Place accordée à la victime dans les mécanismes d’indemnisation

§2. La place accordée à la victime dans les mécanismes d’indemnisation

Comment les nationaux peuvent-ils poursuivre l’ONU, sachant que personne n’a, a priori, compétence pour régler les différends entre l’ONU et les personnes privées ? Le processus dépend entièrement de la bonne volonté de l’organisation qui détient un pouvoir discrétionnaire dans la création des mécanismes.

Si, comme il a été vu précédemment, des moyens d’indemnisation sont bel et bien offerts par l’ONU, peu de démarches sont faites en revanche dans l’intention d’inclure la victime dans le processus.

En effet, la procédure observée par les comités locaux reste assez complexe.

En outre, s’agissant de l’indemnisation des dommages causés aux tiers par les membres du personnel de maintien de la paix dans l’exercice de leurs fonctions, la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU prévoit de restreindre la prescription à six mois pour le demandeur ; elle prévoit également que « le montant de l’indemnité due en cas de préjudices corporels subis par un individus, ou de maladie ou de décès de l’intéressé, […] ne pourra dépasser 50 000 dollars des Etats-Unis […] ».

Comble de toutes ces restrictions, la résolution prévoit que l’ONU n’indemnise pas le préjudice moral, mais uniquement le préjudice matériel causé par un acte nécessaire à l’exécution de la mission de l’OMP, ou par le personnel de l’opération dans le cadre de ses fonctions.

Par ailleurs, le problème qui se pose est également politique, car une formalisation des procédures d’indemnisation « risque de mettre en évidence de façon embarrassante la responsabilité des Etats membres autant que celle de l’ONU ».

Dans un souci de restaurer son image et sa légitimité, l’ONU n’accorde à la victime qu’un rôle secondaire dans le processus, ce qui ne favorise pas la réconciliation que l’organisation prétend vouloir apporter grâce à ses opérations de maintien de la paix.

Certes, l’ONU a marqué sa volonté d’accepter sa responsabilité en la matière. La Résolution 52/247 en est la preuve.

Elle a montré « l’intention claire d’élaborer un régime spécifique aux Nations Unies pour l’indemnisation des dommages et préjudices subis du fait des activités des OMP ».

Le paradoxe de cette résolution est qu’en même temps qu’elle reconnait sa responsabilité pour les dommages causés par ses membres, l’ONU restreint sa propre responsabilité.

Il faut savoir également que dans le cadre de cette résolution, l’ONU n’est responsable que des faits commis dans l’exercice de l’OMP et pas pour les actes privés des membres de l’opération ou ceux relevant d’une faute de leur part qu’ils auraient pu commettre hors service, de manière indépendante et à titre individuel.

Force de constater qu’avec cette résolution, on peut effectivement dire qu’il y a une volonté de la part de l’ONU d’accepter sa responsabilité pour les dommages causés par les membres des OMP.

Néanmoins, on s’aperçoit que la Résolution 52/247 ne s’applique pas à l’indemnisation des victimes d’exactions sexuelles.

L’ONU pourrait néanmoins indemniser ce genre de dommage, mais n’étant pas établi textuellement dans la résolution, cela reste soumis à sa bonne volonté, or, comme l’a dit l’assistant exécutif du Général Roméo Dallaire, le Major Brent Beardsley : « le massacre ça tue le corps, mais le viol ça tue l’âme».

Si l’indemnité est approuvée par le comité d’examen des demandes d’indemnisation, le groupe pour les demandes d’indemnisation offre l’indemnisation déterminée à la personne lésée. Une décharge est alors signée par cette dernière, dégageant la responsabilité de l’ONU, jusque-là tout parait simple, mais la procédure se complexifie beaucoup plus lorsque l’indemnité qui est proposée dépasse les limites financière prévues. La demande est alors renvoyée au siège de l’ONU. Les recommandations d’indemnisations sont ensuite présentées à la « division de l’administration et de la logistique des missions du département des opérations de maintien de la paix », soit le Bureau de la planification des programmes, budget et des finances. Voir Rapport OMP, op. cit.

Demandes d’indemnisation, op. cit.

Idem, au para.8.

Demandes d’indemnisation, op.cit., au para. 9 (d).

Idem., au para. 9 (b).

« Liability of the United Nations for claims involving off-duty acts of members of peace-keeping forces Determination of ”off-duty” versus “on-duty” status» (1986) 24 United Juridical Yearbook p. 300 .

