Les stratégies secrètes de communication des églises

COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE

Parler de la communication organisationnelle, c’est certainement penser à toutes les formes de communication utilisées par l’organisation afin de se mettre en rapport et d’interagir avec ses publics. La communication organisationnelle est un ensemble hétérogène d’activités utilisées pour interagir et contrôler l’environnement.Les institutions religieuses utilisent des stratégies de communication pour contourner le pouvoir des médias et affirmer leur présence.

La communication organisationnelle est également utilisée pour établir des relations, créer des valeurs et des croyances, et augmenter la motivation et la performance.

Les institutions religieuses utilisent des stratégies de communication pour créer un sentiment d’appartenance et faire épanouir un sentiment d’identité partagée. Elles utilisent la communication pour créer un fort sentiment de culture et de valeurs partagées, ainsi que pour nouer des relations avec la communauté et accroître leur influence dans la sphère publique. Grâce à la communication, les institutions religieuses peuvent diffuser leurs croyances et valeurs communes et créer un sentiment de stabilité et de continuité.

Enfin, elles utilisent la communication pour atteindre leurs buts et leurs objectifs, tels que l’augmentation du nombre de membres et de dons, et l’accroissement de leur portée auprès de nouveaux publics. En utilisant la communication pour atteindre ces objectifs, les institutions religieuses sont en mesure de construire une présence forte et unifiée dans la communauté.

COMMUNICATION AU SEIN DES ÉGLISES : UNE PRÉSENCE SIGNIFICATIVE

La communication s’inscrit dans la religion à plusieurs niveaux. La première raison se trouve dans l’existence même de l’église comme institution. Je reprendrai les analyses de l’école de

Palo Alto. On ne peut pas ne pas communiquer. Comme le disent Cabin et Dortier, notre présence transmet déjà un message (Cabin P., Dortier J.-F. 1998). L’attitude seule est déjà un élément d’expression. Tel est le cas d’un professeur qui, même quand il est le seul à parler, sait qui l’écoute par les attitudes de ses élèves. Selon Croussy, il n’y a pas de non- comportement puisque l’expression se dégage toujours. (Croussy 1989 p. 45).

C’est le premier axiome de P. Watzlawick, fondateur de l’école de Palo Alto. Le contexte d’énonciation a fait l’objet d’intérêt de sa part. Et dans notre cas, rien que par le fait de se positionner en un lieu déterminé, une église communique déjà ses intentions.

Tout en allant dans le sens des missions qui les animent, les pasteurs ou les curés délivrent déjà un signal par la simple mise en fonction de leur bâtiment. Je peux approfondir cet aspect en l’étudiant par rapport au web. La présence d’une institution religieuse sur Internet véhicule déjà plusieurs messages. Sa présence sur la toile émet déjà un signe d’existence. Et comme le dit McLuhan, tout comme le réseau, le canal utilisé porte aussi du sens.

Selon Douyer et Dufour, la communication religieuse existerait dans l’essence même de la religion (Douyere D, Dufour S 2014). La communication existe par exemple lors de la prière, du culte et d’autres interactions. Et si l’on reprend l’élément clé du christianisme et de l’évangélisation, la religion existe par la communication et la transmission. Il s’agit de « faire des nations des disciples » (Verset 28 du chapitre 20 de l’Evangile de Matthieu, La Bible, version Louis Segond.), de faire à ce qu’on amène les hommes et les femmes à poursuivre les traditions, à capter et à s’approprier le message de l’Evangile, se l’approprier en vue de le porter à d’autres. Nous en parlerons plus en profondeur dans les prochaines lignes.

Néanmoins, ce qui serait pour différencier la communication d’église d’éléments culturels – comme la prière par exemple –, c’est en fait le caractère dispensable de la foi. Ainsi, la communication ne semble limitée ni par l’exercice de sa foi ni par l’existence de convictions personnelles du moment que celles-ci sont et viennent pour appuyer les messages émis par l’église, mais elles ne sont toutefois pas fondamentales.

SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE

Tant dans la vie d’une personne que dans la société, les organisations font partie intégrante des deux. Rejoindre et quitter des organisations fait partie de la vie sociale humaine. L’un des sujets étudiés en communication organisationnelle est la socialisation organisationnelle. Les spécialistes de la communication organisationnelle s’intéressent de près à ce processus depuis les années 1980. Selon Nicotera, la socialisation est le processus par lequel un individu devient membre/participant d’une organisation ou rejoint une organisation (Nicotera, 2019). C’est la même définition que donne Céline Sauvezon qui dit que « La socialisation organisationnelle s’intéresse à la façon dont un travailleur devient un membre performant de son organisation. Elle est étudiée depuis plusieurs points de vue : ce que met en place l’organisation et ce que fait le sujet lui-même pour se socialiser.»

Kramer (2010) a développé un modèle composé de six stratégies de socialisation observées à travers la communication organisationnelle. Les exemples que je présente dans chacune des stratégies de Kramer sont orientés vers le sujet de recherche des institutions religieuses.

Les membres d’une organisation peuvent être socialisés par des processus formels (par exemple, des ateliers et des formations formels) ou informels (par exemple, dans le cadre d’activités de bénévolat et d’apprentissage quotidien de ces activités).

Les nouveaux membres peuvent être socialisés en tant que groupe (par exemple lorsqu’ils entrent dans l’église ou dans une sorte de service religieux au même moment) ou en tant qu’individus.

La socialisation peut se faire de manière séquentielle (par exemple, un nouveau membre de l’équipe de louange doit d’abord maîtriser les chants, puis les compétences de présentation sur scène avant de passer au suivant) ou aléatoire (ce n’est pas un cas habituel/commun dans Más Vida, mais un exemple pourrait être lorsque de nouveaux participants à l’église apprennent les processus de manière plus libre et moins systématisée).

La socialisation du nouveau venu peut être sérielle (par exemple, à partir de la formation par une personne expérimentée dans le rôle dans lequel le néophyte va agir) ou disjonctive (comme dans la troisième stratégie, ce n’est pas un cas habituel/commun dans Más Vida, mais un exemple possible serait lorsque le système ecclésiastique serait plus libre et moins systématisé, les néophytes n’apprenant pas leurs rôles par des personnes expérimentées dans l’organisation).

La durée du processus de socialisation peut être fixe (par exemple, les néophytes ont un certain temps pour apprendre un aspect particulier de leur nouveau rôle) ou variable (par exemple, ils disposent d’un temps indéterminé pour apprendre leur nouveau rôle).

Les organisations peuvent s’appuyer sur le désinvestissement (par exemple, en essayant de diminuer les caractéristiques individuelles des participants, comme dans le cas du camp d’entraînement militaire) ou sur l’investissement pour socialiser les membres (par exemple, l’organisation embrasse les caractéristiques individuelles et les talents des nouveaux membres en permettant et en encourageant leur développement dans leur rôle au sein de l’organisation).

COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE RELIGIEUSE

Les personnes sont regroupées par leur foi commune dans des organisations qui leur semblent les plus appropriées pour exprimer cette foi. La société est influencée par les croyances des individus et des organisations religieuses, qui cherchent à exprimer leur foi et leurs valeurs morales. Ces organisations s’efforcent de partager leurs valeurs et leur identité à travers des stratégies de communication, visant à contribuer au développement de la société et de sa relation avec le divin.

Ces organisations utilisent une variété de stratégies pour communiquer leurs valeurs et leurs croyances, notamment des campagnes de relations publiques, la sensibilisation des médias, la participation communautaire et les services religieux. Par exemple, de nombreuses organisations religieuses et des individus s’engagent dans des activités caritatives dans leurs communautés, comme fournir de la nourriture et des vêtements à ceux qui en ont besoin. Ils organisent également souvent des services religieux, des études bibliques et d’autres événements pour promouvoir leurs croyances. Comme le dit La Porte, « certaines organisations religieuses promeuvent leurs croyances en proposant des programmes

éducatifs et des ateliers pour éduquer les gens sur les enseignements de leur foi. » (La Porte, 2010). Pour La Porte, l’institution religieuse doit avoir les éléments suivants : mission, identité, activité et culture (La Porte, 2010).

