7 clés pour le développement des collectivités territoriales camerounaises 

CHAPITRE 2 : CHAMP D’OPPORTUNITES ET PHASES THEORIQUES DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT DES COLLECTIVITES TERRITORIALES CAMEROUNAISES

Dans ce chapitre, nous présenterons le large éventail d’opportunités dont disposent les CTDs camerounaises, (section 1) qu’elles peuvent mobiliser suivant un modèle théorique contextualisé des politiques publiques (section 2) pour assurer leur développement.

SECTION 1 :

CHAMP D’OPPORTUNITES AUTONOMES ET INSTITUTIONNELLES DE DEVELOPPEMENT DES CTDs

Les CTDs bénéficient d’une large palette de possibilités susceptibles d’être exploitées au bénéfice de leur développement. Elles disposent des opportunités institutionnelles d’appui (paragraphe 1), et des opportunités autonomes indépendantes (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les Opportunités Institutionnelles d’Appui

Dans cette sous-partie, il s’agit des opportunités initiées de l’extérieur des CTDs camerounaises. Généralement, celles-ci proviennent de l’Etat et de ses démembrements (A), et de la coopération bilatérale et multilatérale (B).

A – L’Etat : la dotation générale, le MINDEVEL et les services déconcentrés

Dans le champ des opportunités d’appui qui proviennent exclusivement de l’Etat et de ses démembrements, on peut citer, la dotation générale de la décentralisation, le ministère récemment créé et entièrement dédié à l’encadrement de la décentralisation et des CTDs, et l’apport des services déconcentrés.

La dotation annuelle générale est la partie du budget annuel de l’Etat, destinée au financement de la décentralisation. Ce financement est octroyé aux CTDs pour accompagner la mise en œuvre des compétences transférées par l’Etat conformément à la loi, dans le cadre de la décentralisation. Cette dotation a été instituée pour la première fois dans le chapitre III de la loi 2004 portant orientation de la décentralisation. Elle sera ensuite récupérée dans l’article 25 du Code Générale des collectivités territoriales décentralisées de 2019. Ce dernier article précise aussi que la dotation générale annuelle doit être égale ou supérieur à 15% du budget auquel elle est rattachée. En 2020, cette dotation générale est estimée à 742,6 milliards de FCFA, avant le confinement dû au COVID-19.

Cette dotation générale constitue une opportunité de développement, car, non seulement elle augmente la capacité financière des CTDs, mais elle permet d’éviter l’accumulation de nouvelles poches de dépenses incapacitantes. En effet, le jeu de la décentralisation est d’assurer le transfert total, mais progressif, de certaines compétences de l’Etat, et des ressources nécessaires à leur exercice par les CTDs. Le transfert de nouvelles compétences, sans ressource, serait de nature à réduire la part du budget de la CTD réservée à l’investissement, et au développement. Cette dotation augmente la capacité financière en caisse des CTDs, et leur permet donc de se concentrer davantage au développement local.

Dans le cadre des opportunités offertes exclusivement par l’Etat, il y a aussi le récent ministère dédié à l’encadrement de la décentralisation, et l’apport des services déconcentrés. Il s’agit précisément du Ministère de la Décentralisation et du Développement Local. Il a été créé en 2018, par le décret n°2018/191 du 02 mars 2018 portant réaménagement du Gouvernement, et mis sous l’autorité de M. ELANGA Obam Georges. Ce ministère est chargé de l’élaboration, du suivi, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la décentralisation et de la promotion du développement local.

 7 clés pour le développement des collectivités territoriales camerounaises 

Il est notamment chargé de la tutelle des CTDs camerounaises, sous la supervision du PRC, et de la promotion du développement socio-économique et de la gouvernance de ces territoires locaux. Il constitue depuis lors le point focal de l’Etat sur les questions liées aux collectivités territoriales décentralisées. Par ailleurs, l’article 37, du CGCTD prévoit que les CTDs camerounaises pourront bénéficier de l’appui des services déconcentrés de l’Etat. Ainsi, les délégations de chacun des plus de 30 ministères que compte l’Etat pourront aussi tenir main forte aux collectivités.