ASCENSIO, op. cit., pp. 1140.

Le manque d’implication de l’ONU dans la réparation des dommages subis du fait d’exactions sexuelles commises par les membres des opérations de maintien de la paix provoque à terme un réel problème de confiance et de coopération avec les populations locales. Qui plus est, le flagrant manque de respect des droits de l’homme, que l’ONU prêche pourtant de manière véhémente, soulève à nouveau la question de leur utilisation pour légitimer les actions des organisations internationales et des Etats plutôt que par réelle préoccupation des civils. A ce sujet voir Rémi BACHAND, « Le droit international et l’idéologie « droit de-l’hommiste» au fondement de l’hégémonie occidentale » (2014) HS RQDI 69.

Demandes d’indemnisation, op. cit.

Pierre BODEAU-LEVINEC, « Les faux-semblants de la lex specialis : l’exemple de la résolution 52/247 de l’assemblée générale des Nations Unies sur les limitations temporelles et financières de la responsabilité de l’ONU » (2013) 46 p. 120.

Idem, p. 120.

Aspects administratifs et budgetaires, op. cit., art. 9.

Différend relatif à l’immunité, op. cit. au para. 66.

Idem.

Le Procureur c Theoneste Ilagosora, ICTR-98-41-A, Jugement (14 décembre 2011) (Tribunal pénal international pour le Rwanda, Chambre d’appel).

Comment les victimes de ces exactions peuvent-elles alors tenter de reconstruire une vie si, en plus de faire face au rejet de leurs familles, à des blessures physiques et pour certaines à la contamination au VIH, l’ONU ne prend pas en compte les douleurs, tant physiques que morales, qui leur ont été infligées ?

Pourtant, si nous reprenons notre analyse, nous savons que l’ONU affirme exercer ses missions dans le respect des droits de l’homme.

Elle affirme non seulement que toute personne lésée a le droit d’obtenir réparation pour le préjudice subi, mais aussi que: «résoudre le problème de l’exploitation et des abus sexuels imputables à des personnels de maintien de la paix des Nations Unies est la responsabilité commune de l’Organisation et des Etats Membres, et seule une action résolue de la part à la fois du Secrétariat et des Etats Membres permettra d’y arriver».

Certains auteurs, comme Bodeau-Livinec, semblent penser que l’ONU ne pratique pas ce qu’elle prêche puisqu’elle ne propose pas vraiment de mécanismes de réparations adéquates pour les victimes d’exactions sexuelles commises par les membres du personnel de maintien de la paix.

Partant de là, si effectivement on ne peut nier l’absence de sa responsabilité pénale directe dans ces affaires, elle est en revanche responsable d’avoir failli à son obligation de respecter les droits de l’homme.

Or « il y a fait internationalement illicite d’une organisation internationale lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission : est attribuable à cette organisation en vertu du droit international et constitue une violation d’une obligation internationale de cette organisation».

Cela implique que l’ONU, c’est-à-dire ses agents et ses organes, est « liée par toutes les obligations que lui imposent les règles générales du droit international, son acte constitutif ou les accords internationaux auxquels elle est partie».

Dès lors que les victimes de viols et agressions sexuelles commis par les casques bleus ne peuvent se voir proposer aucun mécanisme de réparation de la part de l’ONU, il apparaitrait logique que l’organisation ait violé ses obligations.

Par ailleurs, détenant un devoir de formation et de prévention sur les contingents envoyés dans les OMP, on peut déduire qu’elle a failli à ce devoir si des infractions sexuelles sont commises.

Elle serait donc responsable d’avoir violé son obligation de protéger les populations, essence même de la mission de rétablissement, du maintien ou de l’imposition de la paix, en ne formant pas de façon optimale les contingents.

C’est donc sur cette omission qu’il serait possible pour les victimes d’obtenir réparation du préjudice qu’elles ont subi.

Comme nous l’avons dit avant jusqu’à présent, l’ONU a fait la distinction entre ce qu’elle estime être de son ressort (aider les personnes victimes d’exploitation et d’abus sexuels à obtenir soutien et assistance) et ce qu’elle estime incomber aux auteurs individuels (fournir des réparations aux victimes, y compris une indemnisation).

