La plurinationalité et l’interculturalité : l’État moderne

Section II :

La plurinationalité et l’interculturalité pour la transformation de l’État

La plurinationalité est apparue dans le troisième cycle du nouveau constitutionnalisme latino-américain, avec la promulgation des constitutions de la Bolivie et de l’Équateur.

À travers des assemblées constituantes représentatives des peuples des pays et avec la participation directe de ces derniers à l’élaboration et à l’approbation des nouvelles constitutions, les constitutions de la Bolivie (2009) et de l’Équateur (2008) ont innové en déclarant leurs pays comme des États plurinationaux et interculturels.

La plurinationalité, liée à l’interculturalité, se révèle comme l’élément le plus important pour la transformation de l’État latino-américain moderne.

Cette transformation est synonyme de décolonisation et de la refondation conséquente de l’État (A), qui passe par l’émancipation sociale (B).

A– Une tentative de refondation de l’État

La reconnaissance de l’État plurinational dans les nouvelles constitutions de Bolivie et de l’Équateur est le résultat de la recherche de dispositions institutionnelles qui rendent possible la coexistence de différentes cultures, peuples ou nations au sein d’un même État.

L’État plurinational implique une remise en cause radicale du concept d’État moderne, fondé sur l’idée de nation civique et sur l’idée qu’en chaque État il n’existe qu’une seule nation. « La plurinationalité est une demande de la reconnaissance d’un autre concept de nation, la nation conçue comme appartenance commune à une ethnie » ou à une culture76.

Le concept d’État plurinational est apparu par la première fois en Bolivie en 1983 dans le document intitulé « Tesis Política » de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB). Cela n’impliquait pas la fragmentation de l’État, ou le séparatisme, mais la reconnaissance de l’existence de différentes nations autochtones dotées d’autonomie comme condition pour parvenir à la décolonisation.

« C’était un changement radical dans la manière dont l’intégration nationale était conçue, non plus comme assimilation de l’indien, mais comme reconnaissance de son identité et de la diversité de la société bolivienne »77.

Sous la revendication de la plurinationalité, les mouvements ont convergé « dans la revendication des aspects tels que la reconnaissance de leurs formes traditionnelles de gouvernement, de leurs droits collectifs et de leurs autonomies territoriales, entre autres »78.

76 75 SANTOS Boaventura de Sousa, op.cit., p. 81.

77 RODRIGUEZ Edwin Cruz, op.cit., p. 57.

78 Ibid., p. 57.

En Équateur, avec le concept d’État plurinational, les mouvements ont réussi à concilier le terme « national autochtone » avec le caractère unitaire de l’État.

Les dirigeants autochtones ont expliqué à plusieurs reprises que la plurinationalité n’impliquait pas une fragmentation de l’État ou la création d’États dans l’État, mais plutôt une forme d’intégration nationale autre que l’assimilation, qui reconnait leur différence culturelle et des espaces d’autonomie et d’autogouvernement, comme condition de la décolonisation et de la construction de relations équitables ou d’interculturalité entre les différentes cultures qui peuplent le pays79.

Ainsi, la reconnaissance de la plurinationalité porte en elle la notion d’autogouvernement et d’autodétermination, mais pas nécessairement la notion d’indépendance.

L’idée d’autogouvernement qui est derrière l’idée de plurinationalité a de nombreuses implications :

[…] un nouveau type d’institutionnalité étatique, une nouvelle organisation territoriale, la démocratie interculturelle, le pluralisme juridique, l’interculturalité, les politiques publiques d’un nouveau type (santé, éducation, sécurité sociale), de nouveaux critères de gestion publique, de participation citoyenne, de service public et de fonctionnaires publics.

Chacun d’eux constitue un défi aux prémisses sur lesquelles s’établit l’État moderne »80.

79 Ibid., p. 57.

80 SANTOS Boaventura de Sousa, op.cit., p. 81.

Un nouveau type d’institutionnalité

La plurinationalité implique la fin de l’homogénéité institutionnelle de l’État. C’est-à-dire qu’au sein d’une même institution, les différents modes d’appartenance institutionnelle sont représentés, en fonction des droits collectifs reconnus; ou qu’au sein d’un État les différences sont représentées par une dualité d’institutions.

Ainsi, les différences dérivées de la reconnaissance de la plurinationalité peuvent être incarnées de deux manières : au sein d’une même institution ou, quand les différences l’exigent, dans des institutions distinctes.

