dans le domaine de l’eau et notamment sur le plan sanitaire qui lui permet de mettre en place des mesures en cas de risque de pollution et d’atteinte à la santé de la population28. Les autorités ministérielles sont quant à elles compétentes pour intervenir en matière d’OGM29.

Ces polices spéciales limitent donc considérablement l’intervention du maire en la matière. Les règles semblent donc bien établies par la jurisprudence classique.

27 L.511-1 et S du Code de l’environnement

28 L.211-5 du Code de l’environnement

29 R.533-1 du Code de l’environnement

Toutefois, la volonté de certains maires de s’opposer à la pose d’antennes relais, à la culture d’OGM sur leur territoire ou encore et plus récemment à l’épandage des produits phytopharmaceutiques ont donné l’occasion au Conseil d’Etat de constater que la jurisprudence classique ne permettait pas réellement d’apporter une véritable réponse.

Finalement, l’ancienne jurisprudence n’était guère praticable aux situations nouvelles. L’hypothèse des concours entre la police générale et la police spéciale est pourtant envisageable depuis une décision du Conseil d’Etat de 1902 relative à des jeux d’argent30.

Toutefois, l’hypothèse dans laquelle, le maire peut intervenir malgré l’existence d’une police spéciale n’est pas toujours admise, et fait l’objet d’une absence de consensus au sein de la jurisprudence.

30 CE, 18 avril 1902, req. N°04749

B. Le rejet du péril imminent comme conséquence à l’incompétence du maire

Le concours entre la police spéciale et la police générale est envisageable. Autrement dit, il existe des hypothèses dans lesquelles, le maire peut intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale au sein d’une activité pourtant encadrée par une police spéciale. Cette hypothèse déroge donc au principe de base.

Elle a été reconnue par le Conseil d’Etat, dans son arrêt en date du 18 avril 1902, Commune de Néris-les- Bains.

L’idée étant que les mesures prises par des autorités hiérarchiquement supérieures permettent de poser une base et que par conséquent, l’autorité hiérarchiquement inférieure ne peut prendre des mesures afin d’atténuer leurs portées.

A contrario, le concours est réalisable, si deux conditions sont satisfaites. D’une part, la préservation par la police spéciale de toute ou partie des éléments formant l’ordre public, d’autre part, s’il n’existe pas de textes qui exclut expressément le concours.

A ce stade, il est indispensable de rappeler que les règles relatives aux concours de polices administratives sont nuancées.

La forme la plus rare mais paradoxalement la plus connue admet une forme d’intervention concurrente des autorités. La jurisprudence Société des films Lutétia de 1959 admet que l’existence d’une police spéciale n’est pas un obstacle pour l’exercice de la police administrative générale.

La police générale peut intervenir sur le motif de circonstances locales particulières. Autrement dit, la primauté de la police spéciale sur la police générale cesse en cas de circonstances locales particulières. CE, 18 décembre 1959, société Les films Lutétia31.

De manière générale, le Conseil d’Etat, comme il a été constaté précédemment a pris la décision de freiner la volonté des maires de s’immiscer dans le champ de compétences d’une police spéciale.

Nonobstant, les préoccupations environnementales, le risque sanitaire et la crainte toujours plus grandissante de la population ont conduit le juge administratif à préciser les compétences du maire.

31 Rec, p.693

L’articulation des pouvoirs entre l’autorité de police générale et l’autorité de police spéciale est un grand classique. Pourtant, ce classique a été remis en lumière avec l’apparition de la crise sanitaire liée à la COVID 19.

En effet, dans sa décision Néris- Les-Bains, le Conseil d’Etat autorise l’intervention de la police générale du maire sur une activité contrôlée par la police spéciale en cas de péril imminent lié à des circonstances locales particulières.

Dans son ordonnance du 17 avril 202032 relative à la crise sanitaire liée au COVID 19 le Conseil d’Etat exclut la possibilité qu’un péril imminent puisse justifier une quelconque intervention municipale.

