L’échec des réformes de l’enseignement au Maroc
Section 3 :
L’échec des réformes de l’enseignement
§1- L’échec des réformes de l’enseignement
Plusieurs tentatives de réformes de l’enseignement se sont succédées au Maroc dont pour sortir de l’impasse. Le bilan des réalisations révèle qu’en dépit des efforts déployés et malgré les avancées, il reste encore du chemin à parcourir pour sauver et améliorer une situation d’éducation qui ne cesse en réalité de se dégrader.
La plupart des plans adoptés ne fonctionnent qu’à un niveau quantitatif, où, au contraire, il est nécessaire d’adopter un changement qualitatif et de mettre en œuvre une stratégie sûre et à long terme donc souvent ils sont voués à l’échec.
Cela peut s’expliquer par des changements inattendus de certains programmes : un temps plus ou moins long consacré à certaines matières, selon le potentiel des enseignants disponibles et l’idéologie général des parties gouvernementaux, l’ajout d’une année de scolarisation ou sa suppression (cinq ou six ans dans l’enseignement primaire ; trois ou quatre ans dans la licence fondamental …).
S’il est en effet facile d’imaginer que l’on peut se rattraper sue le problème logistique en mobilisant des ressources économiques, en agrandissant des salles et en construisant des collèges ou des lycées, on témoigne les fonds financiers qui ont été déboursés pour ces plans qui d’ailleurs n’ont même pas arrivé à combler le manque dont souffre encore les régions marginalisées et rurales.181
Exigé pendant une certaine époque, le projet initial d’uniformisation, d’arabisation et de marocanisation des secteurs de l’enseignement n’a pas amené les résultats escomptés et a été souvent mené de façon superficielle, suivant des stratégies improvisées non murement réfléchies.
Le bilan de l’évolution de l’enseignement depuis le protectorat a été décevant
La langue arabe au cycle primaire et le français aux études supérieures, la « darija » qu’on veut introduire comme premier langage maternel et « l’amazigh », des écoles de mission complètement francophones et d’autres publiques souvent marginalisées, l’entrée en vogue de l’anglais comme langue qui prévaut sur le marché international et qui oriente le secteur vers des instituts anglophones.
Le paysage des langues d’enseignement au Maroc reflète une désorganisation aux résultats finalement chaotiques.182
Grâce aux réformes successives de la dernière décennie, le Maroc a réussi à généraliser l’accès à l’enseignement primaire, mais les résultats en termes de progrès dans les cycles d’enseignement secondaire, d’amélioration de la qualité de l’apprentissage et d’équité sont plus mitigés.
Le Maroc s’est engagé à donner une nouvelle impulsion à son système éducatif à travers des réformes axées sur l’amélioration de l’apprentissage et de l’égalité à travers une nouvelle vision stratégique pour la réforme 2015-2030.
Sauf que la lenteur normative et les déficits accumulés, qui ont résisté aux réformes successives, sont autant de facteurs qui freinent l’enclenchement du changement.183
181 Zahra Riad. L’enseignement au Maroc : exigences éducatives et intrusions idéologiques [Education in Morocco : educational requirements and ideological intrusions]. 2020. ffhal-02429781f: P: 7
182 Zahra Riad. L’enseignement au Maroc : exigences éducatives et intrusions idéologiques [Education in Morocco : educational requirements and ideological intrusions]. 2020. ffhal-02429781f ; P : 4
1833 Mohammed Bijou, Narjis Bennouna. Dépenses publiques éducatives et performance scolaire au Maroc. Une analyse multiniveau à partir des données TIMSS 2015. 2018. ffhal-01689120f P : 18
§2- les causes de la faible qualité de l’éducation marocaine
Dans les années 90, le Maroc a entamé le processus de généralisation de l’éducation, des progrès significatifs ont été accomplis en matière d’équité et de parité dans l’accès à l’éducation, et l’objectif de la scolarisation universelle au niveau de l’école primaire a été atteint avant la date butoir fixée en 2015 par les Objectifs du Millénaire pour le développement.
Cependant, malgré les progrès et les avancées quantitatifs réalisées, le système éducatif marocain est encore loin derrière en termes de performances.
Une dynamique de dégradation et d’inégalité croissante
Dans l’échantillon, le Maroc a le système éducatif le plus inégal, suivi d’Oman, du Qatar, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Le soi-disant « véritable fossé scolaire » dans la société marocaine se traduit également par la polarisation du système éducatif.
