Analyse des données: les difficultés de l’élève autiste

Analyse des données: les difficultés de l’élève autiste

Partie III : Résultats

Chapitre 1

Analyse des données

2.1 Une pensée par cas

Le corpus de sources que j’ai constitué grâce à la grille d’observation et aux tapuscrits d’entretiens semi-directifs m’a permis de dresser un profil de chaque élève faisant part de son contexte familial et de ses difficultés (cf. F. annexe 6 : études de cas).

Cette évolution, d’une démarche de comparaison vers une pensée par cas, est un ajout de dernière minute à ce travail de recherche, qui selon moi, était primordial afin de mettre en avant toute la singularité de chacun des élèves, mais aussi de replacer chaque fait dans son contexte.

Par conséquent, chaque cas présente, pour chaque élève autiste, et donc chaque enseignante observée et interrogée :

En premier lieu un descriptif des difficultés de l’élève (difficultés d’apprentissage et problèmes de comportement liés à son handicap), ainsi que son contexte familial dans le cas où les informations étaient accessibles.

En deuxième lieu, un inventaire des stratégies utilisées par son enseignante pour l’aider. Cette démarche, je l’espère, permettra aussi de proposer une lecture plus agréable aux lecteurs de ce mémoire, et d’offrir une meilleure compréhension de l’analyse et des résultats qui adviennent.

La pensée par cas est une vraie méthodologie. Selon Passeron et Revel, il s’agit d’un raisonnement descriptif où l’on procède par « l’exploration et l’approfondissement d’une singularité accessible à l’observation ».

Et ce, pour « en extraire une argumentation de portée plus générale, dont les conclusions seront réutilisables » (Passerons & Revel, 2005, p. 9). Ainsi, dans la démarche d’étude de cas, il est question de faire preuve par les faits, et d’effectuer une contextualisation ou une « montée en généralisation » de ces faits.

C’est donc un raisonnement qui va se réaliser du particulier au général.

L’avantage de cette démarche va être dans la richesse qualitative des données. Nous allons pouvoir clairement détailler et approfondir certains aspects des actions menées par chaque enseignante. Il faudra cependant prendre des précautions, afin de ne pas risquer une certaine partialité.

2.2 Analyse comparative de la grille d’observation

Premièrement, nous allons nous intéresser aux stratégies en faveur des apprentissages.

Nous pouvons observer que, lorsque l’élève est atteint d’un niveau faible d’autisme (niveau 1), comme dans le cas de E. ou de T., l’enseignante ne propose pas de stratégie ou de structure particulière, mais utilise simplement une différenciation plus axée sur ses difficultés spécifiques (plus de recentrage sur la tâche ou plus de stimulations visuelles).

Les incitations sont principalement verbales, gestuelles et de positionnement. Même si ces incitations seront plus présentes qu’avec les autres élèves de la classe, celles-ci ne changent pratiquement pas la manière qu’à l’enseignante d’enseigner.

Le renforcement positif est également identique pour tous les élèves de la classe, avec un système de bons points et des gratifications régulières afin de les motiver.

Lorsque l’élève est atteint cette fois d’un niveau modéré voire sévère d’autisme (niveau 2 et 3), nous pouvons observer que les enseignantes proposent beaucoup plus d’outils et de stratégies diversifiées. L’utilisation d’incitations verbales, gestuelles et de positionnement restent systématiques, mais d’autres incitations viennent s’ajouter.

En effet, les enseignantes vont chercher à captiver différemment l’attention de l’élève, et vont être en recherche plus active de nouveaux outils, et de nouvelles stratégies afin de l’aider, car il présente de plus grandes difficultés. Une simple différenciation ne suffit pas, et les enseignantes se retrouvent à changer complètement leur manière d’enseigner pour s’adapter à l’élève.

Par exemple, elles vont travailler avec de nouvelles méthodes comme SACCADE.

