Le dilemme juridique de l’embryon humain dans le droit ivoirien

L’embryon humain et son dilemme juridique de dans le droit ivoirien
Facultés universitaires privées d’Abidjan
Promotion: 2018 – 2019

Mémoire de fin de cycle en vue de l’obtention du diplôme de master de recherche
Option : Droit privé fondamental
Le statut juridique de l’embryon humain en droit ivoirien
Le statut juridique de l’embryon humain en droit ivoirien

Présenté et soutenu par :
YOZAN Tralou Cindy Marie-José

Sous la Direction du :
Professeur ALLA Koffi Etienne
Maître de Conférences Agrégé en Droit privé et Sciences Criminelles

JURY
Professeure Jacqueline LOHOUES-OBLE
Agrégée des Facultés de Droit, Professeur titulaire à l’U.F.R. S.J.A.P

Président :
Professeure Jacqueline LOHOUES-OBLE
Assesseur: Docteur KAKALY Jean-Didier
Docteur en Droit Privé

Année académique :
2018 -2019

DÉDICACE

À feu YOZAN Trah, mon père À MÉLÈDJE You Hélène, mon exceptionnelle mère

À YOZAN Florence, ma merveilleuse sœur

Remerciements

Je remercie la très Sainte TRINITÉ pour son soutien sans faille. Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à mon encadreur, le professeur ALLA Koffi Étienne pour sa compréhension, sa disponibilité et surtout sa rigueur. Je remercie les docteurs NANGOR Vincent, KEE Yves-Cédric et YAPO Bénédicte pour leur inestimable soutien. Je n’oublie pas le professeur LOHOUES Oble Jacqueline ainsi que M. ASSINDJO Patrice pour leur bienveillance. Mes pensées vont à l’endroit des MM. KOUMLAN Alphonse et ZOGBE Marcelin pour leur précieux soutien. Que Dieu bénisse toutes les personnes qui m’ont encouragé et porté en prière durant la rédaction de ce mémoire !

Avertissement

La faculté de droit des « FUPA » n’entend donner aucune approbation ni improbation aux propos contenus dans ce mémoire. Il n’engage que son auteur.

Quel est le statut juridique de l’embryon humain ?

Abréviations et sigles

ADN : Acide désoxyribonucléique

AIBEF : Agence ivoirienne pour le Bien-être familial

AIFUP : L’Association ivoirienne pour la Formation universitaire et professionnelle

AMP : Assistance médicale à la Procréation

CCNE: Comité consultatif national d’éthique

CEMB : Centre d’Éthique médicale et Bioéthique

CIB : Comité international de Bioéthique

CIGB : Comité intergouvernemental de Bioéthique

CIOMS : Conseil des Organisations internationales des sciences médicales

CPCCA : Code de procédure civile commerciale et administrative

CRIE : Centre de Recherches interactives et d’Expertise

CSA : Cellules Souches Adultes

CSE : Cellules Souches embryonnaires

D&C : Dilatation et Curetage

Dress : Direction des Études et Statistiques du ministère de la Santé

DPN : Diagnostic prénatal

DPI : Diagnostic préimplantatoire

FIV : Fécondation in vitro

FIV-D : Fécondation in vitro avec Donneur

FIVETE : Fécondation in vitro et transfert d’embryon

IAC : Insémination artificielle avec sperme du conjoint

IAD : Insémination artificielle avec sperme du donneur

ICSI : Micro injection Intra-cytoplasmique des spermatozoïdes dans les ovocytes

IMSI : Intra Cytoplasmic Morphologically Selected Sperm Injection

IPPF : International Planned Parenthood Federation,

IVG : Interruption volontaire de Grossesse

JORCI : Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire

JORF : Journal officiel de la République de France

OMS : Organisation mondiale de la Santé

PMA : Procréation médicalement assistée

RRJ : Revue de la recherche juridique

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

Est-ce qu’un fœtus est une personne juridique ?

