Gestion de crise sanitaire : rôle clé du président du tribunal en prévention externe

Section 2 : La Prévention externe : Quel serait l’apport du président du tribunal pendant cette crise sanitaire ?

Sous-section 1 : La prévention autonome ou de suite

Le déclenchement de l’alerte par le CAC, associés où le CDE lui-même peut apaiser les difficultés de l’entreprise.

En effet, un édifice fort, une organisation saine, peuvent permettre à l’entreprise en interne de rebondir et d’endiguer par ses seules capacités intrinsèques le processus de défaillance. Les solutions sont donc nombreuses pour peu que cette dernière ait les moyens de son redressement. À titre d’exemple, face à la crise sanitaire actuelle, les associés d’une entreprises en difficultés, qui continuent de croire en ses capacités, peuvent amortir ses finances en faisant des avances en compte courant, en abandonnant leurs créances ou encore à travers une augmentation du capital. Aussi , le CDE pour sa part peut procéder à plusieurs ventes de biens personnels ou hypothéquer pour obtenir des emprunts, les salariés quant à eux peuvent sacrifier leur prime ou concéder des réductions ponctuelles de salaires etc.

Mais malgré la multiplicité des solutions, certaines entreprises ne peuvent faire face à leurs difficultés causées par cette pandémie mondiale. Il s’agit d’entreprises dont la structure est fragile, faiblement capitalisées ou encore trop durement affectées par la crise sanitaire.

Le plus commun dans la pratique compte tenu de la fragilité de notre tissu entrepreneurial, est d’emprunter la voie de la prévention externe sans être en état de cessation de paiement.

24 Il s’agit d’une procédure qui comme son nom l’indique ne relève pas de l’interne de l’entreprise, autrement dit , on fait appel à une tierce personne externe : Le PTC.

25 Toutefois, il est à préciser que pendant le confinement décidé par les autorités Marocaines, les entreprises ne pouvaient avoir recours à cette procédure de prévention et ce à cause de la fermeture de l’ensemble des tribunaux dans tout le territoire Marocain. Quel est donc le sort de ses entreprises ne pouvant pas faire appel au PTC ?

Il faut savoir que le PTC procède de deux façons :

Soit sur saisine du CAC, associés ou CDE et ce lorsque le dépistage anticipé des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise s’avère insuffisant ou n’aboutit pas à un résultat positif : la prévention de suite.

Soit sur auto saisine lorsqu’il est tenu informé par acte, document ou une procédure, ou même par la rumeur publique qu’une entreprise, sans être, en cessation de paiement, connait des difficultés, juridiques, économiques, financières ou sociales ou elle présente des besoins ne pouvant pas être couverts par un financement normal : la préventio n autonome.

La prévention autonome

La prévention autonome comme son nom l’indique intervient spontanément sans demande antérieure. L’intervention du PTC dans la procédure de prévention externe, est de nature particulière qui déroge à celle prévue par les règles générales de procédure. il a un rôle qui est purement interventionniste au profit des entreprises en difficultés 15 .

C’est dans ce cadre que l’article 549 de la loi 73-17 dans son alinéa 1 accorde au PTC un rôle qui repose purement sur la morale, autrement dit, il agira de manière prospective et non contentieuse.

15 Entreprises en difficulté : Quels sont vos droits ? – Rhalib, Moulay Mohamed Lahbib – éditeur : la croisée des chemins- 2004

26 Il convoque 16 le CDE pour un entretien explicatif afin d’envisager les mesures nécessaires pour arrêter le processus de défaillance, avant qu’il n’atteigne la phase critique de cessation de paiement. Et ce, dès qu’il est tenu informé, de l’existence de difficultés résultant de faits de nature à compromettre la continuité de l’entreprise, ou encore en cas d’échec des tentatives relatives à la prévention interne.

Toutefois, l’information du PTC découle de « tout acte, document ou procédure ». Mais dans la pratique, la réelle source d’information du PTC est le greffe du tribunal, car c’est là où sont déposés les états de synthèses, tous les actes relatifs à la vie d’une entreprise tels que : les injonctions de paiement , toutes inscriptions relatives au fonds de commerce, les hypothèques, les nantissements, les protêts….

