L’autisme sur le plan cognitif : mémoire, attention et planification

L’autisme sur le plan cognitif : mémoire, attention et planification

3. L’autisme sur le plan cognitif

Il est à noter fréquemment chez les enfants autistes, des particularités de traitement de l’information avec des difficultés notamment à trier, hiérarchiser ainsi qu’à relier les informations.

Les enfants autistes ont un fonctionnement cognitif particulier se caractérisant par « une altération de l’intégration et de la modulation des entrées sensorielles, un difficile transcodage des informations qui engendre une perception parcellaire, fragmentée de l’environnement et donc du sens des situations vécues, une absence du développement du langage pour les autistes de bas niveau ou lorsque le sujet l’acquiert, un langage idiosyncrasique et par conséquent non conventionnel »10. On constate également des difficultés de généralisation, de catégorisation et d’abstraction.

Ainsi, au regard de ces différentes difficultés, je traiterai particulièrement des fonctions exécutives de mémorisation, d’attention et de planification.

a. Mémoire

En ce qui concerne la mémoire, les recherches rapportent des capacités d’un individu à l’autre extrêmement paradoxales « d’une part, les observations cliniques, dont celles de Kanner, rapportent l’existence chez certains sujets autistes de capacités étonnantes à se rappeler des listes de noms, des itinéraires ou des mélodies complexes, évoquant une hyper-mémoire (visuo-spatiale, auditive ou même verbale).

D’autre part, les études expérimentales permettent d’inférer la qualité déviante de la mémorisation chez les enfants autistes »11.

10 Binisti, P. , (2015). « Une expérience d’enseignement de l’orthographe lexicale avec un élève autiste ».

11 Plumet, M-H. , « Fonctionnement cognitif et autisme : vers une articulation des troubles de la représentation et de la communication ». Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education

Marie-Hélène Plumet ajoute également en ce qui concerne la mémoire que les enfants avec autisme ne semblent pas s’aider de la structure sémantique ou temporelle des éléments pour les mémoriser, de même, la structuration du matériel à mémoriser ne semble pas améliorer leur capacité à se les rappeler.

Elle ajoute « qu’il s’agisse d’un problème d’encodage (faiblesse de la restructuration des données) ou de récupération, cela aboutit à une mémorisation très littérale encombrant probablement la mémoire de travail »12.

Une capacité exceptionnelle de mémorisation chez ces enfants serait alors non la preuve d’une intelligence supérieure mais la compensation d’un déficit ou une réorganisation cognitive déviante.

Dans la même optique, la première étude neuropsychologique de la mémoire dans l’autisme démontrait dans une épreuve impliquant l’encodage de mots sans liens sémantique ou syntaxique puis dans une épreuve où les mots appartenaient à un même groupe sémantique la non amélioration des capacités mnésiques des individus dans la tâche.

L’autisme sur le plan cognitif  mémoire, attention et planification

Ces enfants ne tiraient pas de bénéfices des traitements sémantiques et syntaxiques, ceux-ci n’utilisaient pas de stratégies censées faciliter l’encodage et la récupération.

En ce qui concerne la mémoire à long terme, les recherches de Minshew de 2001 et 2005 ont démontré que le profil mnésique de personnes atteintes d’autisme diminuait en fonction de la complexité des stimuli.

En ce qui concerne la mémoire de travail, et au regard de la précédente étude, il existerait une conservation de la boucle phonologique qui est « le sous-système qui maintient en mémoire les informations verbales entendues ou lues »13 et une atteinte préférentielle du calepin visuo-spatial qui est «le sous-système qui maintient en mémoire les informations visuo-spatiales et les images mentales »14 et ce d’autant la complexité des stimuli augmente.

En ce qui concerne la mémoire sémantique et épisodique dans l’autisme, plusieurs études notamment celles de Bowler et de McDermott ont montré une augmentation des réponses de type « know » et une diminution des réponses de types « remember » prouvant ainsi que ces individus s’appuient sur un sentiment de familiarité (mémoire sémantique) plus que sur leur mémoire épisodique.