En Bolivie, nous pouvons citer l’Assemblée législative comme exemple d’hétérogénéité au sein d’une même institution : elle est composée de sept circonscriptions autochtones, dont les représentants sont élus selon les règles de leurs propres communautés, par le biais de l’équivalence entre les différents critères de représentation politique des différentes cultures ou nations.

Un autre exemple en Bolivie est le Tribunal constitutionnel plurinational (TCP), autrement dit la cour constitutionnelle bolivienne, où les juges sont élus selon les critères de plurinationalité, avec représentation non seulement du système ordinaire de droit, mais aussi du système autochtone.

À propos de la dualité d’institutions, nous pouvons citer comme exemple les autonomies territoriales autochtones, qui impliquent le pluralisme juridique.

Une nouvelle organisation territoriale

Dans l’État libéral moderne, « la crédibilité de l’universel est renforcée par des métaphores d’homogénéité, d’égalité, d’atomisation, d’indifférenciation. Les deux plus importantes sont la société civile et le territoire national »81.

La première fait référence à la population et la deuxième à l’espace géopolitique, les deux se correspondant.

Le constitutionnalisme plurinational rompt radicalement avec cette construction idéologique, la société civile est recontextualisée pour la reconnaissance de l’existence de diverses nations et peuples, et le territoire national devient, à son tour, la référence géospatiale de l’unité dans la diversité.

Dans l’État plurinational, il y a donc des nations autochtones organisées en autonomies justifiées par leurs histoires ancestrales, qui ne vont pas toujours correspondre au territoire politique d’un département ou d’une commune (autonomies produites par la décentralisation de l’État).

L’interculturalité

Le concept d’interculturalité, développé parmi les critiques aux politiques multiculturelles, fut articulé par les mouvements autochtones à partir des années 80 en référence au problème de l’éducation et, particulièrement en Équateur, comme l’élément principal de la décolonisation.

« Au cours des dernières décennies, le principe de l’interculturalité a guidé les demandes, les actions et les propositions du mouvement [autochtone], dirigées à repenser et à refonder l’État »82.

Ces demandes, actions et propositions, à leur tour, ont servi à définir les bases sémantiques de l’interculturalité.

Cette dernière va au-delà d’une simple relation entre cultures, elle se réfère à des changements profonds pour que toutes les cultures soient représentées et articulées sur les plans économique, social, juridique, politique, du savoir et dans la construction d’une société plurinationale83.

81 SANTOS Boaventura de Sousa, op.cit., p. 93.

82 WALSH Catherine, Interculturalidad, Estado, sociedad: luchas (de)coloniales de nuestra época, ed. Abya-Yala, Quito : Universidad Andina Simón Bolívar, 2009, p. 53.

83 Ibid., p. 53.

Ainsi, l’interculturalité vise la construction de relations équitables entre les cultures et en même temps renforce la nécessité d’échanges et d’apprentissage mutuel. Pour que ces échanges soient faits de manière équitable, les inégalités doivent disparaitre, d’où la préoccupation bolivienne et équatorienne avec la décolonisation.

Tandis que les politiques multiculturelles renforcent l’égalité formelle entre les cultures, inspirées de la philosophie libérale de la sauvegarde des droits individuels et la promotion de la tolérance entre les cultures, l’interculturalité promeut un dialogue entre les cultures et implique un changement structurel.

Il ne s’agit pas de tolérer la différence au sein des structures de la colonialité, mais de transformer profondément la distribution du pouvoir politique et socioéconomique pour combattre les inégalités entre les cultures.

La démocratie interculturelle

Dans le cadre de la plurinationalité, l’interculturalité ne peut se concrétiser que parmi la démocratie interculturelle. Selon Santos, nous pouvons comprendre comme démocratie interculturelle :

1) la coexistence de différentes façons de délibération démocratique, du vote individuel au consensus, des élections à la rotation […] ;

2) les différents critères de représentation démocratique (la représentation quantitative, d’origine moderne, eurocentrée, au côté de la représentation qualitative, d’origine ancestrale […]) ;

3) reconnaissance des droits collectifs des peuples comme condition de l’effectif exercice des droits individuels (citoyenneté culturelle comme condition de la citoyenneté civique) ;

4) reconnaissance des nouveaux droits fondamentaux (à la fois individuels et collectifs) : le droit à l’eau, à la terre, à la souveraineté alimentaire, aux ressources naturelles, à la biodiversité, aux forêts et aux savoirs traditionnels ; et

5) bien au-delà des droits, l’éducation orientée vers des façons de sociabilité et de subjectivité fondées dans la réciprocité culturelle : un membre d’une culture est seulement disposé à reconnaitre l’autre culture s’il sent que la vôtre est respectée, et cela s’applique tant aux cultures autochtones qu’aux cultures non-autochtones84.