L’entretien avec le CDE est de nature informelle et confidentielle. Il s’agit seulement d’une assistance à l’entreprise en difficultés qui lui permettra d’éviter cette défaillance.

Néanmoins, le CDE n’est pas dans l’obligation de répondre à cette convocation, mais ce serait une négligence de sa part et peut voir sa responsabilité engagée pour faute de gestion. Et si après investigation du PTC, il s’est avéré que l’entreprise est en cessation de paiement, il renvoie l’affaire au tribunal afin de prononcer l’ouverture de la procédure judiciaire de traitement des difficultés de l’entreprise.

La pratique judiciaire marocaine a montré que cette nouvelle mission accordée au PTC demeure stérile, inefficace voire inopérante notamment en cette période de crise sanitaire et ce dû à l’inconscience de l’importance des missions préventives pour une entreprise en difficultés.

Généralement, les PTC se contentent de traiter les affaires qui leurs sont soumises sans se préoccuper spontanément des entreprises en défaillance ; Ceci est dû à l’encombrement des tribunaux et au nombre important d’affaires à traiter , tout en manquant de moyens matériels et humains nécessaires à leurs missions.

16 Article 549 du Code de Commerce : « ….Le président du tribunal convoque immédiatement « dans son cabinet le chef d’entreprise soit de son initiative ou « sur demande de ce dernier indiquant la nature des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation ainsi que les moyens d’y faire face, et ce pour recueillir ses explications et que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation de l’entreprise.

Également, les tribunaux de commerce marocains manquent de cellules de détection du risque de difficultés contrairement à la France ou à d’autres pays qui eux disposent d’entité d’évaluation des risques de difficultés. Ces entités ont pour rôle tout d’abord de traiter toute information financière, juridique et économique relative aux sociétés qui passent par le secrétariat greffe, d’identifier les entreprises à risque de défaillance.

Nous pouvons dire que ces cellules de détections du risque de difficultés sont indispensable à la concrétisation du nouveau rôle du PTC, à défaut les dispositions prévues par l’article 549 demeure simplement théorique.

La prévention de suite

Le PTC, dès qu’il est saisi par le CAC, associés ou CDE pour échec de la prévention interne, il procède immédiatement à la convocation 17 du CDE à son cabinet, afin d’envisager des mesures susceptibles de redresser la situation de l’entreprise. Autrement dit, la prévention de suite est la suite de la procédure de prévention interne.

En effet, La loi 73-17 dans son article 548 précise que si l’alerte demeure infructueuse, c’est-à- dire qu’à défaut de délibération de l’AG ou si les décisions prises ne permettent pas de résoudre les difficultés, le PTC doit en être informé par le CAC, les associés ou le CDE, selon le cas de figure envisagé.

Cependant, aucun délai de saisine du PTC n’a été prévu par la loi, ce qui peut impacter le rebond de l’entreprise ; ceci est regrettable compte tenu de l’urgence de la situation, notamment en cette période de crise sanitaire, où tout demeure flou pour les entrepreneurs.

Il faudra donc, en toute logique, que les parties concernées réagissent avec célérité, dans les plus brefs délais, afin d’éviter la dégradation de la situation de l’entreprise.

À l’instar de la prévention autonome, l’entretien avec le CDE est explicatif, confidentiel et informel 18 .

Qu’il s’agisse d’une prévention autonome ou de suite, la prévention externe se dénoue de la même manière 19 , à travers : la nomination d’un mandataire spécial ou conciliateur et ce selon le choix du CDE.