Les activités, tout comme l’environnement, sont structurées de manière à maximiser les apprentissages dans les meilleures conditions possibles : limitation de l’espace par des coins distincts, organisation temporelle (timer, sablier, emploi du temps sur mesure), ou encore limitation des tâches à réaliser.

Deuxièmement, nous allons nous intéresser aux stratégies pour la régulation des comportements-défis. Dans tous les cas, les enseignantes ont pris en considération :

Le rôle du contexte, en prenant toujours en compte la globalité de la situation de l’élève pour pouvoir mieux comprendre les comportements problématiques et faire les bons choix.

Les quatre enseignantes ont d’ailleurs mis en place un climat positif et bienveillant au sein de leur classe, et ont réussi à tisser des liens de confiance avec l’élève. J’ai pu observer des postures d’enseignantes très actives et dynamiques.

L’attention de l’élève, en canalisant l’élève et en le recentrant sur la tâche à réaliser autant de fois que nécessaire. Plus l’élève va avoir des problèmes d’attention et/ou de motivation, plus les enseignantes utilisent les centres d’intérêt de l’élève afin de le stimuler.

De plus, les enseignantes prennent toutes en considération les limites physiques de l’élève. Par exemple, pour éviter le cumul de stimuli et la fatigue inutile, elles aménagent dans la journée des temps de pause.

La métacognition de l’élève, en stimulant positivement l’élève (en le valorisant, en le gratifiant et en l’encourageant au quotidien). Développer avec l’élève sa confiance en soi est primordial. Les enseignantes n’hésitent pas à y contribuer.

Le rôle des émotions, en proposant des séances ou des activités sur la gestion des émotions (Smiley, livres éducatifs, roue des émotions, relaxation…).

Que l’élève soit atteint d’autisme faible, modéré ou sévère, les problèmes comportementaux liés à un mauvais contrôle des émotions ou à une mauvaise gestion du stress sont bel et bien présents, et sont d’ailleurs handicapants au quotidien.

Les enseignantes observées semblaient vraiment laisser une place importante au développement des compétences émotionnelles de leur élève.

Enfin, nous pouvons remarquer que l’utilisation de programmes comportementaux comme ABA ou TEACCH ne se fait que par les enseignantes accueillant un élève ayant un autisme modéré ou sévère (niveau 2 et 3). L’infrastructure d’apprentissage est seulement modifiée si l’élève en a véritablement besoin. Cependant, nous pouvons tout de même noter que, dans tous les cas, les comportements positifs et les bonnes initiatives de l’élève sont encouragés et récompensés.

Cela nous montre, que même inconsciemment, les enseignants utilisent au quotidien des méthodes qui se rapportent à ce genre de programmes comportementaux.

Les quatre enseignantes observées ont vraiment le mérite de prendre du temps avec leur élève en étant attentives, à l’écoute et observatrices pour analyser les causes de chaque difficulté, afin de se pencher sur chacun de leurs besoins et ainsi trouver des solutions.

L’analyse comparative de la grille d’observation nous révèle finalement que, plus le niveau d’autisme est sévère, et donc que les difficultés d’apprentissage et les problèmes de comportements sont élevés, plus les enseignantes vont mettre en place des stratégies de plus en plus diversifiées et spécifiques.

2.3 Analyse comparative des entretiens semi-directifs

De nouvelles problématiques ont émergés lors des entretiens semi-directifs : les enseignants sont-ils suffisamment formés pour participer à une école inclusive ? Ou encore, pensent-ils que l’école ordinaire soit toujours bénéfique aux élèves avec autisme quelle que soit l’ampleur de leurs troubles ?

Autant de questionnements auxquels nous essayerons de répondre dans la suite de ce travail de recherche. À l’aide du tableau comparatif, nous allons pouvoir comparer les réponses de chaque interviewé pour chacune des questions posées.

Notre analyse se fera par thème, en suivant l’ordre des questions du guide d’entretien.

