SECTION 2 : LES INITIATEURS ET LES CONTRIBUTEURS LEGITIMES DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT AU CAMEROUN

Les CTDs crées, et dotées d’un cadre de déploiement de politiques de développement, ne pourraient se mettre en œuvre sans l’intervention humaine. Deux types d’individus sont légitimes dans cette mission : les initiateurs (Paragraphe 1), et les contributeurs (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les Initiateurs Comme Acteurs Légitimes De Premier Plan

Dans cette catégorie d’acteurs, nous intégrons les personnes indispensables à la mise en œuvre des politiques locales de développement. Dans ce cadre, l’autorité communale à la place principale (a), tandis que l’Etat, ses démembrements, et les organisations internationales ont un rôle secondaire (b).

A – L’autorité communal, l’acteur principal

Par autorité communal, nous faisons allusion à l’instance décisionnelle suprême de la commune. Selon les textes, cette instance est constituée d’un exécutif communal élu, et d‘un conseil municipal, tout aussi élu. L’exécutif communal est composé du Maire et de ses adjoints. Ils sont élus au cours d’un vote fixé au deuxième mardi suivant le jour de la proclamation des résultats des élections municipales. L’exécutif communal, tire sa légitimité d’un conseil municipal élu par le peuple. Il est, entre autres, chargé d’assurer l’administration générale et financière de la commune, de proposer des projets de développement, et d’assurer l’exécution des programmes de développement sur ordre du conseil municipal.

Le conseil municipal est élu au suffrage universel direct et secret. L’élection du conseil municipal a lieu tous les 5 ans. De par ses attributs, le conseil municipal est l’organe chargé de la supervision générale des activités de la commune, et de l’exécutif communal. Entre autres, il est chargé de l’examen du PCD, du budget et des comptes administratifs, de la création et de la gestion des activités liées à l’agriculture, le tourisme, l’économie, et la protection sociale entre autres. De par, leurs attributs respectifs, l’exécutif communal et le conseil municipal constitue ainsi les acteurs indispensables de premier plan du développement des CTDs camerounaises.

B – L’Etat et les organismes bilatéraux et multilatéraux, comme acteurs secondaires

Le développement des CTDs n’est pas seulement l’affaire des autorités communales. En effet, si la décentralisation au Cameroun est en cours de consolidation, c’est bien parce que l’Etat exerce encore un certain contrôle sur le processus. C’est l’Etat qui a attribué un régime à la commune et la région en 2004. La prédominance du Délégué du gouvernement auprès des communautés urbaines, et des préfets et sous-préfets en général, peut être imputée au souci de l’Etat de maîtriser ce processus « délicat » dans « un esprit de méthode ». Par ailleurs, pour assurer le déroulement efficace du processus d’autonomisation des CTDs, il a créé des instances d’accompagnement, et mis en œuvre divers programmes d’accompagnement des CTDs à partir de la coopération bilatérale, et multilatérale.

Parmi les instances étatiques d’accompagnement des CTDs, on peut citer : le Fonds Spécial d’Equipement et d’Intervention intercommunale (FEICOM), le Conseil National de la Décentralisation (CND), le Centre de Formation pour l’Administration Municipale (CEFAM), et le comité interministériel des services locaux (CISL), et le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDEVEL). Crée en 1974 et rendu fonctionnel en 1997, le FEICOM a pour mission d’accompagner financièrement les communes et de promouvoir l’entraide entre elles. Le Conseil National de la Décentralisation est chargé du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la décentralisation. Le Centre de Formation pour l’Administration Municipale (CEFAM) est créé en 1977 dans le but d’assurer la formation des personnels intervenant dans l’administration communale. Pour sa part, le comité interministériel des services locaux (CISL) a pour mission d’assurer la préparation et le suivi du transfert des compétences et des ressources au bénéfice des CTDs. Pour finir, le MINDEVEL, crée en 2018, a pour missions principales d’encadrer la décentralisation et de promouvoir le développement local.