On notera également chez les enfants autistes, une difficulté à garder une consigne de travail en mémoire et à passer d’un concept à un autre.

12 Binisti, P. , (2015). « Une expérience d’enseignement de l’orthographe lexicale avec un élève autiste ».

13 Centre de Réadaptation Fonctionnelle Neurologique. Comprendre la mémoire de travail. En ligne : http://www. crfna. be/Portals/0/MdTbrochurefinale. pdf

14 Ibid.

b. Attention

En ce que concerne le contrôle de l’attention, on observe dans l’autisme une grande difficulté notamment dans l’attention sélective c’est-à-dire dans la capacité à « se concentrer sur des stimuli choisis sans se laisser distraire par d’autres non essentiels.

Cela entraine une difficulté à sélectionner les éléments pertinents ou non dans une situation »15 ainsi que dans l’attention soutenue qui est « la capacité à préparer et à soutenir un niveau d’éveil afin de traiter les signaux prioritaires »16.

De même, les personnes avec autisme ont beaucoup de difficultés à conserver leur attention sur une tâche ou la consigne de la tâche en cours et à maintenir leur attention sur le long terme, ils ont également de grandes incapacités à inhiber les réponses automatiques et sur- apprises. L’appui sur les intérêts et les motivations de l’enfant semblent toutefois favoriser une meilleure attention.

Les personnes atteintes d’autisme ont une perception du monde différentes, on constate des anomalies dans le traitement des données sensorielles et ce notamment dans les domaines visuels, auditifs et tactiles pouvant de ce fait afférer leur attention :

  • Sur le plan visuel : on remarque une hypersensorialité chez ces enfants, ceux-ci ont beaucoup de difficultés à porter leur attention sur la globalité de l’environnement et se concentreront volontiers sur un détail minime et ciblé, il y a difficulté d’abstraction. Tout semble alors être en perpétuel changement. Selon Baron-Cohen, l’enfant chercherait à extraire des régularités ce qui entraine donc une focalisation accrue sur les détails.
  • Sur le plan auditif : on constate une hyposensibilité ou au contraire une hypersensibilité au bruit parfois même minime.
  • Sur le plan tactile : certains sujet présentent le besoin irrépressible d’entrer en contact avec l’objet présenté, par exemple, en le sentant ou le touchant ou au contraire ne supporteront pas le toucher de certaines textures. Il en sera de même avec ses pairs.

15 Lenfant, A-Y. , Leroy-Depiere, C. (2011). Autisme : l’accès aux apprentissages. Pour une pédagogie du lien. Paris : Dunod.

16 Ibid.

L’ensemble de ces flux ne font pas qu’afférer sur l’attention de ces enfants, un trop grand nombre de flux venus de l’environnement engendre une forte tension, le sujet peut se sentir submergé d’informations qui n’ont plus de cohérence, il y a sur stimulation et il peut alors se sentir en danger ce qui peut générer une souffrance psychique et également physique.

L’effort fournit pour redonner un sens à ces stimuli provoque un grand épuisement et il est parfois nécessaire pour l’enfant de se mettre en retrait, de faire des gestes brusques, d’hurler afin de se retrouver ou au contraire de se laisser tomber et de se relâcher.

Imaginons alors, les difficultés ressenties par les élèves avec autisme se trouvant dans une classe et recevant un nombre incalculable d’informations à traiter.

Il sera alors nécessaire de repérer ces sources de flux inadaptés afin d’en tenir compte dans l’aménagement de l’environnement de la classe et dans les méthodes d’apprentissage proposées à ce type d’élèves.

c. Planification

Concernant l’élaboration d’objectifs et de plans, amorcer une activité ou ajuster un comportement est souvent problématique.

