Système des personnages et perspectives narratoriales

Système des personnages et perspectives narratoriales

Chapitre 2 : Système des personnages et perspectives narratoriales

Dans la conception aristotélicienne du théâtre, le personnage dramatique est considéré comme une partie organique de la fable. Selon lui, l’existence de celui-ci est indissociablement liée à l’histoire ou à l’action de la tragédie.

Ainsi, le caractère (ethos) qui signifie l’ensemble de ses traits psychologiques et moraux ne se pose comme une donnée supplémentaire.

Le philosophe indique que: « sans action il ne saurait y avoir tragédie, tandis qu’il pourrait y en avoir sans caractères de fait, les tragédies de la plupart de poètes font ainsi ». (Aristote, 1990.55) or, le personnage se désigne dans la tragédie antique non pas comme représentation de l’individu, mais d’une simple figure, sans psychologie ni intériorité profonde, qui sert à l’action dramatique.

Par ailleurs, selon Jean Sarrazac, auteur de la Poétique du drame moderne, les dramaturges se sont éloignés de cette perception fondamentale du personnage suivant le trajet ouvert par Euripide. Or, les personnages d’Euripide se distinguent de ceux de ses contemporains quant à la profondeur de leur caractère, leur perspective individuelle et sociale.

A ce titre, « la technique habituelle d’Euripide est très simple : conservant les veilles histoires et les grands noms, comme le théâtre l’exigeait, il imagine ses personnages comme des contemporains soumis à des pressions modernes, et examine leurs motivations, leur conduite et leur destin à la lumière des problèmes, des usages et idéaux de son temps » (Sarrazac, 2012 : 245).

Les travaux d’Euripide marquent donc un tournant décisif dans la formation du personnage dramatique futur.

Pour Nietzche, ciblant la conception individuelle du personnage qui dominait la scène bourgeoise européenne jusqu’à la fin du XIXème siècle annonçait le début d’une crise concernant la construction du personnage dramatique.

Nietzche explique sa position prise contre l’individualisation à partir du mythe de Dionysos qui, dans son enfance, fut massacré et mis en pièce par les titans.

Selon le philosophe, ce morcellement symbolise la véritable souffrance dionysienne qui peut être considérée comme métaphore de l’état d’individualisation étant la source et l’origine de tous les maux.

Dès lors, les auteurs se rendent compte que la notion du personnage individuel est un «personnage de trop». Sous les influences de cette vision moniste, les dramaturges du XIXème siècle s’acheminent vers une reconsidération du personnage dramatique.

Pendant le règne des conventions bourgeoises sur scène, ce dernier est devenu de plus en plus mimétiques et par conséquent s’est éloigné de ses sources antiques pré-euripidéenne.

Or, les tentatives techniques des dramaturges modernes et contemporains qui « sculptent le personnage en trop pour le transformer en un personnage en moins…» (Sarrazac, 2012:191) ont contribué à propager la crise du personnage dramatique.

Le fait que les dramaturges innovateurs tels Strindberg et Pirandello forment des personnages qui manquent d’une identité personnelle, individuelle, semble aussi participer à cette conception périphérique du personnage dramatique.

Sarrazac relie cette vision donnée sur la négation de l’intériorité du personnage à la pensée de Schopenhauer qui définit le monde intérieur, le dedans de l’homme comme un vide sans fond.

Sarrazac à ce sujet considère que le personnage moderne est sans qualités, sans propriétés qui le définissent, il est, dès lors, irrémédiablement en perte d’identité.

La formation des personnages réduits à l’état des silhouettes sans identité ni nom semblent largement puiser dans cette dynamique de crise qui prolonge son existence depuis la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours. Ainsi, les œuvres du théâtre de l’absurde sont marquées par les personnages absents.

«Le théâtre de l’après- guerre (Ionesco, Becket, Tardieu) a dépersonnalisé le personnage en le faisant le jouet d’une machine narrative et linguistique qui pouvait fonctionner à vide, dont il n’était en tout cas plus tout à fait maître ». (Ryngaert, 2006:61). Par ailleurs, la construction du personnage dramatique prend une forme différente chez les auteurs du théâtre quotidien à la fin des années 1960.

Ces auteurs ont recourt à des formes de personnages beaucoup plus convenus, dotés d’un état civil plus ou moins complet. A cette perception du nouveau personnage Ryngaert vient ajouter l’importance des influences de la vie moderne et des progrès techniques sur la crise du personnage dramatique.

