Chute et désillusion dans Les Soleils des Indépendances et Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma

Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako (ULSHB)
Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage (FLSL)

Département d’Etude et de Recherche Lettres (D.E.R Lettres)

Mémoire de Master
Option : Littératures et civilisations
Spécialité : Littérature africaine

Chute et désillusion dans Les Soleils des Indépendances et Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma
Chute et désillusion dans Les Soleils des Indépendances et Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma

Présenté par :
Fousseyni Mallé

Sous la direction de :
Dr. Mamadou DIA, Maître de conférences

Membres du jury :
Pr. Mahamady SIDIBE
Dr. Mamadou DIA
Dr. Aboubacar Abdoulwahidou MAIGA

Année universitaire
2021-2022

Dédicace

Je dédie ce travail à la mémoire :

de mes grands-parents feu Sidi Soungalo Mallé, feu Bourama Daou et feue Damousso Tangara ;

et de mon ami, feu Oumar Bagayoko.

Remerciements :

Au terme de ce travail de recherche, je voudrai remercier tous ceux qui, directement et indirectement ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.

Il me plait en premier lieu de remercier mon directeur de mémoire, Docteur Mamadou Dia, pour sa disponibilité et ses conseils précieux à l’aboutissement de ce document.

Mes sincères remerciements vont à tous les enseignants-chercheurs du Département d’Etudes et de Recherche Lettres (DER Lettres) de la Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage (FLSL) de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako (ULSHB).

Je n’oublie pas non plus les éminents professeurs venus de la sous-région, notamment de l’UCAD, de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, de l’UniversitéAlassane Ouattarade Bouaké et de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody.

Je remercie aussi les membres du jury d’avoir accepté d’examiner ce travail.

Ma gratitude à ma maman, Mariam Daou, pour tout ce qu’elle fait pour mes frères et moi.

Je remercie également mon père, Amadou Mallé, qui ne ménage aucun effort pour la scolarisation.

J’exprime ma reconnaissance à mes oncles Adama Daou, Yacouba Mallé, Seydou Mallé et Kadry Mallé pour le soutien financier.

A mes amis Adama B Dembélé, Daouda Coulibaly, Mama Bilankoro, Hama Mariko, Sogoba, Doumbia ; merci pour les encouragements et le témoignage d’une vraie amitié !

A tous les enseignants, qui m’ont une fois inculqué leur savoir, je dis merci.

Je remercie également mon tuteur, Souleymane Samaké et toute sa famille pour l’hospitalité offerte durant mon cursus universitaire à Bamako.

A toutes les personnes, non-citées, ayant influé positivement à la réalisation de ce mémoire, pardonnez-moi cet oubli et soyez fières de ce que vous m’avez apporté.

Table des matières

Sommaire :

Dédicace
Remerciement

Introduction 1-

Première partie : Revue de la littérature et présentation du corpus 11-23
Chapitre I : la revue de la littérature 13-19

Chapitre II : Présentation du corpus 20-

Deuxième partie : Chute 24-

Chapitre I : Les actions pernicieuses de la colonisation 26-

Chapitre II : Le conformisme de Fama 33-

Chapitre III : L’intransigeance du roi Djigui – 41-

Chapitre I : Les affres des indépendances 52-

Chapitre II : Les mauvais compromis : 59-

Chapitre III : Le déphasage des personnages avec la réalité : 63-

Conclusion : 76-

Introduction :

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous tenons d’abord à signaler que ce travail de recherche sur la thématique « Chute et désillusions dans Les Soleils des Indépendances et Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma » n’a pas vocation d’être exhaustif. Les insuffisances et les carences peuvent s’expliquer par notre statut de chercheur débutant.

L’œuvre littéraire de Kourouma a fait l’objet de plusieurs études scientifiques autant que son univers romanesque offre denombreux sujets de recherche.

