7 phases clés du développement politique dans les CTDs camerounaises 

SECTION 2 : PHASES THEORIQUES DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT DANS LES CTDS CAMEROUNAISES

Cette seconde section est théorique et principalement basée sur l’analyse documentaire. Elle prépare l’étude de terrain de la seconde partie de notre recherche. Ici, nous allons décliner les phases théoriques à partir desquelles les CTDs camerounaises peuvent se déployer. Nous avons regroupé ces phases en deux grandes parties. La première partie, comporte les phases d’élaboration et de mise en œuvre (paragraphe 1), et la seconde partie, la phase de suivi-évaluation (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Elaboration Et Mise En Œuvre Des Politiques De Développement Des CTDS

Dans cette première sous-partie, nous verrons le déroulement de la phase d’élaboration (A), puis, de mise en œuvre des politiques de développement (B) dans les CTDs camerounaises.

A – Une élaboration participative en séquence

La phase d’élaboration est la première étape de toute politique publique. Chez Muller, elle correspond à la phase d’identification du problème, et d’élaboration de la politique publique ou du programme d’action proprement dit. L’identification d’un problème, et sa sélection par l’autorité publique correspond à l’idée de Mise sur Agenda. En effet, tous les problèmes ne peuvent pas être traités tous au même moment par l’autorité publique. C’est pour cette raison qu’elle procède à une sélection. A ce propos, la littérature révèle que la sélection d’un problème n’est pas forcément fonction de son intensité ou de sa gravité. Elle est plutôt le résultat d’une construction sociale favorable. Ainsi, selon J.Kingdon, 3 modalités indépendantes doivent être présentes pour qu’un problème soit sélectionné par le décideur:

La première est le problem stream : le problème doit être maitrisé, c’est-à-dire chiffré, public, et connu ;

La deuxième modalité est le policy stream : des politiques publiques applicables, culturellement recevables et relativement globales doivent exister pour ce problème ;

La troisième modalité est le political stream : les principales forces politiques doivent être favorables à la résolution de ce problème.

La présence cumulative de ces 3 modalités ouvre une « fenêtre d’opportunité politique » ou policy window, et provoque la mise sur agenda du problème.

Dans les CTDs au Cameroun, la phase d’élaboration a généralement lieu lors de l’établissement du Plan Communal de Développement. Au cours de cette phase de 02 mois, les services déconcentrés de l’Etat, la tutelle, l’exécutif communal, et les représentants des différentes composantes sociales et politiques de la commune sont invités à participer à des travaux qui vont se faire en 5 étapes :

Le lancement du processus : pendant 3 jours, les participants travaillent à identifier les groupes sociaux de la commune, à identifier et prioriser des centres d’intérêts, puis à créer des groupes de réflexion avec 2 à 3 facilitateurs pour chaque centre d’intérêts, avant de mettre en place le comité de suivi de l’élaboration du PCD et un système de communication efficace ;

La formation des facilitateurs : pendant 3 jours, les facilitateurs suivent une formation portant leur rôle, et sur l’utilisation de différentes techniques telles que la Démarche de Planification Participative (DPP) et la Démarche d’Animation Participative (DAP) ;

La collecte des données secondaires : ici, il s’agit d’informations qui portent sur l’économie de la commune, sa cartographie culturelle, mais aussi sa situation sanitaire, agricole, éducative, et sur l’état de ses ressources naturelles ;

L’atelier de réflexion par centres d’intérêts : durant environ 14 jours, sur la supervision des formateurs et des facilitateurs, cette phase comprend l’identification des forces et des faiblesses de la commune, de ses potentialités, des principaux acteurs, mais aussi l’identification et l’analyse des problèmes, et l’établissement de la programmation de solutions;

Restitution et validation des travaux : la commune, le conseil municipal et les participants sont de nouveau convoqués pour examiner, modifier éventuellement, et valider les propositions des groupes de travail, qui seront ensuite empilées dans un document destiné à la tutelle, et à la commune.

Précisons qu’un prestataire de service peut accompagner, voire diriger l’ensemble des travaux d’élaboration du PCD. Par ailleurs, seules les opérations que la commune peut effectuer sont incluses dans le PCD.

