Analyse du marché de Renault en France, en Europe et à l’international
L’industrie automobile a été inévitablement éprouvée et des conséquences critiques se sont relevées assez tôt : la suspension de la production sur les sites de plusieurs constructeurs, les retards ou impossibilités de livraison de matière premières comme la résine ou le noir carbone en provenance de Russie, la privation de pièces essentielles et de composants pour de nombreux constructeurs automobiles, les ruptures ou manque d’approvisionnement, la hausse des prix des matières premières, les mesures de chômage partiel, etc. Une nouvelle phase a commencé pour le secteur automobile qui se distingue par le recours aux technologies qui ne concernent pas les aspects mécaniques et traditionnels des véhicules, mais des fonctions beaucoup plus larges en rapport avec l’expérience utilisateur, la sécurité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Desert A. (2021) insiste sur le fait que le segment des véhicules électriques et hybrides essence connaît un fort rebond en raison de la politique incitative de l’Etat en France. Les véhicules électriques représentaient environ 6,7% des immatriculations, contre 1,9% en 2019. Quant aux véhicules hybrides, ils ont atteint en 2020 près de 15% de parts de marché. En 2021, le diesel n’a plus représenté que 21,07 % du marché (Pommereau G., 2022). Seul le marché des voitures d’occasion n’a pas souffert de la crise du Covid-19. En effet, nous avons lu sur le site Xerfi (2020- 2021) que le marché de l’occasion bénéficie d’une tendance haussière profonde. Cela s’explique
par le prix des voitures neuves qui a beaucoup augmenté, le rapport à la voiture en particulier pour les jeunes et la crise sanitaire.
Au mois de juin 2022, à cause de la conjoncture, des approvisionnements, des délais, des incertitudes, le marché français était en repli avec une baisse des volumes de 15% sur l’année. Les deux leaders du marché, à savoir Peugeot et Renault ont pu résister mieux que la moyenne des constructeurs ; à l’opposé de Citroën, Volkswagen ou Toyota (Fournol B., 2022). Selon les données de NGC-Data®, les chiffres clés à retenir du marché automobile français par rapport aux ventes de véhicules neufs particuliers en octobre 2022, est que le marché national a progressé. Mais, Peugeot et Renault ont assisté à la montée de Toyota, positionné 3ème meilleur vendeur avec + 55,1 % et 10 289 modèles neufs écoulés (Pérou J., 2022). La figure 10 présente un récapitulatif sur la place occupée par Renault en Europe et dans le monde.
Figure 10 : Focus sur Renault Group 2022
Source : documents internes Groupe Renault
D’ailleurs, au cours du Mondial de l’Auto 2022, les marques de Renault ont connu du succès. Les visiteurs ont découvert les technologies d’aides à la conduite, la transmission E-Tech hybride et le futur avatar Reno et ce grâce aux démonstrateurs expérientiels, proposés par le constructeur.
De plus, cette édition du Mondial Auto a mis en lumière la concurrence ainsi que de nouveaux entrants et des marques déterminées à peser sur l’échiquier européen de la mobilité. Stellantis a présenté trois marques : Peugeot, DS et Jeep. Étaient présentes aussi des marques japonaises, allemandes, coréennes, vietnamiennes, américaines et chinoises qui cherchaient à marquer leurs ambitions commerciales fortes sur le sol européen. Nous présentons de façon synthétique une
partie des principaux véhicules exposés par les marques concurrentes, lors du Mondial Auto 2022 (Tableau 2).
