Les dispositifs pédagogiques et les particularités de l’autisme

Les dispositifs pédagogiques et les particularités de l’autisme

III. Les dispositifs pédagogiques

Une fois que l’enseignant a pris conscience des difficultés et des besoins liés à l’autisme, il sera important et même essentiel de mettre en place une pédagogie adaptée afin de favoriser au mieux les apprentissages de ces élèves.

Encore peu connues en France, différentes méthodes éducatives pour les enfants avec autisme tendent à se développer dans nos institutions malgré le fait que pour certains le recours à ces méthodes reste à discuter.

En effet, ces méthodes ne doivent pas aller à l’encontre du principe de liberté pédagogique de l’enseignant qui doit s’adapter aux particularités de ses élèves lors des apprentissages.

C’est ce même principe qu’adopte la Circulaire interministérielle du 8 mars 2005 « Si des méthodes spécifiques sont parfois préconisées pour aider les enfants autistes à réaliser des apprentissages, d’une part, ces méthodes, privilégiant des interactions duelles, ne sauraient être imposées à un enseignant même s’il peut utilement s’en inspirer dans certaines situations, d’autre part, la démarche pédagogique d’un enseignant ne saurait se réduire à l’application exclusive d’une méthode difficilement compatible en outre avec une pratique pédagogique dans un contexte collectif »35.

  • La méthode TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handiccaped Children) créée par Eric Schopler en 1972. Son but est de développer l’autonomie, la sociabilité, le comportement et la communication de l’élève dans tous les milieux.

Cette méthode développementale prend en compte les particularités de l’autisme, les apprentissages reposent sur une tâche répétitive et simplifiée notamment grâce à l’ajout de divers indices visuels afin que l’élève puisse comprendre plus facilement ce qu’on attend de lui. Cette méthode repose également sur un système de réponses-récompenses/réprimandes.

34 Binisti, P. , (2015). « Une expérience d’enseignement de l’orthographe lexicale avec un élève autiste ». 35 Ministère de l’Education Nationale. Circulaire du 8 mars 2005. En ligne : http://www. cra-rhone- alpes. org/IMG/pdf_Circ-2005-03-prise-en-charge-des-personnes-atteintes-d-autisme. pdf

  • La méthode ABA (Applied Behavior Analysis), Les dispositifs pédagogiques et les particularités de l’autismemise en œuvre par I. Lovaas dans les années 60. C’estune méthode comportementale inspirée des travaux de Skinner basée sur un conditionnement « répondant », qui cherche une modification du comportement ainsi qu’un développement des compétences. Ainsi, dans cette méthode, une consigne est donnée à l’enfant, entrainant une réponse ou un comportement de l’enfant, entrainant ensuite une réponse de l’enseignant, si celle-ci est positive elle est accompagnée d’un renforçateur (félicitations, cadeau…). Ces séances sont courtes et rapprochées et ont lieu dans un cadre très structuré, les stimulations de l’enfant sont répétées afin qu’il puisse répondre ensuite sans aide. Des formes de communication alternatives sont utilisées (images, gestes, pictogrammes…).
  • La méthode PECS (Picture Exchange Communication System) développée en 1994 par L. Frost et A. Bondy est un système de communication alternatif et augmentatif. image4Ce concept permet de remplacer la communication orale, l’enfant remet à l’adulte une image représentant l’objet de son désir ou encore une action ou une idée, peu à peu, il sera demandé à l’enfant de construire des phrases simples à l’aide de pictogrammes ou d’images. Cette méthode permet également d’augmenter l’efficacité du langage oral afin que l’enfant finisse par verbaliser sa demande.
  • La méthode Makaton mise au point en 1973 par Margaret Walker. C’est un programme de communication mettant en place des signes et des pictogrammes représentant un vocabulaire de base en 8 niveaux progressifs et offrant une représentation visuelle des concepts et des objets facilitant alors le partage d’informations. Ainsi, l’enfant apprend le signe qui correspond au pictogramme dont il se sert pour échanger.

Lors de l’apprentissage de la lecture, l’enseignant peut souvent s’appuyer sur les compétences orales de ses élèves, sur ses pratiques antérieures de la langue.

