La politique de lutte contre l’habitat dégradé
Chapitre 2 : politique de lutte contre l’habitat dégradé
L’Etat envisage prochainement une enveloppe conséquente pour permettre de solutionner efficacement ce fléau touchant particulièrement Marseille.
Il serait accompagné d’un financement croisé de 600 millions d’euros: 240 millions apportés par l’ANAH, la même somme à la charge de la métropole, et 120 millions portés par les autres collectivités locales.
La métropole a aussi promis de renforcer les moyens humains de la ville en y adjoignant ses propres équipes dans un nouveau département fusionnant le service communal d’hygiène et celui de la prévention et de la gestion des risques.
En partenariat avec l’Etat, la métropole envisage via cette enveloppe des opérations d’une durée allant de 10 à 15 ans et qui est entre autre « une stratégie durable » basée sur deux valeurs : « la lutte contre l’inacceptable et le retour à l’ordre ».
2.1- Intervention de l’Etat pour éradiquer le phénomène
A ce jour, l’Etat n’aura engagé, d’ici la fin de l’année, que 17 millions d’euros pour la rénovation de Marseille, sur les 240 millions promis par le ministre du Logement après les effondrements meurtriers de deux immeubles, a appris lundi l’AFP auprès d’une source proche du ministre.
L’urgence n’a pas l’air au rendez vous, ou bien l’investissement à long terme serait la seule option adoptée…
« Va-t-on laisser des gens mourir dans la rue pour leur éviter de mourir dans leur immeuble ? J’aimerais savoir quel est le plan à long terme. Non, en fait, j’aimerais savoir quel est le plan immédiat pour une solution à long terme »21
20 Voir les articles R 511-14 et suivants du code de la construction et de l’habitation
21 Leilani Farha – rapporteur spéciale de l’ONU sur le logement, Marseille, 8 avril 2019
2.2- Grand opération d’urbanisme : dans la lignée d’Euroméditerranée ?
2.2.1- Projet Partenarial d’aménagement (PPA)
« Après le relogement et l’accompagnement, est la réhabilitation. C’est le plan partenarial d’aménagement (PPA) du centre-ville », avait déclaré le ministre du logement, Julien Denormandie.
Il s’était rendu à Marseille Juillet dernier pour signer le PPA, projet qui a été ratifié par des acteurs dont la ville et la métropole, et dont l’objectif entre autre est de venir à bout du logement insalubre.
De ce projet, issu de la boite à outil de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) de 2018, un budget assez conséquent a donc été débloqué.
Parmi les mesures de cette grande opération d’urbanisme (GOU), cela permettra à certains investisseurs de pouvoirs acheter des logements dits « insalubres », de les rénover et de les remettre sur le marché.
Cette mesure prévoit d’autres mesures contre l’habitat dégradé et le relancement commercial dont nous n’allons pas les détailler ici.
La métropole Aix Marseille Provence, crée le 1er Janvier 2016, s’est vue dotée d’un ensemble de compétences dont celle d’orchestrer des projets de développement et d’aménagement urbain.
Ces compétences sont inscrites dans la loi de décentralisation, portant nouvelle organisation territoriale de la république, dite « loi NOTRe » (2015).
La GOU est un outil juridique permettant de transférer des compétences d’une collectivité à l’autre. En l’espèce, comme l’Etat le fait sur son périmètre, c’est la métropole qui aura la main sur les permis de construire.
2.2.2- Société publique locale d’aménagement à intérêt national (SPLA IN)
Une récente appellation a vu le jour qui est sans rappeler, ou plutôt dans la même lignée que l’opération rénovation des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod IN).
Cette récente entité (2017) a été créée en vue de permettre une coopération de l’Etat et des Collectivités pour la réalisation d’opérations d’aménagement.
Ce nouvel outil sera régi par l’article L. 327-3 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel il est prévu que : « l’Etat ou l’un de ses établissements publics mentionnés aux sections 2 et 3 du chapitre Ier du présent titre peut créer, avec au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, une société publique locale d’aménagement d’intérêt national dont ils détiennent la totalité du capital »
[…] « La création d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national, l’acquisition ou la cession des participations dans une telle société par les établissements publics mentionnés aux mêmes sections 2 et 3 interviennent dans les conditions prévues aux articles L. 321-16 ou L. 321-30 »
2.3- Expropriation pour cause d’utilité publique
La métropole veut davantage user de ses pouvoirs afin de permettre des procédures d’expropriation au détriment des moyens incitatifs. Des arrêtés de déclaration d’utilité publique (DUP) sont en cours et dernièrement, le préfet des bouches du Rhône en a signé davantage pour Marseille au profit de la Soleam (Société Locale d’équipement et d’aménagement de l’aire métropolitaine).
