Défis et solutions : loi 73-17 face au COVID-19 au Maroc

Partie 2 : Les Limites à l’application de la Loi 73-17 à l’épreuve du COVID-19:

La crise du COVID-19 a mis en exergue la vulnérabilité des entreprises marocaines.

En effet, le gouvernement Marocain, à l’instar des autres pays du monde, a pris des mesures 53 , notamment budgétaires, monétaires et sociales afin d’atténuer les répercussions de la crise sur les entreprises.

Mais malgré ces mesures accompagnatrices, il n’en demeure pas moins que de nombreuses entreprises soient en difficultés et certaines d’entre elles peuvent même se trouver en état de cessation de paiement.

Le législateur français contrairement à son homologue Marocain, a essayé d’adapter les règles du droit des entreprises pour leurs permettre de lutter contre les effets secondaires de cette pandémie.

Chapitre 1: Limites liées aux procédures mises en place pour traiter l’entreprise en difficulté

L’analyse comparative des dispositifs préventifs et curatifs marocain set français nous a permis de faire le point sur les éléments de divergences entre les deux législations. Dès lors que les interférences nous ont permis de distinguer plusieurs limites liées à l’application de la loi 73- 17 dont celles liées aux procédures ; notamment au niveau de la demande d’ouverture, de l’absence des textes réglementaires…

Section 1 : Demande d’ouverture des procédures pendant l’état d’urgence

L’activité des agents économiques privées est dominée par une menace éternelle inhérente à la vie des affaires : l’échec financier ; caractérisé par la situation où une entreprise n’est plus en mesure d’assumer normalement les engagements pécuniaires souscrits à sa charge. Face à une telle éventualité, la première réaction historique du droit moderne a été d’organiser une

53https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwj8jrz2lL3xAhX (http://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q&esrc=s&source=web&cd&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwj8jrz2lL3xAhX)

57 HsaQKHScmApsQFjABegQIBBAD&url=http%3A%2F%2Fwww.mcinet.gov.ma%2Ffr%2Fcontent%2Fmesures-de- s%25C3%25A9curit%25C3%25A9-sanitaire-pour-la-reprise-des-activit%25C3%25A9s-industrielles-et- commerciales&usg=AOvVaw2ISrY4Fc9f4W6kpgJhl3S1

58 procédure tendant d’une part à la défense collective et égalitaire des intérêts des créanciers concernés par la défaillance de leur débiteur commun et d’autre part à l’élimination brutale de la scène économique des acteurs disqualifiés par la déconfiture de leurs affaires.

En effet, les procédures de traitement des difficultés des entreprises traite l’ensemble des mécanismes juridiques permettant de régler les difficultés financières et économiques des entreprises et sont destinés à organiser la prévention des difficultés, par le développement de l’information produite par l’entreprise lors de la détection des premières difficultés.

La loi 73-17 intervient aussi pour organiser les rapports juridiques entre le débiteur et ses différents partenaires, pour déterminer les solutions finales pouvant être mise en œuvre pour faire face aux difficultés. En cas d’échec de ces mesures préventives et curatives, ce droit prévoit des règles permettant de liquider le moins mal possible l’entreprise défaillante.

Toutefois, la réussite de l’application de la loi 73-17 est tributaire du respect de plusieurs règles procédurales rigoureuses. Ce formalisme 54 si spécifique constitue un obstacle pour de nombreuses entreprises en difficultés, notamment en ces temps de crise exceptionnelle.

Par exemple, l’ouverture d’une prévention externe est conditionnée par l’absence d’état de cessation des paiements, l’existence de difficultés d’ordre juridique, économique, financier ou social. Et se fait par une requête adressée au PTC dans laquelle les faits sont indiqués ainsi que les moyens d’y faire face.

Et donc, dans toutes les demandes d’ouvertures des procédures de traitement des difficultés des entreprises: le CDE doit énoncer la nature des difficultés, les moyens d’y faire face et apporter un certain nombre de pièces telles que :

l’état de synthèse du dernier exercice comptable visé par le CAC, s’il en existe,

énumération et évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de l’entreprise

liste des débiteurs avec l’indication de leurs adresses

le montant des droits de l’entreprise et garanties à la date de cessation de paiement;

liste des créanciers avec l’indication de leurs adresses le montant de leurs créances et garanties à la date de cessation de paiement

le tableau des charges

54 Droit des Entreprises en Difficulté – Edition 8- Pierre-Michel Le Corre – Dalloz – 2017

59 la liste des salariés et de leurs représentants s’ils en existent

une copie de l’extrait du registre de commerce

le bilan de l’entreprise pendant le dernier trimestre….

