Dévoiler l’Action Publique: Perspectives du Développement Local 

REVUE DE LA LITTERATURE

La revue de littérature peut être définie comme l’ensemble des travaux qui ont été publiés sur un objet donné. Selon le chercheur Hervé Dumez, sa vertu principale est d’amener le chercheur à se rendre compte de l’immensité du champ de la connaissance, des frontières de la connaissance, mais surtout, de la nécessité de modestie qui s’impose à tout travail de recherche.

En liaison à notre sujet, nous avons organisé notre revue en 3 grandes séries d’ouvrages en partant des plus généraux, aux plus particuliers.

Série 1 : Les politiques publiques et l’action publique dans le monde occidental

Commençons la première série d’ouvrages généraux en 1996, avec Les politiques de développement rural : Des années de croissance au temps d’incertitude. Cet ouvrage de Paul Houée, est le résultat d’une analyse des politiques nationales de développement rural en France. A travers une démarche pluridisciplinaire, l’auteur montre que l’espace rural, qui était autrefois perçu comme le domaine des activités de campagne telles que l’agriculture, va devenir une partie intégrante d’un écosystème économique large, formé de diverses industries et marqué par la cohabitation harmonieuse du rural et de l’urbain.

Cet ouvrage enrichi les connaissances sur les modèles de développement et sur l’histoire rurale de la France avec un niveau de détails admirable. Mais tout cela repose sur un planché perfectible. En effet, la visée développementaliste affirmée de Paul Houée serait un indice de son inclinaison, et donc, de sa partialité. Celui-ci se rendrait ainsi coupable de la violation de la neutralité axiologique prescrite par Max Weber. Jean-Louis Loubert nous rappelle à ce propos que le sociologue doit s’abstenir d’être « moralisateur », ou « réformateur ». Pierre Lascoumes et Le Galès vont au-delà de l’étude des politiques rurales.

Sociologie de l’action publique, c’est l’ouvrage concocté par Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès en 2007. L’ouvrage étudie les nouveaux phénomènes induis par la complexification de la société : l’action publique, la gouvernance, et les politiques publiques. Au bout de leur étude, les auteurs concluent que l’action publique est désormais un mode de gestion dépendant des relations internationales. En effet, les politiques publiques cèdent à l’action publique après l’entrée des « publics » et des étrangers dans les instances de décisions classiques. C’est ainsi que l’UE (Union Européenne), par exemple, s’est installée, et a créé une sorte de gouvernance standard internationale.

Cet ouvrage fait une intéressante étude multidimensionnelle de l’action publique en Europe. Il offre ainsi, une riche compréhension de la mutation de l’action publique occidentale. La principale observation qu’on pourrait faire à l’œuvre réside dans la logique entre le titre, et le contenu. A la lecture, on a plus l’impression de lire une étude comparative action publique/politique publique, qu’un exposé de sociologie de l’action publique. Par ailleurs, on perçoit un Etat qui ne maîtrise plus le jeu. C’est là que l’œuvre se lie à Muller de 2009, et s’écarte de Massadier de 2008.

Dans Politiques et actions publiques, Gilles Massadier étudie la transformation des politiques publiques en Europe. A l’aide de nombreux faits et théories des administrations occidentales, l’ouvrage montre que les manifestations de l’action gouvernementale changent au fil des circonstances. La complexification de la société a contraint l’Etat à collaborer avec d’autres acteurs privés, locaux, internationaux, pour accomplir ses missions régaliennes. Ici, l’Etat a changé, il se manifeste « autrement ». Il décide grâce au consensus, à la négociation, avec d’autres acteurs tels que l’UE.

L’œuvre de Gilles Massadier offre une immense flore de connaissances théoriques et empiriques sur la transformation des politiques publiques. Cependant, il aurait été plus pertinent s’il y avait plus de cas que celui de l’UE. La généralisation de ce seul cas ne serait-elle pas abusive ? De son côté, P. Muller se concentre sur les politiques publiques du monde occidental.

En 2009, sort Les politiques publiques de Pierre Muller. Cet ouvrage de référence est une tentative de réponse au problème du rôle de l’Etat, à travers une présentation de l’analyse des politiques publiques, et du cas français. Ainsi, les politiques publiques, traversent les époques de l’Etat absolutiste, providence, puis régulateur, pour déboucher sur un mode d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques où l’Etat est assis au niveau d’autres acteurs de la société devenue complexe. Ce mouvement a aussi fait émerger l’analyse cognitive. Pour Muller, la France doit s’adapter pour s’améliorer.

