Décryptage du système de conjugaison kifuliiru : similitudes et différences avec le français


1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Sous cette section, nous allons jeter notre dévolu sur le système de conjugaison du kifuliiru, une langue bantu, afin de relever les ressemblances et les dissemblances entre les deux langues d’étude.

Dans la conjugaison du kifuliiru et des langues bantu en général, il convient de classer les formes verbales en deux grandes catégories : les formes verbales dites tabellaires et les formes verbales non tabellaires.

3.2.1. Les formes verbales tabellaires

Les formes verbales tabellaires sont « celles où les radicaux sont soumis à toutes les distinctions, c’est-à-dire l’ordre, le temps, l’aspect, la personne et le nombre » (A.E., MEEUSSEN, Essai de la grammaire rundi, annales du MRAC , Tervuren, 1959, p. 19). Ces formes sont essentiellement celles de l’indicatif. Ce dernier est considéré comme le mode de fait, de réalité ou de certitude.

Contrairement au français, le kifuliiru atteste deux sortes d’indicatifs : l’indicatif absolu et l’indicatif conjonctif ou relatif.

3.2.1.1. L’indicatif absolu

C’est celui qui exprime l’action sans faire référence à quelqu’un, c’est-à- dire sans engager la personnalité de celui qui parle (MAVUDIKO BASHOMBERWA, Essai d’une analyse structurale des formes verbales du kifuliiru , Mémoire, inédit, ISP/BUKAVU, 1996, p. 28).

A la différence du français dont le mode indicatif a dix temps, l’indicatif absolu en kifuliiru a trois temps : le présent, le passé et le futur.

Le présent

En kifuliiru, le temps présent de l’indicatif absolu marque quatre aspects essentiels : le permanent, le momentané, le continuatif ou progressif et l’habituel.

Le présent permanent : Il est utilisé généralement dans les proverbes et envisage l’action comme vérité générale.

Exemples :

Umukeni atáyishoza « le pauvre ne se fâche pas ».