Parmi les divers programmes étatiques issus de la coopération bilatérale et multilatérale, on peut citer : Le Programme d’Appui à la Décentralisation et au Développement Local (PADDL), le Programme d’Appui aux Capacités Décentralisées de Développement Urbain (PACDDU), le Programme National de Développement Participatif (PNDP). Le PADDL est un programme lancé en 2004 par l’agence allemande GTZ, sous la tutelle du Ministère de l’Administration Territoriales et de la Décentralisation (MINATD). Il a pour but d’autonomiser les communautés locales sur le plan socioéconomique afin de lutter contre la pauvreté. Pour sa part, le PACDDU est un programme lancé en collaboration avec l’Union Européenne (UE) pour assurer l’amélioration durable des conditions de vie des populations de 5 villes camerounaises : Maroua, Bafoussam, Foumban, Ngaoundéré, Bamenda. Pour finir, on a le PNDP, programme lancé en 2004 avec le concours de la Banque Mondiale (BM), soutenu et financé plus tard par le fonds PPTE, le programme C2D de la France, le fonds KfW de l’Allemagne, l’Etat camerounais, et les CTDs bénéficiaires. La mission de ce programme est de promouvoir le développement local et d’accompagner les CTDs sur cet aspect.

Paragraphe 2 : Les Contributeurs Comme Acteurs Légitimes De Second Plan

Les acteurs légitimes de second plan renvoient à l’ensemble des personnes physiques et morales qui contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes d’actions de développement initiés par la CTD, sans être indispensables théoriquement. Parmi eux, on compte les acteurs individuels (A), et les acteurs organisationnels (B).

A – Les acteurs individuels : les usagers et les élites

Les acteurs individuels de second plan sont constitués de deux groupes : les usagers, et les élites. Le premier groupe est celui des usagers ou habitants, car c’est sur cette catégorie sociétale que les politiques de développement locales s’appliquent. En France, les usagers intègrent les milieux décisionnels locaux sous l’effet des revendications populaires, et des recommandations européennes. Par contre, au Cameroun, les usagers ont toujours été pris en compte dans la gestion communale. En effet, la raison d’être de la décentralisation camerounaise est de permettre aux Camerounais de participer à « la gestion de leur propres affaires ». Par ailleurs, la loi de 2004 fixant les règles applicables aux communes précisait déjà, dans son article 37, le caractère public des séances du conseil municipal. Cet article fut reconduit dans le Code Générale des CTDs, à l’article 178. Dans certaines CTDs, comme la commune de Foumbot, les PCD sont élaborés sous un mode participatif. Beaucoup d’individus participent volontiers aux séances de travail organisées par la commune, et ont une idée positive de la participation urbaine. Des usagers sont aussi inclus dans des commissions de réflexion, et dans le comité de suivi-évaluation. Ils participent à l’identification des besoins de la commune, proposent des solutions, et sont parties prenantes de la séance interactive d’adoption du PCD final.

Le second groupe d’acteurs individuels est composé par les élites, c’est-à-dire, des individus qui, du fait du caractère connu et reconnu de leur valeur, occupent une position éminente au sein de la société . Dans ce groupe d’individus, on classe les hommes d’affaires prospères, les élus, et les chefs traditionnels. Cette classe d’individus intervient aussi dans le développement local. Ils peuvent agir individuellement, ou en collaboration avec la commune, au bénéfice du territoire décentralisé. Dans la commune d’arrondissement de Douala 1er par exemple, les chefs traditionnels sont connus pour leur contribution auprès de la Mairie. Dans le registre du développement économique, on peut noter l’action des entrepreneurs tels que Fotso Victor, Dangoté, et Vincent Bolloré, à travers leurs entreprises respectives. L’action de ces acteurs individuels a souvent été accompagnée par celles des acteurs associatifs.