17 Article 549 du Code de Commerce

18 Article 549 du Code de Commerce : « …La procédure de prévention externe et tous ses actes « doivent être tenus secrets…. »

19 Article 549 du Code de Commerce : « ….Le président du tribunal peut désigner soit un « mandataire spécial et lui assigner la mission d’intervenir pour réduire les oppositions auxquelles fait face l’entreprise « soit un conciliateur chargé de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers, selon le cas. Le président du tribunal désigne le mandataire spécial ou le conciliateur sur proposition du chef d’entreprise et lui fixe « le montant des honoraires appropriés à l’accomplissement de « ses missions et qui doit être immédiatement versé par le chef « d’entreprise à la caisse du tribunal sous peine d’annulation « de la formalité …»

Sous-section 2 : Conciliation et mandat spécial

La crise sanitaire que traverse notre pays actuellement a fortement impacté les entreprises plus précisément leur trésorerie, les poussant à cesser tout paiement, que ça soit des fournisseurs, créanciers, ou des salariés. Cet arrêt ou suspension des paiements ont créé une certaine crise, tension au sein de l’entreprise que ça soit en interne qu’en externe avec les fournisseurs et créanciers.

C’est dans ce cadre que le législateur marocain a mis en place la prévention externe c’est-à-dire la mandations et conciliation afin de trouver un terrain d’entente avec les créanciers, obtenir des délais de paiement et améliorer le crédit de l’entreprise.

Qu’il s’agisse de la conciliation ou de la mandations, toutes les deux sont des procédures contractuelles et volontaires, basées sur la recherche d’un accord qui permettra de pallier à la défaillance de l’entreprise en difficultés.

A cet effet , On fait appel à une personne externe à l’entreprise en difficultés : mandataire spécial ou conciliateur.

Il est à préciser que ces deux techniques constituent un sursis pour les entreprises fragilisées par la crise sanitaire du traitement judiciaire des difficultés.

Les points de chevauchement entre conciliation et mandat spécial

Après une prévention interne infructueuse, le législateur marocain a offert au CDE une issue de secours qui lui permettra de négocier avec ses créanciers et trouver un accord permettant à l’entreprise de rebondir de sa crise.

C’est dans cette optique qu’est née les procédures de conciliation et de mandations. Ces deux dernières présentent plusieurs caractéristiques communes dont :

  • La Confidentialité : le législateur marocain impose le secret dans tous les actes relatifs à la prévention externe. C’est un critère qui caractérise les procédures de conciliation et de mandations spécial. Aucune publicité n’est possible, et ce pour empêcher toute atteinte à l’image et réputation de l’entreprise spécialement dans une période de crise comme celle que l’on traverse en ce moment, marquée par la méfiance des opérateurs économiques.
  • La flexibilité : caractérisées par la souplesse, l’adaptabilité au rythme et aux besoins de l’entreprise. La décision revient aux parties à savoir le CDE et créanciers, la partie intermédiaire ne fait que faciliter les négociations et trouver un terrain d’entente.
  • Procédures non contentieuses : seul le CDE a le choix de demander la désignation d’un conciliateur ou mandataire spécial ; il s’agit d’une procédures purement volontaires.
  • Tierce personne : qu’il s’agisse d’une conciliation ou d’un mandat spécial une personne externe à l’entreprise intervient en vue de désamorcer les tensions entre l’entreprise et ses créanciers. Il s’agit de personnes professionnelles qui connaissent tous les obstacles, contraintes du terrain et qui s’engagent à simplifier les négociations entre les parties et trouver un accord tout en les conseillant.
Le mandataire spécial : désignation et mission

La désignation d’un mandataire spécial 20 est un processus flexible et moins perturbant pour une entreprise, caractérisé par une certaine souplesse et est accessible à toutes les entreprises quel que soit la situation de leur trésorerie.

20 Régie par l’article 550 du Code de Commerce

Le mandataire spécial est nommé par le PTC avec une mission déterminé dans un délai précis. Cette nomination intervient s’il apparait que les difficultés de l’entreprise peuvent être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers qui peut :

-Alléger les oppositions éventuelles de nature sociale ou résultantes d’un conflit entre les associés,

-Ou celles qui découlent des relations entre les partenaires habituels de l’entreprise (Fournisseurs, Clients…),

-Ou toute difficulté de nature à affecter la continuité de l’exploitation.