Quant à l’écriture dramatique contemporaine, celle-ci porte en soi les influences durables de ses divers héritages et participe à son tour à cette crise concernant la construction du personnage.

A l’exemple de Lagarce, le dramaturge contemporain opte pour la construction d’un nouveau type de personnage mais aussi s’approprie la vision d’un personnage absent d’une manière authentique.

Selon Jean Marie Schaeffer, « il existe une relation non contingente entre personnage fictif et personne : le personnage représente fictivement une personne, en sorte que l’activité projective qui nous fait traiter le premier comme une personne est essentielle à la création et à la réception des récits. » (Schaeffer, 1999)

Nous ferons, ici, appel à la méthode de Schaeffer qui parle de la modulation générique, car le texte n’exemplifie pas seulement les propriétés indiquées par le nom de genres, mais modifie également les propriétés pertinentes. La « relation d’exemplification globale » sera donc mise en évidence et nous permettra de confirmer s’il y a écart ou pas par rapport aux « conventions constituantes ».

2-1- Les personnages-narrateurs

Le mot personnage dérive du latin « persona » qui veut dire « masque du théâtre ». Dans le masque, est enfouie la véritable identité de celui qui le porte. Le personnage au théâtre intègre le système qui fait évoluer les actions.

Le personnage-narrateur est mêlé à l’histoire qu’il raconte. Il peut être le personnage principal (héros, protagoniste) ; ou un personnage secondaire (adjuvant ou auxiliaire du héros).

Dans L’Eden Cinéma, Joseph et Suzanne sont les deux personnages secondaires qui se constituent comme les seuls personnages -narrateurs. Ils font et développent le récit. Une histoire focalisée sur la vie de LA MERE, personnage principal. Leur mère, cette femme affaiblie par les méandres de la vie et qui semble muette.

C’est toute l’histoire de leur enfance, dont la mère en est le centre comme l’atteste cette didascalie : « Ce qui pourrait être dit ici l’est directement par Suzanne et Joseph. La mère – objet du récit – n’aura jamais la parole sur elle-même. (Duras, 1977:16).

Dans Le Paquet, le seul personnage sur scène constitue l’unique personnage-narrateur. C’est un homme qui parle seul sur la scène.

Il monologue sur ses moments passés qui font étalage de ses anciennes relations, sec anciennes fonctions, son ancienne vie conjugale. Tout ce fond dans un style humoristique, pathétique et un fait de beaucoup de tournures, un langage poétique qui célèbre le pouvoir de la parole sur l’action.

Dans le corpus, le rôle des personnages-narrateurs est déterminant dans la mesure où ils développent l’intrigue en limitant les actions au profit de la puissance oratoire : d’où l’éclosion du « théâtre-récit »

2-2- Du personnage théâtral à celui du nouveau roman.

La formation des personnages réduits à l’état des silhouettes sans identité ni nom, semblent largement puiser dans cette dynamique de crise qui prolonge son existence depuis la fin du 19eme siècle jusqu’à nos jours. Ainsi, les œuvres du théâtre de l’absurde sont marquées par les personnages absents.

« Le théâtre de l’après- guerre (Ionesco, Becket, Tardieu) a dépersonnalisé le personnage en le faisant le jouet d’une machine narrative et linguistique qui pouvait fonctionner à vide, dont il n’était en tout cas plus tout a fait maitre ». (Ryngaert, Sermon, 2006 :61).

Par ailleurs, la construction du personnage dramatique prend une forme différente chez les auteurs du théâtre contemporains. Ces auteurs font recourt à des formes de personnages beaucoup plus convenus, dotés d’un état civil plus ou moins complet.

A cette perception du nouveau personnage Ryngaert vient ajouter l’importance des influences de la vie moderne et des progrès techniques sur la crise du personnage dramatique.

Les personnages de notre corpus sont beaucoup plus absents de la scène que présents. Ils sont à l’image du Nouveau Roman dans la mesure où a affaire aux personnages absents et sans caractères propres qui les incarnent.

Ils n‘ont plus de psychologie, ils n’existent que par leur obscurité, voire leur confusion. Ils sont faits de moult contradictions qui nous empêchent de les classer. C’est d’ailleurs ce que tente de décrire Papin dans ce passage :

Les personnages sont, de la même manière, marqués du signe du vide, sans identité, sans passés, sans mémoire. Désignés par des initiales, des surnoms, des noms passe-partout ou parfois des noms « réels » comme chez Duras, ils ne renvoient qu’à l’absence, personnages porteurs d’attente sans objet, de quête sans but, de questions sans réponse.