Les écoles ne favorisent pas la mobilité sociale, mais ont tendance à reproduire les inégalités sociales fondées sur les origines socio-économiques des parents. Avec une méfiance généralisée à l’égard du système éducatif national, la demande d’inscription dans l’enseignement privé est en pleine expansion.184
Parmi les cinquante pays participant au PIRLS 2016, 34 ont obtenu des résultats remarquables Supérieur à la moyenne internationale il s’agit de principalement d’Europe, d’Asie et d’Amérique. Leur score moyen varie entre 581 points observes par la Russie à 511 observés France.
Seize pays n’ont pas franchi la moyenne International dont huit pays arabes participants, leurs scores vont de 450 aux Émirats arabes à 330 en Égypte, le Maroc devance ce dernier par score moyen 358 points alors que l’Afrique du Sud est en dernière position avec un score moyen de 320 points.
La part des élèvent marocains n’atteignant même pas le niveau de performance le plus bas reste importante (64%).
Ceci place le Maroc parmi les trois pays ayant une grande partie de leurs élèves qui ne maîtrisent pas les compétences les plus élémentaires en matière de compréhension de l’écrit (Égypte 69% et Afrique du Sud 78%).185
184 Classement Programme International de Suivi des Acquis mené par l’OCDE 2019
185 Instance nationale d’évaluation du système d‘éducation, de formation et de recherche scientifique ; Résultats des élèves marocains dans l’étude internationale sur le progrès en littératie PIRLS 2016 Rapport thématique https://www.csefrs.ma/wp-content/uploads/2019/05/Rapport-PIRLS-Fr.pdf
186 Rapport national SABER (Approche Systémique Pour De Meilleurs Résultats En Education) 2016; autonomie et redevabilité des établissements scolaires
Les écoles marocaines disposent de peu d’autonomie et les capacités de leadership pédagogique et de planification sont faibles
Les écoles marocaines ont très peu de pouvoir de décision en matière d’éducation et de gestion financière décisionnel de gestion pédagogique et financière et ne jouent aucun rôle dans le recrutement et la sélection du personnel éducatif.
Les écoles doivent suivre les programmes scolaires établis au niveau central.186
Bien que les écoles aient théoriquement la possibilité de décider de 15% du curriculum enseigné, en raison du manque de capacité pédagogique au niveau des écoles et du manque d’orientations claires de la part des autorités centrales, cette prérogative est souvent limitée aux activités extrascolaires ou l’organisation du soutien scolaire.
En matière de gestion financière, les écoles marocaines disposent de très peu de fonds discrétionnaires qu’elles peuvent utiliser à leur rythme pour répondre à des besoins imprévus ou développer un plan d’action pour améliorer la qualité des écoles.187
Les capacités de leadership pédagogique et de planification scolaire sont également faibles. Le rôle du directeur se limite principalement à la gestion administrative de l’école.
En fait, le directeur n’a pas de mandat clair pour la gestion pédagogique de l’école, par exemple, observer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans le cadre de l’évaluation des enseignants ou dans le cadre de l’évaluation de l’école ne fait pas partie de ses prérogatives.
La plupart des directeurs en exercice n’ont pas reçu de formation en leadership pédagogique et en planification.
Pour faire face à ce problème, le Maroc a introduit en 2015 un programme de formation initiale obligatoire pour les directeurs des nouvelles écoles avec des modules de formation en leadership pédagogique, planification et évaluation des écoles.
Toutefois, cette formation demeure principalement théorique et ne s’accompagne pas d’une formation continue pour développer la capacité des chefs d’établissement une fois en service.188
Financement du système d’éducation
Au Maroc, le niveau relativement élevé de financement de l’éducation ne s’est pas accompagné par une amélioration de la performance du système éducatif.
Bien que le budget ait baissé de 4% entre 2001 et 2013, le budget alloué à l’éducation représentait encore près d’un tiers (30%) du budget national total en 2013, soit le premier poste budgétaire national.
Les dépenses consacrées à l’enseignement primaire et secondaire représentent à elles seules 5% du PIB, ce qui est un pourcentage élevé par rapport aux pays ayant un niveau de PIB par habitant similaire à celui du Maroc.189
Les dépenses moyennes de l’État par élève pour l’enseignement primaire sont de 1310 USD, ce qui est comparable à la moyenne des pays à revenu intermédiaire en 2012 (1404 USD) et de 2519 USD pour l’enseignement secondaire, un taux deux fois plus élevé que la moyenne des pays à revenu similaire (1664 USD).