Par ailleurs, le législateur n’a pas restreint le pouvoir du PTC quant à la détermination de la personne du mandataire spécial. Or, le droit français a, en vertu de l’article L 611-13 de la loi de 2005, interdit de désigner en la qualité de mandataire spécial, une personne ayant perçu, au cours des 24 derniers mois, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur, d’un de ses créanciers ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par le débiteur, un juge du tribunal de commerce en exercice ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de 5 ans.

De même le législateur n’a pas aussi fixé un délai pour l’accomplissement de la mission du mandataire spécial, car il ne résulte de sa désignation aucun effet juridique à l’égard tant du débiteur que des créanciers. Il se charge de l’aspect relationnel entre le débiteur et ses créanciers et prépare la base nécessaire devant être investie par le conciliateur au cas où il serait désigné.

En cas d’échec de la mandations spéciale, le mandataire établit un rapport à cet effet et le soumet au PTC.

S’il ressort du rapport que la réussite de la mission est tributaire de l’allongement du délai ou du changement de ce mandataire, le PTC peut après accord du CDE soit prolonger le délai ou procéder au changement du mandataire selon les cas.

En cas de réussite, le mandataire spécial adresse un procès-verbal à l’entreprise et aux parties avec qui il a négocié et qui l’ont accepté. Ce procès-verbal n’a pas besoin d’approbation de la part du PTC ni à une formalité de publicité.

Il est à noter que dans la pratique, les recours à la désignation d’un mandataire spécial se font rarissimes.

A cet effet, dans la synthèse des recommandations de la banque mondiale et l’USAID 21 , il a été constaté que : « Les dispositions légales sur la prévention sont extrêmement mal connues voire méconnues, certains tribunaux n’en faisons pas ou peu usage ce qui pose un problème d’inégalité entre les justiciables. Ces dispositions sont mises en œuvre de manière très diverses d’un tribunal à l’autre et dépendent plus ou moins de la bonne volonté des greffes. »

Après avoir procédé à des remarques analytiques, le rapport s’est attaché à une appréciation critique, il a été constaté le fait que les entreprises concernées par ces procédures en bénéficient trop tardivement et se trouve confronter à des obligations de remboursement des passifs très importants alors qu’elles sont en sous rentabilité flagrante et démunies d’actif réalisable significatif.

Ces diverses constatations mettent en évidence 4 idées caractérisant le manque de pratique des concepts de prévention par les entreprises marocaines, en premier lieu le rapport constate un manque d’application du mécanisme de prévention et de traitement amiable. En second lieu, il souligne l’existence d’un frein structurel au développement de la prévention. En troisième lieu, il recommande la nécessité de responsabiliser et former des acteurs pour renforcer l’efficacité de la prévention. En dernier lieu, il recommande des mesures efficaces pour faciliter la détection des difficultés des petites et moyennes entreprises.

Nous pouvons dire que la désignation d’un mandataire spécial peut se faire par les entreprises dont la continuité de leur activité est menacée par la crise sanitaire actuelle. Mais, l’efficacité de cette mesure est tributaire d’une part, du savoir-faire et de l’expertise du mandataire qui peut être soit un bureau d’étude économique et financière, soit un juriste, un praticien….et, d’autre part, de l’attitude du CDE lui-même et de ses principaux partenaires. Le mandataire comme le PTC ne peuvent les contraindre ou obliger à rien.

Toutefois, il y a lieu de se demander si la procédure de désignation d’un mandataire spécial est- elle possible en ces temps de pandémie mondiale ? est- ce que les entreprises ayant déclaré être en cessation de paiement après la crise sanitaire, peuvent-elle bénéficier de ce traitement amiable des difficultés ?

21 V. USAID et Ministère de la justice « Bilan de 8 ans d’application de la nouvelle législation des procédures collectives au Maroc » Act. coll. 8 et 9 avril 2005 à Rabat, accessible sur www.usaid.gov.ma (http://www.usaid.gov.ma/).

La réponse à ces problématiques réside dans l’appréciation de la notion de cessation de paiement. Il ne peut y avoir de crise sans conséquences ; le Maroc tout comme la France a adopté une panoplie de mesures pour faire face à cette pandémie.