Nous pouvons citer l’article premier de la constitution de Bolivie comme exemple de démocratie interculturelle, elle prévoit trois formes de démocratie : la démocratie représentative, la démocratie participative et la démocratie communautaire.

84 SANTOS Boaventura, op.cit. p. 98-99.

Le pluralisme juridique

Le pluralisme juridique fut conçu dans le contexte du monisme juridique, ce dernier étant un paradigme avec lequel le constitutionnalisme plurinational a rompu.

Selon Santos85, la symétrie existante entre droit et État est très problématique puisqu’elle ne reconnait pas la diversité des droits non-étatiques qui existent dans la société et plus encore elle affirme l’autonomie du droit par rapport au politique au sein du même processus où le droit fait dépendre sa validité de l’État.

Le constitutionnalisme plurinational, au contraire, établit que l’unité du système juridique ne présuppose pas son uniformité. Dans les États plurinationaux, les systèmes juridiques (celui de la culture européenne et celui de la culture autochtone) sont autonomes et pourtant ils peuvent communiquer entre eux.

Les relations entre les systèmes constituent cependant un exigeant défi.

Après deux siècles d’une supposée uniformité juridique, il ne sera pas facile pour les citoyens, les organisations sociales, les acteurs politiques, les services publics, les avocats et les juges d’adopter une conception plus large du droit qui, en reconnaissant la pluralité des ordres juridiques, permette la déconnexion partielle du droit de l’État et le reconnecter avec la vie et la culture des peuples86.

La reconnaissance officielle de cette coexistence de systèmes implique des changements, tant pour le droit eurocentré que pour le droit ancestral des peuples originaires.

Les limites constitutionnelles des juridictions autochtones (limites personnelles, matérielles et territoriales) ne suffisent pas à éliminer les conflits dans un cadre normatif qui n’est plus celui de la légalité, mais de l’interlégalité.

La solution de tels conflits sera toujours précaire, risquée et provisoire, puisqu’elle oblige à la traduction interculturelle (qu’est-ce que le «due process of law» en droit ancestral ? Un rêve peut- il fonder la légitime défense ?). Mais telle est la voie de la dignité et du respect mutuellement partagé, la voie de la décolonisation 87.

Pour résumer, nous pouvons dire que les concepts de plurinationalité et d’interculturalité ont fonctionné comme nœud d’articulation des revendications des mouvements autochtones durant les processus constituants qui ont marqué le début d’une véritable émancipation sociale.

85 Ibid., p. 88.

86 Ibid., p. 89.

87 SANTOS Boaventura de Sousa, op.cit., p. 90.

B- Un processus d’émancipation sociale

L’État plurinational cherche à renforcer une pratique épistémique, sociale, juridique et politique interculturelle qui, comme nous avons pu voir, se différencie substantiellement du multiculturalisme.

Ce dernier n’implique pas nécessairement les échanges entre les différentes cultures, mais tout simplement une reconnaissance de droits différenciés et une tolérance pour la coexistence des cultures.  À son tour, l’interculturalité ne prévoit pas une simple inclusion d’une culture, subordonnée à une autre, mais une relation d’échanges mutuels établie en conditions d’égalité, dans un contexte d’interactions démocratiques et émancipatrices.

« L’interculturalité est un processus permanent, conflictuel et dynamique de relation, de communication et d’apprentissage entre des personnes et des groupes ayant des connaissances, des valeurs, des croyances et des traditions différentes »88.

88 BONET Antoni Jesús Aguiló, « Interculturalidad, democracia y emancipación social: algunos retos para una teoría política intercultural », Revista internacional de filosofía, n. 11, 2010, p. 5.

Elle est orientée à développer les potentialités des participants, au-delà de leurs différences sociales et culturelles, elle apparait donc comme une proposition de dialogue et de complémentarité mutuelle.

Ainsi, l’interculturalité est un outil politique et éducatif d’émancipation sociale, cette dernière étant définie comme un processus, ou une action, marqués par la volonté de dénaturaliser l’oppression au sein d’une démocratie.

La plurinationalité et l'interculturalité pour la transformation de l’État

Dans le contexte de mouvements sociaux autochtones qui revendiquent un État plurinational et interculturel dans les termes vus auparavant, le constitutionnalisme transformateur est apparu.

