Les conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales internationales

Section 2 La collaboration internationale dans la lutte contre l’évasion fiscale

364.La coopération internationale dans le domaine de la fiscalité est essentielle dans le contexte de la mondialisation actuelle1.

Paragraphe 1

Les conventions fiscales internationales

365.Les conventions fiscales représentent un aspect important des règles fiscales internationales de nombreux pays. On compte déjà plus de 3 000 conventions fiscales bilatérales, et leur nombre ne cesse d’augmenter.

366.Les conventions fiscales jouent un rôle clé dans le contexte de la coopération internationale en matière fiscale. D’une part, elles encouragent l’investissement international et donc la croissance économique mondiale, en réduisant ou en éliminant la double imposition internationale sur les revenus transfrontaliers2.

D’autre part, elles reflètent un point de coopération entre les États, en particulier dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale.

367.Une convention fiscale a donc comme objectif premier d’éviter la double imposition entre deux pays en vue d’encourager le commerce et les investissements. De même, la plupart, sinon la totalité, des conventions fiscales internationales contiennent des dispositions visant à combattre l’évasion et la fraude fiscales3.

368.Les principaux aspects des conventions fiscales concernent principalement des questions telles que : le type de conventions conclues en matière fiscale et la nature juridique, l’objet et l’interprétation des conventions, plutôt que sur leurs dispositions de fond.

1 Les travaux de l’OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.9

2Alexander Trepelkov, Harry Tonino et Dominika Halka, Manuel de l’ONU relatif à certains aspects de l’administration des conventions concernant la double imposition établie à l’intention des pays en développement, Paris ,25 Septembre 2018, p. préface 3

3 Alain LEMIEUX, Le recours aux conventions fiscales internationales comme remède à la double imposition : bref survol de la pratique Canadienne, Revue général de droit, Volume 18, numéro 4, 1987, p.743

A.- La nature juridique des conventions internationales

1.La nature juridique

369.Les traités sont des accords conclus entre nations souveraines. (L’article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969), dispose : l’expression “traité” s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international1.

370.En matière fiscale, les traités sont souvent appelés « accords » ou « conventions », mais la dénomination utilisée importe peu (art. 2 de la Convention)2.

L’article 26 de la Convention de Vienne dispose que « les traités lient les parties et doivent être exécutés par elles de bonne foi. Si un pays ne respecte pas ses conventions fiscales, les autres pays risquent de n’avoir aucun intérêt à en conclure avec lui ».

371.La plupart des conventions fiscales sont bilatérales. La réciprocité est un principe fondamental des conventions fiscales, sans toutefois que le sens de cette notion soit clairement défini3.

Cette obligation mutuelle s’applique aux deux États, quel que soit l’importance des flux de dividendes entre ces États.

1 Brian J. ARNOLD, Introduction aux conventions fiscales, rapport, p.1

2 Article 2 de la convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969

Expressions employées 1. Aux fins de la présente Convention :a) L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ;b) Les expressions « ratification », « acceptation », « approbation » et « adhésion » s’entendent, selon le cas, de l’acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité; c) L’expression « pleins pouvoirs » s’entend d’un document émanant de l’autorité compétente d’un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour représenter l’Etat pour la négociation, l’adoption ou l’authentification du texte d’un traité, pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié par un traité ou pour accomplir tout autre acte à l’égard du traité ;d) L’expression « réserve » s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat ;e) L’expression « Etat ayant participé à la négociation » s’entend d’un Etat ayant participé à l’élaboration et à l’adoption du texte du traité ;f) L’expression « Etat contractant » s’entend d’un Etat qui a consenti à être lié par le traité, que le traité soit entré en vigueur ou non ;g) L’expression « partie » s’entend d’un Etat qui a consenti à être lié par le traité et à l’égard duquel le traité est en vigueur; h) L’expression « Etat tiers » s’entend d’un Etat qui n’est pas partie au traité ;i) L’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale.2. Les dispositions du paragraphe 1 concernant les expressions employées dans la présente Convention ne préjudicient pas à l’emploi de ces expressions ni au sens qui peut leur être donné dans le droit interne d’un Etat.

3 Brian J. ARNOLD, ibid., p.2

Et lorsque les dispositions administratives des conventions fiscales (celles qui concernent, par exemple, l’échange de renseignements et l’assistance en matière de recouvrement des impôts), sont-elles aussi censées être d’application réciproque1.

2. Objectifs des conventions fiscales

Les conventions fiscales ont pour triples objectifs2 , notamment :

372.La prévention des doubles impositions : Pour éliminer la double imposition la convention peut : accorder à l’un de ces deux Etats (source ou résidence) un droit exclusif d’imposer, ou reconnaître un droit d’imposer aux deux Etats, mais en prévoyant que l’impôt payé dans l’un (source) constitue un crédit imputable sur l’impôt dû dans l’autre (résidence).

373.L’octroi de garanties aux contribuables : cet objectif permet de fixer le régime applicable à une opération, à une transaction ou à un investissement déterminé, garantir la non-discrimination fiscale entre étrangers et nationaux, permettre d’engager une procédure amiable en cas de double imposition ou d’une application non conforme des dispositions de la convention, respecter le principe de non-aggravation fiscale du contribuable par rapport au droit interne.

374.La prévention de la fraude et l’évasion fiscales internationales : il permet d’échange de renseignements, assistance en matière de recouvrement des impôts, assistance entre les Etats signataires afin de lutter contre des abus, fixer le cadre de coopération pour assurer une correcte application et interprétation de la convention.

