«7 révélations sur la violation de la présomption d’innocence par les médias»

Section II : Les manifestations de la violation de la présomption d’innocence par les médias

La présomption d’innocence semble de plus en plus inexistante pour les personnes soupçonnées de la commission d’une infraction au sein des médias. Cette situation est tout à fait inquiétante. Ainsi, il est important de s’intéresser aux manifestations de la violation de la présomption d’innocence par les médias. A la vérité, la violation de la présomption d’innocence par les médias se manifeste principalement par l’exercice abusif du droit à l’information (Paragraphe 1). Face à ces abus, des restrictions à l’exercice du droit à l’information s’imposent (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L’exercice abusif du droit à l’information

En vertu du droit à l’information, les médias disposent du droit d’informer le public sur des questions d’intérêt général. Ce droit s’étend à la couverture des affaires judiciaires. Toutefois, face aux abus observés, des restrictions d’ordre légal et jurisprudentiel ont été mises en place.

A- Le rôle classique des médias dans les procédures judiciaires

Les médias disposent du droit d’informer le public sur les questions d’intérêt général y compris les affaires judiciaires.

En effet, le droit à l’information prend racine dans la reconnaissance de l’intérêt légitime du public à être informé. Au Bénin, il est consacré par

l’article 6 du code de l’information qui garantit la liberté de parler et d’écrire, d’imprimer et de publier, de lire et de recevoir des informations, des idées, des pensées et opinions de son choix.

La fonction première de la presse est de livrer à la population une information exacte, rigoureuse, complète sur toute question d’intérêt public. Il est difficile de définir la notion d’intérêt public. Cette notion n’est pas statique mais en constante mouvance. Elle demeure générale et n’a de sens que si elle est appliquée à une société et à une époque donnée. Néanmoins, il est possible de prétendre que la notion d’intérêt public en information s’étend à tout ce qui est nécessaire au citoyen pour qu’il participe pleinement à la vie en société.

Ainsi, assurer une bonne information du citoyen est une nécessité fondamentale dans toute société démocratique. C’est en effet, par une juste information que celui-ci prend conscience non seulement de ses responsabilités au sein du corps social mais également des éléments qui peuvent déterminer ses choix dans le cadre de la participation à la vie démocratique de son pays.

Investi d’une véritable mission de service public, le journaliste est particulièrement protégé. Le droit à l’information du journaliste va de sa liberté de rechercher des informations au droit du secret des sources journalistiques.

Le droit d’être informé comprend en effet le droit pour les médias et les journalistes de rechercher et de transmettre l’information sans entraves ni contraintes, et le droit du public d’y avoir accès en toute liberté.

Pour être effectif, ce droit du peuple à être informé nécessite que le journaliste bénéficie en premier lieu de la liberté de chercher les informations et donc de ne pas se contenter de ce qu’il reçoit. Et en second lieu, la liberté de diffuser ces informations, mises en forme pour qu’elles soient utiles à la

compréhension de tous. C’est l’article 7 du code de l’information qui reconnaît aux journalistes, l’accès aux informations publiques43.

Le libre accès des médias et des journalistes à l’information et à leurs sources est une condition essentielle à l’existence d’une presse libre, à la satisfaction et au respect du droit du public à l’information. Les médias et les journalistes doivent alors être à l’abri de toute pratique ou intervention qui les empêche de s’acquitter de leur fonction dans la société. Cette indépendance et cette latitude leurs sont essentielles pour accomplir leurs tâches convenablement afin d’informer le public des faits, des événements et des questions d’intérêt public et de refléter le plus fidèlement possible les idées qui ont cours dans la société. Le libre accès de la presse à l’information est donc indispensable pour permettre aux citoyens de porter des jugements éclairés et pour favoriser un débat démocratique élargi et ouvert.

Ainsi, « nul, surtout un professionnel des médias, ne peut être empêché, ni interdit d’accès aux sources d’information, ni inquiété de quelque façon que ce soit dans l’exercice régulier de sa mission de communicateur »44 s’il se conforme aux dispositions de la loi.

De manière générale, dès lors que le journaliste n’abuse pas de son droit d’informer les lecteurs, les téléspectateurs en n’assortissant pas ses propos d’un commentaire anticipant ses certitudes quant à l’issue de la procédure, il n’y a pas d’atteinte à la présomption d’innocence. Pendant un procès, les journalistes sont libres d’écrire sur les audiences judiciaires, tant que leurs articles sont considérés comme fidèles. Mais, dans la pratique, tel n’est

43 Article 7 de la loi n° 2015-07 portant code de l’information et de la communication en République du Bénin: « Toute personne a droit à l’information. L’Etat s’oblige, à travers ses différentes structures et institutions, à garantir à toute personne, l’accès aux sources d’informations notamment publiques. Les services de l’Etat chargés de cette mission s’engagent par conséquent à fournir tout renseignement, à communiquer tout document et à veiller à faire constituer, au besoin, un dossier de presse à mettre à la disposition des professionnels sur tout sujet intéressant légitimement le public. ».

44 Article 8 de la loi n° 2015-07 portant code de l’information et de la communication en République du Bénin.

malheureusement pas toujours le cas. C’est pourquoi, il convient de s’attarder sur les procédés d’atteinte à la présomption d’innocence par les médias.

