L’intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017

L’intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017

1.2 L’intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017 à travers les normes juridiques, les jurisprudences et la doctrine juridique

Ici, nous voulons reprendre l’ensemble des instruments juridiques internationaux et constitutionnels qui nous servent d’éclairage dans l’atteinte de l’objectif général que nous nous sommes fixés dans le cadre de cette recherche.

Il s’agit d’une part de textes juridiques garantissant l’égalité souveraine des peuples et, d’autre part,c onsacrant le principe de non intervention internationale dans des questions qui relèvent de la compétence nationale d’un État ou plus largement d’autres textes qui ont un lien avec notre thématique de recherche.

Nous considérerons d’abord les deux résolutions qui se situent au début et à la fin de notre recherche à savoir : « La résolution 1542 du 30 Avril 2004 créant la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) » et « La résolution 2350 (2017) consacrant la fin de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti » :

Prenant note de l’existence de problèmes qui compromettent la stabilité politique, sociale et économique d’Haïti et estimant que la situation en Haïti continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationale dans la région, le Conseil de sécurité de l’ONU a pris voté la résolution 1542 du 30 avril 2004. Le Conseil :

  • Décide d’établir, sous le nom de Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) la force de stabilisation visée dans sa résolution 1529 (2004) pour une durée initiale de six mois qu’il compte renouveler et demande que la passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004.
  • Décide que la MINUSTAH aura une composante civile et une composante militaire ;
  • Agit en vertu du chapitre VII de la charte des Nations Unies : décide de confier à la MINUSTAH un mandat avec les grands points suivants: climat sûr et stable, processus politique, Droit de l’homme.

Vient ensuite la résolution 2350 (2017) mettant fin à la MINUSTAH. Présentée par les États-Unis, le Conseil de sécurité a décidé de mettre fin à la Mission des Nations Unies en Haïti et décide de la route à suivre par la nouvelle Mission, MINUJUSTH.

Ainsi dans le texte du projet de résolution (S/2017/313), le conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, selon les modalités décrites à la section 1 du paragraphe 7 de la résolution 1542 (2004), et eu égard aux paragraphes 5 à 14, qui ont trait à la nouvelle mission, décide de proroger le mandat de la MINUSTAH pour une période de six mois et de procéder à sa clôture d’ici au 15 octobre 2017.

Essayons, à présent, d’éclaircir la question de l’intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017 à la lumière de certains principes juridiques internationaux, de notes constitutionnelles et jurisprudencielles, tels que :

  • Le principe de l’égalité souveraine des États et le principe de non intervention, défendus par la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
  • La Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États, résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 24 Octobre 1970 et la Résolution 2131 du Conseil de sécurité des Nations Unies »
  • L’arrêt du CPJI, du 7 Septembre 1927, rec série A, no 10 »
  • La Constitution Haïtienne en vigueur »

La société internationale telle que structurée aujourd’hui s’est développée lentement et inégalement selon les parties du monde.

Les relations entre ses diverses composantes furent d’abord fondées sur la compétition avant d’être soumises à des règles de droit (droit international) présentant des caractéristiques originales qui les distinguent des règles du droit interne.

Droit d’une société décentralisée, il (le droit internation public) régit les rapports entre entités égales et souveraines (Pascale Martin-Bidou, 2017, p. 6). En particulier, l’égalité souveraine des États comprend selon Pascale Marin-Bidou (p. 31) les éléments suivants :

  • a. Les États sont juridiquement égaux ;
  • b. Chaque État jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté ;
  • c. Chaque État a le devoir de respecter la personnalité des autres États ;
  • d. L’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’État sont inviolables etc.

En effet, dans l’ordre juridique international, la charte des Nations Unies symbolise la Constitution de ses États membres.

Selon l’article 1er de ladite Charte, les buts de l’organisation se limitent à : maintenir la paix et la sécurité internationales ; développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes.

Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux. À l’alinéa 4 de son article 2, la charte consacre également ce même principe quand elle avance que :

Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

Plus loin à l’article 2-alinéa 7 de la charte des Nations unies, il est dit qu’: aucune disposition de la présente charte n’autorise les Nations unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État […]).

Ratifié et entré en vigueur le 31 Janvier 2012 par Haïti et publié dans le moniteur no 5 du 27 Juin 2012, le le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dispose en son article 1er alinéa 1 que : « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes.

En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».

Plus loin, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié et entré en vigueur le 23 Novembre 1990 par Haïti et publié dans le moniteur no 2 du 7 Janvier 1991, reprend à son tour le même principe en son article 1er alinéa 1 : « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes.