Tableau 2 : Quelques marques concurrentes au Mondial Auto 2022
Véhicules | Pays | Caractéristiques |
ORA Funky Cat | Chine | modèle 100% électrique
4,24 m de long et donc concurrente potentielle pour ZOE 126 kW, selon la capacité de la batterie (49 ou 63 kWh), autonomie promise entre 300 à 460 km WLTP finitions biton à l’extérieur et à l’intérieur parking automatique et caméra de surveillance du conducteur Pas d’indication sur le prix mais estimé à 30 000 euros. |
BYD Atto3 | Chine | SUV électrique du segment C
4,45 m de long pour un empattement de 2,72 m moteur de 150 kW et batterie de 60,5 kW, autonomie de 420 km WLTP écran central rotatif de 15,4 pouces commercialisation en 2023 en Europe et prix autour de 38 000 euros |
NAMX HUV | France | modèle hydrogène, moteur de 300 ch. en propulsion ou de 500 ch. en 4 roues motrices
autonomie de 800 km présence de 6 capsules en tant que réservoirs d’hydrogène interchangeables commercialisation prévue pour 2026 |
PEUGEOT 408 | France | concurrente de l’Arkana et prestations de la 308
moteur 1.2 GDI-T essence de 130 ch. et 1.6 GDI-T délivrant 150 ch. dans la version hybride et 180/225 ch. dans les versions hybrides rechargeables |
HOPIUM
Machina Vision |
France | berline 4 portes et 4 places à hydrogène de 500 ch. autonomie de 1000 km
toit panoramique électrochromatique, portes à ouverture électrique sans poignée, écran rétractable sur toute la largeur de la planche de bord modèle prévu pour 2025 |
VF6 et VF7 | Vietnam
4SUV couvrant les segments B, C, D, E |
entièrement électrique pour 2023, 2024 |
VINFAST VF8 | 2 niveaux de puissances et 2 niveaux de batterie
puissance et autonomie combinées variant de 353ch. à 408ch. (420 km à 471 km d’autonomie WLTP/ 400 à 447 km d’autonomie WLTP). mi-2023 |
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VF9 | concurrent de Mercedes EQ, Audi eTron ou Tesla Model X
autonomie de conduite de niveau 3, batteries à louer système complet d’aide au parking sans conducteur 58700 euros en France |
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FISKER
Ocean |
Californie | SUV électrique du segment D (4,77 m /2m de large)
concurrent des VW ID 4 et Tesla Model Y 202 kW (275 ch.) à 404 kW (550 ch.), autonomie variant de 440 à 630 kms WLTP versions 4 roues motrices à essieu arrière débrayable ouverture / fermeture des portes par smartphone et IHM production en 2023 et prix de 41 900 euros |
Microlino/ Yoyo/ S04/
CT1 |
Suisse/France/ Italie/ | quadricycles et micro-cars électriques
ressemblances avec Twizy et Duo |
Il est important de mentionner une récente étude, intitulée « Future of Automotive Sales and Aftersales » réalisée par le practice Global Automotive de Deloitte. Elle s’est appuyée sur divers scénarios pour examiner comment la connectivité, les groupes motopropulseurs alternatifs, l’autopartage et les véhicules autonomes vont affecter les revenus et les bénéfices des ventes et de
l’après-vente jusqu’en 2035. L’étude s’est concentrée sur les marchés mondiaux de la Chine, des États-Unis et du Japon ainsi que sur les cinq plus grands marchés de l’UE : l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. La conclusion à laquelle elle a abouti est que la Chine est le marché de vente le plus important à l’heure actuelle et que sa domination va augmenter à l’opposé des principaux marchés européens. Elle a conclu que des perspectives sont possibles pour les constructeurs automobiles en mesure de gérer un environnement où les tendances technologiques s’accélèrent et où les demandes des clients évoluent (Deloitte, 2023).
Analyse des forces et faiblesses du Groupe Renault
Afin d’avancer sur la mise en place d’un modèle adapté à l’entreprise puisque notre problématique est liée à des spécificités de Renault Group, nous nous engageons dans ce qui suit dans une étude de l’entreprise au sein de ses environnements. Les éléments qui affectent Renault Group sont de nature interne et externe. Quand nous parlons d’environnement interne, nous décrivons et analysons les éléments sur lesquels l’entreprise a un certain niveau de contrôle. L’environnement externe est composé de facteurs qui sont hors du contrôle de l’entreprise.