Sommaire

INTRODUCTION1
PREMIÈRE PARTIE : UNE NATURE JURIDIQUE INDÉCELABLE DE L’EMBRYON HUMAIN EN DROIT IVOIRIEN10
CHAPITRE I : UNE QUALIFICATION CIRCONSTANCIÉE11
Section I : L’influence des droits patrimoniaux sur la qualification de l’embryon humain12
Section II : La présentation des différentes catégories de la summa divisio23
CHAPITRE II : L’ATTRIBUTION D’UNE QUALIFICATION MITIGÉE A L’EMBRYON HUMAIN PAR LA SCIENCE38
Section I : L’appréciation de la nature juridique de « personne humaine potentielle » de l’embryon humain39
Section II : Le résultat du manque de consensus : l’instrumentalisation de l’embryon humain52
DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION DE L’EMBRYON HUMAIN EN DROIT IVOIRIEN : ENTRE RÉALITÉ ET UTOPIE67
CHAPITRE I : UNE PROTECTION RÉELLE AU REGARD DES MESURES CONCRÈTES PRISES68
Section I : La répression pénale des atteintes portées à l’embryon humain69
Section II : Des recommandations équivoques de la bioéthique pour la survie de l’embryon humain78
CHAPITRE II : UNE PROTECTION UTOPIQUE EN RAISON DU MANQUE DE RÉSULTATS PROBANTS
Section I : Le manque de suivi de l’effectivité des normes édictées en droit pénal93
Section II : La présence de failles dans les recommandations de la bioéthique103
CONCLUSION111

Introduction

« Rien ne vaut, parce qu’il est d’un prix infini, un être d’esprit »1. Cette citation attire l’attention sur le caractère sacré de la vie, en particulier celle de l’humain. En effet, ce dernier est doué de certaines capacités qui permettent de le différencier des espèces animales et végétales qui sont sous sa domination.

On en déduit, qu’il n’y a pas de comparaison possible entre tous les bienfaits que peuvent procurer des découvertes scientifiques quelconques et la vie d’un être doté d’aptitudes particulières. Aucun avantage, quelle qu’en soit son utilité ne devrait surpasser l’être d’esprit en nécessitant le sacrifice de ce dernier. Cette citation marque de ce fait le grand intérêt porté à la vie, et ce, dès son commencement. Ce qui sous-entend que l’embryon humain y tienne une place de choix.

Cependant, lorsqu’il s’est agi d’adopter une attitude vis-à-vis de l’embryon humain, on a constaté un manque d’unanimité émanant de plusieurs sciences, en particulier du droit civil. Ce sont ces circonstances qui ont conduit à s’interroger sur la nature juridique de l’embryon humain en droit ivoirien. En effet, le droit civil est établi sur la base de fondements que constitue la summa divisio. Il s’agit d’une classification bipartite fondée sur l’observation de la nature et qui a donné lieu à la classe des personnes et à celle des choses. Ces deux catégories sont à l’opposé l’une de l’autre dans la mesure où les choses apparaissent comme des objets destinés à assouvir les désirs de l’homme.

Du grec embruon, de en (dans) et de bruein (croitre), qui croit à l’intérieur, qui se développe au-dedans2 , l’embryon humain désigne « le produit de la conception humaine pendant les trois premiers mois de la vie utérine, c’est à partir du quatrième mois que l’embryon devient fœtus en raison de l’apparition des caractères spécifiques de l’espèce humaine » 3. Faire allusion au statut juridique de l’embryon humain revient à chercher à l’insérer dans l’une des catégories juridiques préexistantes du droit afin de parvenir à trouver son régime juridique. Cette tâche qui semble aisée à première vue s’avère en réalité très délicate au point de créer des dissensions entre doctrinaires4. Ce qui semble plonger certains États dans l’impasse, y compris la Côte d’Ivoire.

1 BRUAIRE Claude, « Réflexions d’un philosophe », dans Des motifs d’espérer ? La procréation artificielle, coll. dirigé par E. Hirsch, Paris, Cerf, 1986, p. 76, cité par R. ANDORNO, La distinction juridique entre les personnes et les choses à l’épreuve des procréations artificielles, Thèse, Université Paris XII, L.G.D.J., 1996, p. 110.

2 Gérard Cornu, op. cit., p. 344.

3 Thierry Debard, lexique des termes juridiques, sous la dir. de Serge Guinchard, éd. Dalloz, 2012, p. 356. 4 On peut citer de manière non exhaustive, Andorno, Aude-Bertrand Mirkovic, Mémeteau Gérard, Claire Neirinck, M. Labbée, Singer.

