L’économie, fer de lance menant à l’habitat indigne

L’économie, fer de lance menant à l’habitat indigne

Chapitre 2 : L’économie, fer de lance menant à l’habitat indigne

Parmi les propriétaires de logement indigne, certains sont captifs et ne peuvent se sortir de cette situation. N’arrivant pas à louer un logement ou désirant être propriétaire malgré leur situation limite et précaire, ils se tournent vers l’achat d’habitation à prix abordable, se situant dans des lieux peu valorisés et non sujet à être réhabilités.

Ne disposant pas assez de ressources financières pour conserver leur habitat salubre, ou encore ne pouvant venir à bout de l’importance des dégâts (parties privatives et communes, donc des frais et charges), restent passifs face à cela. L’immeuble poursuit son processus de dégradation, le copropriétaire ne peut être que spectateur de cette dégradation.

A contrario, nous avons aussi des propriétaires de biens, les ayant acquis dans l’intention malhonnête de profiter de cette situation et de celle de ménages fragiles ne pouvant avoir la chance de vivre dans un logement décent (dans le privé ou social).

Se trouvant dans une impasse, ces ménages n’ont d’autre choix que de céder à ce qu’on leur propose (loyer élevé, habitat indigne) plutôt que de vivre sans toit. Ici, l’intérêt des propriétaires est d’amasser un maximum d’argent au détriment des occupants, tout en dépensant le moins possible sur l’entretien de leur bien.

Cela devient un mode de rentrée pécuniaire facile et rapide, en utilisant la précarité et la vulnérabilité de l’occupant. Nombreux malheureusement sont tentés par ce type de logement.

Nous ne pourrons énumérer tous les différents enjeux économiques dans ce mémoire car trop nombreux, mais nous pouvons ouvrir également une parenthèse sur certains promoteurs immobiliers qui voient en cela une manne financière conséquente.

Chapitre 3 : Conséquences sanitaires et sociales

Vu précédemment, le logement indigne, contrairement au degré d’indécence, comporte des risques accrus de la sécurité et de la santé des occupants.

Mais il doit avant tout cela, respecter la dignité humaine, et cette justification, bien qu’indispensable, est un fondement universel. Le droit précise que ce type de logement contredit à la sauvegarde de la dignité de tout un chacun.

Nombreux sont les textes évoquant le caractère sacré de la dignité humaine. Au préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme, il est dit : « que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Au niveau européen, il figure dans le premier chapitre de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 18 décembre 2000, et entrée en vigueur le 1er décembre 2009. Il est cité dans l’article premier que « la dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée »

3.1- Exclusion sociale liée au logement 11

Nous venons de voir précédemment que selon la situation du ménage ou de la famille, les multitudes de points à souligner emmènent au final à ce que ces futurs occupants soient contraints d’occuper un logement qu’il leur sera proposé.

La chose se compliquera certainement si ce logement fait partie du parc privé. Cette contrainte ne se fera pas sentir pour les personnes de classe moyenne ou haute qui auront donc les moyens nécessaires pour se loger dans des logements d’un plus haut standing.

Les personnes qui sont en situation défavorisée sont donc les premières victimes de l’habitat indigne. Cette situation mène à l’exclusion sociale et de surcroît à vivre sous un toit où danger et insalubrité font bon ménage.

À Marseille, 26% des ménages se situent en dessous du seuil de pauvreté, soit plus d’un quart de la population marseillaise (contre une moyenne nationale de 14,9%).

«Il y a beaucoup de pauvres, et pas assez de logements sociaux», résume l’actuel président de la FAP Florent Houdmon, «alors qu’il y a aussi beaucoup de richesses, puisque nous battons des records de résidences fermées».

Nous aborderons d’ailleurs la question des logements vacants en seconde partie.

11 Les éléments que nous citerons ci-dessous ont été entre autre inspiré du livre « le logement intolérable, habitants et pouvoirs publics face à l’insalubrité » de la sociologue Pascale Dietrich Ragon et du livre « Sociologie de Marseille »

Nous constatons à Marseille que parmi ces victimes, il y a une majorité de personnes de nationalité étrangère, en situation régulière ou au contraire, des « sans papiers », ce qui complique les choses. Nous retrouvons aussi les personnes âgées ne touchant qu’une faible pension de retraite, pas assez pour se permettre d’avoir une situation correcte.

Évoque un peu plus haut, les familles monoparentales, comme par exemple une mère divorcée sans emploi se retrouvant seule à élever son ou ses enfants, fait partie des cibles de gens malhonnêtes.