Ces appuies de démembrements de l’Etat constituent une opportunité de développement pour les CTDs car, ils sont impliqués dans le développement local. En ce qui concerne le ministère, cela fait partie de ses missions. Cela signifie qu’il est capable de mettre en œuvre des programmes, d’octroyer des subventions, d’obtenir des facilitations fiscales, et économiques au bénéfice du développement des CTDs. Par ailleurs, le responsable de ce ministère est le Vice-président du CND, l’un des rares organes officiellement habilités à faire des recommandations auprès du PRC au sujet des CTDs. Ceci fait de lui un maillon central de la politique du gouvernement en matière de promotion du développement en faveur des CTDs, et un véritable appui pour ces dernières.

B – Les programmes d’accompagnement de la coopération internationale

On peut dire que la plupart des opportunités d’appui à l’essor des CTDs proviennent davantage de la coopération internationale. Ces opportunités sont constituées de programmes destinés à soutenir et accompagner le développement des CTDs. Elles sont le plus souvent initiées, et/ou, mises en œuvre avec des agences d’Etats étrangers, ou des organismes internationaux.

Au premier rang de ces programmes, il y a le Programme Nationale de Développement Participatif, en abrégé PNDP. Ce programme a été créé dans la poursuite de la mise en œuvre du DSRP (Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté) par le gouvernement camerounais. L’un des plus importants textes de cet organisme, c’est l’arrêté n° 002/PM du 09 janvier 2004 portant organisation du cadre institutionnel d’exécution du PNDP, mis à jour par l’arrêté n° 0229/CAB/PM du 7 octobre 2009. Le PNDP a été initié par la Banque Mondiale et l’Etat du Cameroun, et mis en œuvre avec l’appui de fonds PPTE, C2D, KfW. Sa mission est d’accompagner la décentralisation, et de contribuer au développement des zones rurales à travers la mobilisation des associations et des communes, et l’octroi des moyens nécessaires aux projets sélectionnés, sous forme d’allocations.

L’importance du PNDP en tant qu’opportunité de développement pour les communes est déjà établie. Au 31 décembre 2016, l’organisme enregistre 3 687 projets ayant nécessité la mobilisation de 37 209 479 208 FCFA. 3 139 de ces projets ont effectivement été achevés. Le programme a financé des projets dans les communes de Dizangué, Ndom, Ngambe, du Nkam, Melong, et Yabassi entre autres.

Il y a aussi le Programme d’Appui à la Décentralisation et au Développement Local (PADDL) remplacé par le PRADEC, sous l’initiative et la coordination de l’agence allemande GIZ. Le PADDL a été mis en œuvre entre 2004 et 2016 à l’initiative du GIZ, sous la tutelle de l’Etat via l’ancien Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Le programme sera remplacé en 2017 par le Programme d’Appui au Développement Communal (PRADEC) qui ira jusqu’en 2020, sous la tutelle étatique du MINDEVEL. La mission de ce programme est d’amener les communes à mieux se développer. Ses activités se concentrent dans les régions du Nord, et du Sud-Ouest.

A l’actif du PADDL/GIZ, on peut relever l’élaboration et la mise en œuvre d’au moins deux projets. Il y a le projet PRO-EDU-BA lancé à Bangangté pour la promotion de l’éducation. Destiné à 55 établissements scolaires, le projet a récompensé les meilleurs responsables des APEEs et des établissements publics de Bangangté. Citons aussi le Projet Centres d’Innovations Vertes pour le Secteur Agro-alimentaire, en abrégé ProCISA, dans la Commune de Bangangté.

Ce projet destiné au corps agricole local, a pour objectif l’augmentation des revenus des agriculteurs, l’amélioration de l’approvisionnement alimentaire inter-régionale, et la création d’emplois supplémentaires. Il faut dire qu’il marquait aussi la clôture du PADDL en 2016, et le lancement du PRADEC mis en œuvre l’année suivante. Ces programmes n’empêchent pas les CTDs de déployer des actions de leur propre volonté.

Paragraphe 2 : Les Opportunités Autonomes Indépendantes

Dans cette seconde sous-partie, nous faisons allusion aux opportunités qui peuvent être déployées par les CTDs de leur propre initiative, et non pas par des acteurs externes. Dans le registre de ces opportunités, on note les ouvertures juridiques du champ d’actions des CTDs (A), mais aussi le Plan de Développement Communal et la coopération décentralisée (B).