Dans cette introduction, on a jugé nécessaire de faire un bref aperçu sur l’historique du roman africain en général avant d’acheminer avec le thème faisant l’objet de ce mémoire. A ce propos, parlant de la littérature africaine, NIANE, B. T dit ceci : « Parler de la littérature africaine, c’est retracer une grande partie de la récente histoire politique du

continent ».Connaissant le champ littéraire africain, cette opinion de NIANE est pertinente. La littérature est à la fois un produit et une composante de la société, donc le fait que les productions littéraires soient entachées des évènements réels n’est qu’une formalité. Les premiers écrivains du continent ont beaucoup évoqué les conditions de vie du Noir pendant la colonisation. Cette période a vu l’appellation du roman colonial.

D’ailleurs, le roman africain même serait né pendant cette période noire de la page de l’histoire africaine. Car, lorsque l’africain s’est battu jusqu’à se débarrasser de la domination coloniale, les nouvelles ères politiques ont toujours inspiré l’écrivain. Les vicissitudes après les indépendances ont fait l’objet d’étude littéraire en un certain moment. Chaque écriture détermine la phase de l’histoire d’une communauté à une époque donnée.

Donc le roman, étant un genre phare de la littérature africaine, n’en fait pas exception. Genre occidental par excellence implanté en Afrique par le biais de la colonisation, il a offert à l’écrivain une nouvelle manière de s’exprimer. A partir des années 1920-1930, époque considérée comme celle de la genèse du roman africain, Réné Maran et Camara Laye, considérés comme précurseurs et pionniers de ce genre littéraire en Afrique, vont se faire remarquer avec respectivement « Batouala » et « L’enfant noir ».Ces deux classiques ont eu le mérite d’être considérés comme certificat de naissance du roman africain par certains critiques. Mais d’autres évoquent à ce sujet « Force bonté » et « Les trois volontés de Malick » des sénégalais Bakary Diallo et Amadou Mapaté Diagne.

1 NIANE, B. Tamsir, Etude du roman africain des indépendances, p : 8.

Maran avec son roman publié en 1921, prix Goncourt de la même année, dresse, malgré son statut de fonctionnaire colonial, un réquisitoire contre les exactions de l’administration française dans la colonie de l’Oubangui-Chari, l’actuelle Centre Afrique. Le roman gagna une grande notoriété auprès des écrivains de la négro-renaissance puisqu’il cautionnait leur combat.

Et cela lui a valu les compliments de Senghor, ténor de la négritude, dans un hommage posthume à l’écrivain ; il dit ceci : « C’est René Maran, le premier à exprimer l’âme noire avec le style nègre en français ».Mais ledit succès a produit un effet négatif sur l’auteur ; il lui a valu une révocation car, le tableau dressé de la colonisation dans son livre dévoile le caractère illusoire de sa mission.

Quant au guinéen Laye, avec L’enfant noir, il dépeint la société guinéenne sous l’ère coloniale en mettant sur scène un enfant qui raconte sa vie de nègre. Ce roman suscite des points de vue divergents notamment à cause du sujet abordé : l’africain et la colonisation. Certains critiques vont remettre en cause la sincérité de son auteur avec ses concitoyens africains et se poseront la question si toute fois ce roman était écrit pour dénoncer la colonisation ou pour la seule distraction du lecteur. Ainsi, il a été reproché à Laye d’avoir été tendre avec les colonisateurs et de ne pas rendre compte à l’évidence les affres de la colonisation.

2Anniversaire des indépendances africaines https:// debaillonne -naissance- litterature – noirePublié le : 25/02/2010 – 12:43 Modifié le : 06/12/2011 – 14:22

L’un des fervents critiques du romancier est le camerounais Mongo Béti qui dressa un procès à l’intention de Camara Laye dans lequel il déclara :

[…] la première réalité de l’Afrique Noire, je dirai même sa seule réalité profonde, c’est la colonisation et ce qui s’ensuit. La colonisation qui imprègne aujourd’hui la moindre parcelle de corps africain, qui empoisonne tout son sang, renvoyant à l’arrière-plan tout ce qui est susceptible de s’opposer à son action. Il s’ensuit qu’écrire sur l’Afrique Noire, c’est prendre parti pour ou contre la colonisation. Impossible de sortir de là.

Donc écrire sur l’Afrique de cette époque était synonyme de se prononcer sur la colonisation soit en la fustigeant ou en optant pour la neutralité. L’absence de tout engagement politique dans l’ouvrage du guinéen a fait couler beaucoup d’encres. Les critiques sympathiques et antipathiques concernant ce roman sont nombreuses.