De l’avis de REDRESS, cette distinction n’est pas conforme au cadre de responsabilité des organisations internationales concernant les faits internationalement illicites sus-évoqué.

Dans un autre contexte, le Bureau du Conseiller juridique de l’ONU a indiqué ceci : « Une force de maintien de la paix étant un organe subsidiaire de l’ONU, tout acte qu’elle accomplit est en principe imputable à l’Organisation et, s’il contrevient à une obligation internationale, engage la responsabilité internationale de celle-ci et emporte pour elle l’obligation de réparer ».

Charte des NU, op. cit., art. 1 (3).

Principes fondamentaux et directives, op. cit.

Stratégie globale, op. cit., p.2.

Bodeau-LIVINEC, op. cit. ; ZWANENBURG, op. cit. ;BACHAND, op. cit.; Jean-Marc COICAUD, “Réflexions sur les organisations internationales et la légitimité international: contraintes, pathologies et perspectives” (2001) 170 :4 R Intl. Sciences Sociales 573.

PAROI, op. cit. art. 4.

PAROI op.cit.,art.4.

Stratégie globale, op. cit. au para. 38.

Le Secrétaire général lui-même reconnait que certains facteurs propres à l’organisation contribuent à la persistance des cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles comme l’absence d’une formation harmonisée et systématique pour toutes les catégories du personnel, le manque de fermeté de la part des responsables du personnel civil et en tenue ou encore le manque d’attention de la part des hauts responsables de l’ONU et des Etats membres. Voir dispositions spéciales, op. cit. au para. 12.

CDI, Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales, « Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-troisième session » (26 avril-3 juin et 4 juillet-12 août 2011), Doc. ONU A/66/10.

Lettre datée du 3 février 2004, adressée au Directeur de la Division de la codification par le Conseiller juridique de l’ONU (A/CN.4/545, sect.II.G), citée dans CDI, Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales, idem.

Même si le pays qui a fourni le contingent garde l’entière responsabilité des poursuites à l’égard d’abus commis par des membres du contingent, ceci ne dispense pas l’organisation de l’obligation de diligence pour s’assurer que les civils de l’Etat hôte sont protégés contre des actes criminels perpétrés par les pays fournisseurs de contingents, et cela ne l’exonère pas non plus de sa responsabilité en cas de violation de cette obligation de diligence.

Toutefois, la responsabilité de l’organisation va incontestablement au-delà de son obligation de diligence.

La présence de soldats de la paix est un danger inhérent pour la population civile en ce qui concerne l’exploitation et les abus sexuels ; du point de vue des enfants et des femmes vulnérables de l’État hôte, ces activités sont extrêmement dangereuses.

L’ONU a parfois indemnisé des personnes et des entités dans le cadre de réclamations de moindre importance, concernant des dommages personnels et matériels causés par sa présence, et elle a mis en place des comités d’examen des réclamations locales, composés de personnel interne à l’ONU et chargés d’évaluer ces réclamations.

Rien ne justifie le refus de l’ONU d’envisager sa responsabilité dans le cas d’actes criminels perpétrés là où l’organisation exerce un contrôle effectif par des contingents, des experts en mission ou d’autres civils employés par une opération de maintien de la paix.

Même si un comité d’examen des réclamations internes ne constituerait pas un forum adéquat ou approprié pour traiter ces réclamations, le principe que l’ONU puisse être tenue responsable d’actes survenant sous sa garde doit guider la réponse à apporter.

Cette analyse permet de mettre en exergue la rareté des mécanismes en question et leur manque d’efficacité et d’effectivité quant à l’indemnisation des victimes d’exactions sexuelles commises par les membres des opérations de maintien de la paix.

Le Rapport Zeid a donc suggéré des solutions pour pallier à ce manque d’implication dans la résolution de ce type d’affaires comme nous le verrons rapidement dans notre conclusion.

Conclusion

Nous pouvons donc malheureusement valider l’hypothèse selon laquelle en dépit du fait qu’il existe des mécanismes par les biais desquels une personne privée peut demander réparation pour un dommage subi suite aux actions de membres des OMP, leur efficacité et leur effectivité sont rendues nulles par le non-respect des droits de l’homme qui prévoient un droit d’accès au juge, par les immunités de l’ONU devant les juridictions nationales et par la non-utilisation pure et simple des mécanismes mis en place par l’organisation elle-même.