Ces DUP ciblent des propriétaires d’immeuble dégradés qui, s’ils font les travaux prescrits, échapperont à l’expropriation. A contrario, si les travaux ne sont pas effectués, la Soleam pourra exproprier les propriétaires et réaliser elle-même les travaux.
Ainsi les expropriations déjà existants « seront accélérées » et en promet de nouvelles prochainement. « Pour lutter contre l’habitat indigne, on met en place des DUP. On fera autant de DUP que nécessaire.
S’il faut en faire 500 à l’avenir, on en fera 500 » avait répondu la présidente de la métropole Aix-Marseille Provence, Martine Vassal à une question concernant les nombreux immeubles évacués et la question du relogement des concernés.
Il est sans rappeler que ce régime juridique est une disposition provenant du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et il est dominé par la règle énoncée à l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon laquelle « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »
Il faut noter tout de même que parmi les propriétaires, certains sont passifs, par négligence, mais certains par impécuniosité (8% des propriétaires sont en dessous du seuil de pauvreté).
Ces mesures s’inscrivent dans l’opération de restauration immobilière (ORI) adoptée en 2016 dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (OPAH RU) sur le grand centre-ville.
Parmi les sites actuellement concernés, nous pouvons citer Noailles, certains îlots de La Plaine et d’autres pôles déjà connus du projet Grand centre-ville dont la Soleam a la charge. Quant à l’ANAH, elle se serait engagée à verser ses subventions a priori et non plus à posteriori des opérations.
Ceci permettra donc de réaliser des expropriations d’immeubles en maintenant sur place les habitants qui passent ainsi d’un logement social de fait à un logement social de droit.
Tout ceci entre dans le cadre du renouvellement urbain et à la requalification du centre ville via l’opération grand centre ville (OGCV), mission qui est conduite dans le cadre de la concession d’aménagement que la Ville de Marseille a confiée à la Soleam en 2011 (et devenue depuis 2016 de compétence métropolitaine) et a pour objectif ente autre de produire des logements et d’en réhabiliter.
Mais cette opération, malgré la production de logements, ne vise pas apparemment à remédier, ou plutôt, à prioriser les problèmes, tels que les logements indignes présents sur Marseille.
Toutes ces mesures font appel avant tout au budget alloué, mais il faut en parallèle palier aux problèmes à l’instant T, ce faisant en détectant des situations sujettes à être traitées efficacement. Nous avons pour cela des dispositifs que l’Etat met en place ou en renforce, et nous allons maintenant en voir certains des plus courants.
2.4- S’attaquer au fléau des marchands de sommeil (MDS)
« Un marchand de sommeil, c’est un propriétaire qui abuse de ses locataires en louant très cher un logement indigne, les mettant directement en danger : insalubrité, sur occupation organisée, division abusive de pavillons, etc.
Ces marchands de sommeil peuvent agir dans des copropriétés, contribuant ainsi à leur dégradation. Ces derniers précipitent en effet les copropriétés dans le cercle vicieux de la dégradation en ne s’acquittant pas de leurs charges.
Ils sévissent également hors copropriétés en achetant des maisons individuelles qui peuvent aussi être louées dans des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine »22. Parce que les MDS entretiennent l’habitat indigne et le mal-logement tout en exploitant la détresse des plus démunis, le Gouvernement s’y attaque vigoureusement en durcissant les sanctions à leur encontre ».
22 C’est ainsi qu’est définit un « marchand de sommeil » par l’actuel ministre du logement, Julien Denormandie
Premièrement, éradiquer le problème, il faut s’attaquer aux bailleurs négligents et MDS de la même manière dont on traite des criminels ou des trafiquants, comme l’avait souligné le ministre actuel chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie.
En effet, même si les sanctions ne sont en fait pas les mêmes pour les deux cas (*art222-34 à 43 du code pénal pour les peines encourues pour le trafic de stupéfiants, et pour les marchands de sommeil, les art 225-14 du code pénal pour l’infraction maximale en droit commun et parmi les infractions dites « spéciales » relevant du code de la santé publique et du code de la construction et de l’habitation, l’article L1337-4 CSP), leur point commun est le fait de percevoir de l’argent de façon illégale au détriment de la santé de la victime, et il faut viser le portefeuille qui est le fer de lance de ce business juteux.