En effet, l’appréciation de la cessation de paiement en France se fait au 12 Mars 2020 22 ; il est à rappeler que la procédure de mandations n’est accessible qu’aux sociétés n’étant pas en cessation des paiements.

Cette décision permet donc aux entreprises dont la situation s’est aggravée après cette date du 12 mars 2020 de ne pas être exclues de l’éventuel bénéfice d’une procédure de traitement amiable des difficultés.

La Conciliation :

Est considérée comme l’une des attributions particulières du PTC dans le cadre des procédures extra-judiciaires des difficultés de l’entreprise.

Est régie par les articles 551 et suivants du nouveau livre 5 du code de commerce à savoir la loi 73-17 , qui est une inspiration des lois françaises du 1er Mars 1984 modifié par la loi du 10 juin 1994 et celle du 26 Juillet 2005 qui a remplacé l’appellation de « règlement amiable » par celle de « conciliation ». La nouvelle loi marocaine 73-17 du 19 Avril 2018 va dans ce sens en substituant la conciliation à la procédure du règlement amiable qui a été institué par l’ancien livre 5 du code de commerce.

Il s’agit d’un mécanisme flexible marqué par la confidentialité. Le but est de ne pas ruiner le crédit de l’entreprise et ne pas éveiller les soupçons des partenaires et les inquiéter en officialisant ses difficultés.

La conciliation 23 repose sur la recherche d’un accord entre l’entreprise et ses créanciers avant l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation. Il s’agit d’un dispositif volontariste et préventif, qui demeure pratiquement utile en ces temps de crise sanitaire, puisqu’elle permet au CDE l’obtention de délais de paiement, la suspension des poursuites, et de restructurer entretemps son entreprise.

22 Ordonnance n°2020.341 du 27 mars

23 Article 551 du code de Commerce

-Les conditions d’ouverture de ce mécanisme

La conciliation est ouverte pour toute entreprise à deux conditions : La première est de ne pas être en état de cessation de paiement, la seconde condition réside dans le fait que l’entreprise éprouve des difficultés économiques ou financière ou ayant des besoins ne pouvant être couvert par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise.

En ces temps de COVID-19, et afin d’encourager le recours à la conciliation et de faciliter le traitement des demandes par les tribunaux de commerce, certains praticiens ont appelés à la mise en place d’un formulaire de demande type avec des rubriques prédéfinies à servir par le CDE ou par son conseil. Ces formulaires permettront de simplifier la demande et donc d’encourager les CDE à y recourir au plus tôt, dès les premiers signes de difficultés. Ils faciliteront également leur instruction par le PTC dans la mesure où les demandes seront standardisées et mettront en avant les paramètres les plus significatifs en termes d’analyse financière et économique de l’entreprise 24 .

On précise à cet égard que depuis le début de la crise sanitaire, les tribunaux de commerce sont submergés par les dossiers introduits en matière de difficultés des entreprises. Et donc, la mise en place de formulaires dédiés à la procédure de conciliation permettra de faciliter les procédures préventives, de diminuer corrélativement le nombre des procédures collectives engagées devant les tribunaux, et par conséquent, d’alléger la charge de travail des juges.

-Le dénouement du mécanisme de conciliation

La décision d’ouverture de la procédure de conciliation revient uniquement au CDE qui doit saisir le PTC par requête, celle-ci expose la situation financière, économique et sociale, les besoins de financements ainsi que les moyens, nonobstant toute disposition législative contraire.

Le législateur a permis au PTC, en vertu de l’article 552 du code de commerce, nonobstant toute disposition législative contraire, d’obtenir communication, de tous renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise, par toutes parties qu’il juge utiles. Pour la même fin, il peut également, charger un expert d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière de l’entreprise.

24 B.Fassi-Fihri,H. Ait Addi, Z.Laraki, op.cit.

-La décision du PTC :

Au vu des investigations opérées par le PTC ou de la présentation annexée par le CDE à sa requête, le PTC peut ouvrir la procédure si l’entreprise n’est pas en état de cessation de paiement et que cette procédure peut favoriser son redressement. A cet effet, il désigne un conciliateur pour une période n’excédant pas 3 mois mais qui peut être prolongée une seule fois à la demande de ce dernier. S’il s’avère que l’entreprise est en état de cessation de paiement, le PTC transmet le dossier au tribunal pour l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire conformément aux articles 578 et 651 du code de commerce.