<° U-mu-ken-i a-ta-yi-shoz-aUmushosi agirwa na bakazi « l’homme s’entoure des femmes ».<° U-mu-shosi-a-gir-u-a-na-ba-kaziDans certains autres cas, le présent permanent peut aussi marquer l’instantané, l’accompli et l’inaccompli.L’instantané : Cet aspect indique que l’action se passe au même moment de la parole ou encore que l’action est entrain de se dérouler.Exemples :Balimukina <° ba-li-mu-kin-a « ils sont entrain de danser, ils dansent ».Tumulya<°tu-mu-li-a « Noussommesentraindemanger,nous mangeons ».Le morphème marquant alors l’instantané est °-mu.L’accompli : Cet autre aspect indique que l’action exprimée par le verbe est achevée.Exemples :Asiimiri <° a-si:m-ir-i « il aime toujours ».Baliri<° ba-lir-i « ils ont mangé ».Tugwejiri <° tu-gwej-ir-i « nous dormons ».L’inaccompli : Cet aspect exprime une action en cours de réalisation, non achevée ou inachevée.Exemples :Tύlimugenda <° tu-li-mu-gend-a « nous sommes en train de marcher ».Bálimuyoga <° ba-li-mu-yog-a « ils sont entrain de nager ».Alimutega <° a-li-mu-teg-a « il est en train de piéger ».Le présent momentané : C’est un présent qui envisage le procès dans une brève durée. Il exprime aussi le futur proche.Exemples :Tugálonga <° tu-ga-long-a « nous allons réussir ».Mugátabalana <° mu-ga-tab-al-an-a « vous aller aider les autres ». Le morphème °-ga- marque l’aspect momentané.Le présent continuatif : Il marque que l’action a commencé et se poursuit dans le présent.Exemples :Akirimuyiga <° a-kiri-mu-yig-a « il apprend encore ».Nikirimusheka <° ni-kiri-mu-shek-a « je ris encore ».Akisiimiri <° a-ki-si:m-ir-i « il aime encore ».Bakirambiri <° ba-ki-ramb-ir-i « ils vivent encore ». Les formules pour marquer le continuatif sont les suivantes :P.V + kiri + mu + R.V + aque l’action est réalisée habituellement ou d’une manière répétée par le sujet.Exemples :Les formules suivantes marquent le présent habituel ou répétitif :P.V + kizi + R.V + aP.V + tula + P.V + R.V + aLe passéC’est le temps qui exprime un fait passé. Il se subdivise en deux catégories essentielles : le passé récent et le passé éloigné ou historique.Le passé récent : Il indique que l’action s’est déroulée dans le passé mais plus assez proche du moment de la parole.Exemples :Keeraafwa <° keera-a-fu-a « il est déjà mort ».Keranamala <° kera-na-mal-a « j’ai déjà terminé ».Twágenda <° tu-a-gend-a « nous sommes allés ».Babeesha <° ba-be:sh-a « ils ont menti ».Pour marquer le passé récent, les formules suivantes sont utilisées :Keera + P.V + R.V + a : pour l’aspect accompli.P.V + RV + a : pour l’aspect non accompliP.V + RV + iri : pour l’aspect accompli Exemples :Afwiri <° a-fu-iri « il est mort ».Báhiziri <° ba-hiz-iri « ils ont cultivé ».P.V + na + RV + a : pour l’aspect non accompli. Exemples :Bánatibita <° ba-na-tib-it-a « ils fuirent ».Wanalya <° u-a-na-li-a « tu mangeas ».Le passé historique ou éloigné : il indique que l’action s’est passée dans le passé lointain, c'est-à-dire non proche du présent. Il peut aussi marquer l’aspect accompli ou non accompli selon les cas.Exemples :Tukábona <° tu-ka-bon-a « nous avons vu ».Mukágala <° mu-ka-gal-a « vous vous êtes enrichis ».Cette formule P.V + ka (formatif) + RV + a exprime le passé éloigné, sans préciser ni le début ni la fin de l’action. C’est l’aspect non accompli tandis que la formule P.V + tâ + RV + iri marque l’aspect accompli.Exemples :Utâgwejiri <° u-tâ-gwej-iri « tu dormais ».Atâlwaziri <° a-tâ-lwal-iri « il souffrait ».Néanmoins, le morphème –tâ-, marquant l’aspect accompli n’est pas à confondre avec le morphème –ta- (postinitiale) quoi qu’il se place avant le radical verbal. Le premier marque l’aspect accompli du passé. C’est un formatif tandis que le second marque la négation. C’est une postinitiale.Le futurIl indique que l’action va s’accomplir dans l’avenir. Le futur peut être proche ou éloigné.Le futur proche : Il indique que l’action doit se passer dans une brève durée comme le présent momentané. Le futur proche et le présent momentané ont la même structure : P.V + ga + RV + a.Exemples :Bágakira <° ba-ga-kir-a « ils guériront ».Ugáyanga <° u-ga-yang-a « tu te marieras ».Mύgakola <° mu-ga-kol-a « vous travaillerez ».Le futur éloigné : C’est le temps qui sert à exprimer une action cursive et ponctuelle dans un avenir. L’action ainsi envisagée est supposée se dérouler à un moment non déterminé. Il marque l’inaccompli (MAVUBIKO B., 1996 : 32). Deux structures pour marquer le futur éloigné :P.V + ga + yiji + RV + a. Exemples:Ngáyijigába <° n-ga-yiji-gab-a « je viendrai partager ».Agáyijitabala <° a-ga-yiji-tab-al-a « il viendra aider ».Mύgayijidaka<°mu-ga-yiji-dak-a« vousviendrezmaudire,vous maudirez ».P.V + ye + RV + e. Exemples:Báyehime <° ba-ye-him-e « ils vaincront un jour ».Twáyefwe <° twa-ye-fu-e « nous mourrons un jour ».Mwáyeshaje <° mwa-ye-shaj-e « vous vieillirez un jour ».Ayeyije <° a-ye-yij-e « il viendra un jour ».Wáyebone <° wa-ye-bon-e « tu verras un jour ».Contrairement au français où l’indicatif a dix temps, l’indicatif absolu en kifuliiru n’a que trois principaux temps à savoir le présent (permanent, momentané, continuatif et habituel), le passé (proche ou éloigné) et le futur (proche ou éloigné).La question de distinguer en kifuliiru l’imparfait, du passé simple, du passé composé, du plus-que-parfait, du passé antérieur et du futur antérieur n’est pas facile.L’élève mufuliiru étant habitué à un système de conjugaison de trois temps pour l’indicatif, aura du mal à apprendre et à intérioriser tous les autres temps qui n’existent pas dans sa langue. D’où, l’enseignant de français doit d’abord commencer à montrer cette différence existante entre l’indicatif du kifuliiru et du français afin de prévenir les fautes susceptibles d’être commises.Néanmoins, il s’observe une petite ressemblance entre l’indicatif du français et celui du kifuliiru : l’indicatif est un mode de fait, de réalité ou de certitude.