En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. »

Cette résolution prévoit que tous les États « ont des droits et des devoirs égaux et sont des membres égaux de la communauté internationale, nonobstant les différences d’ordre économique, social, politique ou d’une autre nature ».

Selon cette résolution, aucun État ni groupe d’États n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État.

Ce principe a notamment été également repris dans la résolution 2131 baptisée « Déclaration sur l’inadmissibilité de l’Intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté. (Gonzales, 2004, p. 20)

Dans l’affaire du Lotus, La CPJI a soutenu que : « la limitation primordiale qu’impose le droit international à l’État est celle d’exclure – sauf l’existence d’une règle permissive contraire – tout exercice de sa puissance sur le territoire d’un État (CPJI, Affaire du Lotus, 1927, série A no 10, par 18-19.

Cité par Assogba, p. 6). Des principes que la Constitution Haïtienne en vigueur consacre, protège et garantit.

En effet, le droit constitutionnel dit « politique » renvoie à l’étude « scientifique » (désengagée) des systèmes de normes, de règles, volontairement mis en place pour assurer l’organisation et la stabilité des relations entre les gouvernants et les gouvernés.

Elle comprendra l’ensemble des règles qui fondent l’État (du latin stare : statut, qui tient debout).

La professeure Mirlande Manigat (2004, p. 23) le définit comme étant « un ensemble de normes, essentiellement contenues dans un document appelé Constitution, qui s’appliquent directement et par l’intermédiaire de textes et d’actes juridiques de nature et de portée variées.

D’un point de vue foncièrement juridique, Haïti est une République constitutionnelle à régime politique multipartite. Le chapitre I de la Constitution de 1987 en vigueur, la vingt- deuxième Constitution élaborée à la chute du président à vie Jean-Claude Duvalier le 7 Février 1986, précise ses caractéristiques.

Ainsi, peut-on lire aux différents articles du chapitre en question, qu’Haïti est une République indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique et solidaire.

Si certains de ces concepts ne posent à priori aucune difficulté de compréhension, d’autres ne peuvent être compris qu’à l’issue d’une interprétation minutieuse. C’est précisément le cas des qualificatifs : souveraine, indépendante, libre et démocratique.

En référence aux définitions proposées par le lexique des termes juridiques pour le concept de souveraineté de l’État, et à la Constitution elle-même, Haïti ne peut être vue que comme une République qui n’a pas d’égale dans l’ordre interne ni de supérieure dans l’ordre international ; n’est limité que par ses propres engagements et par le droit international ; un État où tous les citoyens possèdent un droit de participation et de contestation, des droits et des devoirs fondamentaux.

Son territoire est inviolable et ne peut être aliéné ni en tout ni en partie par aucun traité ou convention.

Il s’agit donc là du profil juridique reconnue à la République d’Haïti et garanti par la Constitution et le droit international, entant qu’État souverain, membre des Nations Unies. Reste à savoir si dans la pratique Haïti peut faire valoir son statut d’État souverain, exempt donc de toute ingérence étrangère.

L’intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017

2. Perspectives théoriques et cadre conceptuel de la recherche

L’un des objectifs poursuivis par la démarche scientifique est la rupture. En menant une recherche, le chercheur doit absolument rompre avec ses idées préconçues. D’où la nécessité d’inscrire ses réflexions dans un cadre théorique clairement défini.

Dans cet ordre d’idée, notre démarche s’appuie essentiellement sur le normativisme juridique du juriste Hans Kelsen et la théorie de l’intervention internationale suggérée par la commission de l’intervention et de la souveraineté des États, parue dans son rapport publié en 2001.

2.1 Perspectives théoriques de la recherche

Dans les lignes précédentes, nous avons présenté un ensemble de travaux réalisés sur les interventions internationales onusiennes tant ailleurs qu’en Haïti de 2004 à 2017.

À présent, nous allons positionner notre réflexion et nos questions de recherche dans la littérature existante tout en précisant l’angle d’approche qui est privilégié dans la recherche. : Le normativisme.

Depuis l’Antiquité, deux conceptions s’opposent : le positivisme juridique tel que conçu dans la théorie du normativisme de Kelsen et le naturalisme juridique.

Le positivisme juridique s’appuie sur deux courants spécifiques : le positivisme juridique et le positivisme sociologique. Le premier consiste à affirmer que le droit positif se suffit à lui-même. Il tient son autorité de l’État qui l’a édicté.

Le deuxième renvoie à l’idée que le droit positif doit pouvoir améliorer les conditions de vie du groupe et parvenir à la solidarité sociale. Les partisans de cette seconde conception du droit positif pensent donc que les normes du droit international sont fondées sur la nécessité sociale.