En cas d’ouverture de la procédure de conciliation, la mission du conciliateur est fixée par le PTC qui lui assigne la fonction d’aplanir les difficultés économiques et financières dans le cadre d’un accord conclu avec les créanciers. Le PTC communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et le cas échéant le rapport d’expertise. S’il apparait au conciliateur ou au CDE que la suspension provisoire des poursuites (SPP) est de nature à faciliter la conclusion d’un accord avec les créanciers, ils s’adressent au PTC qui après audition de l’avis des principaux créanciers peut ordonner la suspension pour une durée qui ne peut dépasser celle du mandat du conciliateur. Pour une entreprise faible, souffrante d’une trésorerie tendue, notamment dans le cas des entreprises affectées par la pandémie, cette suspension constitue sans nul doute un soulagement significatif qui lui permettra d’envisager plus sereinement sa remise sur pied.

La SPP produit des effets aussi bien à l’égard des créanciers qu’à l’égard du débiteur. A l’égard des créanciers, l’ordonnance rendue par le PTC suspend et interdit toute action en justice pendant la période de son exécution pour des créances nées antérieurement à cette ordonnance et tendant soit à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent soit à la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Quant aux effets de la SPP à l’égard du débiteur, il réside dans les conséquences suivantes : L’interdiction faite à celui-ci sous peine de nullité de payer toute ou partie d’une créance quelconque dont l’origine est antérieure au prononcé de l’ordonnance. Il lui est également interdit de désintéresser les cautions qui acquitteraient les créances nées antérieurement ; Ou de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de l’entreprise ; Ou de consentir une hypothèque ou un nantissement. Toutefois, l’interdiction de payer ne s’applique pas aux créances résultantes d’un contrat de travail.

Enfin, si le CDE veut faire des paiements dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise, il doit requérir l’autorisation du PTC.

– Conditions de forme de la procédure de conciliation.

Dans le cas où le débiteur arrive avec le concours du conciliateur à conclure un accord avec tous les créanciers, cet accord est homologué par le PTC et déposé au greffe. Si l’accord est conclu avec les principaux créanciers, le PTC peut également l’homologué et accorder au débiteur des délais de paiement prévus par les textes en vigueur pour les créances non incluses dans l’accord, dans ce cas il est nécessaire d’informer ces créanciers non inclus dans l’accord et qui sont concernés par les nouveaux délais.

L’accord entre le CDE et les créanciers est consigné par écrit et signé par les parties et le conciliateur et déposé au secrétariat greffe du tribunal. Toutefois, l’accord ne peut être communiqué qu’aux parties signataires et le rapport d’expertise qu’au CDE. Par cette confidentialité l’accord ne pourra faire l’objet de procédure de recours et particulièrement de la procédure de tierce opposition.

Les effets de l’accord de conciliation L’accord de conciliation produit les effets suivant :

Un privilège pour les créances accordées postérieurement à la conclusion de l’accord.

Les personnes qui ont acceptées d’accorder à l’entreprise des bénéfices afin de lui permettre de poursuivre son activité et son maintien dans le cadre de l’accord de conciliation bénéficient d’un privilège pour le remboursement de cette contribution en fonction de leurs rangs et par priorité à toutes les autres créances aussi bien celle intervenues lors de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Ce même privilège s’applique à toutes

les personnes qui ont accordées à l’entreprise des fournitures de marchandise ou de service pour assurer la poursuite de son activité et sa continuité.

La suspension 25 de toute poursuite individuelle et toute action judiciaire

Cet accord suspend pendant la durée de son exécution toute procédure individuelle et toute action judiciaire tant sur les meubles que sur les immeubles de l’entreprise débitrice qui ont pour but le règlement des dettes objet de l’accord. Il suspend également les délais impartis du créancier à peine de déchéance ou de résolution des droits afférant à ses créanciers. Les cautions qu’elles soient solidaires ou non bénéficient également de la SPP poursuites et des procédures dès lors que la créance garantie est incluse dans l’accord.