3.2.1.2. L’indicatif relatif et conjonctif

Les formes dites relatives et conjonctives sont celles qui servent à exprimer les actions dans les subordonnées relatives et/ou conjonctives.

Le complétif : il s’agit des subordonnées complément d’objet venant après une proposition principale.

Exemples :

Twasiima kwo ayije <° ku-o-a-yij-e « nous voulons qu’il vienne ».Niyiji kwo balimuyiga <° ku-o-ba-li-mu-yig-a « je sais qu’ils apprennent ».Ici, le pronom relatif qui introduit la proposition subordonnée relative complément d’objet répond à la formule ku-o et sert ainsi à relier la subordonnée à la principale.Le comparatif : Lors que l’action est exercée par deux sujets dans la proposition principale et dans la subordonnée.Exemples :Mύngire ngakwo bákangira <° mu-n-gir-e-ngakwo-ba-ka-n-gir-a « faites- moi comme ils m’avaient fait ».Amwebwa ngakwo namwebwa <° a-mu-ebu-a ngakwo na-mu-ebu-a « il est coiffé comme j’ai été coiffé ».Le relatif : Ils’agit de la subordonnée introduite par un pronom relatif. Exemples :Amálibu gόtύkalonga « les souffrances que nous avons eues ».Ingaavu zό twagύla « les vaches quenous avons achetées ».Abána bό maawe abuta « les enfants que ma mère a engendrés ».Umύshosi yé ngabona « l’homme que je verrai ».L’indicatif conjonctif et relatif diffèrent de l’indicatif absolu dans la mesure où ils expriment les actions dans la proposition subordonnée qui dépend de la principale qu’elle complète. L’indicatif conjonctif et relatif comportent trois types d’énoncés : le complétif, le comparatif et le relatif. L’indicatif absolu quant à lui, exprime l’action sans idée de référence.

3.2.2. Les formes verbales non tabellaires

Par formes verbales non tabellaires, on entend les formes verbales des modes non indicatifs : le conditionnel, le subjonctif, l’impératif et l’infinitif.

A ces modes, les radicaux ne sont pas soumis à toutes les distinctions du genre ordre, temps, aspect, personne, nombre.

Le conditionnel

Il exprime un fait qui dépend, dans la réalisation, d’une certaine condition donnée.

Selon Maurice GREVISSE, le conditionnel exprime un fait éventuel ou irréel dont la réalisation est considérée comme la conséquence d’un fait supposé […] (Maurice GREVISSE , Le Bon usage. Grammaire française , 4 e éd. 1949, p. 467). Le conditionnel exprime le potentiel et l’irréel.

1°) Le potentiel : Il envisage l’action comme étant possible ou impossible, nécessaire de se dérouler. Il répond, en kifuliiru, à trois structures (formules) dont deux attestent la finale –a- et l’autre atteste la finale –iri-.

P.V + angi + RV + a : Cette formule envisage un potentiel nécessaire une fois toutes les conditions seraient réunies.

Exemples :