L’embryon humain appartient à la catégorie des hommes en tant qu’un être humain. Si l’Homme est communément appelé « personne » dans le langage courant, c’est-à-dire « un individu de l’espèce humaine sans distinction de sexe », il n’en va pas de même en droit. La notion de « personne » va de pair avec la personnalité juridique. Celle-ci se définit comme étant, l’aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des obligations qui appartient, à toutes les personnes physiques et dans des conditions différentes aux personnes morales5.

En droit, la personne semble ne pas pouvoir être définie car elle est difficile à cerner et demeure en constante évolution. Il est possible de se faire une idée de cette notion lorsqu’elle est appréhendée comme désignant un « être qui jouit de la personnalité juridique » 6. La personne morale faisant office de groupement doté, sous certaines conditions, d’une personnalité juridique plus ou moins complète.

Plus précisément, elle désigne un sujet de droit fictif7 qui, sous l’aptitude commune à être sujet de droit et d’obligation, est soumis à un régime variable, notamment selon qu’il s’agit d’une personne morale de droit privé (association, société, groupement d’intérêt économique, syndicat) ou d’une personne morale de droit public (état, département, commune)8. Il est à souligner que la personne physique est au cœur du droit, raison pour laquelle celui-ci régit les différentes étapes de son existence.

Toutefois des divergences subsistent en ce qui concerne le commencement de la vie, en particulier l’animation de l’être. Selon les biologistes, la vie prend forme à la conception. Celle- ci consiste en la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovule donnant lieu à l’apparition de cellules qui au fur et à mesure de leur développement changent d’appellation. Ainsi passe-t-on du zygote9 à la morula qui un très jeune embryon dont le nombre de cellules est de huit à trente- deux, puis au blastocyste qui constitue une cellule d’un embryon formé par les premières divisions d’une cellule-œuf, pour parvenir à l’embryon et par la suite au fœtus. Cet avis des biologistes est remis en cause par des doctrinaires et des religieux.

Il s’avère que, le droit ne prend en principe en compte que la naissance pour attribuer la personnalité juridique. Exceptionnellement, l’enfant conçu peut en bénéficier bien avant sa naissance en application de l’adage « infans conceptus ». Le droit ne s’intéresse à l’embryon que lorsque celui-ci à un intérêt, notamment en matière de succession, donation ou legs ou encore en cas de litige sur sa filiation10. Il en est de même lorsqu’il s’agit de déterminer la période dite période légale de conception qui s’étend de la période allant du 180e jour au 300e jour avant la naissance.

5 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, éd. PUF, 2004, p. 666.

6 Ibid. p. 667.

7 Il est question de la théorie de la fiction et non de celle de la réalité.

8. Gérard Cornu, Ibid. p. 667.

9 Le zygote, cellule unique se divise en plusieurs autres cellules. Une première division à 30 heures est appelée blastomère. Une deuxième division après 20 heures est appelée segmentation. Arrivé à 12-16 blastomères (en 60 heures), nous avons la période dite morula. Jusqu’à 32-64 blastomères nous avons une distinction entre trophoblaste extérieur et nœud embrional (blastocyste). F. ALESSANDRO, « identité et statut de l’embryon humain », Revue de bioéthique et début de la vie- régulation des naissances et diagnostic prénatal, p. 2.

L’embryon humain est-il un sujet de droit en droit ivoirien ? Si oui, il devrait bénéficier de tous les avantages liés à sa nature. La différence de traitement dont il fait l’objet laisse perplexe. Le fait qu’il se développe dans le sein de sa mère semble être une raison suffisante pour lui dénier certains droits, dont celui relatif à la vie. En quoi réside donc l’intérêt des droits subjectifs qu’il peut acquérir avant la naissance ? Puisqu’il ne pourra en jouir qu’à certaines conditions.

L’intérêt théorique de ce sujet réside dans le fait que la question du statut juridique de l’embryon humain demeure d’actualité. Cette question se révèle tellement épineuse qu’on en vient à vouloir bouleverser les fondements du droit civil par la création de nouvelles catégories de personne. Il existe une floraison d’opinions sur le statut juridique de l’embryon humain. Ces différentes appréhensions de cet être suscitent une grande curiosité.

Quant à l’intérêt pratique, il ressort de l’élaboration par la Côte d’Ivoire d’un avant-projet de loi sur la santé sexuelle et reproductive. Il y est fait mention de diverses règlementations, dont celles relatives aux nouvelles techniques de procréation médicalement assistée. Celles-ci ont pour centre d’attention l’embryon humain. Le législateur ivoirien a tenu à se prononcer sur le devenir de cet être tout en essayant d’être en phase avec ses réalités.