En fait le Maroc a fait de gros efforts pour financer les écoles primaires et secondaires, tandis que le financement de l’enseignement secondaire qualifié a légèrement diminué.190
187 Document de réflexion et d’orientation ; Qualité de l’éducation un enjeu pour tous constats et perspectives 188 Bergeron Léna ; Planification de l’enseignement et la gestion pédagogique de la diversité des besoins des élèves en classe ordinaire : une recherche collaborative au primaire ; 2016
189 Mohammed Bijou, Narjis Bennouna. Dépenses publiques éducatives et performance scolaire au Maroc. Une analyse multiniveau à partir des données TIMSS 2015. 2018. ffhal-01689120f
190 Examens de l’OCDE du cadre d’évaluation de l’éducation : Maroc
Malgré des investissements substantiels dans l’éducation, le retour en investissement du système en termes d’accès à l’éducation et de qualité de l’apprentissage est encore faible.
Par conséquent, par rapport au Maroc, les pays arabes et les pays à revenu intermédiaire ont des taux de scolarisation moyens plus élevés et des niveaux d’apprentissage plus élevés.
Ce manque de résultats lié au niveau d’investissement peut s’expliquer par des problèmes d’efficiences et d’efficacité de gestion des ressources humaines et financières et l’absence de mesures ciblées pour diminuer les écarts de performance entre les régions et les milieux ruraux et urbains.
La distribution des ressources par région et milieu demeure inégale
Contrairement à la pratique de certains pays de l’OCDE et des pays émergents, le Maroc n’utilise pas de méthodes de financement prenant en compte les caractéristiques de l’école pour apporter un soutien supplémentaire aux écoles les plus défavorisées.
Le Maroc mise principalement sur des programmes d’appui social ciblés pour encourager les étudiants des zones défavorisées à recevoir une éducation, comme le programme Tayssir, qui fournit chaque mois une petite aide financière aux parents d’élèves scolarisés dans les communes rurales les plus pauvres.
Cependant, le niveau de financement de ces programmes est encore limité et le ciblage des populations bénéficiaires manque de précision.
Par conséquent, la distribution des dépenses en éducation par région et par milieu est inégale.
Par exemple, la dépense par élève de collège en 2012 dans la région du Souss-Massa-Drâa représentait 1,5 fois la dépense dans la région Marrakech Tensift Al-Haouz bien que les deux régions aient des niveaux de revenu et des taux moyens de scolarisation similaires.
La distribution des ressources de l’éducation entre les zones urbaines et rurales ne reflète pas les priorités du Maroc en termes de généralisation de l’offre scolaire dans le milieu rural.
En effet, la majorité des dépenses en éducation en 2012 (65%) concernait le milieu urbain qui totalise 62% des élèves inscrits contre 32% pour le milieu rural qui représentent 38% des élèves scolarisés.
Le personnel éducatif ne disposant pas d’un statut juridique propre
Il n’existe pas de cadre réglementaire ni de référentiels appropriés aux spécificités de la profession d’enseignant. Comme dans la plupart des pays, la plupart des enseignants marocains sont des fonctionnaires du secteur public et dépendent du statut général de la fonction publique et ne disposent pas d’un statut juridique propre à eux qui prend en compte les spécificités de la profession d’enseignant en termes de réglementation de l’évolution de carrière, de besoins en formation continue et d’évaluation des enseignants.
Il n’existe pas non plus de référentiel de compétences des enseignants pour définir les compétences nécessaires à un enseignement de haute qualité et pour guider le recrutement, la formation, le développement professionnel et l’évolution de carrière des enseignants marocains.
En raison de blocage par les syndicats enseignants, des tentatives de création d’un tel référentiel en 2011 n’a jamais été couronnée de succès.191
191 Examens de l’OCDE du cadre d’évaluation de l’éducation : Maroc ; Evaluation des enseignants : fournir un retour d’information et des lignes directrices pour rehausser les normes professionnelles ; 2018
La formation limitée des enseignants marocains
Le niveau de qualification des enseignants marocains varie considérablement et le niveau de compétences pédagogiques est encore très bas.
Bien que tous les enseignants qui sont entrés dans la profession après 2007 aient au moins le niveau de qualification DEUG ou Licence, le niveau de qualification minimum requis avant 2007 était un niveau secondaire qualifiant.