B – Une mise en œuvre monocéphale, accompagnée, et en séquence

L’élaboration de la politique de développement est naturellement suivie par sa mise en œuvre. A cette étape, l’exécutif communal est appelé à mettre en application, toutes les actions prévues dans le document PCD. Cette application suit une programmation, c’est-à-dire, un ensemble qui lie des tâches et des activités précises, à des périodes temporelles précises. Cette programmation prend aussi en compte les lieux d’implémentation des projets et activités du PCD. De plus, ces activités sont réparties dans des objectifs spécifiques, des objectifs globaux, et une vision. Cela donne un repère cognitif, c’est-à-dire, un sens, à l’action de l’exécutif. Ainsi, l’exécutif communal sait où, quand, et pourquoi il doit réaliser chacune des exigences du PCD.

Durant cette étape, l’exécutif communal n’est pas seul. Il est accompagné par des acteurs de nature éclectique. Ces acteurs peuvent être des consultants, des programmes tels que le PNDP, des organes tels que le PNUD et le FEICOM, le MINDEVEL, les services déconcentrés et la tutelle, des ONGs, des associations et des prestataires de services. Par ailleurs, l’exécutif communal possède un montant connu à investir.

En clair, le travail de l’exécutif communal, seul véritable pilote du PCD, est alors : d’assurer les investissements à court, moyen, et long terme ; d’assurer le recouvrement et l’acquisition des finances tels que prévu par le PCD ; d’assurer la gestion de l’impact environnemental des projets ; d’assurer la mise en œuvre des projets prioritaires et des projets sociaux ; d’assurer l’effectivité des travaux des responsables ; de traiter les opérations de marchés publics tels que programmé par le PCD. Il est par ailleurs accompagné par le comité de suivi de mise en œuvre, qui veille à l’exécution des opérations planifiées.

Paragraphe 2 : La Phase De Suivi-Evaluation

La phase qui suit l’élaboration et la mise en œuvre, est celle du suivi-évaluation. Le suivi et l’évaluation sont des concepts individuels qui se sont révélé complémentaires(A) et utiles au point où le suivi-évaluation sera adopté par les CTDs camerounaises (B).

A – La complémentarité du suivi et de l’évaluation

Des institutions internationales ont défini d’une part, le suivi, et d’autre part, l’évaluation. Le suivi a été défini par le PNUD comme un processus itératif de collecte et de traitement d’informations destiné à identifier l’état d’avancement d’un projet, et à examiner sa conformité avec les résultats attendus et la programmation. « Son rôle est d’assurer un contrôle permanent et systématique des activités et des résultats du projet par la surveillance, la vérification, et la maîtrise du processus de mise en œuvre tout au long de son exécution ». Pour sa part, l’évaluation est plutôt vu comme une « mesure, aussi systématique et objective que possible, des résultats d’un projet, d’un programme ou d’une politique en vue de déterminer sa pertinence, et sa cohérence, l’efficience de sa mise en œuvre, son efficacité, et son impact ainsi que la pérennité des effets obtenus ». Selon la Banque Mondiale , l’évaluation a pour rôle de faciliter, et d’orienter la décision, la gestion, l’information, et de permettre la compréhension de certains aspects d’un projet. Elle peut se faire ex-ante, à mi-parcours, ou ex-post du projet. Dans les deux derniers cas, on parle, respectivement, d’évaluation formative, et d’évaluation sommative. Malgré leur existence à priori indépendante, on s’accorde à dire que le suivi ne va pas sans l’évaluation. En effet, sans un suivi minutieux, une évaluation ne peut être faite correctement. C’est pourquoi, on parle souvent de suivi-évaluation.

B – Le suivi-évaluation des politiques de développement dans les CTDs Camerounaises

Dans les CTDs camerounaises, on parle effectivement de suivi-évaluation. Les PCD prévoient la mise en place d’un comité de suivi-évaluation. Ce comité de suivi-évaluation (CSE) est généralement composé sous un mode participatif, incluant ainsi des représentants de la population communale, des représentants de la tutelle étatique, des employés et des élus de la commune, du représentant d’un prestataire de service ou d’une personne ressource. Cependant, le profil des membres du CSE n’exige pas en générale, une formation formelle en la matière. Une formation peut être donnée par la suite. Par ailleurs, le CSE a une existence officielle fondé sur un arrêté municipal.