Il est primordial de s’appesantir sur ces nouvelles résolutions afin d’en présenter les failles et faire des propositions en vue d’encourager le législateur à reconsidérer dans la mesure du possible certains aspects de la loi à venir.

Quelles sont les raisons pour lesquelles en droit ivoirien, bien qu’on ait donné l’impression d’avoir pris parti dans ce débat à travers certaines lois, notamment en droit pénal, la position adoptée n’en est pas moins clairement définie ? En outre, la question de l’embryon in vitro relance davantage le débat. Autant de raisons qui éveillent la curiosité et incitent à prendre part au débat pour comprendre les motivations des différentes parties et y apporter des éclaircissements.

Il est évident que même si durant les premières semaines de sa vie, l’embryon est un être vulnérable, il n’en demeure pas moins qu’il est porteur d’une vie naissante en raison de son développement intrinsèque en tant qu’individu. Comment se fait-il qu’un processus qui a pour aboutissement la naissance d’un enfant soit pris en considération qu’à son terme pour l’attribution de la personnalité juridique ? À quoi bon chercher à protéger l’embryon si l’on n’est pas à mesure de l’insérer dans l’une des catégories de la summa divisio ? Le fait de lui accorder la personnalité juridique devrait sembler évident.

10 À cet effet, voir le décret n° 64-478 du 8 décembre 1964, fixant la date de prise d’effet des lois concernant le nom, l’état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments. Il s’agit de la loi n0 64-381 du 7 octobre 1964.

Pourquoi le droit en général et le législateur en particulier sont-ils réticents à lui reconnaitre cette personnalité ? Les intérêts en présence, précisément économiques sont-ils surévalués au détriment de la vie de l’embryon humain ?

On s’aperçoit que l’embryon humain ne bénéficie pas à proprement parler d’un statut car on fait référence à lui de manière ponctuelle sans le qualifier. C’est ce qui justifie le fait qu’il soit au centre des débats et fasse figure de personne pour certains et de chose pour d’autres. À côté de l’embryon conçu in utero c’est-à-dire dans l’organe de gestation de la femme qu’est l’utérus, figure l’embryon in vitro, conçu en dehors d’un organisme vivant précisément en laboratoire. Ce dernier est au nom du progrès scientifique, sujet à de nombreuses manipulations qui ne font que remettre davantage en cause les principes s’attachant à la qualité d’humain.

Cet état de fait a nécessité l’intervention de la bioéthique11 qui est cette science qui vise donc à relever l’intérêt moral dans le domaine de la recherche médicale puisque touchant à la vie. Son rôle consiste à faire des recommandations en vue d’une prise de conscience pour la valorisation de la vie humaine. Celle-ci passe par l’octroi d’un grand respect à l’être humain. Par conséquent, aux êtres les plus fragiles dont la protection s’avère plus que nécessaire, à savoir l’embryon humain.

On comprend donc aisément le fait que les lois de bioéthique, assorties de sanctions pénales, s’inscrivent dans le cadre du respect du corps humain, l’étude génétique de la personne, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation, la recherche biomédicale sur une personne aux fins thérapeutiques ou scientifiques, les diagnostics prénatal et préimplantatoire12.

La Côte d’Ivoire n’a pas voulu rester en marge de tous ces changements, surtout que les avancées de la science ne laissent personne indifférente et touchent tous les États désireux de faire des prouesses dans le domaine de la médecine et plus précisément au niveau du développement de nouvelles techniques de procréation. Pour ce faire, elle a tenu à prendre part à l’élaboration des avis et recommandations du Comité international de Bioéthique de l’UNESCO13 (CIB) dont elle est membre. À cet effet, une commission nationale de l’organisation chargée de la bioéthique a vu le jour dans le pays et tient une chaire au sein de l’Université Alassane OUATTARA, ex-université de Bouaké.

11 Étymologiquement le terme bioéthique est composé de bio et éthique. Du grec, bios qui signifie vie et d’ethikos, ethos qui signifie moral, et qui attrait aux mœurs. La bioéthique est une analyse des questions éthiques soulevées par les sciences de la vie, les technologies et leurs applications, la médecine et les politiques de santé. C’est une réflexion qui prend en compte tous les champs affectés par les avancées scientifiques touchant les êtres humains dans leurs dimensions sociales, juridiques et environnementales.