On cherche en vain le contour psychologique d’une identité stable, la forme signifiante et cohérente de la personnalité qui, dans la tradition réaliste, décrète la vie, l’authentifie et en affirme la « vraisemblance ».

Cette impuissance à cristalliser une identité traverse comme un leitmotiv le « le théâtre de l’écoute » le « je » s’éclate au fil du temps, ne se retrouve pas, ne se reconnait pas. Il ne reste que la voix, inutile, sans auteurs, dépossédée». (Papin, 670).

Ainsi dans L’Eden Cinéma, nous constatons que « l’action sur scène est minime que ce soit parce que les personnages racontent plus qu’ils ne jouent, ou que ce soit parce qu’ils ne jouent, leur mouvement sont limités et lents.

De même du fait que certaines répliques ne sont que prononcées entre deux personnages, on a comme impression qu’ils sont interchangeables. Et que leur identité n’est pas fixe et délimitée

». Dans le cas de Suzanne, elle est désincarnée, puisque dédoublée. Son identité est divisée entre le personnage sur scène et la voix off. La mère apparait aussi comme un personnage désincarné qui non seulement n’a pas de noms propres mais en plus elle est statufiée, immobile et ne participent presque pas à sa propre histoire de sa vie.

Dans la même lancée, le caporal dans cette œuvre est un personnage qui aussi n’a pas de noms propres, et malgré sa présence sur la scène, il n’intervient presque pas dans les répliques. C’est un personnage désincarné ne jouant qu’un simple rôle de figurants, puisqu’il n’entend pas et se limite au rôle de valet.

Ainsi, les personnages de Juste la fin du monde sont non point en action mais en réflexion. A ce titre Sarrazac, 2012 : 237, affirme « au lieu de servir de relais à l’action, comme dans les dramaturgies antérieures à la fin du 19eme siècle, la réflexion se détache de l’action, qu’elle relègue dans un hors-champ du drame constitué par le passé récent ou lointain du personnage ».

De là, cette tendance à créer des personnages autoréflexifs justifie que « la diégèse se substitue à la mimesis ».

Dans l’enjeu de la perception dramaturgique du théâtre contemporain, dans Juste la fin du monde, les réflexions des personnages inactifs semblent effacer leur volonté d’agir, Louis, venu pour annoncer sa maladie et sa mort prochaine se trouve incapable d’agir et d’en informer sa famille, il répète des « – je vais bien ».

L’incapacité d’agir aux actions présente plonge La Mère dans des répétitions et des souvenirs : « La Mère : – le même caractère, le même sale mauvais caractère, / ils sont les deux mêmes, pareils et obstinés. / Comme il est là aujourd’hui, elle sera plus tard ».

Système des personnages et perspectives narratoriales

Louis et La Mère ne sont pas les seuls personnages qui tendent à réfléchir au lieu d’agir. Tous les protagonistes de cette pièce sont étrangers à l’action.

Faute d’action, elles se définissent donc par leur propension au commentaire et s’expriment par des longs monologues qui se centralisent sur leurs souvenirs. De là, le personnage en action semble s’être définitivement effacé derrière cette figure dramatique de Lagarce qui s’interroge sur lui-même, ses buts et son identité.

Ce dernier n’est plus agitant mais remémorant et récitant. Ainsi, les personnages de Lagarce, restreints au cercle familial, racontent leurs souvenirs familiaux tout au long de la pièce d’une manière éblouie par la gloire du passé.

Ainsi ces personnages donnent l’un après l’autre une version subjective et onirique de leur vie commune ainsi que leurs relations avec le personnage central, Louis revenu après une longue période d’absence.

Dans Le Paquet, l’unique personnage en scène est sans noms, sans famille, sans maison, sans identité véritable qui le caractérise. Aucune information n’est donnée par l’auteur sur son identité puisque la didascalie initiale n’existe pas. C’est l’opposé total du personnage dramatique traditionnel.

Nous pouvons conclure que ces personnages sont construits sous le modèle du nouveau roman qui milite prône la mort du héros romanesque.

2-3- L’évolution des personnages dramatiques

Il s’agit de montrer comment le rythme favorise l’articulation de l’action. Le rythme étant un « flux », un prolongement du discours qui contribue à son effet de sens. Dans notre corpus, le rythme est tantôt discontinu, tantôt continu. Ainsi ce rythme participe, en majeure partie, à la déconstruction de l’action.

