5 techniques clés pour une diplomatie traditionnelle efficace

Section 2 : La primauté de la pratique de la diplomatie traditionnelle

Face à l’avènement du numérique, la diplomatie traditionnelle a toujours gardé une certaine primauté sur la nouvelle diplomatie numérique. Cette supériorité est due à la nécessité d’une présence physique des acteurs de la diplomatie (Paragraphe 1) et l’importance accordée à la diplomatie prudentielle des couloirs (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La nécessité d’une présence physique des acteurs de la diplomatie

Au Togo comme partout dans le continent africain, européen, asiatique et américain, il est bien vrai que la diplomatie numérique prend de l’ampleur. Mais n’oublions pas la diplomatie à l’ancienne a toujours son mot à dire. C’est notamment le cas d’échange d’ambassadeurs (A) et la présentation des lettres de créance (B).

A- Le cas d’échange d’ambassadeurs

Le numérique se développe de plus en plus. La diplomatie numérique évolue aussi. Le Togo ne pas du reste. Au niveau togolais, certaines pratiques n’ont pas beaucoup changées. Le cas d’échange d’ambassadeurs. La diplomatie sert depuis la « Renaissance »138 à atténuer les rapports de force dans « les relations internationales »139 et à faire accepter les lois et coutumes des pays signataires d’accords bi ou multilatéraux. Aucun État ne peut défendre ses intérêts sans tenir compte de ceux des autres États, chaque pays étant une composante de la communauté

138 B- La présentation des lettres de créance

Au Togo comme partout dans le monde, certaines pratiques diplomatiques n’ont jamais changé malgré le développement du numérique. C’est l’exemple type de la présentation des lettres de créance.

Au-delà du contexte togolais, remontons à l’histoire même de cette tradition diplomatique. La présentation des lettres de créance est une coutume qui remonte au bas Moyen -Âge. Quelque temps après leur arrivée aux Pays-Bas, le roi reçoit les nouveaux ambassadeurs au palais Noordeinde, avec le protocole de rigueur. Les Pays-Bas soulignent ainsi qu’ils respectent au plus haut niveau les relations avec les pays étrangers. Une berline d’apparat tirée par deux chevaux vient chercher les ambassadeurs à leur résidence à La Haye ou à leur hôtel quand ils résident à l’étranger. Ils sont accueillis au palais Noordeinde par une garde d’honneur et l’harmonie militaire. Après les roulements de tambour en signe d’hommage et l’hymne national du pays de l’ambassadeur, suit une inspection de la garde d’honneur. À l’intérieur du palais, l’ambassadeur remet les deux lettres de créance au roi. Ils ont ensuite un court entretien qui leur permet de faire connaissance.

Ce n’est qu’à partir du moment où le roi a accepté les lettres de créance que l’ambassadeur est officiellement en fonction. De la même façon, les ambassadeurs

142 Historiquement, les hauts diplomates en fonction auprès d’un royaume ou État étranger portaient le titre de ministre. En raison de la lenteur de la communication, ces représentants sont munis des pleins pouvoirs (en latin : plenus potentiā) du gouvernement qui les mandate. Le ) du pays hôte145. C’est la réception de ce document par le pays hôte qui officialise la nomination et l’accréditation de l’ambassadeur146. L’acceptation des lettres de créance est, de nos jours, presque systématique, grâce aux discussions préalables entre les deux États147. Il arrive parfois que ces lettres de créance soient refusées; dans ce cas l’ambassadeur du pays invité ne peut pas exercer ses fonctions148. Elles sont généralement rédigées en Guide du Protocole et des usages, Paris, Editions Stock, 1993, 641 p.

144 Stéphane Péquignot, « Les diplomaties occidentales, xiiie-xve siècle », in Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public, Les relations diplomatiques au Moyen Âge. Formes et enjeux, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, p. 52.

145 Manuel Pratique de Protocole, XIe édition, Editions de la Bièvre, Courbevoie, 2010, 478 p.

151 Practical Handbook of Protocol, Edition 2010 en anglais, Editions de la Bièvre, Courbevoie, 2010, 474 p

152

153 Cf. MARIA MILAGROS CARCEL ORTI (dir.), Vocabulaire international de la diplomatique, Valencia, Conselleria de Cultura, Universitat de Valencia, 1994, p. 95, § 386.

ne peuvent pas demander d’audience au chef de l’État ou du gouvernement, ni aux présidents  des assemblées, ni même donner d’interviews liées à leur fonction. Ils peuvent en revanche  prendre leurs fonctions au sein de leur ambassade. 