Si Certains louent son courage et le caractère original de son roman tandis que d’autres, en occurrence, le camerounais, comme on peut le constater dans sa tirade ci-dessus, trouve incohérent qu’un écrivain africain puisse parler de colonisation sans la dénoncer éperdument, cela, il l’incombe à la colonisation qui a tout fait pour empêcher l’intelligentsia africaine de prendre conscience de son manège.

Entre temps, d’autres romanciers vont s’inviter dans la danse avec le même thème mais de discours différents. Les intellectuels et les écrivains africains semblent comprendre le jeu de la colonisation et se sont mis à la combattre à leur manière. C’est dans cette allure qu’une deuxième vague de romanciers dont Sembène Ousmane, Ferdinand Oyono, pour ne citer qu’eux, vont placer leurs romans sous le signe de la lutte contre la colonisation.

A travers leurs œuvres, ils vont dénuder le caractère illusoire de la mission des colons. Ces romanciers ont bénéficié de l’appellation anticolonialistes ou de contestataires puisqu’ils font la critique coloniale et imputent le sous-développement du continent à l’Europe impérialiste et colonisatrice.

Après plusieurs années de lutte contre l’agression étrangère, l’Afrique obtient enfin gain de cause parce que : « les indépendances tombèrent en Afrique comme une pluie de sauterelles ». Les envahisseurs ont plié bagages, disons-le, puisque les affaires politiques du continent et le sort de l’Africain sont entre les mains des indigènes. L’africain poussa un souffle de soulagement, le bout du tunnel était enfin là. Les indépendances octroyées à l’Afrique et les citoyens s’attendaient à une amélioration de conditions de vie.

3 Afrique Noire, Littérature, Présence Africaine n°I-II , avril-juillet (1955 , pp :137-138)

4 Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances, 1970

Mais la réalité vécue par les africains, après le retrait des forces coloniales, fut autre chose ; la montagne a accouché d’une souris. Les libertés, la justice et l’égalité promises par les indépendances ont été trahies par les nouvelles autorités. Le paradis terrestre longtemps rêvé a été confisqué, le peuple de l’Afrique vivra un autre calvaire. Les nouveaux dirigeants ont soumis le peuple africain à de mauvais traitements. Cette trahison de l’élite africaine ne laissa point indifférent les écrivains du continent qui chargèrent leurs fusils d’épaules contre la politique liberticide des partis uniques et leurs présidents dictateurs en Afrique.

Ainsi, le roman africain des indépendances va évoquer les problèmes persistants du continent après le départ des envahisseurs. Ce qui confirme l’hypothèse de ceux qui affirment que le problème de l’Afrique n’est pas seulement dû à l’Occident, mais que les indigènes sont aussi victimes de leur propre culpabilité. Il ne s’agit pas, ici, de disculper les colonisateurs, mais de faire une critique bilatérale en situant la part de responsabilité de chaque protagoniste. Les envahisseurs avaient réservé des traitements inhumains aux noirs, mais ce que les premiers présidents africains ont démontré n’était pas non plus ce que le peuple attendait d’eux. Ce parjure des dirigeants, il fallait le combattre par la plume.

L’un des romanciers par excellence de cette tendance est l’ivoirien, Ahmadou Kourouma, auteur de plusieurs œuvres dont l’intrigue porte sur l’histoire politique du continent. Puisque le continent enregistre un changement politique, il est cohérent que la donne littéraire fasse la même chose. C’est sous cet angle que KOUROUMA fait son entrée sur la scène littéraire sous le signe de la rupture thématique et formelle. Il critique ouvertement les régimes dictatoriaux qui subjuguaient le peuple par caprices.

A propos de l’écriture de l’écrivain ivoirien, BORGOMANO, M. dit ceci : « Ecrire, c’est répondre à un défi » . La question est de savoir quel défi, l’ivoirien tente de relever. Ce qui est évident chez lui, c’est l’originalité, les particularités formelle et thématique dans son œuvre.