Dans L’Eden Cinéma, le drame est en progression de manière lente, accumulant de tensions qui émergent. Lorsque Mr JO veut une preuve d’amour et propose à Suzanne d’aller passer trois jours avec lui en ville à Saigon, cette dernière hésite et traine à prendre une décision personnelle parce que ne voulant pas tomber dans la ruse du malin. Et d’ailleurs, ni Joseph, ni la mère n’accepte cette offre indigne.

Ainsi, ce rythme donne l’impression du réel dans la pièce, puisque le temps semble en perpétuel mouvement. Le refus catégorique de Suzanne d’aller avec Mr JO – malgré son insistance -, et suivre la volonté de sa famille, justifie la progression en continu du rythme.

Et même si le temps paraît statique, il progresse dans les actions qui se poursuivent : après ce refus par Suzanne, Mr JO lui offre tout de même la bague qu’il lui avait promise. Cette bague qui d’ailleurs, sera une « source de revenu » pour La mère.

L’évolution en discontinu ralentit l’action grâce à la volonté du dramaturge qui fait abstraction du réel. Dans Juste la fin du monde, ce rythme se matérialise par la volonté de Lagarce de rendre le temps statique.

Ainsi, le cours à l’épanorthose rend le dialogue impossible et le temps statique puisque la progression du temps est fonction de celle de l’action.

Le retour de Louis au sein de sa famille pour annoncer sa mort prochaine, crée un dialogue incongru qui stérilise les actions des personnages.

La temporalité s’enchevêtre entre le passé qui relate les souvenirs d’enfance et le présent de narration, impuissant devant l’immobilisme des personnages. Dans Le paquet, le rythme est chaque fois au ralenti lorsque l’unique personnage sur scène va de coq à l’âne.

Le récit est chaque fois biaisé, chaque fois en rupture et le narrateur revient sur une ancienne histoire déjà évoquée et quand le spectateur commence à prendre goût, il change de sujet et revient à une nouvelle histoire ou à un ancien précédemment inachevé.

De son histoire d’enfance passée à la cour d’école « Dans la cour de l’école, lorsque j’étais enfant…J’avais beau changé d’écoles, on me changeait souvent d’école, parce que… » (Claudel, 2010:11) (Alors que le récit n’est pas encore achevé), il embraye sur celle du service militaire « « comment faites-vous, caporal, pour être ainsi aimé de toute la chambrée ?… Ahh… J’ai bien aimé le service militaire ! » » (Claudel, 2010:13).

Quelques lignes après, c’est l’histoire d’une entreprise d’octroi de crédits dont il joue l’agent commercial : « Nos hôtesses sont à votre disposition si vous le souhaitez pour étudier avec une formule de crédit adaptée à vos besoins. (Claudel, 2010:14,15).

De même, dans L’Eden Cinéma, l’histoire des barrages à travers la récurrence des marées d’août, ne fait pas évoluer l’action dramatique.

La MERE continue sans cesse à subir cette injustice qui lui colle à la peau, ajoutée à l’escroquerie du cadastre, « un éternel bourreau », son état de pauvreté est resté statique, sans changement véritable.

En fin de compte, au sein de notre corpus l’action dans son ensemble, évolue lentement et plonge les spectateurs dans une attente de dénouement qui tarde comme dans le cas des récits.

2-4- Un système de focalisation calqué sous le modèle romanesque

En général, la focalisation est comprise comme le point de vue à partir duquel sont perçus et décrits les événements du récit.

Ainsi, dans un texte, l’auteur peut employer plusieurs types de focalisation. Pour Gérard Genette, déterminer comment un segment de texte est focalisé revient à savoir « où est le foyer de perception » (Genette, 1983:43)

Ainsi, on distingue trois types de focalisation, c’est à- dire trois manière de nourrir le lecteur d’informations diverses. La focalisation zéro, la focalisation interne et la focalisation externe.

Dans le cadre de cette étude, nous allons nous intéresser aux focalisations Zéro et interne, qui nous paraissent plus illustratives du genre romanesque.

La focalisation zéro est le point de vue d’un narrateur omniscient. Il s’agit en fait d’une absence de focalisation dans la mesure où le point de vue présenté n’est celui de personne.

Le lecteur est en possession d’informations multiples concernant par exemple les personnages présents, le cadre spatio-temporel où se déroule l’action. En d’autres termes, le narrateur connait avec tous les détails les sentiments, le passé et l’avenir de tous les personnages.