A – Les ouvertures juridiques du champ d’actions des CTDs

Les ouvertures juridiques du champ d’actions des CTDs renvoient aux textes qui attribuent de nouvelles compétences susceptibles d’être exploitées par ces collectivités au profit de leur développement. Ces ouvertures ont été opérées par une série de décrets du Premier ministre, et d’arrêtés ministériels instituant le transfert des compétences, et les modalités d’exercice de ces dernières. Dans l’ensemble que constituent ces textes juridiques, on peut faire la distinction entre les compétences transférées liées au développement social et humain, et les compétences transférées liées au développement économique.

Dans le premier groupe, on peut inclure, sans être exhaustif :

Le décret n°2010/0241/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°2010/00000003/A/MINPROFF/CAB du 09 septembre 2010, et portant sur la gestion des centres de promotion de la famille et de la femme par les communes ;

Le décret n°2010/0243/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°2010/0011/A/MINAS du 27 août 2010, et portant sur l’attribution de l’aide aux nécessiteux et aux personnes indigentes ;

Le décret n°2010/0245/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°0002/MINCULT/SG du 21 octobre 2010, et portant sur la culture ;

Le décret n°2010/0246/PM du 26 février 2010, et le décret n°2011/0004/PM couplé à l’arrêté n°0821/MINSANTE du 01 avril 2011, en matière de santé publique ;

Le décret n°2010/0247/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°2010/246/A/MINEDUB/CAB du 31 décembre 2010, en matière d’éducation de base.

Ces trois derniers décrets sont plus opérationnels que les autres décrets de la liste. En substance, ces trois décrets donnent la possibilité aux CTDs de construire et d’équiper, d’entretenir et de gérer des Centres de Santé Intégrés, des Centres Médicaux d’arrondissement, mais aussi des établissements préscolaires, maternels, et primaires. En ce qui concerne les arrêtés ministériels, leur apport est dans la fixation du cadre technique d’implémentation des compétences transférées.

Le second groupe de textes juridiques est constitué des décrets et arrêtés qui concernent le développement économique. On peut donc y inclure, sans être exhaustif :

Le décret n°2010/0242/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°2011/0618/A/MINADER/CAB du 02 août 2011, et portant sur les activités agricoles et de développement rural ;

Le décret n°2010/0244/PM du 26 février 2010, couplé à l’arrêté n°2010/0015/A/MINEPIA du 30 août 2010, et portant sur les activités de production pastorale et piscicole ;

Le décret n°2011/0092/PM du 18 janvier 2011, portant sur la construction, l’équipement, l’entretien et la gestion des marchés périodiques ;

Le décret n°2011/0005/PM du 13 janvier 2011, couplé à l’arrêté n°12/A/MINTOUR du 01 mars 2011, et portant sur la mise en valeur de sites touristiques communaux ;

Le décret n°2012/0887/PM du 27 mars 2012, en matière d’appui aux microprojets générateurs de revenus et d’emplois.

Par ailleurs, le CGCTD donne la possibilité aux CTDs de déléguer des services locaux par concession, affermage, régie intéressée, gérance, ou en société d’économie mixte. Elles peuvent aussi acheter des parts dans une société, ou alors en créer une, afin de générer des revenus supplémentaires.

A partir de ces quelques décrets, les CTDs ont la possibilité d’intervenir formellement, et valablement, sur les divers domaines d’activités de l’économie, générer des revenus et investir pour orienter et impulser le développement en leur sein. Cette armature juridique ouvre un champ des possibles des CTDs, que la coopération décentralisée et le Plan de Développement Communal viennent amplifier.

B – La coopération décentralisée et le Plan de Développement Communal

Les CTDs sont aussi interpelées par les opportunités de développement qu’offrent la coopération décentralisée, et le plan de développement communal. La coopération décentralisée peut-être définie comme l’établissement de relation entre des acteurs infra-étatiques étrangers. Au Cameroun, la réglementation la définit comme « toute relation de partenariat entre deux (02) ou plusieurs collectivités territoriales ou leurs regroupements, en vue de réaliser des objectifs communs ».