Ce nouveau constitutionnalisme peut être défini comme la création et l’application d’une nouvelle constitutionnalité engagée dans l’objectif de transformer les relations de pouvoir existantes, ainsi que les institutions politiques et sociales d’un pays, dans une perspective interculturelle, participative et également solidaire.

Face au centrisme occidental invisibilisateur appartenant au constitutionnalisme libéral, le constitutionnalisme transformateur se déclare plurinational, interculturel, dialogique et postcolonial, car il promeut la dénaturalisation de l’institutionnalité libérale capitaliste et coloniale, la décolonisation des peuples autochtones et favorise l’ouverture d’espaces dialogiques […]89.

De cette manière, le constitutionnalisme pour les États plurinationaux ne sert plus seulement à déclarer les droits fondamentaux et à assurer la distribution et division du pouvoir et des fonctions de l’État.

Il propose de faire attention à l’opprimé et de lui rendre sa dignité tant par les mécanismes de démocratie participative (plébiscite, référendum, révocation de mandat) que par le pluralisme, qui ne se limite pas à l’aspect politique.

Le pluralisme « promeut la refondation de l’État fondée sur des prémisses différentes de celles qui ont caractérisé l’État moderne du type européen durant longtemps »90.

Il est vrai que ce constitutionnalisme est né d’une partie marginalisée de la société, mais il est important de souligner ici le cadre philosophique de ce nouveau constitutionnalisme (NCL), qui fut la philosophie de la libération, développée à partir des années 60 et qui a comme principal auteur l’argentin Enrique Dussel.

Il s’agit d’une philosophie de la pensée critique latino-américaine qui remet en cause les bases de domination du subcontinent91 et qui renforce dans la région les questions sur l’inclusion des peuples autochtones avec l’objectif de décoloniser, libérant ainsi tous les opprimés par les asymétries historiques. De plus, sur le plan économique, la théorie de la dépendance s’est développée en parallèle à la philosophie de la libération, critique de la dépendance et subordination économique de l’Amérique latine.

À cela nous pouvons ajouter la pensée du collectif de pensée critique du groupe modernité/colonialité, qui prend forme à la fin des années 90.

Ce groupe propose, sous une perspective décoloniale, une discussion critique sur les relations de pouvoir installées par la colonisation européenne en Amérique latine. Il propose également l’idée d’un tournant décolonial en définissant l’origine de la modernité à partir de la conquête de l’Amérique et non à partir du siècle des Lumières, pour lier la modernité à la colonialité.

Enfin, la pensée de la théorie critique latino-américaine se différencie substantiellement des théories critiques européennes ou eurocentrées, dans lesquelles l’émancipation sociale n’est pas possible hors des limites du progrès et de l’évolutionnisme92.

89 BONET Antoni Jesús Aguiló, op. cit., p. 7.

90 CORRÊA DE SOUSA Adriano, « A emancipação como objetivo central do novo constitucionalismo latino-americano: os caminhos para um constitucionalismo de libertação », in BELLO Enzo et VAL Eduardo Manuel (dir.), O pensamento pós e descolonial do novo constitucionalismo latino-americano, Caxias do Sul : Educs, 2014, p. 66.

91 Ce terme désigne l’Amérique latine.

92 Cf. MARX Karl et ENGELS Friedrich, Le colonialisme, Paris : Critique Eds, 2018, 396 p.

L’histoire récente de l’Amérique latine a donc démontré que la recherche de l’émancipation sociale n’est pas survenue à travers les prévisions marxistes traditionnelles, c’est-à-dire à travers un prolétariat comme acteur social qui aurait la potentialité instinctive d’apporter la rédemption de l’humanité.

Malgré le fait que la majorité de la gauche latino-américaine soit encore emprisonnée schématiquement à l’idée qui prévoit que la classe laborieuse est une classe ontologiquement révolutionnaire, le nouveau constitutionnalisme latino-américain remet (allié de la gauche) en cause cette thèse93.

Les constitutions de l’Équateur et de la Bolivie dénotent la rupture avec l’eurocentrisme et avec l’importation de théories des pays centraux avec non seulement leur contenu, mais aussi avec la forme par laquelle les sujets ont été pris en compte dans les constitutions. Leurs processus constituants ont ouvert les voies pour l’émergence d’un acteur social avec un potentiel révolutionnaire : l’émancipation sociale des peuples autochtones cumulée avec la libération nationale économique94.

Ainsi, dans le contexte théorique, les thèses pour une émancipation sociale avaient été déjà consolidées avec la philosophie de la libération et la théorie de la dépendance.

Sur le plan pratique, la population marginalisée commença à s’organiser politiquement afin de s’émanciper, autrement dit, de se libérer du contrôle des élites politiques pour décider enfin de leur propre destin.