Twángiyanga <° tu-angi-yang-a « nous pouvons nous marier ».Báangimenya <° ba-angi-meny-a « ils peuvent connaître ».PV + ali + PV + ga + RV + a : Cette structure envisage le potentiel nécessaire dans le cas où les conditions seraient remplies. Elle exprime l’aspect accompli.Exemples :Mwálimugafwa akibe mukazimba <° mu-ali-mu-ga-fu-a « vous mourriez si vous aviez volé ».Baalibagagala bakikole <° ba-ali-ba-ga-gal-a « ils s’enrichiraient s’ils avaient travaillé ».PV + angi + RV + iri : Cette structure exprime le potentiel dans un passé éloigné.Exemples :Twángihímiri <° tu-angi-him-iri « nous pourrions vaincre ».Wángifwíri <° u-angi-fu-iri « tu pouvais mourir ».s 2°) L’hypothétique ou l’irréel :Comme le nom l’indique, il sert à exprimer un fait envisagé comme une simple hypothèse sans voir son issu ou sa réalisation. Il marque un aspect inaccompli.Exemples :Litwángayimba <° li-tu-angi-yimb-a « si nous chantons ».Libángigonda <° li-ba-angi-gond-a « s’ils dotent ». L’hypothétique répond à la formule suivante : Li + PV + angi + RV + a. Pour exprimer le passé, on utilise les formules suivantes :Li + PV + angi + R.V + iri Exemples :Litwángiyimbiri <° li-tu-angi-yimb-iri « si nous chantions ».Libángigonziri <° li-ba-angi-gond-iri « s’ils dotaient ».PV + ki + RV + eTukifwe <° tu-ki-fu-e « si nous mourrions ».Akitibite <° a-ki-tib-it-e « s’il courait ».En français comme en kifuliiru, le conditionnel exprime un fait dont la réalisation dépend d’une condition énoncée. Il comprend deux temps : le présent et le passé.

3.2.2.2. Les modes injonctifs (subjonctif et impératif)

Le mode injonctif est l’ensemble des formes verbales propres à exprimer un commandement, une décision, une exhortation, une défense (Jean DUBOIS 1973 : 262). Il s’agit du subjonctif et de l’impératif.

L’impératif

Comme en français, l’impératif sert à exprimer un ordre, un commandement, une prière, une demande, une exhortation, un conseil ou une défense.

Exemples :

Kiná <° kin-á « danse ».Yimbí<° yimb-í « chantez ».Kolá<° kol-á « travaille ».Kolí <° kol-í « travaillez ».L’impératif est le pauvre de tous les modes personnels car, en français, il n’a que trois personnes et deux personnes en kifuliiru.Après les analyses déjà faites, nous constatons que seule la 2 ème personne du singulier qu’a l’impératif, car les deux autres personnes (1 ère et 2 ème personnes du pluriel) apparaissent encore dans le subjonctif.En kifuliiru, l’impératif ne distingue pas clairement le présent du passé. Seul le présent est la forme la plus utilisée. L’impératif obéit à la structure suivante : RV + a (i).En effet, le français atteste l’impératif présent et passé tandis que le kifuliiru n’atteste que le présent, c'est-à-dire l’impératif passé ne s’atteste presque pas en kifuliiru.Le subjonctifLe subjonctif envisage une action sans toutefois compter sur sa réalisation. Il exprime une action indéterminée qui dépend de la volonté, du sentiment, du désir ou du doute.Maurice GREVISSE écrit à ce sujet : « le subjonctif, mode des phrases injonctives et des phrases optatives, pour les personnes marquant à l’impératif. Il indique alors que le locuteur ne s’engage pas sur la réalité du fait » (Maurice GREVISSE, 1986 : 1160).Etant un mode injonctif, le subjonctif vient compléter ou aider l’impératif. C’est un palliatif, car les personnes qui n’existent pas à l’impératif (1 ère et 3 ème personnes du singulier) trouvent alors place dans le subjonctif.En kifuliiru, le subjonctif répond à la structure suivante : PV + RV + e pour exprimer le souhait, le commandement, le désir.Exemples :Nísiime <° ni-si:m-e « que j’aime ».Ulye <° u-li-e « que tu manges » ou « manges ».Amenye <° a-meny-e « qu’il sache ».Tudete <° tu-det-e « que nous disions » ou « disons ».Mugende <° mu-gend-e « que vous parliez » ou « parlez».Bagire <° ba-gir-e « qu’ils fassent ».Le subjonctif peut exprimer aussi le futur éloigné en utilisant les formules suivantes :P.V + ka + RV + e (a) : Exemples :Ukámenye kwo tuliho <° u-ka-meny-e « que tu saches que nous sommes là » ou « tu sauras que nous sommes là ».Mukákine bwija <° mu-ka-kin-e « que vous dansiez bien » ou « vous dansiez bien ».PV + ka + RV + a (e) : Exemples :Ukámenyege kwo tuliho <° u-ka-meny-e-ge « que tu saches que nous sommes là » ou « tu sauras que nous sommes là ».Mukákinage bwija <° mu-ka-kin-a-ge“ que vous dansiez bien ” ou« vous danserez bien ».Contrairement au français où le subjonctif atteste quatre temps (présent, imparfait, passé et plus-que-parfait), en kifuliiru, le subjonctif n’atteste que le présent. Ces autres temps sont quasi inexistant en kifuliiru.L’infinitifL’infinitif est le mode qui exprime l’ « état neutre » du verbe, sans aucune indication de personne, de nombre ou de temps.En kifuliiru, l’infinitif est toujours précédé du P.N de la classe 15 (-ku-). Il obéit à la formule suivante PV + RV + finale (a).Exemples :Kύtonya <° ku-tony-a « pleuvoir ».Kύfwa <° ku-fu-a « mourir ».Kύsobanura <° ku-sob-an-ur-a « traduire » ou « interpréter ».Kύgamba <° ku-gamb-a « médire ».Kύsholera <° ku-shol-ir-a « conduire ».Par suffixation, en kifuliiru, l’infinitif peut avoir une autre structure : P.V+ R.V + Suffixe + finale. Exemples :Kύshukisa <° ku-shuk-is-a « faire laver ».Kύkolera <° ku-kol-ir-a « travailler pour ».Kύdakana <° ku-dak-an-a « se maudire ».Kύyangwa <° ku-yang-u-a « être marié ».Kύyigula <° ku-yig-ul-a « ouvrir ».Kύhunahuna <° ku-hun-hun-a« demander plusieurs fois ».Kύgulika<° ku-gul-ik-a « être achetale ».Il convient de signaler en passant que l’infinitif peut jouer les mêmes fonctions que le nom, car il est une forme nomino-verbale (RUHEKENYAJUMAPILI, cours des questions spéciales de linguistique africaine, L2 Français, ISP-Uvira, 2018-2019).En français, tout comme en kifuliiru, l’infinitif exprime l’action sans indiquer la personne, le nombre ou le temps.En français, l’infinitif se reconnait par :La terminaison selon le groupe (er, ir, oir, re) ;Le fait de désigner les actions ou l’état ;La susceptibilité de se conjuguer aux différents modes, temps, personnes. C’est à ce dernier critère que le mot « danger » ne peut pas être un verbe.En kifuliiru, l’infinitif se reconnait par :Le préfixe verbal (PV) –ku- de la classe 15 ;La présence de la finale –a- ;Le fait de désigner les actions ou l’état ;La possibilité de se conjuguer aux différents modes, temps, personnes.Contrairement au français qui atteste l’infinitif présent et passé, le kifuliiru n’atteste que le l’infinitif présent.Par rapport à la notion des modes, il convient de signaler également que le kifuliiru n’atteste pas le participe et le gérondif.