De par ses « digressions rétrospectives sur ses héros ou objet » ou ses « biographies des protagonistes » (Skutta, 1981:58-59)

Au théâtre, la focalisation zéro domine du fait que chaque personnage expose son point de vue, sa vérité.

Dans Juste la fin du monde, les conversations des personnages sont arrimées au passé. Un passé que chacun recrée à sa façon, sur lequel chacun a quelque chose à dire, car pour chacun, il ne s’agit que d’exposer son point de vue, sa vérité. Ainsi, les personnages sont omniscients, car ils connaissent tout de leur histoire.

Le récit dans L’Eden cinéma est dominé par ce type de focalisation qui inscrit cette œuvre dans le genre romanesque.

La pièce est construite de « récits retrospectifs qui rapprochent le rôle des acteurs-narrateurs de celui du narrateur utilisé dans le registre romanesque. » (Ahlsted, 2003:34). Les personnages sont les narrateurs qui racontent une histoire passée, tout en sachant le dénouement final.

A titre d’exemple, la voix de Suzanne surgit, non pas comme le personnage sur scène, mais comme un narrateur hors scène qui sait tout et commence à décrire, au peigne fin, certains faits inconnus des personnages sur scène « ce soir-là, ça faisait déjà huit jours qu’on avait acheté ce cheval et la carriole que Joseph faisait le transport des paysans de Prey-Nop à Réam. ( …) Je me souviens d’elle ce soir-là.

Elle porte sa robe de soie grenat usée à l’endroit des seins. Quand elle la lave, elle se couche et dort pendant que la robe sèche. Elle est pieds nus. Elle regarde le cheval. Elle commence à pleurer…Temps. Elle pleure… » (Duras, 1977:30)

Cette voix narrative de Suzanne est une voix désincarnée qui fait remonter les premières crises de la mère à l’écroulement des barrages.

Dans Le paquet, on a affaire à un personnage qui sait tout, de lui, de la vie des autres. Ainsi, il puise plus dans le passé que dans le présent pour divertir les spectateurs. Dans un récit caustique et corrosif, il peint la société en général.

Au niveau de la focalisation interne, le narrateur adopte le point de vue du personnage qui en dit autant que le personnage en sait. Ainsi, il y’a focalisation interne lorsque le point de vue est celui du personnage. Ainsi, elle peut être fixe, variable ou multiple.

Dans L’Eden Cinéma, les répliques narratives sont partagées entre trois narrateurs Joseph, Suzanne et la voix de Suzanne qui développent le récit de manière alternée. Le point de vue est d’abord celui de Joseph, ensuite celui de Suzanne et parfois la voix de Suzanne.

Ainsi, le point de vue de Suzanne et celui de la voix de Suzanne représentent chacun 30% du récit, dont 60% pour les deux points de vue (Ahlsted, 2003:33). Ainsi, les deux points focaux sont situés à l’intérieur de l’histoire qu’il raconte, celle de la vie de leur mère, associée à leur propre vie. Aussi, le fait que le point de vue de Suzanne soit dédoublé entre le personnage lui-même et sa voix est

« une stratégie qui se rapproche de l’utilisation dans le roman objectif et anonyme qui adopte parfois la vision d’un des personnages. Notamment celle de Suzanne » (2003:33) C’est comme si la voix de Suzanne était le narrateur, et ce serait pour cette raison que les répliques lui seraient attribuées. Puis lorsque Suzanne parle, ce serait parce que l’auteur insère le point de vue du personnage.

La focalisation interne dans Juste la fin du monde se manifeste à travers le privilège accordé au point de vue de Louis qui, dépasse les limites du personnage de théâtre et se place en narrateur et en témoin d’une histoire qu’il raconte autant qu’il la joue et la rejoue. Le genre dramatique se trouve ainsi brouillé.

En somme, les focalisations manifestées au sein du corpus, à travers la double présence de Suzanne (Suzanne et voix de Suzanne) dans L’Eden Cinéma, le personnage Louis dans Juste la fin du monde et le héros de Le Paquet, tantôt se rapprochent, tantôt se confondent à la focalisation du récit romanesque.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le mélange des genres dans la dramaturgie française contemporaine à travers L'Éden Cinéma
Université 🏫: Université de Maroua
Auteur·trice·s 🎓:
Tchingdoube valentin

Tchingdoube valentin
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de master ès lettres
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