Chez l’élève avec autisme, ces pratiques sont parfois inexistantes, parfois celui-ci ne maitrise absolument pas l’oral et les pratiques pédagogiques doivent donc minimiser les références verbales.

Dans cette optique, pour Agnès Woimant il n’est pas nécessaire de parler pour apprendre à lire. La relation graphie-phonie et la conscience phonologique seront alors difficile et à aborder avec prudence, toutefois, celle-ci ne s’avère pas être un prérequis essentiel à l’entrée dans la lecture chez l’enfant.

Par ailleurs, l’enfant avec autisme est un « penseur visuel », on constate une « puissance du canal visuel par rapport aux autres sens et une prédilection pour le traitement visuel des informations »36, on observe un meilleur traitement des informations visuelles qu’auditives et une bonne mémoire photographique.

Pour la plupart d’entre eux, ces élèves s’avèrent plus à l’aise avec les images qu’avec les mots qui pour eux ne sont parfois qu’une langue « étrangère ».

Dans le cas présents, cette capacité semble fort intéressante en ce qui concerne l’identification par voie directe des mots, l’enfant peut alors mémoriser rapidement l’image globale du mot et sa forme orthographique, ces activités doivent s’avérer répétitives lui permettant une mémorisation efficace et une réassurance.

Une fois le capital mot de l’élève enrichie, il sera alors possible d’envisager de décomposer les mots en plus petites unités, abordant également un lexique de plus en plus large.

36 Pro Aid Autisme. Le programme TEACCH. En ligne : http://proaidautisme. org/le-programme-teacch/la chronologie des évènements et les

Afin que ces activités prennent du sens pour l’élève avec autisme, il sera pertinent d’accompagner ces mots d’images les représentant. Il est nécessaire que l’enfant trouve un intérêt concret, ainsi, on commence alors par l’utilisation de ce qui le motive.

Les supports doivent s’avérer concrets (on minimise le sens figuré, l’humour, le nombre de personnages, les inférences, on favorise une logique évènementielle linéaire, un début et une fin identifiable) et ne pas se baser sur « l’imaginaire » car l’élève aura du mal à se représenter ce qu’il lit (contes…).

Dans le même sens, en ce qui concerne la compréhension des textes, l’enfant avec autisme étant particulièrement attaché aux détails, celui-ci n’aura pas de mal à retrouver des informations dans un texte, néanmoins, il devra faire face à de nombreuses difficultés en ce qui concerne la chronologie, les inférences, les liens entre les éléments du texte, l’abstraction ou encore la symbolisation.

Cette compréhension reste essentielle pour une lecture fonctionnelle, il sera donc judicieux de partir de textes faisant référence à son quotidien composés de phrases simples que l’on pourra par exemple traduire en images, petit à petit, l’élève aura acquis un capital mot qui lui permettra de déchiffrer sans l’aide de celles-ci.

Il sera également important de travailler la syntaxe, la structure textuelle, l’univers de référence du texte, la création d’un capital de scripts, la situation de communication du texte ainsi que les émotions des personnages. On pourra travailler la compréhension des mots grâce à des lotos de mots par exemple.

Agnès Woimant appuie ces dires en précisant qu’il faut faire acquérir à l’élève une lecture fonctionnelle, le plus important, selon elle, est le lien entre l’image et le mot afin de créer une représentation mentale du mot (référents visuels) dans le but d’enrichir le lexique et d’entrer vers une lecture progressive de textes courts toujours en lien avec les intérêts de l’élève.

Bruno Egron confirme ceci en stipulant qu’il faut un grand entrainement pour associer un signifiant à un signifié, en effet, chez le sujet autiste, si l’image représente un manteau rouge, alors un manteau bleu sera vu comme un nouveau mot, la généralisation amenant à la conceptualisation est difficilement réalisable.

Pour cela, l’utilisation de référents visuels semble essentielle, il ajoute que quatre domaines sont à travailler en priorité : le déchiffrage, les personnages, la chronologie des évènements et les inférences.