En l’espèce, par une ordonnance du 9 avril 2020, le juge des référés du TA de Cergy-Pontoise a à la suite de la demande de la Ligue des droits de l’Homme, suspendu l’exécution de l’arrêté n°2020-167 du 6 avril 2020 dans lequel, le maire de Sceaux a conditionné sur le fondement du principe de précaution, les déplacements dans les espaces publics par le port obligatoire du masque.

Dans son ordonnance du 17 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la requête de la commune et a confirmé la suspension de l’arrêté municipal. Force est de constater, qu’au travers de cet arrêté, le maire de Sceaux s’est fondé sur le principe de précaution afin de protéger la santé de sa population et de prendre des mesures nécessaires face aux risques sanitaires.

Cette décision n’explicite pas directement une nouvelle condition du concours de police générale et spéciale. En effet, cette décision fait application des textes relatifs à l’urgence sanitaire. Il n’en demeure pas moins, qu’il s’agit d’une volonté d’encadrer la velléité municipale.

L’émancipation des communes et plus précisément des maires tient aux « réformes législatives et constitutionnelles qui ont renforcé la décentralisation33 ».

Cette émancipation demeure très encadrée, comme on peut le constater avec l’ordonnance du 17 avril 2020. S’agissant du principe de précaution, dans sa jurisprudence relative aux arrêtés anti-OGM et anti-antennes de téléphonies mobiles, le Conseil d’Etat a exclu l’intervention des maires alors même qu’il s’agissait d’un péril imminent. Il convient d’abord de s’attarder sur la notion du péril imminent.

Le juge interprète de manière assez large cette notion. Si le danger est grave ou imminent, alors le maire dispose de mesures pour faire cesser le risque.

32 N° 440057, Commune de Sceaux, Lebon T. ; AJDA 2020. 1013, note B. Faure ; AJCT 2020. 250, pratique G. Le Chatelier

33 Y. Jegouzo, Police générale et polices spéciales en matière environnementale, p. 151, in C. Vautrot- Schwartz [dir.], La police administrative, PUF, Thémis Essai, 2014

Cette interprétation concrète conduit le juge administratif à prendre en compte l’urgence de la situation, le risque du danger grave et imminent. CE, 21 août 2009, commune de Crégols. Toutefois, une mesure de police n’est légale que si celle-ci fait apparaître le caractère nécessaire de la situation.

Le pouvoir de police du maire dans ces circonstances est temporaire et limité. Par conséquent, la condition du péril imminent est encore bien trop rejetée en la matière.

Force est de constater que le Conseil d’Etat va en premier lieu statuer sur le fait que le maire « ne saurait en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale » et c’est toute la théorie de Jacques PETITS dans ses observations34 concernant l’arrêt désormais célèbre de la commune de Valence.

Le Conseil d’Etat réalise un jugement donc en premier lieu centré sur la compétence du maire, et non sur les conditions relatives au péril imminent.

Toutefois, il existe un paradoxe qui nécessite d’être relevé. En effet, force est de constater une différence de formulation entre l’arrêt commune de Rachecourt-sur-Marne du 2 décembre 2009 qui retient que « le maire ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de péril imminent ».

En principe, le préfet était l’unique autorité compétente pour intervenir au titre de la police spéciale de l’eau.

Cependant, le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité pour le maire d’intervenir en cas de « risque imminent ». En l’espèce, le maire avait alerté sur les risques de pollution de l’eau sur son territoire.

C’est pour cette raison qu’il a été autorisé à intervenir sur le territoire. Apparaît alors, un véritable flou jurisprudentiel qui pose des ambigüités quant à l’invocabilité du « péril imminent » dans l’application du principe de précaution et plus largement la possibilité pour le maire d’intervenir.

En second lieu, le Conseil d’Etat censure de la CAA de Lyon, qui avait réservé l’hypothèse du péril imminent concernant la culture d’OGM sur le territoire de la commune. En effet, il souligne le fait que les cultures n’avaient pas encore débuté. Par conséquent, il a jugé que le risque n’était pas imminent.