3.3. RESSEMBLANCE ET DISSEMBLANCE DU SYSTEME DE CONJUGAISON DU FRANÇAIS ET DU KIFULIIRU

Du point de vue système de conjugaison, il s’observe certains éléments de ressemblance et de dissemblance entre le français et le kifuliiru. De part et d’autre, les éléments de ressemblance (universaux) et de différence (interférence) ont un impact soit positif, soit négatif sur l’apprentissage du français.

Dans ce tableau, se dégage ce qui suit :

L’indicatif est le mode de l’action, de la réalité, de la certitude. En français, il comprend dix temps alors qu’en kifuliiru, il n’atteste que trois temps (présent, passé et futur). Seul le passé englobe, en kifuliiru, et le passé simple, et l’imparfait, et le passé composé, et le plus-que-parfait, et le passé antérieur.Les formes verbales du kifuliiru sont réparties en deux catégories, notamment les formes verbales tabellaires et les non tabellaires.

Le conditionnel exprime un fait qui dépend, dans la réalisation d’une condition donnée. En français comme en kifuliiru, le conditionnel atteste deux temps (présent et passé). Seule la 2 ème forme qui n’existe pas en kifuliiru.

L’impératif existe dans les deux langues pour exprimer un ordre, un commandement, une exhortation, … Il a deux temps en français (présent et passé) mais en kifuliiru, seul le présent s’atteste.

Le subjonctif existe en français et en kifuliiru. En français, il sert à exprimer un fait simplement envisagé dans la pensée du locuteur et comprend quatre temps (présent, imparfait, passé et plus-que-parfait). En kifuliiru, le subjonctif est un mode injonctif. Il s’emploie comme l’impératif pour exprimer un commandement, un désir, un souhait, …

Il n’atteste que le présent.Les autres temps ne s’attestent presque pas en kifuliiru.