Les catégories sont nombreuses et variées (pensionnaires de leur handicap, ségrégation raciale…) et la FAP établit régulièrement un rapport sur ce constat alarmant. Les propriétaires occupants feront également partie des logés selon leur situation.

Les facteurs prépondérants à l’attribution d’un logement dans le privé restent la ségrégation sociale et raciale.

Mais comme l’a souligné Philippe Pujol durant la conférence « l’habitat, un enjeu pour Marseille » le 5 Décembre dernier, lorsqu’il a été interrogé sur la question du racisme à Marseille, il a répondu qu’il s’agit surtout du facteur social qui est visé, et non la question de l’origine (ou plutôt, ceci se fait apparemment bien moins sentir que dans d’autres villes).

Concernant le logement social, et contrairement au privé, la discrimination raciale ne devrait pas se poser. Cela dit, nous vous présentons un extrait d’un article de Valérie Sala Pala intitulé : « La politique du logement social est-elle raciste ? le cas marseillais ».

« De nombreux dispositifs locaux ont été créés dans cette perspective : chaque préfecture est tenue d’adopter un règlement départemental d’attribution (RDA) en vue de préciser les critères de priorité […] Or à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, la territorialisation des normes d’attribution est aujourd’hui un échec patent, comme dans nombre d’autres territoires locaux.

Les acteurs locaux (municipalités, structure intercommunale, département, préfecture) n’ont pas été capables de coproduire des normes d’attribution effectives.

Cette incapacité peut s’expliquer par plusieurs facteurs locaux défavorables : désintérêt des élus locaux pour le logement social, absence de tradition politique d’interventionnisme local sur le logement social (sauf à gérer celui-ci comme une ressource clientéliste), déficit d’intercommunalité, émiettement du secteur HLM.

Le flou du cadrage national et l’échec de la territorialisation des normes d’attribution laissent au final une très forte latitude aux organismes HLM pour déployer leurs propres politiques d’attribution »

Cette exclusion sociale aura des conséquences néfastes directement ou indirectement sur la santé et la sécurité. Ce possible déséquilibre sanitaire va de connivence avec l’Etat psychique de l’individu.

3.1.1- Le cas des étrangers en situation irrégulière

Mis à part qu’un étranger sans papier aura la possibilité d’obtenir des droits sociaux et médicaux via l’aide médical d’état (AME) ou de la couverture maladie universelle (CMU) ainsi que des droits d’éducation pour les enfants12, ils ont droit à un hébergement d’urgence, droit qui découle de l’article 345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles.

Ce droit à un hébergement d’urgence donne accès à «toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale […], à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.» Il ne sera néanmoins pas soumis à une régularité de séjour. Le fait d’avoir mentionné le droit d’éducation pour les enfants n’est pas anodin, car il s’agit d’un facteur qui fera, volontairement ou non, ancrer la famille dans le secteur.

12 Conformément à l’article 131-1 du code de l’éducation

Partant de cette situation précaire, ils seront les premières victimes des marchands de sommeil qui sont leurs cibles privilégiées. Ils ne pourront avoir recours ni à un logement social ni à du privatif légal (défaut de documents pour établir un bail et rassurer le bailleur).

Ils n’auront d’autre choix, et les cas sont nombreux à Marseille, qu’à un habitat contraint, appartenant à un propriétaire souvent malhonnête, ou occuper un squat.

C’est en résumé une situation indigne qui les attend. Nous n’allons pas évoquer des cas juridiques les concernant (au sujet de l’hébergement ou du relogement de ces personnes par exemple).

3.2- Impact sanitaire

L’exclusion sociale amène, comme nous venons de dire, à un impact psychologique et physique de l’individu. Il pourrait à terme, au-delà de sa situation qu’il pourrait qualifier de honteuse, souffrir de dépression, de repli sur soi, panique, voir même d’envie de suicide.

Les personnes vivant dans des logements indignes ou sous arrêté de péril à Marseille ressentent, d’après leurs témoignages, un sentiment d’insécurité vécu au quotidien.

Un article intéressant de Lauren Taylor datant de Juin 2018 et tiré du site « HealthAffairs.org » intitulé « housing and health : an overview of the Literature » met en évidence que l’habitat est intrinsèquement lié à la santé physique et psychique, et qu’il y a essentiellement 4 voies reliant la santé au logement qui sont :

  • La stabilité
  • La qualité et la sécurité
  • L’accessibilité
  • Le voisinage

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Four pathways connecting housing and health (source : healthaffairs.org)

Cet article s’est basé sur des études faites par « The National Center for Biotechnology Information (NCBI) » publiées en 2015 et intitulé « Home Foreclosure, Health, and Mental Health: A Systematic Review of Individual, Aggregate, and Contextual Associations »

La définition de l’habitat indigne est une notion juridique, introduite à l’article 4 de la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion (MOLLE) du 25 mars 2009.