Il faut également remarquer qu’aucune évolution n’a été constatée dans ce domaine, que ce soit du côté de l’organisation, dont le mécanisme n’ont pas évolué depuis le Modèle d’accord sur le statut des forces de 1990, ou du côté de la jurisprudence qui reste inchangée depuis les premiers arrêts sur la questions des immunités de l’ONU devant les juges nationaux rendus par les juridictions belges en 1966 et 1969.

S’il faut bien reconnaitre que l’ONU a fait preuve de bonne foi afin d’améliorer les mécanismes d’indemnisation offerts aux personnes privées lésées par une action commise dans le cadre d’une OMP, les actions commises par les membres des opérations en dehors de l’exercice de leur mandat restent encore un problème.

Il faut retenir deux choses ici; premièrement, l’ONU détient une responsabilité vis-à-vis du personnel de maintien de la paix puisqu’elle doit le former et préparer le personnel mandaté sur place.

Elle doit également s’assurer qu’un cadre de vie adéquat et supportable est offert aux membres des OMP, car il s’avère que plus le personnel s’ennuie et plus il vit dans des conditions difficiles, plus il sera enclin aux débordements.

Evidemment, il n’est pas question de trouver des excuses à ce genre d’actes, mais bien de s’assurer que le personnel envoyé l’est en toute connaissance du milieu difficile qui l’attend, étant donné que les OMP sont souvent déployées dans des contextes conflictuels.

Bien que l’ONU n’ait pas elle-même commis ces actes abominables, elle reste responsable des formations en matière de droit de l’homme et de conduite qu’elle a dispensées au personnel mandaté.

Deuxièmement, les OMP sont souvent déployées dans des Etats où la religion et les traditions ancestrales sont fortement présentées.

A ce titre, il faut savoir que les victimes d’exactions sexuelles sont souvent rejetées par leur famille et leur mari.

En effet, dénoncer un viol est la preuve d’un courage immense de la part des victimes, même si la plupart préfèrent le cacher afin de continuer à vivre leur vie.

Stratégie globale, op. cit.

Modèle d’accord, op.cit.

Cour de première instance, Bruxelles, mai 1966, Mandelier c Nations Unies et Belgique (1966), journal des Tribunaux n°4553 (Belgique, Cour d’appel de Bruxelles, Bruxelles, 15 septembre 1969, Mandelier c Nations Unies et Belgique 1969).

Demandes d’indemnisation, op. cit.

ZWANENBURG, op. cit. pp. 30-31; Doctrine Capstone, op.cit. pp. 33-34 ; ONU, « Uniting our strenghs for peace : politics, partnership and people », 16 juin 2015 à la p.60, en ligne « peaceoperationsreview.org/wp-content/upload/2015/08/HIPPO-Report-1-june-2015.pdf ».

Stratégie globale, op. cit.

A titre d’exemple, on peut entre autres citer la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo. Voir Stratégie globale, op. cit. au para. 2.

Idem, para. 50.

Si l’on a souvent tendance à parler de victimes féminines, il ne faut néanmoins pas oublier que de jeunes garçons peuvent également faire l’objet de ces exactions sexuelles. Voir à ce sujet Marie Deschamps, Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix, 17 décembre 2017, en ligne : www.un.org/News/dh/infocus/centrafricrepub/Independent-Review-Report-Fr.pdf. Lu le 03 février 2021.

Pour plus d’informations à ce sujet, voir Human Right Watch, la République Démocratique du Congo, la guerre dans la guerre, op.cit. p.,14.

Aux vues des conséquences qui découlent d’un viol, outre les dommages psychologiques et physiques d’avoir été violées, la responsabilité de l’ONU prévue par la Résolution 52/247 apparait malheureusement bien faible du fait des limites qu’elle contient.

Enfin, le problème de la diversité des acteurs sur place pose également celui de la diversité des régimes juridiques applicables et donc celui des enquêtes comme le soulève le rapport Zeid.

A ce titre, il convient de noter les efforts des Etats, pris individuellement, pour punir les actes scandaleux commis par leurs soldats, comme le Canada, les Etats-Unis, la France, voire la République Démocratique du Congo.

Néanmoins, cela se passe par des cours martiales nationales qui ne permettent pas aux victimes d’être parties à ces instances et dont les jugements sont confidentiels. Le sentiment de justice des victimes n’est donc pas satisfait.