Ces contextes sociopolitique et théorique ont fait apparaitre les processus constituants de l’Équateur et de la Bolivie, qui peuvent illustrer l’utilisation d’un processus constituant pour l’émancipation sociale des peuples et nations autochtones.

[Le] changement s’est déroulé de manière démocratique, à travers le constitutionnalisme démocratique, contrairement à la culture imprégnée des coups d’État, constituant une utilisation clairement contre-hégémonique d’instruments hégémoniques pour ouvrir la voie à l’émancipation, d’où le fait que Rubén Martinez Dalmau et Roberto Viciano Pastor (2012) se battent pour l’existence d’un nouveau constitutionnalisme latino-américain95.

Avec ce dernier, le constitutionnalisme est désormais concrétisé par le peuple, selon leurs intérêts et leurs besoins, rompant avec la logique très présente dans la région d’un constitutionnalisme dirigé par les élites et qui ne correspond pas à la réalité sociale de la majorité de la population.

Dans cette perspective théorique constitutionnelle, la constitution est la consolidation de la manifestation souveraine du pouvoir constituant originaire (le peuple), à laquelle les pouvoirs constitués doivent subordination et obédience. La légitimité et la constitutionnalité des actes de ces derniers découlent de l’exacte conformité avec la volonté de leur créateur, exprimée dans le texte constitutionnel.

93 KELLER Rene Jose, « O processo emancipatório dos atores sociopolíticos no constitucionalismo latino-americano », Revista Em debate, n. 9, 2013, p. 48.

94 Ibid., p. 51.

95 TOLEDO JUNIOR Rubens et RIBEIRO DE SALES Luiz Fernando, O Estado plurinacional da Bolívia e as garantias constitucionais à reafirmação das horizontalidades geográficas, Redes, v. 25, ed. Especial 2, 2020, p. 2657.

Ainsi, la plurinationalité se présente comme un outil de nature émancipateur.

L’État plurinational tient à la liberté, à l’autonomie et à l’autodétermination des peuples autochtones et de cette façon la plurinationalité est devenue un important moyen juridique pour viabiliser un horizon fécond pour la promotion du bien vivre autochtone.

Avec la mise en place de la plurinationalité et de l’interculturalité, l’État assure également le pluralisme juridique d’une juridiction autochtone, ce qui signifie la fin de la souveraineté étatique sur son territoire et la refondation de l’État à partir d’une juridiction plurielle, ce qui corrobore les prétentions émancipatrices des peuples autochtones, pour mettre fin aux impositions intégrationnistes.

Pour Santos96, la reconstruction de la tension entre régulation sociale et émancipation sociale a obligé la sujétion du droit moderne à une analyse critique radicale pour libérer le pragmatisme de sa tendance à suivre les conceptions dominantes de la réalité.

96 SANTOS Boaventura de Sousa, op.cit. p. 70.

Une fois ces conceptions dominantes écartées, il devient possible d’identifier un paysage juridique plus riche et plus large ainsi qu’une réalité qui est devant nos yeux, mais que souvent nous ne voyons pas puisqu’il nous manque la perspective adéquate.

Pour l’étude de la plurinationalité, il est donc inévitable qu’il y ait une intersection entre le droit, l’anthropologie du droit, la philosophie du droit et la sociologie du droit, mais sans les canons de la modernité, qui réduisent ou font taire les expériences juridiques d’autres groupes de la population.

Sans tout cela la concrétisation de l’interculturalité n’est pas possible. Il est important de souligner également que le droit n’est pas émancipateur en soi, mais que ce sont les groupes sociaux qui en recourant au droit pour mener leurs luttes peuvent s’émanciper.

En outre, la simple existence théorique ou normative du NCL (Nouveau constitutionnalisme latino-américain) ou de l’État plurinational n’est pas une fin en soi pour les mouvements autochtones, ce qui importe pour eux est la concrétisation de cet État.

Pour mieux comprendre cela, dans le prochain chapitre, nous allons analyser plus profondément le développement normatif constitutionnel en Bolivie et en Équateur, autrement dit nous allons étudier comment se sont formés les premiers États plurinationaux et interculturels du monde.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Clermont Auvergne - École de droit - Master 2 Droit public approfondi
Auteur·trice·s 🎓:
Thayenne Gouvêa de Mendonça

Thayenne Gouvêa de Mendonça
Année de soutenance 📅: Mémoire en vue de l’obtention de Master en Droit Public mention Carrières Publiques - 2021-2027
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