La loi ELAN (2018) a mis en place et renforcé les mesures de lutte contre les marchands de sommeil et les propriétaires négligents permettant par exemple, dans certains cas, de confisquer le patrimoine du concerné s’il n’a pas effectué les travaux de remise en état viable.
Ces mesures, bien que présentes, ne sont malheureusement que peu appliquées du fait du laxisme de certaines collectivités ou de la méconnaissance des procédures pour certains.
la loi ELAN va rendre obligatoire les peines complémentaires d’interdiction d’acquisition de nouveaux biens immobiliers (y compris par voie d’adjudication) pour une durée qui peut désormais aller jusqu’à 10 ans, ainsi que les peines complémentaires de confiscation des biens des marchands de sommeil, sauf décision contraire et motivée d’un juge.
2.5– Organismes d’accompagnement pour les propriétaires
S’agissant de l’accompagnement23 des propriétaires pour leur permettre d’entretenir leur bien ou de faire des travaux, de nombreuses aides existent.
Elles proviennent d’organismes étatiques, via l’Anah, mais aussi des collectivités et associations. De plus, elles peuvent se compléter et ainsi, rendre accessible la tâche aux propriétaires. Parmi les aides, nous pouvons citer :
- Le dispositif d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA)
- Le chèque accession rénovation de la ville de Marseille (financement des travaux)
- L’aide Provence Eco-Rénov du conseil départemental 13
- Les incitations fiscales (CITE, Ma Prime Rénov’…)
- Réduction de la TVA
- Investissement loi Denormandie (Pinel ancien)
- L’éco PTZ / PTZ+ (prêt à taux zéro)
Le gouvernement, via l’Anah, a mis en place la plateforme « Facil habitat ». Elle permet d’accompagner le propriétaire dans diverses démarches (mise en location, travaux, conseils…).
23 Vu précédemment en partie 2 titre 1, l’accompagnement fait partie des moyens étatiques et figure parmi les 4 points cités
Chapitre 3 – Surveillance accrue du parc immobilier
3.1- Le permis de louer
Parmi les dispositifs de La loi ALUR (2014), il a été instauré un permis de louer. Concrètement, et afin d’éviter des dérives sur la location de logements insalubres par des « marchands de sommeils », le bailleur devra réaliser une démarche administrative avant de louer.
Ce sont les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui peuvent définir dans des secteurs géographiques, catégories de logements ou ensemble immobilier l’application ou non de cette mesure.
Depuis la loi ELAN (2018), l’EPCI peut déléguer le permis de louer aux communes. Ce dispositif est mis en place depuis peu à Noailles afin de l’expérimenter et de pouvoir en tirer des conclusions.
Le régime d’autorisation préalable de mise en location (permis de louer) est plus contraignant puisqu’il conditionne la conclusion d’un contrat de location à l’obtention d’une autorisation préalable.
La demande d’autorisation préalable peut faire l’objet d’un refus lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique, c’est-à-dire qu’il est jugé indigne.
Délivrée dans un délai d’un mois, cette autorisation est valable deux ans suivant sa délivrance si le logement n’a pas été mis en location.
** Sanctions encourues
En cas de mise en location sans autorisation préalable, le bailleur encourt une amende de 5 000 € maximum. En cas de nouveau manquement, dans un délai de trois ans, le montant maximal est porté à 15 000 € et en cas de mise en location, malgré une décision de rejet, l’amende sera porté à 15 000 € maximum.
3.2- Immatriculation étendue à toutes les copropriétés
L’immatriculation de la copropriété est faite par le syndic et permet au pouvoir public d’avoir un œil sur la situation récente d’une copropriété, quel qu’en soit le nombre de lots (auparavant applicable pour les copropriétés de plus de 10 lots) et ceci a été mis en place récemment (1er janvier 2019).
A défaut, le syndic risque une pénalité (amende) et la suspension de demandes de subventions publiques. L’immatriculation a pour principal objectif de mieux connaître le parc de copropriétés, ses caractéristiques et, surtout, son état.
Cela permettra ainsi de mieux comprendre les processus de fragilisation des copropriétés afin d’intervenir le plus tôt possible dès l’apparition des premières difficultés.
Portons à présent notre réflexion sur le caractère « efficace » des dispositifs parmi les nombreux mis en place. Voyons si nous pourrions espérer voir un jour le fruit des résultats que la population marseillaise peinent à espérer, une inversement de la tendance, comme ce fut le cas dans certaines villes.