2.3.1 Thème 1 : le vécu personnel

Le premier thème de l’entretien semi-directif « le vécu personnel », a permis de connaître un peu plus nos interviewés, leurs années d’expérience auprès d’élèves autistes, leur souhait professionnel, mais aussi leurs formations dans le cadre de l’inclusion d’un élève autiste dans leur classe.

Le sujet de la formation a conduit à une grande problématique : Les enseignants sont- ils suffisamment formés pour participer à une école inclusive ? Sur quatre enseignantes interrogées, seulement une avait été formée pour accueillir des élèves autistes dans sa classe, Mme T.

Les autres n’ont eu accès qu’à des animations pédagogiques sur le spectre autistique, et se réfèrent seulement aux éducatrices, aux AESH, ou à la conseillère pédagogique si des questions persistent.

Ainsi Mme E., Mme F., et Mme U., sont dans un processus d’auto- formation constante afin de trouver des solutions. Mme U. m’a fait part de sa déception : « Je pensais que j’aurais le droit à une formation type en venant enseigner dans une ULIS TSA, mais non, rien ».

L’auto-formation est-elle suffisante ? Une chose est certaine, l’insuffisance de la formation des enseignants paraît être l’un des principaux écueils de l’inclusion scolaire.

Le Ministère de l’Education Nationale admet qu’il y a des lacunes quant à la formation des enseignants. Déjà lors du 3ème plan autisme (2013-2017), l’un des cinq axes d’intervention était « la recherche et la formation de l’ensemble des acteurs de l’autisme ». Puis, c’est le 4ème plan autisme (2018-2022) qui a pris la relève avec l’objectif de renforcer davantage les formations.

Cependant, pour le moment, la plupart des enseignants qui accueillent des élèves en situation de handicap restent insatisfaits des opportunités de formation qui leur sont proposés (Thinet, 2019).

Selon Cappe, Smock et Boujut (2016), le fait que les enseignants manquent de préparation, de formation et de soutien adaptés pour accueillir convenablement les élèves autistes, serait la cause de l’augmentation de leur stress en raison de leur « sentiment d’incapacité à répondre aux besoins particuliers de ces élèves ».

Ainsi, plus un enseignant sera formé et préparé, moins il sera stressé au quotidien. Dans l’idéal, il faudrait former tous les enseignants à l’accueil d’autistes.

Dupin (2019) appuie sur le fait que développer les formations sur mesure est une réelle nécessité pour faire évoluer les représentations sociales et pour professionnaliser ceux qui accompagnent les autistes afin qu’ils puissent vraiment répondre à leurs besoins singuliers.

2.3.2 Thème 2 : Les stratégies mises en place pour aider l’élève autiste.

Le second thème concerne les stratégies mises en place pour aider l’élève autiste.

Les données recueillies lors des entretiens semi-directifs, couplées aux données de la grille d’observation, nous ont permis de réaliser des études de cas comportant, à chaque fois, une liste la plus exhaustive possible des stratégies utilisées par les enseignantes en fonction des difficultés spécifiques de chaque élève (cf. F. annexe 6 : études de cas).

Cette liste de stratégies ne fera pas l’objet d’une montée en généralisation, car on considère que chaque enfant est unique, et qu’ainsi chaque cas doit être pris en considération dans sa globalité et dans toute sa singularité, mais aussi en fonction du contexte qui lui est propre.

Seule la variable du niveau d’autisme, et donc de l’amplitude des difficultés observées, va avoir un réel impact sur les stratégies mises en place par les enseignantes.

2.3.3 Thème 3 : L’AESH, son rôle et son efficacité

Le troisième thème, « L’AESH, son rôle et son efficacité », m’a permis de réaliser une comparaison des points de vue de chaque enseignante sur la question.

Tout d’abord, j’ai pu observer une grande différence en ce qui concerne la place et le rôle de l’AESH auprès de l’élève autiste en classe. Chez Mme E., l’AESH est un point de repère pour l’élève et est là pour la rassurer en cas de problème. Le reste du temps, elle prend le rôle d’une ATSEM (fait les découpages, anime des ateliers, prépare le matériel…).