Maintenant que nous avons étayé certains facteurs et enjeux de la LHI, voyons à présent quelques risques de santé liés à un logement indigne.

L’économie, fer de lance menant à l’habitat indigne

Ce qui peut faire défaut et qui peut conduire à des problèmes sanitaires en cascade, c’est un logement mal isolé. L’occupant peut se trouver dans cette situation et fera parfois, par ignorance des conséquences, ou par grande nécessité de faire face au froid qui y règne, de boucher les aérations et donc de priver le logement de la ventilation indispensable.

Cela génèrera inévitablement de la condensation qui se traduira par, dans un premier temps, de la moisissure. Ce dernier sera le début du processus de la dégradation du logement (décollement de la tapisserie, peinture, murs qui s’effrite…) ainsi que de la santé des occupants avec par exemple des problèmes de respiration (asthme…).

Autre cas de souci sanitaire, une installation de chauffage dangereuse liée au raccordement électrique défectueux peut amener non seulement à un problème manifeste de température (surtout en période de froid) mais aussi s’il fait défaut, à ce que l’occupant fasse appel à un autre moyen de le compenser.

Si après avoir obturé les conduits de ventilation, l’occupant poursuit avec un moyen alternatif de chauffage d’appoint (au fuel, gaz ou autre, et mal entretenu), cela peut conduire à une intoxication au monoxyde de carbone qui peut être une cause de mortalité.

Le problème de ventilation peut également provenir d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC) hors service.

Également, un logement inadapté, c’est-à-dire étant sur occupé, entraîne non seulement de l’inconfort lié au manque de place, mais aussi un impact sur l’air renouvelé et peut donc conduire à des pathologies allergiques (problèmes respiratoires, asthme…) et aussi à la condensation du logement (moisissures etc..).

Aussi, l’accident domestique est plus fréquent dans les logements inadaptés, donc trop petit.

Les immeubles contenant du plomb datent d’avant 1949 et à Marseille, ils sont souvent construits avant cette date. Les revêtements peuvent donc contenir des peintures au plomb.

En se désagrégeant, les enfants peuvent ingérer ce produit et conduire donc à une intoxication nommée « saturnisme ».

Ce revêtement peut être volatile et donc s’ingérer involontairement par inhalation. Ceci aura des conséquences également pour les femmes enceintes.

D’autres pathologies sanitaires existent (cf annexe 2) et il est bon de le rappeler car à Marseille, ces problèmes sont monnaie courante.

Les occupants pourraient, et le cas est fréquent à Marseille dans les immeubles sous arrêté de péril, se retrouver également dans des situations inconfortables liées maintenant au risque physique.

Nous pouvons citer pour exemple, une installation électrique défaillante ou qui se situe dans un lieu non sécurisé (à portée des enfants, fils traînants au sol…). Il y aura alors non seulement un risque d’électrocution mais aussi une cause d’incendie13

Pour permettre à un occupant de savoir s’il vit dans un logement considéré comme indigne, il existe une fiche de repérage logement contenant des éléments qui, s’ils sont réunis, l’aidera à se situer et contacter le service adéquat pour entreprendre les démarches nécessaires afin de remédier à sa situation (cf annexe 3).

Nous venons de voir que les enjeux sont nombreux, et que l’impact sur la personne est loin d’être anodin, et c’est la raison pour laquelle nous allons évoquer le cœur du sujet qui a coûté la mort à 8 personnes il y a un an et suscité la panique autour de ce drame.

13 Citons en exemple l’immeuble qui a prit feu en Seine Saint Denis il y a quelques années, causant la mort de 3 personnes et de nombreux blessés, ou plus récemment en 2017 à Londres, avec l’immeuble qui a brûle suite à un départ de feu lié à un défaut électrique, avec un bilan de 70 décédés. Ces incendies ont été la conséquence d’immeubles dégradés et non entretenus

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le logement indigne au cœur de la préoccupation marseillaise
Université 🏫: École Supérieure des professions immobilières, France
Auteur·trice·s 🎓:
Yacin Zoubir

Yacin Zoubir
Année de soutenance 📅: Bachelor “Gestionnaire d’Affaires Immobilières” - 2019 – 2020
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