PESTEL
Afin de mieux comprendre l’environnement du marché de l’automobile où se situe le Groupe Renault, nous présentons un point de vue global sous forme d’une analyse PESTEL (Facon P., 2021) qui permet d’identifier l’influence positive ou négative que les facteurs macro- environnementaux ont sur l’entreprise, principalement dans un monde VUCA. L’objectif de notre analyse (figure 11) est de regrouper tous ces facteurs qui impactent le Groupe Renault, influencent son activité et auxquelles la marque doit s’adapter.
Figure 11 : Analyse PESTEL
BUSINESS MODEL CANVAS
Nous avons recouru au Business Model Canvas pour expliquer le modèle économique utilisé par Renault Group. C’est un outil stratégique qui sert à afficher visuellement le modèle commercial de l’entreprise. Il est généralement utilisé pour déterminer et aligner les activités commerciales clés d’une organisation et leur relation avec une proposition de valeur. Le modèle que nous avons conçu est, de fait, utile pour obtenir des informations sur le modèle financier de l’entreprise, de sa valeur ajoutée ou de sa proposition de valeur, de sa structure des coûts et de la segmentation de ses clients (le site de Miro, 2023). Le BMC (voir tableau 3) se divise en 9 catégories distinctes.
Tableau 3 : Business Model Canvas de Renault Group
Nous remarquons le nombre important des partenaires dont la diversité touche à différents domaines et profite au groupe. Les activités sont orientées vers les marques (les entités) avec des objectifs bien définis. Les offres de qualité se caractérisent par un large choix dans les domaines de la mobilité, de la sécurité et de l’écologie. La stratégie est orientée vers le client avec le respect des objectifs et l’analyse de la performance du groupe. Les objectifs à ce niveau sont la rentabilité, la compétitivité et les nouvelles technologies.
Modèles LCAG ou SWOT et TOWS
Le modèle LCAG ou SWOT est un outil de choix stratégique, utilisé pour identifier des choix ou de définir les politiques fonctionnelles (L’équipe du Manager Ocean, 2021). Il peut contribuer à schématiser une situation complexe dans une formulation simple, susceptible d’être comprise de tous les acteurs dans l’organisation. Ainsi, pour la prise de décisions, l’entreprise doit s’appuyer sur l’analyse interne et externe réalisée à l’aide de la matrice SWOT/LCAG, afin de contrer les menaces et de saisir certaines opportunités. Elle doit déterminer les domaines d’activités stratégiques qu’elle projette de maintenir, de développer ou d’abandonner puis choisir le mode de réalisation des activités sélectionnées. Dans ce qui suit, nous proposons un diagnostic stratégique du Groupe Renault, pour mettre en évidence les menaces et les opportunités générées par l’environnement VUCA. Dans la figure 12, nous présentons notre analyse SWOT, en référence à Heinz Weihrich, en comparant les forces et les faiblesses de l’organisation avec les opportunités et menaces du marché.
Figure 12 : Analyse SWOT
Il s’agit à ce niveau de notre analyse de croiser les axes du SWOT pour poursuivre la réflexion, en recourant à une nouvelle matrice : le TOWS (figure 13). C’est un modèle qui se construit à partir du SWOT et qui amène la réflexion vers l’étape suivante. Il permet de définir la stratégie à mettre en œuvre et les actions prioritaires (Macaione Ch., 2021).
Figure 13 : TOWS
De fait, nous présentons dans la figure 14, ci-après, nos commentaires et nos propositions de stratégies par bloc. Les éléments sélectionnés dans TOWS, qui est considéré comme un important outil de comparaison, nous aident à développer 4 types de stratégie : SO, WO, ST, WT. Ainsi, cette matrice peut être appliquée à l’élaboration des tactiques nécessaires à la mise en œuvre des stratégies et à des actions plus spécifiques soutenant les tactiques. Ses apports aident les décideurs dans le processus de planification stratégique (Hiriyappa B., 2020).
Figure 14 : Stratégies par bloc
SWOT quantifié
À travers les différents éléments listés dans le tableau 4, ci-dessous, qui représente les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces de Renault group, nous avons établi la notation des variables internes et externes par ordre d’importance. La note attribuée varie entre -10 et +10. Si la note tend vers +10 alors elle représente un impact positif pour l’entreprise. À l’inverse, plus la variable tend vers -10, plus elle représente un impact négatif pour l’entreprise (en annexes : notation des éléments SWOT).