Pour Georges Scelle, qui se rattache à cette doctrine, les normes viennent du fait social lui-même et de la conjonction de l’éthique et du pouvoir produits par la solidarité sociale (Zarka, 2015, p.8).

Les doctrines positivistes appartiennent à la famille des théories volontaristes. Selon ces dernières, le droit a sa source dans l’expression d’une volonté. David Ruzié (2008, p. 10) précise que le droit international repose nécessairement sur la volonté de l’État.

C’est ainsi que de nombreux juristes ont aidé à développer ce que nous pouvons appeler les modalités de cette conception du droit.

On parlera donc avec Jellineck de la théorie de l’autolimitation : l’État ne peut être lié par le droit que s’il y consent ; de la théorie de la Vereinbarung (Triepel) : le droit international naît de la fusion des volontés étatiques en une volonté commune.

Le juriste Hans Kelsen développe, à travers la théorie pure du droit, le normativisme qui sert particulièrement de support à notre démarche. Ce normativisme conduit à présenter le Droit comme une pyramide de normes au sommet de laquelle figure la volonté de l’État matérialisée dans la Constitution.

Ainsi, la norme inférieure valide ne peut être contraire à la norme qui lui est immédiatement supérieure de peur que cela n’aboutisse à un contentieux.

À la croisée de cette théorie se situe la doctrine du naturalisme juridique. L’essentiel de cette doctrine prend sa source dans les théories non volontaristes ou objectivistes.

Elle nous est rapportée par David Ruzié (2008, p. 10) en ces termes : « la raison naturelle impose certaines règles aux relations humaines, même en dehors de toute autorité sociale.

Ces règles s’imposent aux États dans leurs rapports naturels ». Selon ces dernières, il y aurait au-dessus du droit positif, des lois non écrites immuables et universelles s’imposant à toutes les sociétés et que les divers législateurs devraient respecter.

Ainsi donc la théorie du droit naturel insiste sur le fait que la raison naturelle impose certaines règles aux États, Les tenants du droit naturel soutiennent qu’il existe un droit supérieur aux États, des règles antérieures aux relations humaines, en dehors donc de toute autorité sociale. Ces règles s’imposent aux États dans leurs rapports mutuels.

Par souci de proposer des réflexions plus poussées sur ce que ces considérations théoriques désignent dans la réalité par rapport à la souveraineté de l’État, nous avons inscrit notre recherche dans la lignée de la « La théorie de la commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États »

Le rapport de la commission (2001, p. 9) définit l’intervention comme étant des mesures prises contre un État ou contre ses dirigeants, sans leur consentement, à des fins qui sont présentées comme étant humanitaires ou protectrices. Dans sa conclusion, il est précisé que :

Les États souverains ont la responsabilité de protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu’il est possible de prévenir – meurtres à grande échelle, viols systématiques, famine.

S’ils ne sont pas disposés à le faire ou n’en sont pas capables, cette responsabilité doit être assumée par l’ensemble de la communauté des États. (Westmorland-Traoré, 2004, p. 171).

L’acceptation de la notion d’intervention à des fins de protection humaine, y compris la possibilité d’une action militaire, suppose impérativement que la communauté internationale élabore des normes cohérentes, crédibles et ayant force exécutoire qui régiraient la pratique étatique et intergouvernementale.

Toute nouvelle conception de l’intervention motivée par un souci de protection humaine doit s’efforcer d’atteindre au moins quatre objectifs fondamentaux : le premier consiste à établir des règles, des procédures et des critères qui permettent de déterminer clairement s’il faut intervenir et quand et comment il faut le faire; deuxièmement il est question d’asseoir la légitimité de l’intervention militaire lorsque celle-ci est nécessaire et que toutes les autres démarches ont échoué; troisièmement, il faut veiller à ce que l’intervention militaire, lorsqu’elle a lieu, soit menée aux seules fins prévues, soit efficace et accorde toute l’attention voulue à la nécessité de réduire autant que faire se peut les coûts humains et les dommages institutionnels qui en résultent; et finalement contribuer à éliminer, si possible, les causes du conflit tout en améliorant les perspectives d’une paix durable.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université d’état d’Haïti (UEH) - Faculté de droit des Sciences Économiques et de gestion du Cap-Haïtien (FDSEG/CH)
Auteur·trice·s 🎓:
Nem JEAN-BAPTISTE

Nem JEAN-BAPTISTE
Année de soutenance 📅: En vue de l’obtention du grade de licencié en droit - 2012-2016
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