12 Thierry Debard, op. cit., p. 113.

Il est à relever que cette chaire a été créée le 28 avril 2010 en Côte d’Ivoire et a été installée le 26 juillet 2010 à Bouaké. Au nombre de ses objectifs figure l’adaptation des savoir-faire et des comportements aux nouvelles exigences techniques éthiques qu’appelle le développement technique et scientifique. Elle œuvre aussi pour l’affirmation croissante des droits de l’homme.

En outre, la Côte d’Ivoire a gravi les échelons ces dernières années au sein du Comité intergouvernemental de Bioéthique. En effet, c’est le président du comité consultatif national de bioéthique de Côte d’Ivoire qui a été porté à la tête du groupe « 5 Afrique » dudit comité. De ce fait, le professeur Lazare POAME est appelé à siéger au bureau du comité intergouvernemental en sa qualité de vice-président et de représentant du groupe Afrique.

Il convient tout de même de différencier le CIB du Comité intergouvernemental de Bioéthique14 (CIGB), qui lui a vu le jour des suites de l’article 11 des statuts du CIB. Il a pour mission d’informer le CIB de son point de vue et de soumettre ses opinions, ainsi que ses propositions concernant la suite à donner aux avis et recommandations du CIB. Cela se fait par l’intermédiaire du Directeur général de l’UNESCO qui les transmet aux États membres, au Conseil exécutif et à la Conférence générale15.

Par ailleurs, les techniques de Procréation médicalement assistée (PMA) s’enracinent dans les mœurs des populations présentes en Côte d’Ivoire qui, auparavant avaient du mal à admettre le fait qu’on puisse concevoir un être humain hors utero. En effet, le constat est que les problèmes de stérilité des couples sont plus fréquents en Afrique que dans les pays occidentaux en raison de nombreux facteurs aussi bien personnels que sanitaires.

13 Le Comité International de Bioéthique (CIB), créé en 1993. Il est composé de 36 experts nommés par la Directrice générale de l’UNESCO pour un mandat de quatre ans sur la base d’une représentation géographique équitable. Ses membres encadrent les progrès des recherches dans les sciences de la vie et leurs applications en veillant au respect des principes universels. Il constitue la seule instance de portée universelle de réflexion en matière de bioéthique.

14 Le Comité Intergouvernemental de Bioéthique en acronyme (CIGB) a été créé en 1998 et est composé de 36 Etats membres dont les représentants se réunissent au moins une fois tous les deux ans pour examiner les avis et recommandations du CIB.

15 www.unesco.org/shs/fr/bioethics.

En Afrique en général, et en Côte d’Ivoire en particulier, le fait de ne pas pouvoir procréer est vécu comme un drame par les couples car ceux-ci sont pointés du doigt et deviennent la risée de leur entourage. Cette situation est d’autant plus insupportable en raison du fait que les membres de leurs familles, censés les réconforter, font preuve parfois d’intolérance à leurs égards. Les couples, remplissant les conditions, peuvent recourir certes à l’adoption dans ces circonstances.

Cependant, l’adoption étant perçue comme une fuite en avant par la conscience populaire ; bon nombre d’entre eux se résignent à entamer cette procédure et se sentent contraints de s’assurer une descendance portant leurs gènes.

En vue de permettre aux populations vivant en Côte d’Ivoire d’accéder à ces techniques, et surtout en comblant le déficit de cliniques privées qui s’y adonnent, un Centre de Recherches interactives et d’Expertise (CRIE) a vu le jour en Côte d’Ivoire en tant qu’une SARL (Société à Responsabilité limitée). Il a pour rôle de favoriser la recherche dans tous les domaines de la génétique. On peut citer entre autres la spermiologie, la cytogénétique pour la recherche des anomalies chromosomiques, la génétique humaine pour la recherche des maladies génétiques.