En effet, la planification et la régulation d’actions (motrices et/ou mentales) dirigées vers un but final participeraient « aux difficultés d’apprentissage, de gestion des activités de la vie quotidienne et d’autonomisation »17 chez les élèves avec autisme.

On constate ainsi chez ces sujets des difficultés à entrer dans la tâche sans incitation préalable. De plus, en conséquence de la difficile mise en œuvre de la tâche de planification, le sujet ne sait donc pas en général anticiper, relier et hiérarchiser en actions et sous actions une activité car il ne se représentera pas le but final à atteindre, de même, il ne sera souvent pas capable d’évaluer l’adéquation du résultat atteint au regard du but initial.

Au regard de ces difficultés, on constate alors des difficultés en ce qui concerne la résolution de problèmes et évidemment en ce qui concerne l’élaboration de stratégies dans le but d’atteindre un objectif spécifique. On notera également chez certains enfants une incapacité à réexpliquer les stratégies utilisées lors de la réalisation d’une tâche scolaire.

17 CAIRN INFO. La mémoire dans l’autisme : 40 ans après. En ligne : http://www. cairn. info/revue-de- neuropsychologie-2010-4-page-310. htm

Notons également que « on observe, pour la majorité des autistes, un défaut d’anticipation posturale dans les actions bimanuelles, entrainant des anomalies de l’ajustement des postures et de la coordination entre l’œil et la main pour la motricité fine »18.

En ce qui concerne la planification d’une journée, l’élève avec autisme a besoin d’un environnement prévisible (emploi du temps…), les apprentissages doivent être ritualisés.

Plus précisément, on peut considérer le tableau suivant de Giasson en ce qui concerne les processus en lecture et en compréhension de textes :image1

Microprocessus :

  • Reconnaissance des mots : par décodage ou grâce au contexte (sens, illustrations). Les élèves doivent aussi comprendre que parfois la correspondance lettres-sons n’est pas possible, il faut trouver une prononciation adéquate.
  • Lecture par groupe de mots
  • Micro sélection : retenir l’idée principale de la phrase

18 SCEREN – Ministère de l’Education Nationale. Scolariser les élèves autismes ou présentant des troubles envahissants du développement. En ligne : http://media. education. gouv. fr/file/ASH/57/5/guide_eleves_autistes_130575. pdf

Processus d’intégration :

  • Utilisation des référents (visuels …)
  • Utilisation des connecteurs : anaphores, connecteurs de causes …
  • Inférences : viennent des connaissances du lecteur

Macro processus :

  • Identification des idées principales : peut dépendre de l’importance donnée par le lecteur
  • Résumé : Maintien de l’information avec économie de moyens. Chez le lecteur jeune, le résumé est souvent court car ils n’ont que peu retenu le texte

Processus d’élaboration :

  • Prédictions : Utilisation d’indices (illustrations, titres, personnages …)
  • Imagerie mentale : Production d’images spontanées, permet de créer des analogies ou des comparaisons
  • Réponses affectives : Engagement émotif dans la lecture permettant d’être plus actif mais pouvant modifier la compréhension
  • Raisonnement : Etre critique, porter un jugement sur un texte
  • Lienaveclesconnaissances :Ceslienspeuventparfoismodifierla compréhension

Processus métacognitifs :

  • Connaissance des processus et auto-évaluation : le lecteur doit connaitre ses limites, ses motivations, les stratégies à mettre en œuvre, les exigences.
  • Perte de compréhension : Savoir quand le lecteur comprend ou non, ce dont il a besoin pour comprendre

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La place des référents visuels dans l’apprentissage de la lecture chez l’élève avec autisme
Université 🏫: Université Paris-Est Créteil UPEC - Ecole supérieure du professorat et de l'éducation
Auteur·trice·s 🎓:
BEAUCOURT Elodie

BEAUCOURT Elodie
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche - Master 2 Métiers de l'Enseignement de l'Éducation et de la Formation MEEF - 2016 - 2017
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