Chez Mme T. les AESH, bien que deux d’entre elles soient individuelles, s’occupent toutes d’un ilot avec cinq ou six élèves. Chez Mme F., l’AESH est une aide uniquement pour F.

Cette divergence entre le rôle que l’AESH devrait avoir et celui qu’elle a réellement sur le terrain dépend principalement des besoins de l’enseignante et de l’élève. Plus le niveau d’autisme de l’élève va être élevé, plus celui-ci va avoir besoin d’une aide soutenue.

Ainsi, lorsque l’élève a un niveau faible d’autisme (niveau 1) comme E. ou T., les AESH peuvent se permettre d’aider d’autres élèves ou de réaliser d’autres tâches, tant qu’elles restent alertes et disponibles en cas de besoin. Par contre, quand l’élève a un niveau modéré voire sévère d’autisme (niveau 2 ou 3), il est essentiel qu’il y ait constamment un adulte accompagnant.

Pour Mme U., il y a un véritable besoin d’AESH individuelle car elles ne sont parfois pas assez nombreuses en classe.

En ce qui concerne l’efficacité des AESH, trois enseignantes sur quatre sont satisfaites et pensent qu’elles ont un réel apport positif pour l’élève. Pour Mme E, qui a une relation très positive avec son AESH, l’aide apportée est très efficace car elle est très compétente : elle connaît les limites de l’élève, l’aide à devenir autonome…

A contrario, Mme U., qui a une relation plutôt négative avec les AESH de son dispositif, et qui se retrouve face à des désaccords pédagogiques, pense que leur efficacité est très limitée. Selon elle, les AESH ne sont pas assez formées et aident des élèves autistes sans avoir de connaissance sur le trouble.

Enfin, je suis me suis penchée sur un dispositif particulier qui a été mis en place dans le cadre d’un projet d’inclusion scolaire à Brugelette, en Belgique, où il y a deux enseignants par classe au bénéfice de tous les élèves : « l’un qui tire vers le haut, l’autre qui est derrière et qui pousse » (Resplendino, 2014). Le soutien est plus adapté et les élèves progressent en surmontant leurs difficultés.

Finalement, l’élève en situation de handicap n’est pas mis dans l’ordinaire juste pour être dans l’ordinaire, mais a une véritable réponse à ses besoins.

Si cela semble utopique, cette école a essayé de proposer quelque chose d’innovant, et aujourd’hui, c’est un système qui a déjà été gratifié pour ses résultats très positifs et convaincants.

C’est pourquoi j’ai voulu connaître le point de vue des enseignantes françaises lors des entretiens semis-directifs en leur posant la question suivante : « pour vous, vaut-il mieux une AESH par élève en situation de handicap, ou bien aucune AESH, mais deux enseignants par classe ? ».

Seules trois enseignantes sur quatre ont su me donner une réponse et à peine une enseignante sur quatre a été en faveur de deux enseignants par classe. Il s’agit de Mme E., qui argumente son choix en disant que l’AESH n’est pas formée de la même manière et a donc des lacunes en ce qui concerne la pédagogie. Selon elle, c’est un projet tout à fait réalisable, mais dans lequel les rôles de chacun doivent être bien définis. Mme F., quant à elle, argumente en défaveur de cette idée, en avouant qu’elle ne se verrait pas travailler avec un second enseignant dans la même classe.

En effet, ce changement apporte une incontestable évolution dans sa manière d’enseigner. On se rend compte que le changement d’une routine d’un enseignement individuel vers un enseignement partagé peut être difficile à concevoir pour certains enseignants. Si Mme

E. se projette facilement dans le partage de sa classe avec un autre enseignant, beaucoup d’enseignants ne semblent pas encore prêts à changer leurs habitudes de travail et à bousculer leur posture, voire même leur vision du métier d’enseignant.