Tout comme l’auteur l’a affirmé dans son œuvre, cet ouvrage peut servir de livre initiatique à l’analyse des politiques publiques contemporaines. Toutefois, nous remarquons que les politiques publiques dont parle Pierre Muller correspondraient à celles des pays occidentaux et, par extension, démocratiques. Dans les pays à régime autoritaire comme la Chine contemporaine, peut-on dire que l’Etat négocie avec d’autres acteurs ? Alors que l’interrogation est en suspens, Anne-Cécile tente une descente sur le local dans l’ouvrage suivant.

L’action publique locale dans tous ses états : différenciation et standardisation, est publié par Anne-Cécile Douillet. Cet ouvrage transdisciplinaire traite de la transformation de l’action publique locale. Il ressort que les collectivités locales françaises sont sujettes à la standardisation et à la différenciation. Le premier relève d’une tendance, pour les collectivités locales, à utiliser un ensemble homogène de dispositifs issus de l’UE, tel que l’appel d’offres. Le second, dévoile l’action de contextualisation des recommandations internationales par les collectivités locales.

Les analyses présentes dans cet œuvre ont l’avantage d’offrir un point de vue large sur les analyses de l’action publique locale. Mais l’observation qu’on pourrait faire est liée à la difficulté relevée à propos de l’explication de la différenciation dans les Etats fédéraux. En effet, sur le plan sociologique, les Etats fédéraux ne sont pas très différents des Etats unitaires décentralisés. Les auteurs auraient pu étudiées la différenciation de l’action publique locale dans ces Etats, en tenant compte de leurs particularités. Les usagers peuvent peut-être influencer ce processus. En tout cas, la question de l’influence des usagers dans les politiques locales est mise sur la table dans l’ouvrage suivant.

Dans La participation des usagers aux politiques publiques locales : une volonté affichée…pour quelle réalité ?, Katline Rocquefort-Cook dévoile la place des usagers dans l’élaboration des politiques publiques après les violences de mai 1968. Sous des pressions diverses, les usagers se sont vu accorder plus d’espaces dans les milieux décisionnels locaux. Mais l’œuvre nous apprend que la participation des usagers se limite aux réunions, tandis qu’au niveau opérationnel, des contraintes diverses perturbent la mise en œuvre des politiques publiques locales.

Cet ouvrage met en évidence l’interaction entre les sphères politiques et la sphère publique. Aussi, il présente des impressions chiffrées de la population locale. Mis à part ces apports, on pourrait observer un certain absolutisme dans l’interprétation des statistiques. Or, Emile Durkheim recommande d’identifier toutes les propriétés du milieu d’un phénomène social, pour mieux l’expliquer. Ainsi, une statistique ne saurait épuiser l’explication d’un fait social.

L’ouvrage de Jean Luc Pissaloux titré Planification, développement durable et action publique locale en 2015, regroupe des contributions qui examine les liens qui existent entre la planification, le développement durable, et l’action publique locale, sous la cause environnementale, en France. Il ressort que les trois réalités sont liées par des relations de : conformité, car la planification locale est tenue aux exigences environnementales ; de compatibilité, par la compétence de l’exécutif des politiques imprégnées de durabilité ; d’intégration, car le local adopte les modèles durables.

Cet ouvrage a le mérite de présenter l’origine et l’évolution de la planification dans l’Etat et dans les CTDs. De plus, il offre des exemples des projets durables locaux. Mais, la principale observation qui pourrait être faite à cet ouvrage, est l’absence de critique. L’ouvrage présente la planification, la planification et les projets durables, sans vraiment opérer une analyse critique.

En résumé, cette première série d’œuvres, à la base de l’analyse des politiques publiques, montre bien le caractère occidentalo-centré de cette discipline. La série d’œuvres suivante opère des analyses similaires, mais avec pour objet, la ville en Afrique.

Série 2 : Les politiques publiques dans les villes d’Afrique

En 2007, l’ouvrage Gouverner les villes d’Afrique. Etat, gouvernement local et acteurs privés, regroupe des travaux d’origines différentes du CEAN. Cet ouvrage pluridisciplinaire met en évidence, les relations complexes qui existent entre les différents acteurs présents dans les villes africaines. A côté de l’Etat, et des gouvernements locaux, Fourchard L. et ses partenaires identifient les comportements individuels, parfois individualistes, des officiels publics et privés. Aussi, ils examinent les origines coloniales de la corruption dans les villes africaines.