Tableau 4 : SWOT quantifié
Il est important d’avoir une vision schématisée qui présente la tendance positive dans l’entreprise. De fait, nous schématisons dans la figure 15 la représentation graphique des variables relatives aux aspects négatifs et positifs. Nous remarquons que les aspects positifs surclassent ceux négatifs.
Figure 15 : Représentation graphique des variables
Cela nous mène vers l’étape suivante de notre analyse, en prenant en compte que chaque caractéristique ou variable peut prendre une importance plus ou moins différente dans l’évaluation. Il s’agit donc d’affecter des coefficients pondérateurs à chacune des variables (figure 16). Cette méthode nous permet de donner une notation à chaque idée par ordre d’importance et d’avoir le résultat de ces croissements de façon quantifiée ainsi qu’une vision plus claire sur l’utilisation du SWOT en faveur de l’entreprise.
Figure 16 : Coefficients de pondération des variables
À travers ce calcul croisé qui consiste à additionner les forces et faiblesses avec les opportunités mais aussi avec les menaces, nous obtenons un score total de +70. Le score obtenu est donc supérieur à 0, nous en déduisons que le groupe Renault est stable. Cependant, ce score est subjectif
et afin de le rendre plus objectif, il faut le comparer à celui des concurrents. De plus, pour obtenir une meilleure précision des résultats, une pondération est possible, en appliquant un coefficient pondérateur aux variables selon leurs importances dans cette analyse.
Pour finir cette analyse environnementale, nous pouvons transposer de façon synthétique les résultats obtenus dans le tableau des relations croisées présenté ci-dessus (Tableau 5) . Cette synthèse aide à déterminer la stratégie globale à adopter et la prise de décision. Nous étudions les résultats sous forme de 4 blocs : le bloc A « forces et opportunités », le bloc B « Faiblesses et opportunités », le bloc C « Forces et menaces » et le bloc D « Faiblesses et menaces ».
Tableau 5 : Relations croisées
Dans ce tableau, nous retrouvons les sous totaux du calcul croisé effectué précédemment. Le croissement des forces et des opportunités (A) représente un résultat total de +310. Nous pouvons déduire que Renault Group a su tirer profit des opportunités de son marché pour accroître ses forces, afin de surmonter les impacts de VUCA et continuer à se développer. Ensuite, nous retrouvons le croissement des faiblesses et des opportunités (B), qui expose un résultat de +35. C’est un résultat encore positif qui fait apparaître la capacité du groupe à tirer profit de ses opportunités afin de corriger et limiter ses faiblesses. Il faut donc continuer avec le plan stratégique Renaulution et savoir miser sur les pratiques qui vont permettre à la marque de grandir encore plus. En ce qui concerne le croissement des menaces et des forces (C), nous obtenons un résultat égal à 0, un résultat neutre mais qui peut être interprété comme faible. Nous pouvons traduire ce résultat par la bonne prise en compte des menaces par la marque. Ses forces sont suffisantes pour éliminer les menaces mais pas assez pour en tirer profit. Du coup, il faut veiller à prendre des décisions stratégiques et profiter des opportunités qui s’offrent sur le marché. Finalement, à travers le croissement des menaces du marché et les faiblesses du groupe Renault (D), nous obtenons un score de -275. Ce résultat montre qu’il y a un réel danger pour l’entreprise, bien qu’il soit inférieur
au bloc (A) qui présente le croissement des « forces et opportunités », il faut donc que la marque travaille sur les faiblesses et mette en place plus d’actions pour surmonter les menaces de l’environnement.
Bien que l’environnement soit instable, que les ventes du groupe Renault varient d’un pays à un autre et que le groupe soit face à plusieurs problèmes internes et externes, il garde une stratégie gagnante qui commence à montrer de bons résultats. Ainsi, le constructeur s’est engagé à rester compétitif et rentable afin de pouvoir se faire des alliés de qualité partout dans le monde dans des domaines bien spécifiques : digitalisation, mobilité, électrification, etc.