L’infinitif existe en français et en kifuliiru pour exprimer l’ « état neutre » du verbe sans indication ni de personne ni de nombre. Il comprend, en français, deux temps (présent et passé) alors qu’en kifuliiru, seul le présent existe avec le PV –ku-.

L’interférence linguistique fait à ce que les locuteurs des langues bantu en général et du kifuliiru en particulier, font précéder un verbe du français du PV (- ku-).

Exemples :

* Kumanger.

*Kulaver.

*Kupiller.

Le participe comme forme verbale et adjectivale existe en français. En kifuliiru, le participe n’existe pas.

Enfin, le gérondif (participe présent précédé de la préposition « en ») existe comme forme verbale en français. En kifuliiru, il n’existe pas sauf qu’il s’expime par les morphèmes traduisant le temps dans une subordonnée.

Exemples :

Ayileteera ubulwazi umukulira <° umu-kul-ir-a « il se provoque une maladie en pleurant » ou « quand il pleure, il se provoque une maladie ».Umukutibita ayikomeresa « en courant, il s’est blessé » ou encore « quand il courait, il s’est blessé ».La notion d’aspect existe bel et bien en français tout comme en kifuliiru. En français, l’aspect accompli est exprimé par les verbes conjugués aux temps composés alors que l’inaccompli est exprimé par les verbes conjugués aux temps simples (formes verbales simples) et les auxiliaires d’aspect appelés formes périphrastiques comme aller, venir de, se mettre à, entrain de, ….Par contre, en kifuliiru, l’aspect est indiqué par les morphèmes limitateurs comme –ki-, -kiri-, -shubi-, -kandi-, -kizi-, … se plaçant soit en position postinitiale, soit après le formatif (cfr. deuxième chapitre).Il sied d’affirmer que ces éléments de ressemblance (transfert positif ou universaux) facilitent l’apprentissage de la langue française alors que les éléments de différence constituent les interférences linguistiques et sont à la base de fautes commises par les apprenants bafuliiru dans l’apprentissage du français.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Face à ces difficultés, il convient de proposer quelques pistes de solution qui peuvent être complétées par d’autres chercheurs :

Du côté enseignant :

L’enseignant de français doit :

Etre formé au département de Français – Langues Africaines afin de comprendre le fonctionnement du français et des langues africaines ;

Utiliser la méthode contrastive afin de déceler les ressemblances et les différences entre le français et le kifuliiru sur tous les aspects (phonologique, morphologique, syntaxique, …).

L’enseignant doit partir de ce que l’élève connaît au départ pour s’y opposer ou y ajouter quelque chose.

Du côté de l’élève :

Etant au centre de toutes les activités pédagogiques, l’élève doit à son tour fournir des efforts pour faire face à des interférences à un degré considérable.

La direction doit mettre à la disposition de l’élève les manuels (dictionnaire, livres de grammaires, …) du français pour s’auto-perfectionner. D’où l’importance et la nécessité d’une bibliothèque au sein de l’école.

Les parents devraient aussi commencer à apprendre aux enfants bafuliiru le français dès les bas âges.

CONCLUSION PARTIELLE

Dans ce troisième chapitre qui porte sur le système de conjugaison du français et du kifuliiru, notre objectif était d’examiner les éléments de conjugaison, notamment les modes, les temps et l’aspect dans chacune de ces deux langues afin de relever les ressemblances et les différences.

En français, nous avons examiné six modes dont quatre modes personnels et deux modes impersonnels. De ces modes personnels, l’indicatif est le seul mode qui atteste dix temps dont cinq temps simples et cinq autres temps composés. L’aspect est exprimé par les formes grammaticales (formes verbales simples et complexes) et les formes périphrastiques.

En kifuliiru, cinq modes sont attestés dont l’indicatif constitue les formes verbales dites tabellaires et les autres modes (conditionnel, impératif, subjonctif et infinitif) constituent les formes verbales non tabellaires).

L’indicatif, en kifuliiru, n’atteste que trois principaux temps à savoir le présent (permanent, momentané, habituel, continuatif), le passé (récent, lointain) et le futur (proche, éloigné).

Il convient de signaler que le kifuliiru exprime l’aspect à l’aide des morphèmes limitateurs qui peuvent se placer soit en position postinitiale, soit après le formatif.