Ainsi, en 2015, plus des deux tiers des professeurs de mathématiques de quatrième année du primaire étaient titulaires d’un diplôme d’études secondaires.
En outre, le contenu et la durée de la formation initiale des Centre régionaux des métiers de l’éducation et de la formation (CRMEF) ne peuvent fournir aux enseignants les compétences pédagogiques nécessaires pour les aider à dispenser un enseignement de qualité dans les écoles et la formation des enseignants est sous-développée.192
Des dysfonctionnements dans la gestion des flux d’enseignants et leur déploiement dans les écoles
Le déploiement des enseignants sur le territoire connaît un déséquilibre structurel, c’est à-dire que alors que certaines écoles connaissent un sureffectif, d’autres peinent à attirer des enseignants.
Ce déséquilibre dans le déploiement des enseignants et la sous-utilisation du temps en classe représente un coût non négligeable pour le système éducatif.
En effet, les salaires non justifiés, c’est-à-dire des salaires perçus par les enseignants n’assurant pas la totalité de leurs horaires d’enseignement, représentent 11,5% de la dépense salariale globale en 2014.193
Par ailleurs, des difficultés de projections des besoins en recrutements ont entraîné à plusieurs reprises, lors de la décennie écoulée, le recours au recrutement en urgence d’enseignants contractuels.
Par exemple, en 2017, 24000 enseignants supplémentaires ont dû être recrutés en urgence pour combler des besoins dans certaines Académie Régionales d’Education et de Formation.194
Les faibles acquis des élèves dès les premières années d’apprentissage
La grande majorité des étudiants marocains en fin de scolarité obligatoire n’atteint pas le niveau nécessaire à la poursuite des études et à l’intégration sur le marché du travail.
Les derniers résultats fournis par le Programme national d’évaluation des acquis des élèves (PNEA) montrent que plus de 60% des élèves marocains en deuxième et troisième années du secondaire collégial n’atteignent pas 5/10 de la moyenne en mathématiques, en arabe et en français.195
Les scores des étudiants marocains du secondaire collégial marocain sont aussi bas que ceux des étudiants des pays participant à l’enquête Tendances internationales dans l’enseignement des mathématiques et sciences (TIMSS) qui mesure la performance des élèves en mathématiques et sciences, et à l’enquête du Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) qui mesure la performance des élèves en lecture.
A titre d’exemple, une majorité des élèves marocains n’atteint pas le niveau d’apprentissage le plus bas de l’enquête TIMSS 2015.
Rapporté à l’échelle de performance de l’enquête PISA, les élèves marocains de 15 ans ont en moyenne 4 années d’apprentissage de retards par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Ainsi, le Maroc fait partie des trois derniers pays en mathématiques, avec un score de 377 et occupe l’avant dernière place en sciences avec un score de 352.196
192 Revue internationale d’éducation de Sèvres ; Zerrouqi Zahra ; Les performances du système éducatif marocain 2015
193 Allocation et utilisation des enseignants ; UNESCO 2015
194 Examens de l’OCDE du cadre de l’évaluation de l’éducation Maroc 2018
195 Conseil supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique / Instance nationale d’évaluation du système d’éducation de formation et de la recherche scientifique ; rapport analytique Programme national d’évaluation des acquis des élèves 2016
196 Conseil supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique / Instance nationale d’évaluation du système d’éducation de formation et de la recherche scientifique ; Rapport thématique, Résultats des élèves marocains en mathématiques et en sciences dans un contexte international TIMSS 2015
Les lacunes d’apprentissage commencent dès les premières années de scolarisation pendant lesquelles la majorité des élèves marocains n’acquière pas des fondements solides en lecture et en mathématiques.
Par exemple, la majorité (57%) des élèves marocains de 4ème année de l’enseignement primaire ayant participé à TIMSS 2015 n’atteint pas le niveau de compétence le plus bas en mathématique.
Lors de l’enquête de l’Évaluation de la lecture dans l’enseignement de base (EGRA) en 2016 qui mesure les compétences de lectures dans les premières années d’apprentissages, près de la moitié (46%) des élèves de 2ème année du primaire n’ont pas été capable de lire aux moins un mot d’un paragraphe de texte adapté à leur niveau théorique d’apprentissage et les trois quarts des élèves (76%) n’ont pas été capable de comprendre le sens du texte.