Le rapport du groupe d’experts indépendants sur la République centrafricaine a mis l’accent sur la nécessité d’une réponse axée sur la victime, à travers le prisme des droits de l’homme. Cela a été reconnu par la Commission africaine.

Il faut tout de même mentionner les avancées soutenues par l’ancien (Ban Ki-moon) et l’actuel Secrétaire général qui ont souscrit par principe à la nécessité d’une approche axée sur la victime, même s’il existe des différences en termes de compréhension de ce que cela signifie.

Dans le rapport du groupe d’experts indépendants sur la République centrafricaine, une approche « axée sur la victime » est un concept global incluant la protection mais appelant aussi à l’autonomisation et à la participation.

Selon Ban Ki-moon, ancien Secrétaire général, cette approche semble faire référence à un concept plus limité, portant sur la garantie d’une protection adéquate et d’une assistance bien coordonnée pour les victimes.

Le Secrétaire général António Guterres semble adopter une approche un peu plus large, recommandant, entre autres mesures, un système de «défenseurs des droits des victimes».

Toutefois, ce système de défenseurs semble mettre l’accent sur le partage d’informations avec les victimes. Même si cet aspect est important en soi, un défenseur des droits des victimes doit aussi pouvoir faire entendre directement la voix des victimes et leurs préoccupations.

Il faudrait que les défenseurs des victimes agissent avec suffisamment d’indépendance et disposent d’assez de personnel, de ressources et de capacités pour communiquer les conclusions au public.

Même si la structure est pour l’instant floue, nous espérons qu’idéalement il fonctionnera comme un système de médiation interne que les victimes pourront utiliser pour faire part de leurs inquiétudes, en vue d’être transmises à l’ONU.

Il reste manifestement une question en suspens : que se passe-t-il lorsque les défenseurs des victimes se chargent de la défense de leurs droits ? Les victimes veulent aussi des résultats.

Pour cela, un changement de politique est nécessaire ; les victimes ont besoin d’un forum pour porter plainte, et un engagement est nécessaire en matière d’établissement des responsabilités et de réparation, pas simplement en termes d’aide. Pour l’instant, cet engagement n’est pas démontré.

Il est important que toutes les victimes puissent demander et obtenir du soutien et de l’aide, ainsi que des réparations pour le préjudice subi.

Cette exigence ne vise pas uniquement les nouveaux cas ; il semblerait que le nombre de victimes d’exploitation et d’abus sexuels soit au moins de 2 000, et il est probable que ces victimes soient encore plus nombreuses.

Toutes ces victimes continuent de vivre avec les répercussions de cette expérience. Aucune limite de temps ne s’applique à leur besoin d’aide ou leur droit à la justice.

Il ne s’agit pas simplement d’une obligation morale incombant aux Nations Unies et aux autres parties qui mettent en place et conduisent les opérations de maintien de la paix; leur responsabilité vis-à-vis de la loi est également engagée du fait qu’elles exercent un contrôle effectif sur la mission.

Stratégie globale, op.cit., para. 28-34.

Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N-5, art. 130; R c Boland (1995) CMAC 374; Matchee c Canada (Procureur Général) 1999 CanLII 7478.

United States v Ronghi, 27 mai 2003, No. ARMY 20 000635 (A. Ct. Crim. App.), et United States v Ronghi, 30 juin 2004, No. 03-0520, 60 MJ83.

Cécile BOUANCHAUD, « Soupçons de viols en Centrafrique : que dit l’enquête? » op. cit.

Marie Deschamps, op. cit., p. 79.

Commission africaine, « Observation générale nº 4 sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, concernant le droit à réparation des victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 5) », para. 18.

Secrétaire général (SG) des Nations Unies, « Lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles », op. cit.

Idem.

Secrétaire général des Nations Unies, « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles : une nouvelle stratégie, op. cit.

Paisley Dodds, « AP Exclusive: UN child sex ring left victims but no arrests », Associated Press, 12 avril 2017.

L’assemblée générale a soutenu également la mise la mise en place d’un « fonds d’affectation spéciale pour financer les services spécialisés dont ont besoins les victimes d’exploitation sexuelle ou de violences sexuelles » alimenté par les contributions volontaires, comme ce fut le cas pour la RDC, lorsqu’il s’est agi d’aide à apporter aux victimes, la Belgique par exemple a apporté une contribution de 8,7 millions d’euros à ce projet et lui a ainsi permis de fonctionner dans trois provinces sur les 11 que comptais le pays à l’époque.

