Deuxième partie : Les droits des peuples autochtones dans les nouvelles constitutions andines

Dans cette deuxième partie de la recherche, nous allons nous consacrer à l’étude plus approfondie des textes constitutionnels du dernier cycle du nouveau constitutionnalisme latinoaméricain, c’est-à-dire les textes constitutionnels de la Bolivie et de l’Équateur.

La consécration constitutionnelle des droits des peuples et nations originaires dans les deux pays est le produit de leurs luttes sociales et de leur organisation politique afin de décoloniser leurs États.

Mais, au-delà de la consécration constitutionnelle de la plurinationalité, de l’interculturalité et de la conséquente autonomie autochtone, quels sont les droits des peuples et nations originaires dans ces pays, qui forment ensemble un nouveau type de savoir, autrement dit, un nouveau type de constitutionnalisme ?

Les deux textes constitutionnels représentent un même courant de pensée, mais les droits prévus par eux sont-ils les mêmes ?

En outre, par rapport à leur concrétisation, si ce nouveau constitutionnalisme a été fait « depuis le bas », les élites qui font toujours partie du pouvoir se sont-elles conformées aux nouvelles règles ?

Ou, au contraire, la concrétisation de la plurinationalité fait-elle face à des défis ?

Pour répondre correctement à ces questions, nous allons d’abord démontrer la volonté commune de promotion des droits fondamentaux des nations et peuples autochtones (Chapitre I), revendiqués durant les marches autochtones dans les deux pays, à travers la constitutionnalisation de leurs droits, en analysant les droits expressément prévus par les textes constitutionnels, à partir de la méthode comparative du droit.

Ensuite, nous allons analyser quels sont les défis de la concrétisation de la plurinationalité dans les deux pays (Chapitre II).

Chapitre I:

Une volonté commune de promotion des droits fondamentaux des peuples autochtones

La prise en compte de dispositions, par les constitutions de l’Équateur et de la Bolivie, concernant les droits individuels et collectifs spécifiques aux peuples et nations autochtones, ainsi que sur l’objectif du « vivre bien » de toutes les personnes qui composent les sociétés bolivienne et équatorienne, dénote une volonté commune entre les deux États de promouvoir les droits fondamentaux des peuples originaires d’Abya Yala.

La reconnaissance des conséquences néfastes de la colonisation faite par les États les conduit, premièrement, à accorder des droits spécifiques aux peuples autochtones, qu’ils soient individuels ou collectifs.

Quant aux droits individuels spécifiques, il ne s’agit pas vraiment d’une disposition de droits spécifiquement prévus pour la personne autochtone, mais de différentes formes de promotion des droits individuels universels, qui tiennent compte de la colonialité moderne.

Les droits collectifs, à leur tour, sont des droits qui doivent être exercés par les peuples autochtones en tant que groupe, c’est-à-dire en tant que sujets collectifs de droit, par exemple le droit au territoire. Il n’y a pas de dichotomie entre les droits individuels et les droits collectifs et les peuples autochtones doivent être considérés à la fois en tant qu’individus et en tant que collectivité.

Deuxièmement, la reconnaissance de la colonialité a poussé les États à adopter la cosmovision autochtone dans leurs constitutions et à définir comme finalité le « buen vivir/vivir bien », ce qui, en somme, adopte une vision écocentrique du monde, où prédomine l’harmonie entre l’homme et la nature et non la domination de la nature par l’homme.

Cette vision autochtone du monde, lorsqu’elle est promue par la loi fondamentale des États, se traduit par la valorisation de la culture autochtone.

En outre, à partir de la prise en compte du « vivre bien », issue de l’interculturalité, non seulement les droits collectifs autochtones sont protégés, comme le droit au territoire et à la participation, mais aussi les droits collectifs de toute la société et même des générations futures à l’environnement sain et équilibré.

Compte tenu de ce qui précède, il convient d’approfondir la démonstration de la volonté commune de ces États de protéger et de valoriser la culture autochtone (Sect. I) et les différents moyens prévus par les constitutions pour atteindre l’objectif du « vivre bien » (Sect. 2).

Section I :

La volonté commune de protection et de valorisation de la culture autochtone

Dans cette section, nous démontrerons que les constitutions de la Bolivie et de l’Équateur ont été rédigées, avant tout, pour inclure la vision autochtone du droit, de la justice, de la nature, de l’économie, de l’éducation, etc. dans la formation de l’État.

Grâce à l’octroi de droits spécifiques aux peuples et nations autochtones, il existe une volonté ou un animus commun de protection, de valorisation et d’intégration (dans l’interculturalité) de la culture autochtone.