Contrairement à ses devanciers poètes (ceux de la Négritude) et romanciers qui fustigeaient l’occident et réclamaient leur identité de noire bafouée dans un français classique et académique, KOUROUMA a opté pour un français dépourvu de toutes règles académiques. Il fait la fusion du français et des langues locales pour exprimer la pensée et les manières de vie des africains. Ce qui signifie que l’auteur exprime son identité à travers son œuvre étant donné que la langue est un excellent véhicule de promotion de la culture.

5 Madeleine Borgomano, Identités littéraires, Notre librairie. Revue des littératures du Sud, n°155-156.

Mieux encore, il rompt avec ses prédécesseurs sur le plan thématique non pas en les contrariant, mais d’éveiller les consciences africaines sur des vérités réelles historiques du continent que ceux-ci ont voulu faire taire selon lui. C’est-à-dire les côtés sombres de l’histoire du continent qui incriminent l’élite africaine. Cette divergence avec ses justes devanciers a des raisons qu’il semble expliquer à travers ces propos extraits d’une de ses rencontres :

On ne peut pas prendre l’histoire, en faire ce que la Négritude en faisant. C’est-à-dire ne présenter que les bons côtés. Elle avait des raisons de le faire. Nous, nous ne le faisons pas parce que l’histoire est un tout ..

L’auteur ivoirien n’en veut pas aux partisans d’une Afrique innocente, victime d’une agression étrangère, présentée comme un paradis où il ne fait que bon vivre ; ceux-ci ont leurs raisons, mais KOUROUMA se réserve le droit d’en parler autrement. C’est-à-dire dénoncer les mauvais agissements de l’occident en même temps souligner la part de responsabilité de l’Africain dans ses problèmes.

Il est nécessaire de rappeler que cette franchise langagière a eu des conséquences négatives sur l’ivoirien. Il était évident de faire le lien entre la description caricaturale de certains de ses personnages romanesques et des personnalités réelles, certains chefs d’Etat africain. Cette critique indirecte sous la plume lui a attiré la haine de « ceux qui se sont sentis morveux », c’est-à-dire certains dirigeants africains non catholiques à l’époque. Pour échapper aux représailles politiques, il fut contraint de vivre longtemps hors de son pays natal, la Côte d’Ivoire.

Cependant, il faut noter qu’il n’est pas le seul romancier africain à pouvoir réprimander ses concitoyens africains, le premier africain lauréat du prix Renaudot, le malien Yambo Ouologuem avec son roman intitulé « Devoir de violence » publié en 1968, marqua le monde littéraire avec sa particularité et sa créativité. Briseur de tabous, ce roman de Yambo dit sur l’Afrique ce qui était considéré comme ineffable. Ouologuem a aussi payé les frais de sa franchise langagière. Ses fervents détracteurs lui reprochèrent plagiat et atteinte à l’honneur de l’Afrique et à ses grands hommes.

6Sous les Soleils des Indépendances A LA RENCONTRE D’AHMADOU KOUROUMA, Revue de l’UFR LETTRES, ARTS, CINEMA, textuel n°70.

KOUROUMA est aussi cet écrivain qui critique bilatéralement la colonisation et les politiques africaines postindépendances. Notamment les partis uniques qui permettaient à une classe politique de s’éterniser au pouvoir et de museler toutes les voix dissidentes. Cette pratique est constamment dénoncée dans son premier roman à travers l’arrestation absurde de Fama pour un prétendu complot. Le combat contre la dictature et la tyrannie des dirigeants africains est visible dans les romans des indépendances particulièrement ceux de Kourouma.

A lire les romans de KOUROUMA, nous avons l’impression de regarder une série documentaire sur l’histoire du continent, épisode après épisode. L’intrigue de ses romans reflète des faits réels connus dans le passé du continent. A ce propos, le roman de Kourouma répondrait bien à cette vieille définition du roman « qu’il est le reflet et critique de la société ». La société africaine durant et postcoloniale est bien décrite et critiquée dans ses deux premières productions romanesques. A ce propos KAVWAHIREHI dit dans son article :

Au-delà d’une simple réécriture de l’histoire de l’Afrique depuis la conquête coloniale jusqu’aux lendemains des indépendances, l’écriture de Kourouma s’engage dans la voie d’une herméneutique de la destinée négro-africaine qui se joue entre deux pôles : d’une part, l’expérience de la dérive et de la crise ontologique, d’autre part la quête d’une nouvelle cohérence d’être et d’une nouvelle articulation de soi. Kourouma met en scène l’errance qui frappe l’africain exilé du monde traditionnel et s’interroge sur les conséquences esthétique, épistémologique et ontologique liées à cet exil .

