Défis et limites du chef d’entreprise en crise : une perspective marocaine

Section 3 : Limites liées au Rôle du Chef d’Entreprise

Souvent en période de crise, les entreprises privilégient leur image extérieure et la communication externe au détriment de la communication interne et du dialogue avec les employés.

Le CDE doit envisager tout d’abord la mise en place d’une politique de communication interne et externe pour informer ses partenaires de l’origine des difficultés et des mesures mises en place afin de les rassurer et les informer. Le but de cette communication est d’instaurer à nouveau la confiance avec les collaborateurs. Il doit avant tout démontrer sa bonne volonté et sa bonne foi, son désir de résoudre les problèmes qu’il rencontre et sa prédisposition de tout mettre en œuvre pour payer ses créanciers. Mais dans la pratique, cette communication peine à se développer.

En outre, une transparence, une communication avec les organes de procédure est extrêmement importante pour la détermination de la solution.

En revanche, dans certaines procédures la situation du CDE se trouve impacter, de sorte que son rôle demeure limité, tel est le cas dans la procédure de redressement.

Si bien que le législateur marocain ait mis à la disposition du débiteur se trouvant en situation de cessation de paiement la procédure de redressement, ce dernier doit dans les 30 jours de la cessation des paiements y faire recours malgré les restrictions de ses pouvoirs au niveau de la gestion de l’entreprise en difficultés. De sorte que:

  • Soit le dirigeant maintien le pouvoir de gestion dans son intégralité et donc il est en première ligne chargé de réussir le sauvetage de son entreprise alors que le syndic n’est chargé que de la surveillance et ne s’immisce pas dans les actes de gestions.
  • Soit le syndic assure une fonction d’assistance sur l’ensemble de la gestion ou sur certains actes.
  • Soit le syndic assure seul la gestion de l’entreprise, il aura donc le pouvoir de représentation alors qu’il y à dessaisissement total ou partiel du dirigeant

Les CDE sont souvent réticents et refusent de recourir aux procédures collectives à cause de cette restriction de gestion, et dans certains cas voient leurs responsabilités engagées.

Et donc, dans une situation actuelle de crise, le CDE se trouve dans l’obligation de recourir aux procédures collectives au risque de se trouver exposer à plusieurs sanctions :

Les sanctions patrimoniales

Elles ne se conçoivent qu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaire prononcé envers une société ; car l’entrepreneur individuel, dans le cas d’une telle procédure, y engage déjà l’ensemble de son patrimoine personnel. Les sanctions patrimoniales s présentent comme telles :

L’incessibilité des droits sociaux

87 En effet, dès l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation, les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non ne peuvent céder les parts sociales, actions ou certificats d’investissement ou de droit de vote représentant leurs droits sociaux. Sanctionnée par la nullité,

cette interdiction n’est modulable que par le tribunal auquel il revient alors de fixer les conditions éventuelles de la cession autorisée 91 .

La vente forcée des droits sociaux

Cette mesure affectant les droits sociaux des dirigeants, par effet nécessaire du jugement d’ouverture. Celles-ci visent les dirigeants frappés de déchéance commerciale. Une telle sanction accessoire a d’abord pour conséquence nécessaire que le droit de vote des dirigeants est exercé, dans les assemblées des personnes morales en redressement judiciaire, par un mandataire désigné par le tribunal à la requête du syndic (art. 750 du code de commerce). Mais le tribunal peut ne pas se résoudre à ce simple dessaisissement fonctionnel et juger expédient d’enjoindre à ces dirigeants, ou tels d’entre eux, de céder leurs droits sociaux ou d’en ordonner la vente forcée par mandataire de justice éventuellement après expertise ; dans le cas où les dettes sociales ont été mises à charge des dirigeants visés, le produit de la cession est affecté au paiement de la part ainsi imputée.

Les sanctions financières.

Une autre limite pour les CDE s’ajoute aux deux sanctions patrimoniales d’envergure: le comblement du passif et l’extension de procédure

Les actions en comblement de passif et en extension de procédure sont recevables à tout stade de la procédure, et même après clôture de la liquidation, tant que la prescription n’est pas acquise : celle-ci a lieu par trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de continuation de l’activité ou de cession de l’entreprise, ou qui prononce la liquidation 92 .