Temple Grandin (1995), décrit, dans le même sens, son mode de pensée « Je pense en image. Pour moi, les mots sont comme une seconde langue.

Je traduis tous les mots, dits ou écrits, en films colorisés et sonorisés : ils défilent dans ma tête comme des cassettes vidéos…Quand je lis, je traduis les mots en films en couleurs, ou bien je stock simplement la photo de la page imprimée pour la lire plus tard, quand je cherche dans ma tête, je vois la photocopie de la page.

Pour retrouver des informations dans ma mémoire, je dois repasser la cassette vidéo. Il est parfois difficile de retrouver certaines données parce qu’il faut que j’essaie différentes cassettes jusqu’à ce que je trouve la bonne. Je continue de ne penser qu’en images »37.

Le Ministère de l’Education, dans son document d’accompagnement des programmes de 2008, affirme également la nécessité pour les élèves les plus en difficultés dans l’apprentissage de la lecture, d’avoir recours aux images, et ceux afin de faciliter les processus de compréhension « il s’agit moins d’entrainer à un décodage systématique et artificiel des images que de mobiliser la réflexion sur des indices et sur l’activité de compréhension elle-même »38.

37 Gepner, B. , « Constellation autistique, mouvement, temps et pensée ». Malvoyance de l’E’Motion, autres désordres du traitement temporospatial des flux sensoriels et dysynchronie dans l’autisme, Devenir, 2006.

38 Ministère de l’Education Nationale. (2008). Document d’accompagnement des programmes de 2008. En ligne : http://media. eduscol. education. fr/file/ecole/60/7/Lire-au-CP_136607. pdf

Afin de progresser en lecture, il sera donc possible d’utiliser différents supports visuels :

 

  • Les pictogrammes : Très utilisés avec les élèves autistes, image6

    ils permettent aux enfants de créer un lien entre l’image représentant un objet ou un concept et le mot associé. On cherche à ce que l’élève verbalise. Ces outils peuvent également être utilisés avec des élèves ne présentant pas d’autisme mais étant en début d’apprentissage de la lecture.

  • Les imagiers/photos : Ils sont basés sur le même principe que les pictogrammes. Afin de structurer la pensée de l’élève, il est préférable qu’ils soient réalisés par thèmes. Ils permettent aux enfants de se créer une « banque d’images » à partir d’une discrimination visuelle des différents mots et de s’approprier un lexique qui pourra être réutilisé lors de la construction de phrases.
  • Les codes couleurs : Ces codes peuvent être multiples, on peut alors utiliser différentes couleurs pour distinguer les syllabes, les phonèmes, les mots, les lettres muettes, afin d’aider l’élève à segmenter plus aisément sa lecture.
  • Les lettres mobiles : Il s’agit ici de lettres et d’images aimantées ou accompagnées de velcro permettant de créer des mots ou des phrases tels des puzzles. A. Woimant préconise d’ailleurs cette méthode de construction sans toutefois utiliser également une méthode plus globale du mot.
  • Les affichages : Ils permettent la visualisation et la mémorisation permanente des élèves, l’enseignant peut y faire des rappels lors des apprentissages.

IV. Problématique

Au regard de l’ensemble des informations recueillies précédemment au sujet des élèves avec autisme et des dispositifs pouvant être mis en place en classe, il est maintenant possible de proposer la problématique suivante :

En quoi les référents visuels peuvent-ils mobiliser les compétences que sont la mémoire, l’attention et la planification dans l’apprentissage de la lecture chez l’élève avec autisme ?

Je partirai de l’hypothèse qu’une pédagogie utilisant des référents visuels devrait aider les élèves autistes dans l’apprentissage de la lecture sur le plan de la mémorisation, de l’attention et de la planification.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La place des référents visuels dans l’apprentissage de la lecture chez l’élève avec autisme
Université 🏫: Université Paris-Est Créteil UPEC - Ecole supérieure du professorat et de l'éducation
Auteur·trice·s 🎓:
BEAUCOURT Elodie

BEAUCOURT Elodie
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche - Master 2 Métiers de l'Enseignement de l'Éducation et de la Formation MEEF - 2016 - 2017
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