La mission est l’objet, la raison d’être de l’institution. L’objet général des institutions religieuses, par la nature de leur fonction, peut être placé comme l’objet du salut et de la vie éternelle.

L’identité est l’ensemble des éléments qui constituent la spécificité de l’institution religieuse. Les caractéristiques qui la rendent différente des autres institutions religieuses ou même d’un même credo.

L’activité fait référence aux actions concrètes promues par l’institution religieuse. Cela comprend les actes de culte, les initiatives éducatives et l’assistance sociale.

La culture explique la façon dont ils vivent et communiquent l’essence de l’institution. La culture est directement liée au temps, une culture est créée par la démonstration d’une certaine façon de vivre, de certaines valeurs et d’une essence au fil du temps, conduisant ainsi à une reconnaissance publique de la culture de cette institution religieuse.

La Porte divise les publics possibles d’une institution religieuse en fidèles, ministres (hiérarchie), institutions similaires, autorités civiles, leaders d’opinion, fidèles potentiels, médias externes, médias institutionnels et le grand public lié à l’institution. Selon La Porte (2005), les principales caractéristiques de la communication organisationnelle religieuse se résument comme suit :

Elle est liée au marketing, à la publicité et aux relations publiques, mais n’est guère utilisée pour communiquer la personnalité d’une institution.

Elle cherche à établir des relations avec la société dans laquelle elle est présente à tous les niveaux, des individus aux grandes institutions.

La personnalité, les valeurs et la manière de communiquer des institutions sont essentiellement liées, ce qui signifie que la communication institutionnelle religieuse doit toujours être responsable de ses actions et de ses manières de communiquer à la société.

Il y a trois images dans la communication religieuse institutionnelle :

  • L’image souhaitée de l’institution
  • L’image réelle de l’institution
  • L’image de l’institution telle que perçue par les publics de l’institution

L’union de l’image désirée, de l’image réelle et de l’image perçue est liée aux relations publiques et donc à l’aspect publicitaire de la communication organisationnelle religieuse. Cela s’explique par la recherche d’une publicité structurée, sponsorisée et ciblée vers un certain public cible. Le but est de transmettre une certaine image à ce public afin d’atteindre ses objectifs institutionnels. Ce type d’actions stratégiques est autant la clé de la publicité que ce que font les institutions religieuses telles que Más Vida (Arens, 1999).

Ainsi, comme le dit Cleland, que ce soit à l’interne pour conserver la cohésion du groupe et ancrer les préceptes de l’institution ou à l’externe pour attirer de nouveaux adeptes et recueillir les fonds nécessaires pour survivre et se développer, les institutions religieuses ont appris à gérer leurs communications. Pour attirer des fidèles, les églises ont recours à la publicité (Cleland 1995).

Les stratégies secrètes de communication des églises

Pour recueillir des fonds, elles confient à des agences spécialisées leur stratégie. Pour évaluer l’importance de leurs compétiteurs, elles initient des recherches (Gerbner et al, 1984). Pour connaître le pouls de leurs ouailles, elles distribuent des sondages et reçoivent les appels téléphoniques (Baillargeon 1996). Et elles n’hésitent surtout pas à faire connaître ces démarches par des activités de relations publiques : conférence de presse, entrevue, grand rassemblement.

Comme le dit Bernard Dagenais « avec la baisse de la pratique religieuse dans de nombreux pays développés, avec les difficultés de recrutement de nouveaux membres, avec, en parallèle, la montée spectaculaire de l’idéal religieux sous toutes ses formes, que l’on qualifie d’intégrisme chez les uns ou de conviction profonde chez les autres, Dieu, les dieux, les religions, les sectes, les formes d’attitude spirituelles n’ont jamais tant eu besoin de communiquer, d’affirmer sinon d’imposer leur existence. »

RHÉTORIQUE ET MARKETING RELIGIEUX

Le marketing est une composante importante du comportement des consommateurs et consiste à stimuler l’activité cérébrale de ces derniers afin d’évoquer des émotions positives envers un produit.