Les sanctions personnelles

  1. La déchéance commerciale : elle a pour objet d’’interdire de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute société commerciale ayant une activité économique (art750) : le droit de vote du dirigeant sanctionné est exercé, dans les assemblées de la société en traitement judiciaire, par un mandataire désigné par le tribunal. Un autre, dit secondaire, tient dans l’incapacité d’exercice, pour cinq ans, d’une fonction publique élective
  2. Sanction pénale pour banqueroute 93

 

91 Article 683 du code de Commerce

92 Article 738 du code de Commerce

93 Article 754 et suivants du Code de Commerce

Conclusion

En cette période de pandémie mondiale, les mesures palliatives à la défaillance des entreprises mises en place par le législateur marocain sont réels. Dans la mesure où Le nouveau droit des difficultés des entreprises s’inscrit dans le cadre d’une série de nouvelles réformes en vue de s’adapter aux grandes mutations socio-économiques intervenus si bien au niveau marocain que mondial.

En effet la libéralisation des marchés et la révolution technologique ont données lieu au phénomène de la globalisation et de la mondialisation qui ont imposés la rénovation des institutions juridiques traditionnelles en vue d’instaurer un environnement juridique et judicaire au sein duquel l’entreprise sera en mesure d’affronter les défis d’une concurrence internationale.

Et donc, le législateur marocain a décidé de rompre avec le système archaïque de la faillite et de la liquidation judiciaire, ainsi le nouveau droit des difficultés des entreprises constitue une rupture totale avec l’ancienne législation et revêt une importance économique et juridique. Il y a donc une priorisation de l’intérêt de l’entreprise et du renforcement de sa résilience, l’objectif majeur des procédures qu’il organise.

Toutefois, cette thérapie prévue par le législateur marocain pour les entreprises en difficultés risque d’être inefficace en cette période de crise, et ce dû à de nombreuses failles qui touchent la règlementation en vigueur.

Elle se traduit donc , par l’absence de textes règlementaires. En effet , la majorité des textes législatifs sont complétés par des textes règlementaires qui nous font défaut.

Cette inefficacité concerne aussi les juridictions commerciales, puisque ces dernières sont dépassées par le nombres importants d’affaires notamment en cette période de crise ; en effet, il n’existe actuellement que huit tribunaux de commerce au Maroc (situés à Rabat, Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir, Oujda et Meknès) et trois Cours d’Appel de Commerce (situées à Casablanca, Fès et Marrakech).

Aussi , les juges se trouvent dépasser par la technicité des dossiers relatifs aux traitement des difficultés des entreprises.

Il existe un réel manque de moyens matériels et humains, de compétence financière et économiques, et une jurisprudence souvent incohérente et désarticulée, des critères d’interprétation qui manquent de rigueur et de rationalité, ce qui désoriente les praticiens et insécurise les entreprises etc 94 .

S’ajoute à cela l’absence de texte réglementant le statut du syndic ; les missions dévolues à ce dernier sont d’une importance extrême. Et donc, ce texte pourrait permettre d’organiser sa formation, les modalités de sa rémunération, ses incompatibilités et le régime de sa responsabilité.

D’autres inquiétudes concernent l’attitude des CDE, dans la mesure où ces derniers restent réticents au recours au traitement des difficultés des entreprises. Des fois, ils ont recours à ces procédures en vue d’échapper à leurs créanciers et escroqué leurs partenaires, ce qui induit une précarité juridique avérée du côté des créanciers et des investisseurs.

Nous pouvons dire que la liste des lacunes est longue, il n’a été traité dans le cadre de ce mémoire que quelques-unes.

Et donc, La législation marocaine doit combler ces écueils qui se sont aggravés avec la crise de la covid. En effet le Maroc a connu en 2020, 6.612 95 défaillances contre 7046 défaillances en France 96 .

94 Selma El Hassani Sbai, op cite

95 https:// 10769.html

Il est à noter que le domaine des affaires est un domaine en perpétuel changement, et qui nécessite une mise à jour du cadre juridique marocain, afin de suivre le développement économique nationale et internationale. Et Donc, il est recommandé de simplifier les procédures, de mettre en place des systèmes d’alerte automatique, gouvernementaux ou judiciaires de prévention des difficultés et ce pour que le déclenchement de la prévention ne reste pas à la merci du CDE.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Covid-19 et Traitement des difficultés des entreprises
Université 🏫: Université Hassan II-Casablanca - Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales de Mohammedia
Auteur·trice·s 🎓:
Sara MAHIR

Sara MAHIR
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études pour l’obtention du Master Droit Des Affaires sous le thème - 2020/2021
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