Pour cet auteur, le roman de Kourouma n’est pas une simple écriture sur le passé de l’Afrique, mais une sorte de questionnement et d’analyse du sort de l’Africain qui est en rupture avec la tradition et les problématiques liées à la quête d’un nouveau repère. Donc lire Kourouma revient à faire une herméneutique des vécus de l’Africain de la colonisation à nos jours.

C’est à la suite des lectures méticuleuses sur ses deux premiers romans que notre attention fut tirée sur le sort des personnages principaux de ces romans à savoir Fama, prince héritier du Horodougou et Djigui, roi de Soba. Nous résumons brièvement ces romans pour nous aider à mieux cerner notre thème.

7 Kasereka Kavwahirehi, Ahmadou Kourouma et la mise en œuvre de la vérité postcoloniale, Tangence n° 82, p : 41-57.

Les Soleils des Indépendances (1970), Editions du Seuil

Ce roman raconte la mésaventure de Fama (personnage principal du roman), prince héritier du Horodougou qui s’est vu spolié le trône au profit de son cousin pour avoir manifesté son mépris envers l’administration coloniale. Il s’aventura dans le négoce dans la capitale de la côte des Ebènes et en même temps combattait la colonisation. Son combat a eu un effet boomerang parce que les indépendances ont défavorisé le négoce au profit des coopératives ; Fama fut relégué au second plan et ne gagnait sa vie qu’en mendiant.

Les indépendances ont apporté les soleils de la politique et notamment ceux des partis uniques qui ont dirigé avec une main de fer. Fama se bat au côté de ceux qui voulaient le changement et s’attira du coup les soupçons du gouvernement qui les soupçonne de complot. Il fut arrêté et sévèrement puni puis relâché au nom d’une réconciliation nationale. Après la libération, il décide enfin de retourner dans son Horodougou natal où il fait bon vivre, mais n’y atteint pas vivant puisqu’il sera mordu par un saurien sur le chemin du retour ; blessure à laquelle il succomba.

Monnè, outrages et défis (1990), Editions du Seuil

Ce roman évoque la triste fin du roi de Soba, Djigui Keita, qui, dans un premier temps avait préparé une résistance à la pénétration coloniale en faisant construire un gigantesque tata autour de son royaume. Après l’échec de la résistance, Djigui s’est engagé dans une collaboration très compromettante qui a fini par le mettre en porte à faux avec son peuple.

Lorsque le pays de Soba obtient la liberté après avoir contribué aux deux guerres auprès de l’armée du général De Gaule, il fut demandé au roi d’organiser des élections de députation pour représenter Soba dans la l’Assemblée constituante.

Les candidats qui ont bénéficié la confiance et l’aide de Djigui, ont laissé aux oubliettes le roi et son royaume après leur ascension politique. Dépourvu de tout, Djigui va subir son plus grand affront qui n’est rien d’autre que l’usurpation de son pouvoir par son fils revanchard.

Vu l’ampleur de cette offense, il entreprit le voyage maléfique à Toukoro pour rendre illégitime l’autorité de son fils. A la sortie de Soba, sa monture lui désobéit parce que connaissant la portée de l’acte de son maitre et celui-ci se donna la mort. Ainsi l’anarchie s’installe dans le royaume.

Au début de l’histoire des romans, les deux protagonistes étaient dans des situations de plénitude et à la fin, le constat est amer ; les deux dignitaires auront tout perdu au point de ne plus être considérés dans la société. La colonisation et les indépendances ont périclité la royauté des deux notables ; ils ont quitté le statut de dirigeant pour devenir des subordonnés.

C’est ce changement brusque de l’état de ces personnages qui nous a inspiré ce thème : « Chute et désillusions dans Les soleils des indépendances et dans Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma ».