2.3.4 Thème 4 : l’inclusion scolaire

Le quatrième thème concerne le sujet de l’inclusion scolaire. On le rappelle, l’inclusion scolaire est l’adaptation et l’amélioration du système scolaire afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque élève, sans aucune distinction.

Il ne faut pas la confondre avec l’intégration, qui est l’adaptation d’élèves perçus comme « différents » à un système scolaire dit « normal ».

Analyse des données: les difficultés de l’élève autiste

Illustration 2 : Schéma explicatif de la différence entre intégration et inclusion. (Bruxelles- Intégration, 2017).

Les enseignantes interrogées ont été amenées à me donner leur propre définition de l’inclusion scolaire. S’il n’est pas simple de mettre des mots dessus, chacune a réussi à me fournir une explication tout à fait cohérente, et aucune ne semblaient confondre inclusion et intégration.

Pour Mme E., l’inclusion c’est « accueillir à temps complet un enfant en situation de handicap. Que ce soit un retard scolaire, un handicap moteur, ou tout autre handicap. ». Pour Mme T., il s’agit d’« inclure les élèves dans chaque activité peu importe leurs difficultés ».

Elle ajoute que c’est aussi « apprendre à être plus tolérant et prendre des habitudes différentes.». Mme F. complète que c’est « offrir à l’élève une chance de réussir ».

Enfin, Mme U. nous donne la définition suivante : « L’inclusion, cela veut dire que c’est à nous de s’adapter aux élèves, et non l’inverse ».

Toutes ces remarques sont très justes, mais qu’en est-il sur le terrain ? Malgré leurs connaissances en termes d’inclusion, sont-elles réellement dans une démarche inclusive au sein de leur classe ?

Malheureusement, trois enseignantes sur quatre avouent que leur classe ne correspond pas à une réelle inclusion scolaire. En effet, Mme T. m’a fait part lors de l’entretien, que le dispositif d’inclusion des élèves de l’ULIS où elle enseigne n’est pas mis en place comme il le faudrait :

« Normalement les élèves sont dans des classes ordinaires et viennent dans la classe ULIS seulement quelques heures pour avoir une aide plus ciblée. Or, ici c’est l’inverse

: les élèves sont principalement dans la classe ULIS et s’en vont quelques heures par semaine dans des classes ordinaires. Les élèves rejoignent alors leur classe en fonction de leur niveau pour faire des maths et du français. »

Mme F. m’a également révélé qu’elle était dans le même cas, et Mme U. a notifié qu’il n’y avait pas de réelle inclusion chez elle non plus : « le dispositif ici fonctionne encore comme une CLIS. ».

Il y a donc un réel fossé entre ce que les enseignantes connaissent sur l’inclusion et ce qu’elles mettent en place concrètement dans la classe. Mais d’où cela peut-il bien provenir ? Qu’est ce qui fait frein à la mise en pratique de l’inclusion scolaire ?

Premièrement, deux enseignantes sur quatre mettent en avant un grand manque de moyens, de soutien ou de formation pour y parvenir. Selon Mme F., « Il faut plus de moyens pour mieux accompagner », car tout est à acheter et cela a un gros budget : les classeurs pour les syllabes, le coût des étiquettes, les impressions, la plastification…

De plus, les méthodes comme MAKATON, PECS ne sont pas assez accessibles en termes de prix, mais aussi en termes de formation.

En effets ces dernières sont payantes et tous les enseignants n’y ont pas accès. Mme U. est en accord avec Mme F. Elle aimerait utiliser des outils comme PECS, mais elle n’y a pas été formée. Ce manque de formation l’affecte particulièrement.

Pour elle, c’est une perte de temps considérable, car elle se retrouve à tout confectionner elle-même en s’inspirant de ces méthodes : « Je le fais parce que j’en ai besoin, mais il y a des limites ».