Il ne faut pas nier l’avancée de cette idée, néanmoins elle place une nouvelle fois l’Etat en premier responsable des violations commises et non l’ONU qui, même si elle montre son implication, n’affirme pas sa responsabilité.

A nouveau, nous tombons dans cette culture de l’impunité, ce qui relègue une fois de plus le respect des droits de l’homme et la transparence au bas de la liste des principes de l’ONU.

La solution la plus adéquate permettant un accès direct aux victimes via l’implication de l’ONU serait alors la mise en place de cours martiales sur le terrain.

En effet, même si ce genre de mesures pourrait être bénéfique, le chemin est encore long avant qu’elles ne se réalisent étant donné qu’elles impliquent non seulement l’accord de l’Etat hôte de l’OMP, mais également l’accord de chaque Etat ayant fourni un contingent de soldats puisque ce sont eux qui conservent le privilège de juridiction sur leurs ressortissants.

De la même manière, une création d’un tribunal spécial par le conseil de sécurité de l’ONU, comme ce fut le cas pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda, nécessiterait au moins l’accord de cinq membres permanents, ce qui pourrait s’avérer plus compliquer qu’il n’y parait, les Etats n’étant forcement désireux de voir leurs nationaux jugés par des juridictions autres que les leurs.

Ce serait donc un travail de longue haleine, tant sur le plan juridique que politique, mais pas impossible à réaliser si les Nations Unies décident de s’investir pleinement dans la coopération avec les Etats contributeurs de troupes afin de relayer les allégations de viols et d’autres agressions sexuelles pour que des enquêtes soient menées de manière approfondie et suffisamment efficace pour permettre l’inculpation des accusés et pour rendre justice qui est due aux victimes de ces exactions.

Même s’il n’est pas évident pour l’organisation internationale de reconnaitre sa responsabilité, directe ou indirecte, dans une violation du droit international, il revient à l’ONU de montrer l’exemple aux Etats à qui elle entend faire respecter ce même droit international.

En acceptant de reconnaitre sa responsabilité civile et morale, l’ONU n’aurait à y gagner qu’en crédibilité et en légitimité.

Rapport Ban, op cit., para. 76.

Stratégie globale, op. cit., para. 59, Dispositions spéciales, op. cit. para. 59.

DESCHAMPS, op. cit., p.2.

Table des matières

Introduction 1

I. historique et définitions des concepts clés 1

A. Historique.1

B. Définitions des concepts clés 3

II. Intérêt du sujet 4

III. Méthodologie 4

IV. Délimitation 5

V. Problématique.5

VI. annonce du plan.7

Chapitre 1. Du cadre normatif de la responsabilité civile de l’ONU et de sa mise en œuvre pour des exactions sexuelles commises par les casques bleus 8

Section 1. Cadre normatif de la responsabilité civile de l’ONU 8

§1. La convention sur les privilèges et immunités des nations unies 9

§2. Le droit international humanitaire 9

§3. Le droit de l’homme 12

Section 2. Mise en œuvre de la responsabilité civile de l’ONU pour des exactions sexuelles commises par les casques bleus13

§1. La réparation des dommages causés par les organisations internationales en général 13

1. Notion13

2. Formes de réparation.14

2.1 La restitution 14

2.2 L’indemnisation.15

2.3 La satisfaction 16

§2. La mise en pratique par l’ONU de l’obligation de reparer.17

1. Mode de règlement des différends en matière de contrats 18

2. Le cas particulier des Opérations de Maintien de la Paix.19

Chapitre 2. De la situation en république démocratique du Congo et les failles dans des mécanismes onusiens 22

Section 1. De la situation en république démocratique du congo.22

§1. Exactions des casques bleus en république démocratique du Congo22

1. Etat de lieux de la situation 22

1.1 Historique 22

1.2 Aperçu24

2. Mesures répressives 25

3. Aide aux victimes 27

§2. Le droit des victimes a la réparation.28

1. Les guides, protocoles et stratégies d’aide aux victimes 28

2. Le droit à la réparation 30

Section 2. Les failles des mécanismes onusiens 31

§1. Les difficultés liées aux immunités de l’ONU31

§2.La place accordée à la victime dans les mécanismes d’indemnisation 34

Conclusion.39

Bibliographie

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