L’utilité de ce livre se trouve en ce qu’il met en évidence les réalités de différentes villes africaines anglophones, et francophones, pour d’éventuelles comparaisons. Cependant, on pourrait relever l’accent mis sur les aspects socialement négatifs des actions posées par des élites locaux africains. Or, des actions favorables telles que les journées « propre » dans certaines villes camerounaises telles que Yaoundé ou Bangangté existent. A la différence de celui-ci, l’ouvrage suivant a quand même le mérite de proposer une solution.

Les politiques de la ville en question : A la recherche d’une meilleure gouvernance urbaine en Afrique subsaharienne est une œuvre de Michel Simeu-Kamdem et Touna Mama publiée en 2018. L’équipe transdisciplinaire de l’œuvre a conclu que les difficultés rencontrées par les villes africaines sont dû à leur incapacité permanente à s’adapter à l’accroissement permanente de la population, et des besoins. Pour les auteurs, la participation d’acteurs non-étatiques dans la gestion urbaine, constitue la clé de la prospérité des villes africaines.

L’ouvrage de Michel S.K et Touna M. offre à la science une description de la situation des villes en Afrique et des problèmes qu’elles rencontrent. Mais l’ouvrage semble marqué d’une subjectivité qui euphémiserait la valeur de la proposition palliative finale. Les auteurs dressent un portrait sombre des villes africaines, qui peut faire croire que rien n’est fait par les autorités pour développer lesdites villes.

Cet ouvrage marque la fin de la deuxième série de la revue de littérature. En résumé, on peut dire que cette série a offert un panorama riche sur les villes africaines, et leurs politiques de développement. Toutefois, les auteurs semblent subir les effets de l’expérience première.

Série 3 : Gouvernance et plan de développement des communes camerounaises

Le premier ouvrage est un article intitulé Le développement territorialisé à Douala : fondements et repérage des modalités institutionnelles d’une dynamique nouvelle, publié en 2005 par Jean-Roger Essombè Edimo, dans la revue Mondes en Développement. Dans cette œuvre, l’auteur met en évidence les initiatives entreprises par la Communauté Urbaine de Douala, pour réémerger, après les ravages de la crise économique survenue à la fin du XXème siècle au Cameroun. En substance, il ressort que la CUD a cherché à se restaurer, en revitalisant l’environnement économique de la ville au bénéfice des entreprises, à travers des modifications organisationnelles internes, et la création d’agences de développement et de veille telles que l’Agence de développement de Douala (A2D).

Cet œuvre a l’avantage de dévoiler les effets de la crise économique, et des courants internationaux, sur la gestion urbaine de Douala. Seulement, l’auteur semble avoir adopté un point de vue optimiste, alors même que Max Weber proscrit ce type de posture intellectuelle au sociologue. L’ouvrage suivant adopte une analyse similaire, mais davantage politologique.

Gouvernance urbaine au Cameroun : une analyse socio-anthropologique du jeu et des enjeux des acteurs dans la gestion urbaine, est le deuxième ouvrage de cette série. Elaboré par Alphonse Donatien Binam à l’Université de Yaoundé II – SOA, pour l’obtention du Master 2 en Science Politique, ce travail étudie les acteurs de la gestion urbaine, et les relations qui les lient. L’auteur distingue : les acteurs publics, et les acteurs « non-institutionnels » ou privés. Ces acteurs sont liés par des relations de collaboration, et, de confrontation, qui influencent la gestion des villes étudiées.

Le mémoire de Donatien a le mérite de fournir des connaissances sur les réalités politologiques de la gestion urbaine, au bénéfice des décideurs. Elle dévoile l’implication d’acteurs insoupçonnés tels que les Nations Unies, et l’Agence Française de Développement (AFD), dans la gestion des villes camerounaises. Mais, il faudrait peut-être ajuster le calibrage de la problématique de ce travail.

La planification du développement communal comme outil de développement local. Cas des communes de Nkong- Zem et de Foumbot dans la province de l’ouest Cameroun, est un mémoire d’André Eugène Tchounda, produit pour la Maîtrise en management de projet à l’IPD. Ici, l’auteur étudie le déploiement du plan de développement communal (PDC) au sein des communes.A. Eugène révèle que les PDC s’élaborent par étape sous un mode participatif inclusif. A cause du faible taux de réalisation, l’auteur recommande une meilleure implication des acteurs clés.