Dans la pratique, chaque requête déposée actuellement doit comporter un exposé de la situation économique de l’entreprise, éclaircir les difficultés auxquelles elle fait face comme : la conjoncture économique, défaillance des clients, la crise sanitaire actuelle…

Nous pouvons dire que ces règles procédurales constituent un réel frein pour les petites entreprises et les commerçants individuels dans la mesure où la préparation de la demande d’ouverture nécessite un certain savoir et doit être étayé par un conseil juridique.

Avec la situation de crise actuelle , plusieurs entreprises se sont trouvées en phase de liquidation et ce à cause de la rigidité des procédures.

Autant dire que le dispositif juridique est nettement inapproprié et carentiel pour faute d’adaptation et d’harmonisation du cadre normatif régissant le DDE aux circonstances actuelles de crise sanitaire de la COVID-19.

Aujourd’hui nous avons besoin de rectifications substantielles pour que le droit puisse servir la pratique ou ; plus particulièrement ; minimiser l’impact négatif de la pandémie mondiale sur nos entreprises toute catégorie confondue (TPE-PME).

Il est recommandé de simplifier les demandes d’ouverture des procédures collectives, afin d’encourager les CDE à y recourir, et ce en mettant en place des formulaires-types ; tel que la France par exemple ; qui a opté pour des formulaires types 55 , qui sont systématiquement utilisés lors des dépôts de demande d’ouverture de procédure. Ils permettent d’établir un diagnostic efficient de la situation de l’entreprise, comportent outre les pièces exigées par la loi, celles qui peuvent être nécessaires pour permettre à la juridiction saisie de prendre en toute connaissance de cause la décision la plus adaptée à la situation de l’entreprise.

55 Voir Annexes

60 Malgré les mesures drastiques adoptées par le gouvernement français comme le confinement , les justiciables pouvait agir en justice à travers a une plateforme constituant le tribunal digital, contrairement au Maroc où l’on pouvait pas recourir en justice.

56

L’objectif de ce portail est de permettre aux entreprises de prévenir leurs difficultés et ce à travers :

une évaluation des performances de l’entreprise

un entretien avec le PTC

une assistance à la demande de l’entreprise en difficulté

Également, il a été mis en place pour la protection, le recouvrement des créances ou encore pour faire valoir un droit et ce en proposant :

de l’aide pour la gestion de la crise de trésorerie

le gel des paiements

l’élaboration d’un plan

56 www.Tribunaldigital.Fr (http://www.Tribunaldigital.Fr/)

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57 www.tribunaldigital.Fr (http://www.tribunaldigital.Fr/)

62

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Cette plateforme offre aux justiciables la possibilité d’agir en justice en toute simplicité, et dans un environnement sécurisé. Elle est accessible à tous et à tout moment, en permettant à tout justiciable du tribunal de commerce ou à son mandataire de saisir sa juridiction en ligne pour prévenir des difficultés d’entreprise, se placer sous la protection de la loi, recouvrer une créance, faire valoir un autre droit. Elle leur permet également de consulter leurs dossiers, et de suivre l’avancement d’une affaire en cours.

58 de-la-crise-du-covid-19-camaieu-contraint-de-deposer-le-bilan

64 La procédure de conciliation, héritière directe du règlement amiable mis en place par la loi 15- 95, dans laquelle le législateur a gardé les mêmes mécanismes du règlement à l’amiable qui participent à sa réussite. Son efficacité nécessite la mise en place de mesures susceptibles de favoriser ce type de traitement négocié et souple des difficultés ;qui n’est censé porter atteinte ni à la liberté de gestion du débiteur- CDE ni aux droits des créanciers.

Ses mécanismes offrent donc au débiteur un répit et facilitent la conclusion d’un accord, mais apportent des restrictions importantes aux droits des créanciers ; la pratique en ces temps de crise l’a démontrée 62 .

Aux termes de l’article 555 de la loi 73-17 le conciliateur et le CDE dispose d’un moyen de pression sur les créanciers, et ce à travers la saisine du PTC aux fins d’ordonner la SPP lorsqu’ils estiment que cette dernière est de nature à faciliter la conclusion de l’accord. Et donc, le PTC peut rendre une ordonnance fixant la suspension pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur.