375.D’une manière générale, une convention fiscale a pour objectif de faciliter les échanges et les investissements transfrontières en éliminant les entraves fiscales à ces activités. Cet objectif général est complété par plusieurs objectifs opérationnels plus spécifiques.

L’objectif opérationnel le plus important des conventions fiscales bilatérales est sans doute l’élimination de la double imposition3.

1Brian J. ARNOLD, ibid., p.2

2Abdelwaret KABBAJ Expert-comptable DPLE, Les fondements de la fiscalité internationale : les conventions fiscales internationales, rapport, DGI, 7 Février 2017

3Brian J. ARNOLD, ibid., p.10

B. Les conventions fiscales internationales avec le Maroc

376.Rappelons que le Maroc a signé plus d’une quarantaine de conventions fiscales avec des pays liés au Maroc par des relations économiques commerciales politiques et sociales.

Ces conventions ont généralement pour le but d’éviter la double imposition des revenus, de consentir des avantages mutuels au personnel diplomatique des deux pays, et de permettre le développement des relations économiques, sous les deux volets commercial et financier1.

1. Procédure marocaine de ratification des Conventions fiscales internationales

377.La DGI assure la préparation et la négociation des conventions fiscales préventives de la double imposition avec les partenaires étrangers.

Elle effectue également le suivi de l’application des conventions fiscales entrées en vigueur et l’assistance administrative en matière d’échange de renseignements et de recouvrement d’impôts et taxes2.

1Mohamed RIGAR, Précis de fiscalité Marocaine de l’entreprise, Tome1, Marrakech, 4éme édition Septembre 2015, p.20

2 DGI, Rapport d’activité 2011, p.32 www.finances.gov.ma

3Abdelkhaleq BERRAMDANE, La ratification des traités internationaux, une perspective de droit comparé : Maroc, l’Université de Tours, à la demande de l’Unité Bibliothèque de droit comparé, Direction générale des services de recherche parlementaire (DG EPRS), Secrétariat général du Parlement européen, Bruxelles, Etude, décembre 2018, p.34

4Art 55.al 2 : « Il signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à la délimitation des frontières, les traités de commerce ou ceux engageant les finances de l’État ou dont l’application nécessite des mesures législatives, ainsi que les traités relatifs aux droits et libertés individuelles ou collectives des citoyennes et des citoyens, ne peuvent être ratifiés qu’après avoir été préalablement approuvés par la loi ».

378.Procédure de ratification des conventions fiscales internationales conclues par le Maroc, en 4 phases :

  1. Phase première : La négociation En matière de négociation, la règle constitutionnelle admise dans tous les systèmes nationaux, y compris au Maroc, attribue la compétence à l’exécutif, seul à même de disposer de tous les instruments pour mener à bien l’élaboration d’un traité. Reste à déterminer, à qui dans l’exécutif est dévolue une telle compétence. La Constitution précise que le « [le roi] signe et ratifie les traités »3 (art. 55 al. 2 Constitution 20114).
  2. Deuxième phase : La signature La signature clôt l’étape de l’élaboration et ouvre la phase de l’expression du consentement du Maroc à être lié. Toutefois, la signature constitue en elle-même l’expression par le consentement du Maroc à être lié, lorsque le traité prévoit (ou l’intention des parties) que la signature aura cet effet (art. 12 par. 1 CV sur le droit des traités de 1969). C’est une pratique du droit conventionnel marocain1.
  3. Troisième phase : La ratification La ratification ou l’adhésion signifie que l’État accepte d’être légalement (juridiquement) lié par les dispositions de la convention.

Phase dernière : Echange des éléments de ratification Echange des éléments de ratification entre les Etats contractants est opéré par le MAEC.

2. Le Maroc et son réseau conventionnel

379.Le Maroc continue « à œuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde ». Partant de cette prémisse, la Constitution de 2011, contrairement aux précédentes, organise de façon remarquable, la promotion et l’intégration des engagements internationaux dans l’ordre juridique du royaume2.

Le Maroc et son réseau conventionnel : 50 conventions en vigueur, 14 signées en cours de ratification, 14 paraphées en instance de signature3.

1Abdelkhaleq BERRAMDANE, ibid., p.35

2Abdelkhaleq BERRAMDANE, ibid., p.9

3Abdelwaret KABBAJ, ibid.

4Evasion fiscale : voici la portée des deux conventions approuvées par le Roi, Médias24, Modifié le 12 décembre 2019 à 16 :07, https://www.medias24.com/evasion-fiscale-voici-la-portee-des-deux- conventions-approuvees-par-le-roi-6187.html

380.Le Maroc vient de faire un pas important en matière de conformité fiscale. Il s’agit de projet de loi N°75.19 portant approbation de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), et l’Accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays, ainsi que les projets de loi pour leur ratification, signé par le Royaume du Maroc le 25 juin 2019, qui répondent à un double objectif :

  • Lutter contre l’évasion fiscale à travers le renforcement des conventions fiscales bilatérales et du contrôle des pratiques d’évasion à travers l’échange de données.
  • Sortir de la liste grise de l’UE sur les paradis fiscaux, l’adhésion aux deux conventions étant une des conditions posées au Maroc qui a pris l’engagement de s’y conformer avant fin 2019 4.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La fraude fiscale, l’évasion fiscale et la fiscalité équitable
Université 🏫: Université Cadi Ayyad - Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales Marrakech
Auteur·trice·s 🎓:
Souad AZIZI

Souad AZIZI
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études En vue de l’obtention du Diplôme de : Master Recherche En Droit des Affaires et de L’Entreprise - 2020-2021
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top