L’un des points forts de ce travail est qu’il permet d’avoir une idée claire du ressenti des habitants, et des personnels communaux par rapport au PCD de leur commune. Il nous permet aussi d’observer comment s’élabore ces plans, et d’évaluer leur efficacité démocratique et opérationnelle. Mais ce travail est perfectible. En effet, on dirait que le problème traité n’est pas le même tout au long de l’exposé.

Démarcation de la recherche

A ce niveau de notre travail, l’étude des ouvrages énoncés plus haut donne déjà une idée des particularités singulières de notre recherche. En effet, notre recherche se démarque des trois séries de la précédente revue, de différentes manières. Par rapport à la première série qui traite de l’action publique et des politiques publiques en occident, notre étude se démarque par son focus rivé sur les CTDs camerounaises, et partant africaines. Ensuite, par rapport à la deuxième série qui traite assez superficiellement de la gestion urbaine en Afrique et s’attache aux tares de ces villes, notre étude se démarque non seulement par le focus opérationnel mis sur des cas précis de CTDs camerounaises, mais aussi sur son objet particulier que sont les politiques de développement. Pour finir, par rapport à la troisième série d’ouvrages qui traite des initiatives de développement, de pouvoir et du PCD dans certaines CTDs camerounaises, notre étude se démarque par son cadrage particulier qui dépasse le listage d’initiatives de développement, les jeux de pouvoir et le PCD, pour s’attacher à identifier le processus qui sous-tend le développement des CTDs au Cameroun, c’est-à-dire, l’ensemble des activités que les CTDs entreprennent pour l’élaboration et l’implémentation de leurs politiques de développement.

En résumé, face à l’occidentalo-centrisme de la première série, de l’analyse pessimiste et de la superficialité de la deuxième série, et de l’étude énumérative, politologique et évaluative de la gestion urbaine dans la troisième série, notre étude se démarque par la spécificité de son objet que sont les politiques de développement dans les CTDs camerounaises, et le cadrage de son étude tourné vers l’identification des activités, formelles et informelles, mises en œuvre par ces CTDs pour construire et implanter leur politique de développement.

PROBLEMATIQUE

Selon F.S.C Northrop, toute recherche scientifique débute par un problème identifié. La problématique constitue l’ensemble autour d’une question qui pose un problème par rapport à des travaux scientifiques existants, et qui oriente la recherche sur l’objet de recherche dans un sens précis, et sous un cadre d’analyse tout aussi précis.

Au regard de notre revue de littérature, il n’existe pas de travaux qui présentent la manière dont les CTDs se développent au Cameroun, c’est-à-dire, les stratégies formelles et informelles, qu’elles mobilisent et mettent en œuvre pour assurer leur développement. Notre travail va tenter d’élucider cela. C’est pourquoi nous nous posons les questions centrale et spécifique suivantes.

Question centrale

Comment s’élaborent, et s’implémentent les politiques de développement des CTDs camerounaises ?

Questions spécifiques

Conformément à nos précédents propos, nous aurons deux questions spécifiques :

Quels sont les fondements et le champ d’opportunités de développement des CTDs camerounaises ?

Quelles sont les activités entreprises par la Communauté Urbaine Douala, et la Commune de Bangangté, dans l’élaboration et l’implémentation de leur politique de développement respective ?

HYPOTHESES DE RECHERCHE

L’hypothèse est une réponse anticipée à la question spécifique de recherche. Il y en a 3.

Hypothèse centrale

Les politiques de développement des CTDs au Cameroun s’élaborent à l’issue du traitement des besoins au préalable identifiés, et s’implémentent par la mobilisation des financements et des partenaires pour l’exécution des projets émis en réponses à ces nécessités.

Hypothèses spécifiques

Conformément à nos questions spécifiques de recherche, nous aurons les hypothèses suivantes :

Les politiques de développements des CTDs prennent leur fondement dans l’histoire et le cadre juridique du Cameroun, tandis que leur champ d’opportunité est composé de programmes bilatéraux et étatiques, de possibilités légales ouvertes, mais aussi de coopération décentralisée ;

L’élaboration et l’implémentation des politiques de développement au CBGT et à la CUD s’articulent, plus ou moins formellement, sur les activités suivantes : identification des besoins, sélection des solutions, recherche des financements, mise en œuvre et suivi des solutions.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Yaoundé II - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques - Département de science Politique
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention du Master II en Science Politique - 2018 - 2019
Doctorant-Chercheur . Spécialités : décentralisation, développement local, et politiques publiques
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