Les peuples et les nations autochtones, pour se développer par l’autodétermination, ont besoin que l’État leur accorde des droits spécifiques. Ces droits sont appelés droits collectifs parce qu’ils sont exercés par les peuples autochtones en tant que peuples, c’est-à-dire en tant que groupe, et non individuellement.

Ainsi, il nous reste à analyser quels sont les droits collectifs spécifiques des peuples autochtones reconnus par les nouvelles constitutions et quelle est la raison de la reconnaissance de ces droits collectifs, c’est-à-dire leur cause et leur objectif.

Certains disent que les droits collectifs prévus sont incompatibles avec les droits individuels universels, cependant, nous démontrerons dans cette section que les deux sont parfaitement compatibles et peuvent être exercés par les peuples autochtones à la fois en tant que groupe et en tant qu’individus, malgré les revendications pour leur reconnaissance en tant que sujet collectif de droit, et qu’il incombe aux États de promouvoir ces droits.

Dans cette veine, nous analyserons également les différences entre les constitutions de la Bolivie et de l’Équateur quant aux dispositions sur les de droits des peuples et nations autochtones.

Comme nous l’avons vu précédemment, la constitution bolivienne assure une plus grande autonomie aux peuples autochtones, ce qui en soi démontre une meilleure protection et valorisation des peuples autochtones par ce pays. Cependant, en ce qui concerne les autres droits prévus dans les constitutions, nous avons constaté que les deux pays sont également progressistes en la matière.

Ainsi, il nous incombe d’analyser les similitudes et les différences, dans le cadre d’une étude comparative, entre les droits humains collectifs spécifiques des peuples autochtones (A) et leur compatibilité avec les droits individuels universels prévus dans ces constitutions (B).

A– Les peuples autochtones jouissent de droits humains collectifs spécifiques

Les droits collectifs sont des droits humains spécifiques à certains groupes humains qui en sont titulaires.

Les droits collectifs font partie des droits de troisième génération dont la reconnaissance internationale fut historiquement postérieure à celle des droits civils et politiques (droits de première génération) et à celle des droits économiques, sociaux et culturels (droits de deuxième génération).

Le droit au développement, à la paix, au patrimoine artistique et culturel, à un environnement sain et équilibré et les droits des peuples autochtones en sont des exemples120.

Les droits collectifs sont différents des autres droits de troisième génération parce qu’il est possible de déterminer qui peut concrètement les réclamer ou qui est affecté par leur violation. Par exemple, d’une part nous ne pouvons pas déterminer spécifiquement qui a ce droit, car il affecte toute la société, d’autre part, les droits collectifs affectent une partie de la société, autrement dit, un groupe spécifique.

Donc, les droits collectifs des peuples autochtones sont propres à ceux qui les intègrent. Les droits collectifs furent et sont toujours un instrument de légitimation d’une croissante quantité de revendications des groupes minoritaires dans les sociétés multiculturelles qui remettent en cause le système démocratique et l’efficacité des droits individuels pour protéger les intérêts de groupes121.

120 GRIJALVA Angustín, ¿Qué son los Derechos Colectivos?, 2009, disponible sur http://dis.um.es/~lopezquesada/documentos/IES_1415/LMSGI/curso/xhtml/html3/doc/derechoscolectivos.pdf consulté le 30 juillet 2022.

121 GAMBOA BALBÍN César Leonidas, « Aproximación teórica a los derechos colectivos de los pueblos indígenas », Derecho y sociedad, 2003, n. 21, p. 62.

Ainsi, les droits collectifs sont un élément normatif qui sert à garantir le développement de l’identité et des institutions culturelles particulières des peuples autochtones (et d’autres minorités ethniques comme les afrodescendants).

La reconnaissance juridique de l’entité collective trouve ses racines dans la situation de diversité culturelle prédominante en l’Amérique Latine.

La reconnaissance de la diversité ethnique et culturelle implique la reconnaissance d’un nouveau type de sujet de droit, les peuples autochtones, qui ont désormais la possibilité de s’autodéfinir comme des nationalités.

Les constitutions de la Bolivie et de l’Équateur consacrent le droit à la diversité culturelle lorsqu’elles déclarent l’État comme un État plurinational et interculturel (articles premiers des deux constitutions).

Les droits des peuples autochtones

Les autres droits collectifs des peuples autochtones vont donc découler du droit à la diversité culturelle. Dans la constitution équatorienne de 2008, ces droits sont prévus dans l’article 57 et dans la constitution bolivienne de 2009, ces droits sont prévus dans l’article 30.