 Tous ces parcours reflètent le fait que la présentation des lettres de créance nécessite une  présence physique des acteurs diplomatiques. Même si la diplomatie numérique prend de  l’ampleur, la diplomatie traditionnelle154 a toujours son mot à dire. 

Paragraphe 2 : l’importance de la diplomatie en présentiel dans le cadre togolais

Aujourd’hui, la diplomatie traditionnelle se transforme fortement. Mais, elle reste une diplomatie assez réaliste (A) et productive (B). Car les acteurs diplomatiques sont physiquement présents. Les solutions aux problèmes diplomatiques sont plus débattues. Dans ce cadre, on assiste à des réels actes. Puisse que la diplomatie numérique se déroule sur les réseaux sociaux.

A- Une diplomatie réaliste

La diplomatie traditionnelle est une diplomatie réaliste155. La diplomatie traditionnelle rend compte des relations qu’entretiennent les Etats entre eux, transcrivant ainsi leurs rapports de forces, leurs enjeux de puissance ou leurs stratégies d’alliance.

La diplomatie se place en interface entre les entités pour faire converger les volontés vers un consensus évitant ainsi la guerre en cristallisant l’action dans un processus de réflexion et de dialogue. Mais derrière l’apparence feutrée des diplomates, la diplomatie est le théâtre de tous les stratagèmes.

Il ne faut pas oublier que dernière chaque négociation ou compromis, il existe une stratégie propre à chaque acteur, à chaque pays. Menée avec habilité, elle peut révéler les points faibles du dispositif adverse ou conduire l’un des protagonistes à la faute, l’affaiblissant durablement. La diplomatie, s’inscrivant généralement dans le cadre du droit international, a pour seconde mission d’éviter que cet environnement juridique ne se détériore protégeant ainsi les grands équilibres politiques et économiques de notre société, vecteurs de stabilité.

154 LUCIEN BELY, « Représentation, négociation et information dans l’étude des relations internationales à l’époque moderne », in Serge Berstein, Pierre Milza (dir.), Axes et méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998, pp. 213-229.

155 La diplomatie traditionnelle est la pratique des relations internationales. Elle organise les échanges politiques entre les Etats et gouvernements en vue d’assurer une coopération pacifique, ou bien la restauration de la paix après une phase de conflit. La diplomatie est également un outil de pouvoir qui permet d’asseoir le rayonnement international d’un Etat. Elle s’est progressivement doublée d’une dimension économique, dans un contexte de mondialisation des échanges qui rend les nations interdépendantes.

La diplomatie traditionnelle a peu à peu glissé dans le champ de l’économie comme cadre et instrument des négociations commerciales, où elle participe à la protection et à la valorisation des intérêts publics et privés d’une nation.

En effet, la diplomatie du 20e siècle a dû s’adapter aux nouvelles contingences internationales où les relations diplomatiques sont devenues multilatérales, avec l’apparition de nouveaux acteurs comme les institutions et autres conférences internationales. Son mandat s’est naturellement élargi en traitant de questions toujours plus vastes dans le domaine militaire, économique, social, culturel. L’écologie s’est imposée, par exemple, comme une des principales composantes du rapport de force entre les pays du nord et les pays du sud156. La diplomatie renvoie surtout aux enjeux de la politique extérieure avec la nécessité de toujours garder contact avec son environnement afin de mieux le comprendre et d’éviter toute action intempestive ou disproportionnée fondée sur une erreur d’appréciation157.

Au niveau conceptuel, il est facile de transposer les approches diplomatiques d’un pays aux approches des entreprises dans la relation à l’autre. Comme nous l’avons vu précédemment, la diplomatie est un facteur de réussite qui nécessite un savoir-faire particulier au sein des organisations. Aussi l’intelligence économique apporte-t-elle une réponse à cette problématique car elle permet justement la maîtrise totale ou partielle des enjeux qui émanent de ces relations158. Ensuite, nous aborderons dans le même cadre de notre analyse, l’aspect productif de la diplomatie traditionnelle.

B- Une diplomatie productive

 La diplomatie traditionnelle reste un moyen assez productif. Car la diplomatie à l’ancienne  est la conduite de négociations et de reconnaissances diplomatiques entre les personnes, les  groupes ou les nations en réglant un problème sans violence. Utilisée formellement, elle se  

156 Berlow E. L. « Strong effects of weak interactions in ecological communities », 1999, Nature, 398, 330–334.  DOI:10.1038/18672. Bernard Fischesser et Marie-France Dupuis-Tate, Le guide illustré de l’écologie, Edition de  La Martinière, QUAE édition, 2007, (349 pages). 