Il est possible donc de considérer que la condition du « péril imminent » n’est pas totalement prise en compte par l’autorité de police spéciale.

34 J. Petit, Les aspects nouveaux du concours entre polices générales et polices spéciales, RFDA 2013. 1187

En effet, si les OGM représentaient un véritable risque imminent, le ministre chargé de l’agriculture (police spéciale) n’aurait pas délivré l’autorisation afin de cultiver ces OGM.

Cependant, un second arrêt du Conseil d’Etat relatif à l’installation des antennes relais est dépourvu d’ambiguïté. En l’espèce, la CAA avait censuré un arrêt municipal ordonnant le déplacement des antennes de téléphonies mobiles estimant qu’aucun péril imminent ne justifiait l’intervention du maire.

La censure sera par la suite confirmée par le Conseil d’Etat au motif que « en tout état de cause, le maire n’était pas compétent compte tenu de l’existence d’une police spéciale des communications électroniques organisée de manière complète et confiée à l’Etat 35 ».

Par conséquent, il est possible de conclure à l’exhaustivité de la police spéciale s’agissant des OGM et des antennes de téléphonie mobile. De facto, le maire ne peut intervenir, même en cas de « péril imminent ».

En réalité, le juge administratif n’a pas souhaité laisser des doutes sur l’interprétation. En effet, le péril imminent est conditionné par l’existence d’un danger ou d’un risque avéré pour les populations. Or, le principe de précaution est fondé sur des risques incertains. Il revêt alors peu de sens à son application sur le fondement du risque imminent.

Ce propos est parfaitement illustré par Elise UNTERMAIER36 qui souligne que « l’incertitude du risque de dommage que suppose le principe de précaution semble peu compatible avec l’imminence du péril car si le risque de dommage est imminent, il y a aussi de fortes chances qu’il soit certain 37 ». Force est de constater que le péril imminent est donc très peu accepté sur le fondement du principe de précaution.

Par conséquent, cette exclusivité vaut même en cas de carence des mesures de police spéciale.

En effet, le TA de Cergy-pointoise avait décidé de suspendre l’arrêté du maire de Sceaux interdisant l’usage du glyphosate sur le territoire, alors que les « mesures étaient jugées insuffisantes38 ». En ce sens, la CAA de Paris est à l’origine de plusieurs arrêts rendus pour lesquels les communes contestaient des ordonnances des juges des référés suspendant leurs arrêtés municipaux.

Pour l’ensemble des arrêts, la CAA a statué sur le fait que le maire ne « s’aurait s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale en édictant des mesures règlementaires à caractère générale39 »

35 CE 26 déc. 2012, n° 352117, Commune de Saint-Pierre d’Irube, Lebon T. ; AJDA 2013. 1292, note A. Van Lang

36 Maître de conférences en droit public à la faculté de Lyon

37 Les règles applicables en droit public français, Paris, LGDJ, coll. Elise UNTERMAIER

38 8 nov. 2019, n° 1912600, Préfet des Hauts-de-Seine, AJDA 2020

Par conséquent, la prise en compte du péril imminent n’est pas encore véritablement un outil permettant aux maires de pouvoir intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale.

D’autant plus que, la jurisprudence est de plus en plus tournée vers un rejet des pouvoirs du maire et un ancrage plus flagrant des pouvoirs de la police spéciale.

A fortiori, l’articulation du principe de précaution tend à une exclusivité non pas partielle mais totale de la police spéciale.

39 CAA Paris, 14 févr. 2020, n° 19PA03826, à propos de la suspension de l’arrêté du maire de Fresnes par le juge des référés du TA de Melun

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Lorraine - Faculté de Droit, Economie et Administration de Metz - Master 1 Droit Public
Auteur·trice·s 🎓:
LIGONNET Chloé

LIGONNET Chloé
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