 

B- Les procédés d’atteinte à la présomption par les médias

D’après monsieur TRILLES OLIVIER : « La population surtout celle proche du lieu de l’infraction a un vrai besoin d’information. D’abord pour être rassurée. Ainsi, dans le cas d’un crime, les habitants veulent savoir si l’auteur du forfait est démasqué, s’il reste libre ou incarcéré afin d’aller et venir en toute quiétude. L’absence d’information créerait dans le cas d’espèce, une atmosphère de méfiance qui engendrerait ragot et suspicion. D’ailleurs, l’absence de compte rendu sur une affaire en cours pousse le citoyen à suspecter une dissimulation orchestrée par les puissants, surtout lorsqu’il s’agit de malversations financières. Néanmoins, l’écueil de cette mission sacrée consisterait à justifier certaines dérives, ces fameux scoops lancés à la une des informations sous prétexte de dénoncer une affaire. Chacun veut tout savoir et tout connaître : s’informer sur le déroulement de l’instruction et se persuader que la justice reste libre et indépendante. Pour le public, la matière judiciaire lui paraît vivante, captivante, émotive, pleine de suspense et d’émotion. La presse et les médias se plaisent à alimenter ce goût de la découverte en livrant chaque jour un nouvel épisode45 ».

Serge GUINCHARD qualifiait cette phase de la procédure pénale de

« procès hors les murs »46. Dans la même logique, Emmanuel DERIEUX affirmait que « le plus souvent, à l’occasion de l’ouverture d’une enquête policière ou d’une instruction judiciaire, sinon grâce aux premiers résultats obtenus par elles que des informations relatives à des crimes et délits commencent à être diffusées par les moyens de communication »47. Le devoir

45 TRILLES (O.), Essai sur le devenir de l’instruction préparatoire, Thèse de doctorat, Université de Toulouse, 2005, page 113.

46 GUINCHARD (S.), « Les procès hors les murs », in Droit civil, linguistique juridique, Mélange en hommage à Gérard CORNU, PUF, 1994, p. 201 et s.

47 DERIEUX (E.), Droit de la communication, manuel, 4ème édition, L.G.D.J, p.494.

d’information de la presse peut ainsi s’avérer inconciliable avec la discrétion qu’impose une enquête judiciaire.

Il apparaît ainsi que dans la course à l’audience, la presse en arrive à s’affranchir des principes de prudence les plus élémentaires et des règles les plus rudimentaires du procès équitable48. Etant donné qu’une infraction est un acte antisocial, elle suscite au sein de la population de par sa nature certaines réactions allant pour ou contre l’auteur de l’acte incriminé. Dans la plupart des cas, ces réactions déchaînent des passions amplifiées par la presse. Dès lors, le nom de la personne poursuivie est connu de tous, et dans les articles de presse, il est présenté comme coupable. Or, le respect de la présomption d’innocence induit que tant qu’une décision judiciaire définitive de condamnation n’intervient, la personne poursuivie doit être toujours présumée innocente.

Il est à noter qu’au niveau des médias, la recherche du sensationnel49 et une certaine concurrence entre les diverses maisons de presse et d’édition aboutissent à une publicité intempestive et préjudiciable aux intérêts de la personne poursuivie. Le fait est exacerbé vis-à-vis d’auteurs de crimes jugés crapuleux ou visant des personnalités du monde politique et des finances.

Ainsi, « médias et justice ne font pas bon ménage. A la recherche du scoop et du sensationnalisme, une partie de la presse semble parfois prête à tout pour diffuser une information. Et lorsqu’un potentiel scandale concerne un homme politique ou une personnalité publique, l’appétit des médias semble encore plus important, pouvant aboutir à un réel lynchage médiatique condamnant sans nuance un individu. Pourtant, il devrait exister un garde-fou

48 POIRMEUR (Y.), « Médiatisation de la justice : la lente construction d’un fragile équilibre » in

49 Le sensationnalisme (appelé parfois journalisme jaune quand il concerne la presse) désigne l’exploitation systématique par une partie des médias du goût pour le sensationnel d’une partie du public, ce qui produit une forte impression de surprise, d’intérêt, d’admiration. Ces médias, pour des raisons d’audience usent de procédés dramatisant certains éléments sordides et/ ou spectaculaires pour attirer l’attention des spectateurs ou des lecteurs. Ce faisant, ces journalistes donnent à l’information plus de poids et de portée qu’elle n’en a réellement.

important : la présomption d’innocence »50. Cette tendance de la presse à livrer en pâture à l’opinion publique, les personnes poursuivies révèle un mépris singulier à la dignité humaine, aux droits de la défense.

Le recours au sensationnel, l’utilisation de titres accrocheurs souvent trompeurs visent à attirer et capter l’attention du lecteur ou des téléspectateurs. Il en est de même de l’absence de précaution prises par certains journalistes qui, au lieu de faire usage du mode conditionnel dans leurs propos ou écrits font parfois des affirmations non fondées.

En outre, les termes utilisés pour désigner la personne mise en cause participe généralement à créer un climat de culpabilité. C’est ainsi qu’on entend régulièrement parler de l’ « assassin présumé », du « violeur présumé» plutôt que de parler d’un « suspect présumé innocent »51. Ce n’est plus l’innocence qui est présumée, mais la personne mise en cause qui est

« présumé assassin » ou « présumé violeur ».

Tous ces éléments constituent autant de procédés d’atteinte à la présomption d’innocence par les médias.

Face à cette violation de la présomption d’innocence par les médias, il faut noter que des restrictions d’ordre légal et jurisprudentiel sont apportées pour contrer les cas d’abus observés.

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La présomption d'innocence à l'épreuve des médias
Université 🏫: Université d’Abomey-Calavi - Faculté de droit et de science politique
Auteur·trice·s 🎓:
Luc ODUNLAMI

Luc ODUNLAMI
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master II Droit et Institutions Judiciaires - Ecole doctorale des sciences juridique politique et administrative - 2020 – 2021
Juriste (Droit Privé) .
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