Les effets de non-exécution de l’accord de conciliation.

Au cas où les obligations prévues par l’accord n’ont pas été exécutées, le PTC constate sa résolution par ordonnance insusceptible de tout recours. Cette résolution entraine la déchéance de tous les délais de paiement obtenus. Le président transmet le dossier au tribunal pour prononcer l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

On peut légitimement s’interroger sur le fait générateur de cette résolution si elle doit être motivée par la non-exécution de toutes les obligations contenues dans l’accord ou seulement certaines d’entre elles. La formule large employée par le législateur suscite une telle interrogation dont la réponse sera donnée par les futures applications jurisprudentielles.

Sous-Section 3 : La Prévention externe en France

Les dispositions prévues par le législateur Marocain et Français en matière de prévention externe constitue un véritable apprentissage pour les tribunaux de commerce dans le processus d’alerte.

Au Maroc, la prévention externe se fait uniquement par le PTC, contrairement au droit français, elle est pratiquée par plusieurs organes.

Par ailleurs, la prévention externe en France se déclenche lorsqu’il résulte de tout acte ou document qu’une société connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le PTC pour prendre les mesures nécessaires au redressement de la situation et ce en vertu de l’article L.611-2 du Code de

Commerce. Si les dirigeants 26 ne répondent pas à cette convocation, le PTC peut obtenir communication de toutes les informations nécessaires de nature à éclaircir la situation économique, et financière du débiteur et ce soit par les CAC, membres et représentants du personnels, administration publique, …. Le pouvoir d’investigation du PTC est plus étendu que celui du PTC Marocain.

25 Article 555 du Code de Commerce

À l’issu de l’investigation, le PTC en accord avec le débiteur peut désigner un mandataire ad hoc dont il définit la mission. Cette désignation est communiquée à titre d’information aux CAC.

Nous pouvons dire que la désignation du mandataire ad hoc est d’inspiration contractuelle et ne peut avoir lieu que suite à une demande formelle du débiteur, ce qui est le cas au Maroc aussi. Aussi, Sa mission est identique à celle prévue pour le mandataire spécial au Maroc. C’est au PTC que revient la charge de déterminer la mission du mandataire ad hoc.

Outre le Mandataire Ad hoc , il existe une autre mesure préventive permettant aux dirigeants d’entreprises en difficulté de trouver des solutions amiables simples, rapides et confidentielles, pour le redressement de la situation de leurs entreprises. Cette mesure est la conciliation, elle a été prévue par les législations Marocaines et Françaises.

Tout comme pour la procédure de conciliation prévue par la législation Marocaine, la demande d’ouverture de la procédure du règlement amiable en droit Français, est faite à l’initiative du CDE. Dès réception de la demande, le PTC fait convoquer, par le greffier, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique pour recueillir ses explications.

S’il décide de l’ouverture de la procédure de conciliation, il dispose de plusieurs pouvoirs prévus par l’article L.611-2 du code de commerce, tels que : charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur……

Une fois la décision d’ouverture est prononcée, elle est communiquée au MP et aux CAC. Elle est susceptible d’appel par le MP et ce en vertu de l’article L.611-6 alinéa 3 contrairement à la législation marocaine qui ne prévoit aucune voie de recours à cet égard.

26 Article L.611-2 Alinéa 2 du Code de Commerce Français

Le conciliateur a donc pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise.

À défaut d’accord, le conciliateur dresse un rapport sans délai qu’il communique au PTC. Ce dernier met fin à sa mission et à la procédure de conciliation, ceci est notifié au CDE.

Mais si les parties arrivent à trouver un accord, le président du tribunal constate leur accord et ce en vertu de l’article L.611-8 du code de commerce et donne à celui-ci force exécutoire.

La décision constatant l’accord n’est pas soumise à publication et n’est pas susceptible de recours.

Il y a lieu de noter que cette homologation a les mêmes effets que la conciliation au Maroc.

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