Pour éviter toute équivoque concernant la signification des termes clés (chute et désillusions) du sujet d’étude du présent mémoire, nous avons recouru au dictionnaire Larousse 2018. Premièrement « chute » veut dire : 1 : nom féminin : fait de tomber : chute de neige, des cheveux .2 : débris de matière (papier, tissu, etc.) perdus après une coupe.3 : masse d’eau qui tombe d’une certaine hauteur : les chutes du Niagara.4 : figuré : action de s’écrouler, ruine, effondrement :la chute d’un gouvernement.5 : pensée, trait final qui termine un texte. Chute de reins : le bas du dos. Point de chute : endroit où l’on peut loger provisoirement en arrivant dans une ville inconnue.

Deuxièmement « désillusion » : perte de l’illusion, désenchantement 9 .

Partant de ces différentes définitions données par le dictionnaire Larousse, les notions de « chute » et désillusion peuvent avoir respectivement comme synonymes : déchéance, ruine ou fin pour le premier terme et déception ou désenchantement pour le second. Ce qui est le cas dans ces romans concernant les deux personnages principaux. Le sort des deux personnages est bien en harmonie avec les significations que le dictionnaire a données aux termes clés du sujet. C’est-à-dire la perte de leurs notoriétés à cause de la colonisation et une grande déception causée par l’attitude des nouveaux dirigeants africains.

L’étude de ce thème permet de comprendre certaines réalités sur l’Afrique féodale et les affres générées par les partis uniques à l’ère des indépendances puisqu’en dehors de la fiction romanesque, c’est la fin de la féodalité et l’échec des indépendances africaines expliqués à travers les personnages de Fama et Djigui. En plus, ce sujet reste toujours une question d’actualité en Afrique. Les mêmes causes existent sous d’autres formes car, des régimes démocratiques africains sont sujets d’agression extérieure aboutissant souvent à leur chute. Et enfin, il permet de faire le lien avec les résultats décevants des vingtaines d’années de démocratie dans beaucoup de pays africain.

8LeLarousse 2018, page 145

9Ibidem, p : 234

Pour bien traiter ce thème, nous nous aventurons à résoudre la problématique suivante : qu’est-ce qui a provoqué cette chute et engendrer des désillusions chez les personnages ? La naïveté des personnages face à la colonisation et leurs déphasages avec la réalité sont les principales causes de leurs fins tragiques et déboires.

Le parjure des colonisateurs et l’imprudence des rois Djigui et Fama ont été fatales aux protagonistes. En plus, les promesses non tenues des indépendantistes et les calamités qu’ils ont apportées aux citoyens, n’ont point épargné les héros tragiques. Comme méthodologie d’analyse, on a opté pour la méthode qualitative qui sied au type de sujet, objet d’étude du présent mémoire.

Ce travail va suivre le plan suivant : (3) parties. D’abord la première sera consacrée à la revue de la littérature sur le thème et la présentation du corpus. Cela permettra d’éclairer la lanterne sur le sujet et de bien l’aborder à une manière originale. Dans cette partie, il sera question de faire le lien entre les connotations données, par les prédécesseurs, aux notions de « Chute » et « Désillusion » et le contexte actuel. Elle présentera aussi le corpus pour montrer leurs pertinences en rapport avec le sujet.

Ensuite, une deuxième partie qui évoquera les dessous de la chute dont il est question. Nous y aborderons les faits, les évènements et toutes les circonstances qui ont entrainé ce changement de l’état des choses. Pour ce faire, il sera question de mettre en évidence les méfaits de la colonisation sur les personnages concernés en plus de leurs culpabilités dans ce qui leur est arrivé.

Et enfin, la troisième partie dans laquelle, nous allons parler des désillusions des personnages, autrement comment leurs propres actes ont eu un effet boomerang sur eux- mêmes. Il faudra comprendre par-là les déceptions découlées des indépendances sur des personnages qui se sont battus pour elles, et aussi les postures adoptées par les personnages face à certaines situations qui leurs ont été fatales.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Chute et désillusion dans Les Soleils des Indépendances et Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma
Université 🏫: Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako - Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage FLSL
Auteur·trice·s 🎓:
Fousseyni Mallé

Fousseyni Mallé
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master - Littératures et civilisations - Littérature africaine - 2021-2022
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