Elle suspend donc, et interdit toute action en justice par les créanciers antérieurs à ladite ordonnance 63 .

Le législateur français contrairement à son homologue marocain a écarté cette mesure, puisqu’un tel blocage judiciaire de l’entier passif à l’appui de la recherche d’un traitement conventionnel des difficultés a été transposé dans la procédure de sauvegarde de l’entreprise.

62 Il est certain que l’objectif d’apurement du passif est nécessairement contenu dans celui du redressement de l’entreprise. Ce dernier objectif, qu’il soit envisagé comme un moyen en vue du paiement ou comme la finalité première de la procédure, implique toujours un remboursement des créanciers. S. Vaisse a écrit dans ce sens que : «une entreprise redressée est avant tout celle qui paie ses créanciers. Cela répond d’une exigence essentielle du droit des affaires : il est nécessaire que les créanciers reçoivent un paiement au moins partiel, mais qui soit aussi le plus fort possible pour la sauvegarde du crédit commercial ». Pour plus de détails, v. S. Vaisse, « La constitution de la masse », in Faillites, Dalloz, Paris, 1970, n°5.

63 C.Saint-Alary-Houin, droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 2001, 4ème édition, p.45.

Mais une solution de remplacement destinée à la conciliation a été introduite par l’article 611- 7 du code de commerce français 64 . Plusieurs mesures incitatives ont été introduit en faveur des créanciers participant à l’accord amiable et qui peuvent être regroupées autour de trois idées 65 : un privilège est attaché aux créances nées d’apports nouveaux de trésorerie ou de nouvelles prestations ou fournitures 66 ; la sécurisation des actes passés en vue de l’accord homologué 67 .

En effet, si au cours de la procédure, le débiteur est poursuivi ou mis en demeure par un créancier, le juge qui a ouvert la procédure peut, à la demande du débiteur et après avoir été éclairé par le conciliateur, faire application des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil qui prévoient cette faculté d’accorder des délais de paiement dans la limite de deux ans, sans possibilité d’appel de la part du créancier, et à imposer par ce biais une certaine discipline collective aux créanciers qui refusent de rentrer dans le processus de négociation.

On note également que le droit français accorde une attention particulière aux créances publiques vue que les dettes fiscales et sociales constituent un poste important des charges de l’entreprise. La loi offre plusieurs opportunités aux créanciers publics afin de contribuer au redressement des entreprises en difficulté. On peut citer notamment, la possibilité d’accorder des remises de dettes, des cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou des abondons de ces sûretés dans le cadre d’une procédure de conciliation. Pour plus de détails sur ce sujet, v. M. Chaix, D. Roge et K. Coquet, « la réforme du cadre d’intervention du trésor public en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises », Rev. Trésor, fév. 2006, n°2, p.111. A. Milsan, les remises de dettes publiques : une nouvelle opportunité offerte aux créanciers publics pour contribuer au redressement des entreprises en difficulté, JCP E 2007, spéc. n°21.

Pour plus de détails, v. A. Jacquemont, droit des entreprises en difficulté, Litec, 2009, p.64 et s.

65 Les créanciers subordonnent fréquemment leur accord à l’octroi d’un certain nombre de garanties, accompagnant ou non des paiements partiels. En cas d’inexécution de l’accord amiable et d’ouverture ultérieure d’une procédure de redressement judiciaire, il appartient au tribunal de fixer la date de cessation des paiements, en remontant dans le temps, et de déterminer ainsi une période suspecte qui autorise l’annulation d’un certain nombre d’actes faits pendant cette période. Or, le code de commerce français prévoit qu’en cas d’échec de la procédure de conciliation, la période suspecte ne peut débuter avant l’homologation de

66 La troisième incitation vise à protéger les créanciers ayant octroyés leurs concours contre le risque d’une responsabilité pour soutien abusif 68 . Mais en ces temps de crise, la législation Française a imposé certaines restrictions aux créanciers. En effet, l’article 2 de l’ordonnance du 20 Mai 2020 prévoit que le débiteur qui bénéficie d’une conciliation peut demander au PTC d’interrompre ou d’interdire toute action en justice de la part de ce créancier et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ; d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution de la part de ce créancier tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande; et de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues. En temps normal, la conciliation n’a pas un tel effet puisque l’article L.611-7 du code de commerce vise uniquement l’action en recouvrement du créancier.