Si Dieu n’a pas besoin de marketing, les églises si, puisqu’elles s’encouragent de plus en plus à utiliser des tactiques de marketing pour atteindre leurs fidèles. Cela se manifeste à travers des formes sensorielles et une esthétique de la persuasion, deux méthodes dont se servent les églises protestantes pour diffuser leur message.

LES FORMES SENSORIELLES

Le concept de formes sensorielles est une conception de la religion comme une pratique de médiation entre les humains et une divinité. Il s’agit d’un dispositif nécessaire pour exprimer la doctrine, les croyances et le dire rationnel des religions de salut comme le dit Weber. Les formes sensorielles sont un moyen puissant d’accéder et de se connecter au transcendantal dans les pratiques religieuses, comme le suggèrent les recherches de Birgit Meyer sur le pentecôtisme au Ghana. Max Weber reconnaît la relation ancienne entre la religion et l’art, où la religiosité s’exprime à travers des danses, des constructions et diverses matérialités.

Il suggère que si les religions veulent devenir plus globales, elles doivent incorporer l’art et les matérialités sensorielles. Néanmoins, la critique de Meyer est que cette vision entrave la compréhension du phénomène. Ainsi, les formes sensorielles sont essentielles pour moduler les praticiens en tant que sujets religieux, les enveloppant en particulier des pratiques culturelles et des normes sentimentales, et pour créer des formes d’art et de littératures plus subtiles et spirituelles pouvant être utilisées pour la propagande religieuse et l’influence politique.

L’utilisation de formes sensorielles dans les pratiques religieuses s’est développée au fil du temps, permettant à davantage de personnes d’accéder au transcendantal. Aujourd’hui, l’utilisation de l’art, de la littérature et d’autres formes de matérialité sensorielle est répandue dans de nombreuses traditions religieuses différentes et utilisée comme forme de dévotion. Les œuvres d’art, la musique et la littérature créée par les praticiens servent de forme de communication – une forme qui n’est pas seulement comprise par la communauté religieuse, mais qui sert également à exprimer leurs croyances et expériences spirituelles. De l’utilisation d’icônes religieuses à l’exécution de rituels et de cérémonies, les formes sensorielles contribuent à façonner les pratiques religieuses et créer un sentiment de connexion au

transcendantal. Ainsi, les formes sensorielles peuvent être vues comme un pont entre le monde matériel quotidien et le monde spirituel.

ESTHÉTIQUE DE LA PERSUASION

Selon Birgit Meyer, le concept d’esthétique de la persuasion est intrinsèquement lié aux formes sensorielles et se présente comme un outil dispensable pour expliquer comment la religion transforme les sens des sujets et comment elle permet des formes d’incarnation du divin à travers des formes sensorielles. Meyer soutient également que l’esthétique religieuse « autorise une distribution spécifique du sensible qui permet l’expérience religieuse ». Cette esthétique de la persuasion passe pour être un vrai moyen de conviction des religieux, qui explicite leur connexion au divin et influe dans la permanence religieuse des sujets.

De ce point de vue, la rhétorique, liée étroitement à cette esthétique de la persuasion, est un moyen incontournable servant à la communication et la persuasion. La rhétorique permet aux communicateurs de structurer leurs idées de manière qu’elles soient plus faciles à comprendre, et elle peut également être utilisée pour mettre en avant certains points et sous- points d’une présentation. La rhétorique est également un outil utile pour aider les auditeurs à mieux comprendre le message, surtout à améliorer ladite persuasion et à donner plus de poids à une argumentation.

Selon Karl Barth, « Dieu et les êtres humains sont liés par une relation réciproque de révélation et de réception. ». Pour Barth, Dieu révèle Sa nature aux êtres humains et ces derniers peuvent le recevoir et lui répondre par leur foi et leur engagement. Ainsi, Barth souligne « l’importance de l’engagement humain pour rétablir la relation entre Dieu et les êtres humains. »

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