En somme, la constitution équatorienne prévoit le droit :

  1. à l’identité culturelle,
  2. droit aux terres et territoires ancestraux,
  3. à la participation dans l’usufruit, l’administration et la conservation des ressources naturelles renouvelables de leurs terres,
  4. à la consultation préalable, libre et informée,
  5. à la conservation et à la promotion des leurs pratiques de gestion de la biodiversité,
  6. à la propriété intellectuelle,
  7. à leurs propres formes d’organisation sociale et de génération et d’exercice de l’autorité dans leurs territoires,
  8. à leur droit consuétudinaire,
  9. au développement de leurs propres sciences et savoirs ancestraux,
  10. à la protection de leurs lieux sacrés,
  11. à la protection de l’écosystème de leurs territoires,
  12. à la protection de leur patrimoine culturel et historique,
  13. à l’éducation interculturelle bilingue,
  14. à la participation dans la définition des politiques publiques qui les concernent et finalement
  15. à la promotion de leur diversité culturelle, de leurs traditions et de leur histoire.

Les peuples autochtones jouissent de droits humains collectifs spécifiques - Les droits des peuples autochtones: la Bolivie et l'Équateur

La constitution bolivienne, à son tour, prévoit les droits collectifs suivants :

  1. le droit à l’existence ;
  2. à l’identité culturelle ;
  3. à la libre détermination et à la territorialité ;
  4. à ce que leurs institutions fassent partie de la structure générale de l’État ;
  5. aux terres et territoires ;
  6. à la protection de leurs lieux sacrés ;
  7. à avoir leurs propres systèmes et réseaux de communication ;
  8. à vivre dans un environnement sain, avec une gestion adéquate des écosystèmes ;
  9. à la propriété intellectuelle, ainsi qu’à la promotion de leurs savoirs traditionnels ;
  10. à l’éducation intraculturelle, interculturelle et plurilingue ;
  11. au respect de leur cosmovision et pratiques traditionnelles dans le système de santé universel et gratuit ;
  12. à l’exercice de leurs systèmes politiques, juridiques et économiques accordés à leur cosmovision ;
  13. à la consultation préalable lors de l’adoption des lois et politiques publiques qui les concernent ;
  14. à la consultation préalable obligatoire, de bonne foi et concertée par rapport à l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables dans leurs territoires ;
  15. à la participation aux bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles ;
  16. à l’usage exclusif des ressources renouvelables qui existent dans leurs territoires, sans préjudice des droits légitimement acquis par des tiers ; et
  17. à la participation dans les organes et institutions de l’État.

Par ces deux listes de droits collectifs prévus par chaque constitution, nous pouvons constater la similitude des dispositions constitutionnelles des deux États.

Les deux constitutions renforcent l’identité autochtone dans leurs dispositions citées ci-dessus, puisqu’elles protègent et garantissent la promotion de leurs cultures, leurs langues, leurs savoirs, leurs traditions, etc.

Néanmoins, les droits les plus importants reconnus par les constitutions sont le droit à la participation politique des peuples et nations autochtones, le droit aux terres, territoires et ressources naturelles et à leur droit consuétudinaire.

Le droit à la participation politique

Le droit à la participation politique des peuples et nations autochtones est un droit spécifique qui découle de leur droit à l’autodétermination et qui est reconnu non seulement dans les constitutions, mais aussi dans plusieurs instruments de droit international comme le Pacte international de droits civils et politiques, la convention 169 de l’OIT et la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, tous ratifiés par la Bolivie et par l’Équateur.

« Sa nature juridique est différente de celle du droit de vote et de participation aux élections périodiques que tous les individus ont. Dans ce sens, il ne suffit pas de reconnaitre un droit de consultation »122, mais un véritable et réel droit de participation, qui doit réunir trois caractéristiques fondamentales : la participation doit être libre, préalable et informée.

La demande de participation politique des peuples autochtones « se traduit également par le droit d’être élu et d’apparaitre en tant qu’acteur politique, ce qui nécessite la pleine reconnaissance dans le système juridique de leur personnalité juridique »123.

Le texte constitutionnel bolivien reconnait expressément le droit à la participation dans son article 30, II, n. 15 à 18, lorsqu’il dispose que les peuples ont le droit à « être consultés selon les procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions, à chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter » et à « participer au sein des organes de l’État ».

« En outre, la Constitution bolivienne indique expressément que les élections directes des représentants des nations et peuples autochtones originaires paysans doivent se dérouler conformément à leurs propres normes et procédures (art. 26.I.4) »124.