En d’autres termes, l’exécution de l’accord amiable emporte d’importantes conséquences sur les droits des créanciers signataires. La situation de ces derniers est gelée. Les créanciers non signataires peuvent aussi se voir imposer des délais de paiement par le PTC en vertu des dispositions de l’article 556 de la loi 73-17.

En effet, peu importe l’objet des poursuites et, notamment, qu’elles portent sur les meubles ou sur les immeubles du débiteur, les créanciers s’interdisent de poursuivre le débiteur en

l’accord et les garanties souscrites dans le cadre de cet accord ne peuvent être remises en cause, ce qui constitue une sécurisation des actes passés en vue de l’accord homologué.

68 En effet, la perspective d’une mise en jeu de la responsabilité délictuelle des créanciers pour soutien abusif en cas d’échec de la tentative de redressement amiable, marqué par l’ouverture d’une procédure collective, peut dissuader certains créanciers d’apporter leurs concours au débiteur en difficulté. Sont concernés principalement les établissements de crédit qui peuvent apporter leur concours et se voir reprocher ultérieurement d’avoir soutenu artificiellement une entreprise en difficulté. Le législateur français a tenté de définir un régime de responsabilité civile particulier cherchant un juste équilibre entre la nécessité de ne pas décourager les apporteurs de crédit aux entreprises et les principes de la responsabilité délictuelle. Pour plus de détails, v. A. Jacquemont, droit des entreprises en difficulté, Litec, 2009, p.64 et suivant.

67 paiement 69 . L’accord interrompt, pour la même durée de son exécution, les délais impartis aux créanciers signataires à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents à ces créanciers.

Outre la conciliation, les procédures de redressement et de sauvegarde destinées à organiser la restructuration des entreprises et protéger les droits des créanciers font l’objet d’un usage déformé.

Au lieu d’être appliquées aux entreprises qui peuvent se remettre sur pieds, elles sont accordées à des entreprises déficitaires qui usent de ce moyen pour échapper aux poursuites de leurs créanciers. Elles finissent donc en grande majorité par être converties en procédures de liquidation.

Et donc, Les créanciers sont confrontés à une véritable précarisation de leurs intérêts. Ils n’arrivent à recouvrer qu’un montant peu significatif 70 de leurs créances, qui plus est sur des délais extrêmement longs 71 .

La vulnérabilité financière des créanciers, couplée à la désorganisation de leur débiteur mènent vers une confusion juridique dans notre pays. Elle entraîne un effet perturbateur envers notre économie et renforce une forme de toxicité systémique. Le système qui n’offre aucune protection au créancier sème le doute auprès des acteurs désirant accompagner les entreprises. Ces même acteurs qui ne bénéficient d’aucune garantie en cas de non-paiement, scénario qui reste très présent au vu des conditions actuelles.

Cet état des lieux préoccupant, souligné à plusieurs reprises par la Banque mondiale, est en train de s’aggraver de manière exponentielle sous l’effet de la crise du Covid-19.

Les entreprises marocaines, profondément affectées par le choc du confinement, recourent de manière massive aux procédures de traitement des difficultés et spécifiquement à la

69 Selon les dispositions de l’article 559 de la loi 73-17: « L’accord suspend, pendant la durée de son exécution, toute poursuite individuelle et toute action en justice, tant sur les meubles que sur les immeubles de l’entreprise débitrice dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet ».

70 En moyenne 28 % selon les derniers chiffres de la Banque mondiale, ce qui fait de nous l’un des pays où ce pourcentage est le plus dégradé

71 On atteint des records par rapport à des pays comparables

conciliation. Elles expriment un besoin légitime pour une prise en charge rapide, experte et adaptée à l’urgence de la situation et à l’ampleur de la catastrophe qu’elles subissent.

Nous pouvons dire que ce recours peut au lieu de leur offrir une certaine sécurité juridique, les exposent in fine à la liquidation judiciaire.

Une autre limite à l’application de la loi 73-17 relative aux difficultés de l’entreprise s’ajoute ; à savoir :l’absence de textes règlementaires.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Covid-19 et Traitement des difficultés des entreprises
Université 🏫: Université Hassan II-Casablanca - Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales de Mohammedia
Auteur·trice·s 🎓:
Sara MAHIR

Sara MAHIR
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études pour l’obtention du Master Droit Des Affaires sous le thème - 2020/2021
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