Le CSE a pour rôle de « suivre la mise en œuvre de toutes les activités du PCD », et « assure la médiation, entre les populations bénéficiaires, la Commune, les prestataires et les services techniques ». Dans la réalisation de cette mission, le comité de suivi-évaluation est chargé de :

Rassembler les informations recueillies sur l’élaboration et la mise en œuvre du PCD ;

Faire un bilan périodique de la mise en œuvre du PCD ;

Partager les informations avec la municipalité et les autorités de tutelle :

Programmer les actions à intégrer dans le document de renouvellement du programme d’investissement annuel (PIA).

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

Dans ce chapitre, il était question de montrer l’étendue du champ de possibilités ouvert aux collectivités territoriales décentralisées camerounaises, et de voir dans quel processus il peut être exploité sur le plan opérationnel par ces entités. Il ressort que, les CTDs camerounaises peuvent mobiliser les opportunités d’appui institutionnel, ainsi que les opportunités qu’elles peuvent saisir par leur propre initiative. Ainsi, d’une part, les CTDs peuvent se servir de la dotation annuelle de la décentralisation, de l’apport des services déconcentrés, des institutions tels que le FEICOM, du BIP, et de l’accompagnement de divers programmes issus de la coopération internationale tels que le PNDP, le PRADEC, pour se développer. Ce chapitre confirme ainsi notre première hypothèse spécifique. D’autre part, les CTDs camerounaises peuvent aussi assumer personnellement leur politique de développement à travers le Plan de Développement Communal, la coopération décentralisée, et l’exploitation effective de l’ensemble des textes juridiques instituants les compétences transférées susceptibles de contribuer à leur développement. Ainsi, les CTDs camerounaises peuvent créer et gérer des centres de santés et des écoles maternelles et primaires entre autres. Pour exploiter toutes ces opportunités, les CTDs peuvent mobiliser les phases de déploiement du modèle théorique camerounais des politiques locales de développement inspiré des PCDs existants. Ainsi, elles passeraient par une phase d’élaboration et de mise en œuvre inclusive, pour finir sur une phase de suivi-évaluation tout aussi inclusive.

CONCLUSION DE LA PARTIE I

Dans cette première partie de notre travail, nous avons présenté les fondements historiques, juridiques, et actanciels des politiques de développement des CTDs camerounaises d’une part, leur champ de possibilités, et leur modèle théorique d’élaboration, de mise en œuvre, d’autre part. Ainsi, nous avons vu que les politiques de développements des CTDs camerounaises proviennent du Moyen-âge occidental. Mais l’industrialisation a provoqué la division horizontale et verticale du travail dans la société globale, et entrainé du même coup, la diversification des politiques publiques, et des niveaux d’application de ces dernières. C’est ainsi que les collectivités territoriales décentralisées vont devenir des initiateurs de politiques de développement. Cette réalité va être transportée au Cameroun, par le biais de la colonisation française et britannique. Une fois installées, les deux puissances vont progressivement passer de la gestion déconcentrée à la gestion décentralisée, et remettre la direction de la société camerounaise à des élus locaux. En 1996, le Cameroun indépendant va procéder à la constitutionnalisation des CTDs, et initier le mouvement d’émancipation de ces dernières. En 2004, puis en 2010, une série de lois et de décrets va donner de nouvelles compétences aux CTDs, notamment aux communes. Dans le deuxième mouvement de cette partie, il ressort que les CTDs bénéficient de l’accompagnement du gouvernement, et des programmes étatiques soutenus par la coopération internationale en vue de les mener vers le développement. L’attribution de nouvelles compétences aux CTDs va aussi donner la possibilité à ces dernières de prendre leur développement en main, dans le cadre du PCD, ou de la coopération décentralisée. Toutes ces possibilités pourraient être mises selon le modèle théorique d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi-évaluation des politiques locales de développement camerounaises. Par ailleurs, cette partie nous a permis de confirmer la première hypothèse spécifique de notre recherche. Au-delà de la théorie, l’étude de la partie II qui va suivre, présente la réalité des politiques de développement des collectivités territoriales camerounaises à partir du cas de la Commune de Bangangté et de la Communauté Urbaine Douala.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Yaoundé II - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques - Département de science Politique
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention du Master II en Science Politique - 2018 - 2019
Doctorant-Chercheur . Spécialités : décentralisation, développement local, et politiques publiques
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