122 AGUILAR Gonzalo et al., Análisis comparado del reconocimiento constitucional de los pueblos indígenas en américa latina, Conflict prevention and peace forum, disponible sur https://nanopdf.com/download/analisis-comparado-del-reconocimiento_pdf consulté le 30 juillet 2022, p. 5.

123 Ibid., p. 5.

124 Ibid., p. 6.

De la même façon, la constitution équatorienne, dans son article 57, n. 16, dispose que les peuples autochtones ont le droit à participer, à travers leurs représentants, au sein des organismes officiels qui déterminent la loi, à la définition des politiques publiques qui les concernent, ainsi qu’aux choix et décisions de leurs priorités, autrement dit, de leurs intérêts, au sein des plans et projets de l’État.

Le droit à la terre, au territoire et aux ressources naturelles

Les droits sur les terres, territoires et ressources naturelles, tant les ressources renouvelables que les non renouvelables qui sont dans les sols sont au centre des revendications des peuples autochtones en raison de leur relation spéciale avec les espaces qu’ils ont traditionnellement occupés, possédés ou utilisés125.

Pourquoi les droits relatifs à la terre, aux territoires et aux ressources naturelles sont-ils au cœur de la revendication des peuples autochtones dans toutes les régions du monde ?

La raison fondamentale réside dans les relations particulières que les peuples autochtones entretiennent avec les espaces qu’ils ont traditionnellement possédés, occupés ou utilisés.

Ils se considèrent comme historiquement et spirituellement unis à la terre et ils envisagent une vision holistique de la vie, de la terre et de l’environnement. Posséder, conserver et administrer des terres, des territoires et des ressources ancestraux est vital pour l’intégrité et la survie physique et culturelle des peuples autochtones.

Plus encore, ces revendications sont une réponse au pillage historique de leurs terres et territoires ainsi qu’à la destruction et à l’appropriation des ressources naturelles qui existent dans ces lieux126.

Les terres, territoires et ressources naturelles ne peuvent pas être dissociés. En effet, « considérés comme des droits collectifs, ces droits tentent de réglementer diverses situations juridiques, à savoir la propriété, la possession, l’occupation, le contrôle, l’administration, la conservation, le développement, l’utilisation et l’accès aux terres, territoires et ressources naturelles ».

Le bloc « terres, territoires et ressources naturelles » rassemble, dans une approche destinée à engager la reconnaissance de droits aux peuples et nations autochtones, une idéologie « de la terre comme matrice, une vision du territoire comme fondement de l’exercice des droits sociaux, économiques, politiques, culturels, et une conception des moyens de construire l’autonomie, à travers un contrôle sur les ressources nécessaires à la reproduction de sociétés distinctes »127.

125 AGUILAR Gonzalo et al., op.cit., p. 6.

126 AGUILAR Gonzalo et al., « South/North Exchange of 2009- The Constitutional Recognition of Indigenous Peoples in Latin America », Pace International Law Revue Online Companion, vol. 2, n. 2, 2010, p.69.

127 BELLIER Irène, Terres, territoires, ressources : les relations entre politique, économie, culture et droits des peuples autochtones, Paris : L’Harmattan, 2014, p. 16.

Les deux constitutions prévoient le droit à la possession des terres et territoires (art. 30, II, 6, CPEB et art. 57, 5, CRE), mais elles font une distinction entre les ressources naturelles renouvelables et les ressources naturelles non renouvelables.

Les constitutions établissent des droits différenciés selon le type de ressource naturelle.

Selon l’article 30, II, 17, de la constitution bolivienne, les peuples autochtones ont le droit exclusif aux ressources naturelles renouvelables dans leurs territoires (en respectant le droit acquis des tiers). De plus, la constitution prévoit la consultation préalable obligatoire des peuples autochtones pour l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables de leurs terres et prévoit également leur participation aux bénéfices (art. 30, II, 15, CPEB).

À son tour, l’article 57, 6, de la constitution équatorienne, dispose que les peuples autochtones ont le droit de participer à l’usage des ressources renouvelables.

En outre, l’article premier de la constitution dispose que les ressources naturelles non renouvelables de l’Équateur appartiennent à l’État et l’article 57, 7, dispose le droit à la consultation préalable, libre et informée lors de l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables de leurs terres, accompagné du droit à la participation aux bénéfices du projet.

Ainsi, malgré leur similitude dans la prévision des droits fonciers, nous pouvons noter une différence importante entre les deux constitutions : les peuples et nations autochtones de la Bolivie ont le droit exclusif à l’usage des ressources naturelles renouvelables de leurs territoires tandis que ce n’est pas le cas en Équateur, où les peuples autochtones partagent ce droit avec l’État.