157 Nous percevons ainsi la complexité de la notion comme une vision intégrée des relations internationales. Force  est de constater que la diplomatie ne peut être une finalité en soi, mais elle est bien un vecteur de communication  permettant la gestion effective de relations internationales. Elle s’inscrit totalement dans le cycle du renseignement  d’un pays pour être à la fois capteur, analyste, diffuseur d’informations mais aussi chef d’orchestre de toute action  d’influence. Si la diplomatie est réservée aux Etats, toutes les entreprises doivent avoir conscience de leur  environnement en développant leur faculté de diplomatie car c’est en faisant preuve d’habilité, de tact dans ses  relations avec les autres firmes qu’elles pourront suivre leurs stratégies. 

158 https://portail-ie.fr/resource/glossary/64/diplomatie

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rapporte habituellement à la diplomatie internationale, la conduite des relations internationales par l’entremise (habituellement) de diplomates professionnels. Une distinction importante  existe entre la diplomatie numérique et la diplomatie digitale, même si elles sont étroitement  liées, complémentaires et indispensables l’une à l’autre159.  

 La diplomatie traditionnelle correspond aux choix stratégiques et politiques des plus hautes  autorités de l’État160. Au Togo, elle relève du chef de l’État, du Premier ministre et du ministre  des Affaires étrangères. La diplomatie est la mise en œuvre de la politique étrangère par  l’intermédiaire des diplomates. A titre d’exemple, la diplomatie du Saint-Siège est l’un des plus  anciens services diplomatiques au monde, opérant depuis le Vesiècle, et le plus ancien en  Europe. Les plus anciens se retrouvent en Orient, on observait en effet en Asie très tôt déjà, le  développement de missions expéditionnaires et diplomatiques, en particulier avec l’expansion  de la Chine impériale161

 La productivité de la diplomatie traditionnelle est justifiée par la présence et la  confrontation des diplomates 162. Même si le moins que l’on puisse dire c’est que cette «  nouvelle diplomatie du hashtag » est à l’opposé des habitudes des relations internationales  caractérisées par leurs nuances, leurs secrets et leur formalisme. Pourtant, et du fait du poids  du numérique dans nos sociétés et de la place central des « géants du Web », les Etats  commencent à peine à s’organiser et établir de nouvelles formes de dialogue diplomatique; en  particulier avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, et Amazon) comme ils le font depuis  des siècles avec les nations.

Pour faire face à ces mastodontes numériques, qui pour certains  d’entre eux ont des niveaux de trésorerie supérieurs aux PIB de pays industrialisés, le  Danemark vient de franchir le pas en inventant la diplomatie du XXIème siècle en nommant  un « ambassadeur numérique ».

S’il est encore difficile de dire quelle forme prendra ce «  dialogue diplomatique » entre un pays et ces multinationales de la tech, il n’empêche que les  sujets ne manquent pas : impact de l’intelligence artificielle, gestion des méga données,  contrôle des objets connectés, protection des données individuelles, prévention contre la  désinformation et les « fake news ». Bref, tout un nouveau dialogue diplomatique à construire et que n’aurait sans doute pas renié LEIBNIZ, ce philosophe allemand du XVII siècle, par ailleurs diplomate et « inventeur » de l’idée de représentation diplomatique.

159 Frédéric Encel, Petites leçons de diplomatie. Ruses et stratagèmes des grands de ce monde à l’usage de tous, Paris, Autrement, 2015, 150 p. 

160 Frédéric ENCEL, ibidem 

161 Nora GHELIM, Marie-Elisabeth INGRES et Jennifer MOREAU, Les métiers de l’humanitaire, du  développement et de la diplomatie, Paris, Ellipses, 2009 

162 Jean-Marie MOEGLIN et Stéphane PEQUIGNOT, Diplomatie et «relations internationales» au Moyen Age  (IXe-XVe siècle), PUF, 2017

Poursuivant notre analyse, nous aborderons aussi le fait qu’il faut se tourner vers une diplomatie digitale ou numérique plus effective. Une diplomatie digitale plus vraie, plus fonctionnelle.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La diplomatie togolaise a l’ère du numérique : enjeux et défis
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Auteur·trice·s 🎓:
SANBENA Kanikatoma D.

SANBENA Kanikatoma D.
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