Selon l’enseignante, c’est un comble, car les élèves utilisent ces méthodes à l’extérieur de l’école, mais la continuité ne peut malheureusement pas être réalisée en classe à cause de ce manque de moyens et de formation.

C’est un travail épuisant pour Mme U. qui travaille deux fois plus pour créer ce matériel.

Deuxièmement, outre certaines problématiques dont les enseignantes n’ont pas le contrôle, nous pouvons aussi nous intéresser au regard plus personnel qu’elles peuvent porter sur l’autisme, ou le handicap en général.

Pensent-elles que l’inclusion scolaire des élèves autistes soit un atout pour leur réussite scolaire et personnelle ? Et pensent-elles finalement que tous les élèves en situation de handicap aient vraiment leur place à l’école quelle que soit l’ampleur de leurs troubles ?

Les réponses données par les quatre enseignantes sont unanimes : il y a des limites à la scolarisation en classe ordinaire. Si cette idée paraît totalement contradictoire avec le concept d’inclusion scolaire, chacune a pu argumenter cette réaction.

Pour Mme E., cela va dépendre du niveau d’autisme : « Le spectre autistique est tellement grand, l’inclusion n’est pas possible pour tous. ». La scolarisation en classe ordinaire est complètement faisable pour certains élèves, comme E. qui a de réels atouts pour réussir.

Celle-ci est même importante afin de tirer l’élève vers le haut et qu’il ne se sente pas en marge, cependant, il y aurait certaines conditions préalables, comme un temps scolaire aménagé et adapté.

Mme E. peut, en effet, se baser sur ses propres expériences professionnelles et personnelles. Pour elle, un élève perturbateur et violent empêche les apprentissages de ses camarades et n’a pas sa place à l’école ordinaire.

Elle donne aussi le cas de son neveu qui a un niveau sévère d’autisme et qui est beaucoup plus épanoui depuis qu’il a été placé en IME (Institut Médico-Éducatif).

Selon Mme T., l’inclusion dans les classes ordinaires est « humainement et pédagogiquement impossible ». De plus, si elle peut être bénéfique pour aider les élèves autistes à avoir une vie plus active, elle est convaincue qu’il est nécessaire qu’ils évoluent dans une structure adaptée, et celle-ci ne se trouve pas dans les classes ordinaires.

C’est ainsi un choix personnel de l’enseignante de ne pas inclure autant qu’il faudrait ses élèves dans leur classe respective, mais de les garder en ULIS pour les encadrer au quotidien et les aider à progresser à leur rythme.

Mme F., quant à elle, est assez mitigée. Pour elle, il est évident que l’enseignante ne peut pas avoir une attention soutenue tout le temps : « ce n’est humainement pas possible ». Le dispositif ULIS est donc nécessaire. Pour le moment, le fonctionnement de sa classe est cohérent à ce qu’elle souhaite, même si l’inclusion n’est pas totalement respectée.

Enfin, Mme U. est catégorique : « tous les élèves ne devraient pas être inclus, certains devraient être orientés ailleurs. ». Pour elle, tous ont leur place dans l’ordinaire, mais cela doit se faire dans de bonnes conditions, et pour le moment, ces conditions ne sont pas réunies.

Elle ne cache pas une certaine déception par rapport au fonctionnement de son dispositif, au point où elle se demande parfois quel est son rôle en tant qu’enseignante : « Où est ma mission ? Certains élèves n’ont rien à faire en ULIS, je suis plus une éducatrice qu’une enseignante ».

Finalement, selon Mme U., c’est tout le système éducatif qui serait à revoir : « pour bien faire, il ne faudrait plus un système avec des classes et des cycles, mais un système plus flexible avec des groupes réalisés selon le niveau de chaque élève et non en fonction de leur âge. ».

Nous le voyons, la pratique de l’inclusion n’est pas encore ancrée dans les esprits de certains enseignants et beaucoup de freins alimentent leurs réticences : un système non adapté à l’inclusion, des moyens qui laissent à désirer, un manque de formation, mais aussi un regard encore trop lourd sur le handicap, l’autisme, ou tout simplement la différence.