En outre, il y a une différence importante entre les deux textes normatifs lors de la prévision de la consultation préalable : le texte bolivien utilise le terme « obligatoire » et le texte équatorien non.

Cependant, l’usage du terme « obligatoire » dans la constitution bolivienne sert seulement à renforcer l’idée principale menée par les deux constitutions : la consultation préalable des peuples autochtones pour pouvoir exploiter les ressources qui se trouvent dans leurs territoires.

Le droit consuétudinaire autochtone

Le droit consuétudinaire autochtone concerne l’ensemble d’usages, pratiques, coutumes, croyances et principes qui réglementent la coexistence interne et qui ont été transmis principalement de manière orale, appliqués de manière générale, obligatoire et uniforme dans le temps par le peuple autochtone et qui sont susceptibles de contrôle social de la part de ses membres, autorités et organisations.

Ainsi, le droit consuétudinaire autochtone constitue des « normes de vie et des organisations qui sont fixées par les peuples autochtones à travers leurs coutumes, y compris les formes internes de gouvernance et/ou les mécanismes pour résoudre leurs controverses par le biais d’institutions et de procédures qu’ils définissent »128.

128 AGUILAR Gonzalo et al., « South/North Exchange of 2009- The Constitutional Recognition of Indigenous Peoples in Latin America », Pace International Law Revue Online Companion, vol. 2, n. 2, 2010, p.87.

Le droit consuétudinaire autochtone, ainsi, se fonde dans le droit de libre détermination et il est intimement lié à l’identité culturelle des peuples autochtones. En effet,

La Constitution de la Bolivie est devenue la charte fondamentale qui accorde la plus grande importance au droit autochtone, y compris au-dessus des standards internationaux, reconnaissant le droit des peuples autochtones «d’exercer leurs systèmes politique, juridique et économique conformément à leur cosmovision», dans un cadre de pluralisme juridique et d’interculturalité et en accordant une hiérarchie égale aux deux juridictions ordinaire et autochtone (cf. art. 30.II.14, 179, 180.II et 191-193).

Un deuxième pays qui, ces derniers temps, a également avancé vers une plus grande reconnaissance des droits des autochtones est l’Équateur, qui dans l’article 57 n. 9 et 10 de sa constitution établit le droit des peuples autochtones à «préserver et développer leurs propres formes de coexistence et d’organisation sociale, ainsi que la génération et l’exercice de l’autorité, dans leurs territoires légalement reconnus et dans leurs terres communautaires de possession ancestrale», et de «créer, développer, appliquer et pratiquer leur droit propre ou consuétudinaire»129 ».

Cependant, la reconnaissance constitutionnelle du droit consuétudinaire autochtone compte avec quelques limitations dans les deux pays. D’abord, le respect à la constitution, c’est-à-dire, la norme étatique. Ensuite, le respect des droits humains et des droits fondamentaux.

129 AGUILAR Gonzalo et al., Análisis comparado del reconocimiento constitucional de los pueblos indígenas en américa latina, Conflict prevention and peace forum, disponible sur https://nanopdf.com/download/analisis-comparado-del-reconocimiento_pdf consulté le 30 juillet 2022, p. 10-11.

En outre, la constitution équatorienne dans l’article 171 dispose que la fonction juridictionnelle exercée par les peuples autochtones doit garantir la participation et la décision des femmes. Quant à la constitution bolivienne, elle limite dans son article 191.II, 2, la compétence matérielle de la juridiction autochtone à ce qui est disposé dans une loi de délimitation juridictionnelle (promulguée le 29 décembre 2010, presque 2 ans après la promulgation de la constitution).

Cela pour rendre compatible le droit consuétudinaire autochtone au droit étatique, dans le dialogue interculturel.

…..

Malgré l’importance considérable des droits collectifs pour l’étude de la reconnaissance constitutionnelle des droits des peuples autochtones dans les constitutions bolivienne et équatorienne, il est indispensable de soulever les enjeux de cette reconnaissance par rapport aux droits individuels, autrement dit, il est indispensable d’analyser la compatibilité entre droit collectif et droit individuel, puisque les autochtones jouissent également de tous les droits individuels universels prévus dans les constitutions et traités internationaux.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Clermont Auvergne - École de droit - Master 2 Droit public approfondi
Auteur·trice·s 🎓:
Thayenne Gouvêa de Mendonça

Thayenne Gouvêa de Mendonça
Année de soutenance 📅: Mémoire en vue de l’obtention de Master en Droit Public mention Carrières Publiques - 2021-2032
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