Bien que ces techniques fassent en quelque sorte rêver et suscitent l’espoir dans les cœurs des couples souffrant de stérilité, elles donnent lieu parfois à certaines pratiques sur l’embryon humain tel que le diagnostic préimplantatoire, qui permet de caractériser son statut génétique en recherchant certaines anomalies génétiques. Ce diagnostic conduit à une certaine classification des embryons et met par la même occasion à mal la dignité de cet être qui constitue un principe fondamental prôné par la Constitution ivoirienne. En effet, selon l’article 2 de la constitution : « tout individu a droit à la dignité humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ». Il en est de même pour le diagnostic prénatal qui quant à lui est effectué dans le cadre d’une grossesse in utero.

On en vient à se demander ce qui justifie cette négligence sur la personne de l’embryon humain. En jetant un regard du côté de la bioéthique et de la religion, on se rend compte que les avis sont aussi partagés comme c’est le cas des doctrinaires16. L’embryon humain jouit de la part de la bioéthique du statut de « personne humaine potentielle » qui traduit le réel embarras de ces défenseurs de l’éthique. Quant aux religieux, ils se conforment chacun pour sa part à ses préceptes. Cette qualification de l’embryon humain semble être la source de tous les abus dont il est victime.

16 Il s’agit des auteurs tels que Tooley, Engelhardt, Francis KAPLAN.

En droit ivoirien, on note une certaine originalité en ce sens que le droit pénal ne s’est pas inscrit dans les sillons du droit civil. Le législateur pénal a tenté pour sa part de trouver une qualification à l’embryon humain qui lui permettrait de mieux le protéger. Il est désigné en tant que « personne incapable de se protéger en raison de son état physique et mental ». Malgré la bonne volonté du législateur de préserver cet être de bon nombre d’agissements dégradants, l’on se rend compte que les choses peinent à aller de l’avant. C’est ce que démontrent les nombreux cas d’avortement par an et de décès maternels suite aux complications qui en résultent.

En l’absence de définition de l’avortement aussi bien dans le Code pénal ivoirien que dans l’avant-projet de loi sur la santé sexuelle et reproductive, on se réfère à celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Selon l’OMS, l’avortement est : « une intervention visant à interrompre une grossesse non désirée, soit par des personnes qui ne possèdent pas les compétences nécessaires, soit dans un contexte les conditions sanitaires minimales n’existent pas, ou les deux ».

Cet avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité a principalement cours dans les pays où l’avortement est illégal comme la Côte d’Ivoire, ou dans ceux où il est limité. Dans ces pays, on relève le fait que les femmes tentent parfois d’interrompre leurs grossesses elles-mêmes ou consultent des praticiens non qualifiés ou non autorisés. Il est à souligner que l’avortement évoqué ci-dessous est provoqué et se différencie de l’avortement spontané, communément appelé « fausse couche » qui survient en l’absence de manœuvres abortives exercées sur la personne de la mère, en un mot, il est dû à des causes naturelles.

En Côte d’Ivoire, le constat est que les populations outrepassent ces prescriptions légales avec une complicité coupable de tous les acteurs mis en cause en particulier ceux du domaine de la santé. C’est la raison pour laquelle ces derniers sont punis plus sévèrement. C’est ce qui ressort de la lecture des sanctions contre la pratique de l’avortement. La seule exception à la règle provient de l’avortement thérapeutique tel que mentionné à l’article 367 du Code pénal.

Ce type d’avortement est entrepris dans un but médical le plus souvent quand la grossesse devient dangereuse pour la santé de la mère. En effet, le législateur se devait de relativiser dans la mesure où, il existe des cas dans lesquelles le fait de mener une grossesse à son terme peut être fatal pour la mère. Dans ces circonstances, il est préférable de la sauver puisqu’elle constitue le socle de la cellule familiale. Les cas de grossesse pour lesquels l’avortement thérapeutique est autorisé et constitue une nécessité sont ceux de malformation du fœtus, de fœtus non viable. L’avortement thérapeutique y est fait dans les règles, en toute légalité et par des professionnels de la santé17.

Autant de raisons qui poussent certains organismes, aussi bien internationaux que nationaux18 à faire l’éloge de la légalisation de l’avortement en général et la promotion de l’avortement médicalisé en particulier. Ils estiment que cela constituera un bon moyen de lutte contre les avortements clandestins et favorisera une baisse du taux de mortalité maternelle.

La Côte d’Ivoire partage cette conception des choses puisqu’elle est signataire de l’Accord de Maputo. En effet, l’opportunité de cet Accord est mitigée en ce sens que la protection des femmes contre les mutilations génitales semble être un alibi pour la légalisation de l’IVG ; certaines mesures y figurant sont de nature à mettre davantage en péril la vie de l’embryon humain, qui semble livré à son sort.