Elle se différencie des autres types de relation du fait qu’elle repose sur « une convention librement conclue » entre les CTDs en liaison ou leurs groupements. Ainsi, les relations qu’entretiennent, sur la base de convention, les CTDs camerounaises entre elles ou leurs groupements, sont du champ de la coopération décentralisée. De même, les relations entretenues avec des CTDs étrangères en font également partie.

Le but de la coopération décentralisée est de promouvoir le développement des CTDs camerounaises à travers l’échange d’expérience, la solidarité, et le marketing international. De ce fait, elle constitue une opportunité de développement pour les CTDs. En effet, à travers la coopération décentralisée, une CTD peut bénéficier d’un soutien financier, d’un soutien technique, du transfert de technologie, d’une marque touristique. Des exemples d’opérations de coopération décentralisée réussies existent dans le cadre de la collaboration franco-camerounaise : la coopération entre Bangangté et Fouesnant, Esse et LamaloulesBains, ou encore Dschang et Nantes.

A titre d’illustration, la coopération entre les communes de Bangangté et de Fouesnant a abouti à l’installation de lampadaires à énergie solaire sur le long du boulevard central de la ville. Ce type de projet peut figurer, dans le plan de développement communal.

Le Plan de Communal de Développement (PCD) est un instrument de programmation des investissements et des aménagements à faire sur un territoire local. Il a été institué par des textes du PNDP notamment, et est promu par cette même institution. Avant le PCD, les communes ont eu affaire au couple PDC/PDL (Plan Communal de Développement/Plan de Développement Local) jusqu’en 2003. Le PDC comprenait alors des solutions liées à la satisfaction des besoins de base dans environ 10 secteurs. Le PDL comprenait des actions à mettre en œuvre dans les villages entourant une CTD donnée. Sous les effets des lois de 2004 sur la décentralisation, et de l’évaluation de la phase 1 du PNDP, le couple PDC/PDL fusionne et est remplacé par le Plan Communal de Développement (PCD). Ce dernier sera davantage axé sur la création de richesse et des emplois, conformément au DSCE. Toutefois, même si on peut encore retrouver des documents de planification communale s’appelée « Plan de Développement Communal », il reste que le contenu est bien celui du PCD.

La production d’un PCD, est un processus qui comprend 3 phases : Diagnostic de l’Institution Communal (DIC), Diagnostic de l’Espace Urbain Communal (DEUC), et Diagnostic Participatif Niveau Village (DPNV). Ce plan est constitué à partir d’une méthode qui consiste à identifier les besoins des populations, et à trouver des solutions de manière inclusive. Ainsi, le document PCD répertorie de manière synthétique et détaillée, l’ensemble des projets à mettre en œuvre, le coût de ses projets, les périodes d’exécution de chaque projet, les objectifs poursuivis par chaque projets, secteur par secteur. L’ensemble des projets de ce document peut être étalé sur 3 à 5 ans. Le PCD comporte aussi un plan d’investissement annuel (PIA) directement opérationnel. Depuis 2019, le CGCTD pose que le PCD doit être élaboré en tenant compte des plans de développement et d’aménagement nationaux.

Ce plan constitue une opportunité de développement pour les CTDs car il capitalise l’ensemble des ressources de la commune dans un seul document qui sert de repère. Ce qui offre une vue globale de l’ambition de la commune, mais aussi de ses faiblesses, et de ses atouts, des besoins des populations, et des solutions sélectionnées à mettre en œuvre, selon une programmation précise. Ainsi, après adoption, l’exécutif communal peut se concentrer sur la mise en œuvre optimale des projets de développement adoptés, et maîtrise le territoire. C’est ainsi que le Plan Communal de Développement 2015 de Bangangté comportait comme projet prioritaire de développement économique, la construction du marché centrale de Bangangté, mais aussi d’une cité socio-écologique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Yaoundé II - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques - Département de science Politique
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention du Master II en Science Politique - 2018 - 2019
Doctorant-Chercheur . Spécialités : décentralisation, développement local, et politiques publiques
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