Les arguments de ces enseignantes sont légitimes et nous ne nous permettrons pas de contredire leur manière de penser ou d’enseigner. Nous remarquerons simplement qu’il n’est finalement pas si simple de changer complètement son regard sur l’élève et de cesser de l’observer comme quelqu’un ayant des déficits à combler et des retards d’acquisitions.

C’est un processus qui peut prendre beaucoup de temps, mais qui va être primordial si l’on veut un jour pouvoir affirmer que l’école est belle et bien inclusive.

2.3.5 Thème 5 : les mesures prises dans le cadre de la pandémie du Coronavirus

Le cinquième et dernier thème a été ajouté suite aux mesures prises dans le cadre de la pandémie du Coronavirus. En effet, en 2020, nous avons vécu une période difficile de confinement durant laquelle les écoles ont fermé leurs portes.

Il m’est alors paru intéressant de me pencher sur les aménagements mis en place par chacune de ces enseignantes afin de poursuivre l’accompagnement de leurs élèves autistes à distance. Toutes les quatre ont eu la gentillesse de prendre le temps de me répondre, ce qui m’a permis de comprendre un peu mieux leur fonctionnement.

Mme E. a mis en place un plan de travail adapté au niveau de E. Celui-ci est envoyé aux parents chaque semaine. L’enseignante les appelle d’ailleurs régulièrement pour prendre des nouvelles.

Mme T., quant à elle, travaille à partir de l’application classdojo. Tous les parents y ont accès. Elle y dépose le travail à faire et les élèves renvoient des photos de leurs productions. Parallèlement, l’enseignante appelle aussi les familles toutes les semaines pour savoir comment cela se passe à la maison. Selon elle, T. ne réalise pas ce qui se passe.

Mme F. m’a fait part des grandes problématiques de l’école à distance : « je n’arrive pas à gérer son accompagnement à distance. J’écris à sa maman régulièrement, je lui demande si les révisions avancent, mais je ne peux pas avancer dans les nouveaux apprentissages… Il faut du matériel, de l’interaction et tout cela n’est pas possible actuellement. ».

L’enseignante ajoute que le manque de cadrage à la maison ajoute encore des barrières supplémentaires. En effet, le comportement de F. est différent avec ses parents qu’avec l’enseignante et peut même parfois devenir incontrôlable.

Afin d’aider au mieux la fillette, Mme F. prépare des fiches de lecture et d’écriture pour les parents pour leur donner des exemples types d’entrainements qu’ils peuvent réaliser à la maison.

L’enseignante propose des programmes personnalisés de révisions, mais selon elle, malgré tout ce dispositif, l’écart entre les élèves est creusé davantage, entre ceux qui ont des parents qui assurent l’accompagnement de leur enfant, et les autres…

Enfin, Mme U. propose à ses élèves, en plus du travail à réaliser à distance, plusieurs pistes d’activités à mener au quotidien : des jeux, des tâches à réaliser avec les parents pendant le temps de confinement… Le but de l’enseignante est d’éviter au maximum les écrans. Elle échange également avec les parents deux fois par semaine.

Ainsi, les enseignantes réalisent toujours un travail de différenciation même à distance. Malheureusement, il est difficile d’accompagner convenablement les élèves dans ces conditions.

À la maison, ce sont les parents qui vont avoir un rôle primordial en aménageant le temps, l’espace, ou encore en donnant autant que possible des idées d’activités, mais aussi en gérant au mieux les comportements-défis. En effet, pour les autistes, le confinement, c’est une situation nouvelle.

Or, le changement, c’est précisément un élément qui peut les déstabiliser et générer des troubles du comportement.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Comment favoriser l’inclusion des élèves autistes ?
Université 🏫: Université de Lorraine - L’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation INSPE
Auteur·trice·s 🎓:
Marine ERBA

Marine ERBA
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation - 2019-2020
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