Aussi, la curiosité scientifique et la recherche de l’amélioration de la condition humaine ont-elles motivé des recherches sur de nouveaux éléments du corps humain. Il s’agit des cellules souches embryonnaires (CSE). La recherche sur ces cellules crée un véritable engouement chez les scientifiques. Ceux-ci estiment qu’elles sont à mesure de venir à bout de nombreux maux qui minent nos sociétés, en particulier de ceux qui sont qualifiés d’incurables. Ils arguent que par l’usage de ces cellules l’on pourrait parvenir à des traitements inespérés et même bouter loin les limites de la génétique en accomplissant des choses extraordinaires.

Le constat est que l’on en est à des hypothèses issues des phases expérimentales. Certains progrès sont à relever à quelques endroits, mais ils sont beaucoup plus porteurs d’espoir que de résultats concrets. C’est du moins ce qui ressort des informations recueillies auprès du CIB. Il convient de relever que l’utilisation des CSE présente d’énormes risques sur lesquels tout État qui entend en autoriser la recherche devrait s’attarder. Il est question de conséquences irréversibles sur la santé qui causeraient de graves torts aux populations.

En Côte d’Ivoire, il n’est pas fait mention de la recherche sur ces cellules, en témoigne le silence de l’avant-projet de loi précité. Le CIB a tout de même laissé la latitude à tout État qui voudrait autoriser cette recherche, à élaborer ses lois en fonction de son environnement, tout en tenant compte des risques que cela pourrait engendrer. L’Association ivoirienne pour la Formation universitaire et professionnelle (AIFUP) et son Centre d’Éthique médicale et Bioéthique (CEMB) n’ont pas été en reste. Ils ont tenu à tirer la sonnette d’alarme en se prononçant sur les dangers de l’utilisation des CSE dans leur journal sur la bioéthique.

17 Barakissa Nassoumatan Traoré, « les avortements provoqués » mis en ligne le 28 décembre 2013 sur www.eduplus-ci.org.

18 L’AIBEF est une association ivoirienne qui œuvre à promouvoir les droits reproductifs et sexuels des femmes. Elle plaide en vue d’un assouplissement de la loi portant interdiction de l’avortement. En outre, la Société de Gynécologie et d’Obstétrique de Côte d’Ivoire (SOGOCI) milite en faveur d’un élargissement du cadre légal de l’avortement. Ces deux structures mettent en avant le taux élevé de décès maternels pour encourager les politiques à légaliser l’IVG « médicalisée ».

Certes, la question de l’embryon humain est primordiale. Mais en Côte d’Ivoire, le fait que ces techniques de PMA soient assez récentes dans les habitudes des populations conduit à un débat d’une faible intensité. La raison en est que tout ce qui se réfère à la vie semble relever du mystère, voir du sacré. Les points de vue donnant l’impression de converger, un certain consensus semble émaner des uns et des autres. Ce qui n’est pas le cas pour des États tels que la France et les États-Unis.

En effet, de fréquents débats ont lieu sur la question de l’embryon humain en raison d’un recours massif aux techniques de PMA par les habitants de ces pays. En Côte d’Ivoire, on observe une législation peu fournie en la matière. Il sera question de faire du droit comparé par moment.

Il apparait difficile de déterminer avec exactitude la qualification dont doit bénéficier l’embryon humain. Cet état de fait rejaillit sur sa protection. L’on ne peut valablement défendre cet être qu’en fonction d’une nature clairement définie. C’est en vue de lever le voile sur les interrogations suscitées par ce constat que cette analyse se fera à travers deux parties essentielles. Il s’agira de se prononcer sur la nature juridique indécelable de l’embryon humain en droit ivoirien (1re partie) qui a pour corollaire une protection qui oscille entre utopie et réalité (2e partie).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le statut juridique de l’embryon humain en droit ivoirien
Université 🏫: Facultés universitaires privées d’Abidjan - Option : Droit privé fondamental
Auteur·trice·s 🎓:
Yozan Tralou Cindy Marie-josé

Yozan Tralou Cindy Marie-josé
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de cycle en vue de l’obtention du diplôme de master de recherche - 2018 -2019
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