Ces niveaux faibles d’apprentissages dès les premières années d’enseignement entraînent des lacunes importantes dans les années suivantes et alimentent le décrochage scolaire.197
Les élèves marocains ne bénéficiant pas d’un enseignement pré-primaire les préparant à intégrer l’enseignement primaire
La plupart des élèves marocains entrent dans l’enseignement primaire sans bénéficier d’une éducation préscolaire de qualité qui les préparent aux apprentissages du cycle primaire.
Depuis 2000, le taux net de scolarisation des enfants d’âge préscolaire âgés de 4 à 5 ans au Maroc a considérablement augmenté, atteignant 52% en 2012, ce qui est supérieur à la moyenne des pays arabes (39%), mais bien inférieur à celle des pays de l’OCDE (84%).
Cependant, l’éducation préscolaire est principalement dominée par l’enseignement traditionnel, qui ne peut pas préparer les élèves à la lecture et aux mathématiques, alors qu’une éducation préscolaire de qualité est un facteur décisif qui influe sur le niveau d’apprentissage des élèves des cycles suivants, en particulier pour les élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés.
Le taux d’abandon scolaire élevé
L’abandon scolaire se traduit par une transition difficile pour les étudiants marocains vers la vie active, où leur faible niveau de qualification est un obstacle supplémentaire à leur intégration sur le marché du travail. Comme dans la plupart des pays, les jeunes de 15 à 24 ans sont les plus susceptibles d’être au chômage.
Le taux de chômage des jeunes en 2016 était de 21,3%, tandis que le taux de chômage pour l’ensemble de la population marocaine était de 10%.
En conséquence, le taux de chômage des jeunes au Maroc est plus élevé que celui des pays à revenu similaire (13% en moyenne en 2016), et le taux de chômage des femmes marocaines est plus élevé que celui des hommes.198
197 Examens de l’OCDE du cadre d’évaluation de l’éducation : Maroc ; chapitre 5 : Evaluation du système éducatif : informer les politiques d’éducation et responsabiliser les acteurs
198 Soumaya Maghnouj, Julie Bélanger, Marguerite Clarke, Elizabeth Fordham, Hannah Kitchen and Isobel McGregor ; Examens de l’OCDE du cadre d’évaluation de l’éducation : Maroc ; 2018
Il y a plusieurs raisons au taux élevé d’abandon scolaire précoce au Maroc. Des facteurs externes du système éducatif, tels que le niveau d’instruction des parents, le niveau de revenu familial et la pression économique qui oblige certains enfants à entrer tôt sur le marché du travail, sont étroitement liés à l’espérance de vie scolaire des élèves.
Par exemple, une enquête d’l’UNICEF en 2007 a montré que près d’un quart des enfants âgés de 6 à 11 ans des ménages les plus pauvres n’étaient pas scolarisés, contre seulement 3% dans les ménages les plus riches.
Les enfants des familles les plus pauvres sont également plus susceptibles de travailler (18%), tandis que le travail des enfants est rare dans les familles les plus riches.
En plus de ces facteurs externes, il existe également des facteurs au sein du système éducatif. En effet, l’offre scolaire dispensée est encore insuffisante en particulier dans les zones rurales qui ne peuvent pas accueillir l’ensemble des enfants en âge d’être scolarisé.
De plus, la violence à l’école, les faibles taux d’apprentissage et la pratique du redoublement sont également des facteurs internes qui font perdre la motivation des étudiants marocains et participent à des taux d’abandon élevés.
Au Maroc, l’abandon scolaire menace chaque année des dizaines de milliers d’élèves et les oblige à quitter l’école avant d’obtenir un certificat d’études ou même de terminer le cycle de l’enseignement obligatoire (primaire et secondaire).
En effet, en 2018, 431 876 élèves ont abandonné les cycles de l’enseignement scolaire public sans certification, 78% d’entre eux étaient aux cycles primaires et universitaires, cycles qui sont censés retenir les enfants en classe au moins jusqu’à l’âge de 15 ans.
La performance par région du système éducatif du Maroc est hétérogène
Bien que le Maroc ait lancé une politique de régionalisation avancée ces dernières années, il existe encore un énorme écart de développement humain entre les régions. D’une manière générale, la population adulte des zones riches a un niveau d’éducation plus élevé et l’espérance de vie à l’école est plus élevée que dans les zones pauvres.
Dans l’axe métropolitain de la côte atlantique s’étendant entre les villes de Casablanca et Kénitra, ainsi que dans la région sud, le niveau d’éducation de la population adulte est élevé (5,49 à 6,93 ans en 2010, supérieur à la moyenne nationale (4,72 ans).