B – Les acteurs organisationnels : associations locales et les ONGs (nationales et internationales)

Le deuxième groupe d’acteurs légitimes de second plan dans les politiques de développement des CTDs rassemble les organisations internes, et les ONGs. En ce qui concerne les organisations internes, il s’agit des associations de la société civile, et des associations thématiques. Leur légitimité provient du fait qu’elles sont composées des usagers locaux. On note alors l’action d’associations regroupant des ressortissants d’une même contré, l’action des comités de développement de quartier, dans les CTDs. Ces associations agissent généralement en appuie aux CTDs afin de participer à la satisfaction de la demande populaire, lorsque cette dernière déborde les possibilités des autorités décentralisées. Ces initiatives sont aussi encouragées par certains bailleurs de fonds internationaux.

On peut citer l’exemple très illustratif de l’appuie qu’a fourni l’association Doual’art, dans un projet mis en œuvre par la Commune d’arrondissement de Douala 1er, en collaboration avec la ville française Lingolsheim, sous la supervision de l’Institut Régional de Coopération Développement (IRCOD). Ce projet visait l’aménagement du quartier Bessengue-Akwa. L’animation et le suivi du projet avait été assurés par ladite association.

Il faut aussi noter l’action des organisations non gouvernementales (ONG). Venues initialement en Afrique pour des raisons humanitaires, les ONGs constituent aujourd’hui des acteurs du développement local sur le continent. Dans le cas du Cameroun, les ONGs ont choisi de se concentrer sur le développement des espaces périphériques. En effet, pour ces associations, les populations qui sont véritablement dans le besoin se situent dans les villages, situées généralement aux abords des villes et des communes. Par ailleurs, elles ont opté pour une action directe sur les populations, ou par le biais de services déconcentrés de l’Etat, et non plus à travers l’Etat central. On peut citer l’exemple de l’ONG Arc-En-Ciel basée à Yaoundé, qui a accompagné les communes de Mfou, Nkolafamba, Esse, Soa, et Mengueme, entre autres, dans la création de puits, la formation , dans le cadre de la coopération décentralisée, et de la recherche de partenaire au développement. Cette organisation a aussi contribué à l’installation de captage d’eau dans le village Bangoua, par la fondation Veolia Environnement.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Dans ce chapitre, il était question de présenter les fondements historiques, juridiques, ainsi que les acteurs légitimes, des politiques de développement des collectivités territoriales décentralisées camerounaises. Il ressort que les politiques locales de développement des CTDs camerounaises prennent leur origine dans la tradition administrative occidentale. Ainsi, les politiques publiques nées dans le moyen-âge européen, vont se diversifier à travers les secteurs et les échelles territoriales décentralisées, avant de se développer au Cameroun par le biais de la colonisation. Au Cameroun, le transfert va être opéré par la puissance française et la puissance britannique, via le passage progressif d’une gestion déconcentrée, vers une gestion décentralisée des territoires. Après l’indépendance et la réunification, le pays va constitutionnaliser les CTDs, puis, leur confier des missions plus précises et plus denses dès l’année 2004. La charge d’assurer ses missions incombent aux acteurs de premier plan que sont : l’exécutif communal et le conseil municipal. Ces deux instances sont assistées par l’Etat et les programmes qu’il a mis en œuvre, grâce à la coopération internationale, pour accompagner les CTDs sur le chemin du développement. Les CTDs reçoivent aussi la contribution des usagers, des élites, des associations et des ONGs dont le caractère complémentaire face au déficit des collectivités territoriales décentralisées dans lesquelles elles exercent, est reconnu. Ces fondations permettent aux CTDs d’exploiter les opportunités qui seront présentées dans le prochain chapitre.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Yaoundé II - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques - Département de science Politique
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention du Master II en Science Politique - 2018 - 2019
Doctorant-Chercheur . Spécialités : décentralisation, développement local, et politiques publiques
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