D’une part, Taza Al Hoceima Taounat, la région la plus pauvre du Maroc, a le niveau d’éducation le plus bas pour la population adulte (en moyenne 3 ans).
Inégalité des chances
Le déficit dans « l’équité et l’égalité des chances » est dû à l’incapacité du système à répondre aux besoins des enfants en situation de handicap que cela soit en leur assurant une place dans le système scolaire ou en facilitant l’accès des scolarisés d’entre eux aux écoles.
À titre d’exemple, le taux d’enfants en situation de handicap non scolarisés et ayant l’âge de 6 à 11 ans est de 62,2% et la part des établissements du primaire ayant accès au matériel et infrastructures adaptés aux élèves en situation de handicap est de 17,3% seulement.199
199 Hddigui El Mostafa ; Population, développement et éducation ; Education : stratégie nationale en matière de scolarisation et d’alphabétisation
Classement mondial des universités marocaines
Les universités marocaines ont toujours du mal à se mettre au standard pour s’imposer dans le classement mondial des universités.
En effet, aucun établissement marocain ne figure dans le classement du cabinet indépendant Shanghai Ranking consultant, et publié mardi 15 août 2018, et seules trois universités marocaines figurent au classement « Times Higher Education » des pays émergents (2018).
Ces trois établissements se trouvent entre la 801ème et la 1 000ème places. 200
§3- Conséquences économiques importantes des faiblesses du système éducatif
La faible qualité de l’enseignement et le niveau des inégalités en matière d’éducation ont gravement affecté le développement économique et social du Maroc. À la fin de leurs études et même de leur carrière universitaire, même s’ils réussissent, les étudiants marocains courent un risque élevé de chômage.
En 2019 le taux de chômage parmi les jeunes de 15 à 24 ans atteint 24.9% (39.2 en milieu urbain) contre 7% parmi les personnes âgées de 25 ans et plus (9.9% en milieu urbain).
Le taux de chômage croit avec le niveau de qualification, il passe de 3.1% parmi les personnes n’ayant aucun diplôme à 15.7% pour les personnes ayant un diplôme et de 12.4 % parmi les personnes ayant un diplôme moyen à 21.6% pour celles ayant un diplôme supérieur.
Dans certaines catégories de diplômés, cette proportion est encore relativement élevée, notamment ceux qui ont des diplômes délivrés par les facultés (23,6%), des diplômes de technicien (23,9%) et des certificats en spécialisation professionnels (20,9%).201
Au Maroc, le risque de chômage avec un diplôme est trois fois plus élevé. Cette situation reflète un problème à savoir que la formation reçue ne correspond pas aux besoins du marché du travail, ce qui a été confirmé par les enquêtes conduites auprès des employeurs.
Cette question très sensible pourrait s’aggraver au cours des prochaines années, car les cohortes issues du processus de généralisation de l’accès à l’école arriveront sur le marché de l’emploi, avec un niveau d’acquis encore inférieur à celui des diplômés-chômeurs actuels.
Les raisons de la faible qualité de l’éducation au Maroc sont multiples
Ils sont courants dans de nombreux pays et régions : infrastructures insuffisantes, classes surpeuplées, cours et programmes surchargés, méthodes d’enseignement basées sur la mémorisation, formation insuffisante des enseignants, absence de contrôle et d’incitations à la performance, centralisation excessive, implication parentale insuffisante et le manque de suivi.
Une étude récente du Fonds monétaire international (FMI) a montré que les principaux déterminants de l’inefficacité du système éducatif marocain sont : la corruption et le manque d’éthique, le détournement de fonds publics, la formation des enseignants et le salaire relatif des enseignants.
Le FMI estime que si la qualité de la gestion budgétaire s’améliore (grâce à une meilleure allocation des dépenses publiques et un moindre détournement des fonds publics), si les incitations des enseignants étaient renforcées par une meilleure formation et une meilleure prise en charge ; et si, de manière plus générale, la qualité des institutions et de la gouvernance s’améliorait, les tests d’évaluation pourraient s’améliorer de l’ordre de 50 points.202
200 Medias 24 ; Classement Shanghai des universités, le Maroc toujours absent ; 2018 ; Classement Shanghai des universités, le Maroc toujours absent (medias24.com)
201 Haut-commissariat au plan ; Principaux indicateurs du marché de travail relatifs à l’activité, à l’emploi et au chômage 2019
202 Rapport annuel 2019 du FMI ; Un monde connecté