Nous avons bouclé ce chapitre par la proposition de quelques pistes de solution aux interférences linguistiques du coté enseignant et du côté élève.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Nous voici au terme de notre travail de recherche intitulé « Essai d’analyse contrastive de quelques formes verbales du français et du kifuliiru ».

Nous avons été animé par le souci d’examiner les structures verbales du français et du kifuliiru afin de chercher l’impact des éléments de différence sur l’apprentissage du français vu l’importance du verbe dans la phrase.

Nous nous sommes fixé les objectifs suivants :

Dégager les principaux éléments qui constituent les formes verbales du français et du kifuliiru ;

Découvrir le transfert positif et les interférences ;

Comprendre l’impact des éléments de différence sur l’apprentissage du français ;

Prédire les difficultés auxquelles se heurteraient les apprenants fuliiru dans l’apprentissage du français ;

Proposer enfin aux enseignants de français et aux élèves quelques pistes de remédiation à ce problème.

Ceci étant, nous avons voulu répondre aux questions suivantes :

Les formes verbales du français et du kifuliiru ont-elles la même structure ?

Quels sont les éléments constitutifs d’une forme verbale du français et celles du kifuliiru ?

Quel est l’impact des éléments de transfert et d’interférence du kifuliiru sur l’apprentissage du français ?

Quelles sont les pistes de solutions à ces difficultés ?

A cette problématique, nous avons proposé des réponses provisoires suivantes :

Les formes verbales du français et celles du kifuliiru n’auraient pas de même structure parce qu’il s’agit de deux langues non congénères.

Les éléments constitutifs d’une forme verbale du français seraient principalement le radical et la désinence (terminaison) et facultativement le préfixe et le suffixe. Quant au kifuliiru, on aurait la préinitiale, l’initiale, la postinitiale, le radical, le formatif, le post formatif, le suffixe, le l’infixe, la finale et la postfinale.

Les éléments de transfert dans les formes verbales du français et du kifuliiru auraient un impact positif sur l’apprentissage du français. Ils faciliteraient l’apprentissage de la langue française alors que les éléments d’interférence empireraient l’apprentissage du français.

Face à ces difficultés, les pistes de solution seraient de deux ordres : d’une part, pour les enseignants, ils devraient se servir de la méthode contrastive pour déceler le fonctionnement des formes verbales du français et celles du kifuliiru, d’autre part, pour les élèves, l’usage de dictionnaire et

d’autres livres de grammaire française, l’apprentissage du français dès les bas âges ,seraient les unes des pistes de solution à ces problèmes.

Pour mener à bon port ce travail, nous nous sommes servi des méthodes suivantes :

L’observation : dans la récolte des données, nous avons réuni les formes verbales que nous avons analysées ;

L’approche structuraliste : elle nous a aidé à déceler la structure de chaque forme verbale du français et celle du kifuliiru ;

L’approche contrastive : elle nous a permis de dégager les éléments de ressemblance et de dissemblance entre les formes verbales du français et celle du celles kifuliiru, deux langues non apparentées.

En effet, nous avons subdivisé notre travail en trois chapitres et nous avons abouti aux résultats suivants :

Dans le premier chapitre nous avons traité du cadre théorique et méthodologique de notre travail. Nous avons procédé par la définition de différents concepts-clés tels que l’analyse,l’analyse contrastive, les formes verbales, le français, le kifuliiru et avons passé en revue la présentation du corpus et des approches utilisées à savoir : l’observation, le structuralisme et la contrastive.

Dans le deuxième chapitre qui a porté sur la structure des formes verbales du français et du kifuliiru, nous avons dégagé les différents éléments constitutifs d’une forme verbale du français et celles du kifuliiru. La forme verbale du français est constituée obligatoirement du radical et de la désinence (terminaison) et dans d’autres cas on peut trouver le préfixe et le suffixe.

Quant à la forme verbale du kifuliiru, elle apparaît la pluscomplexe sur le plan morphologique. Elle est constituée de dix éléments (morphèmes), notamment :

la préinitiale, l’initiale, la postinitiale, le radical, le formatif, le postformatif, le suffixe, l’infixe, la finale et la postfinale.

Ce n’est qu’une forme verbale complexe du kifuliiru qui peut attester tous ces éléments. Une forme verbale simple, elle n’atteste que l’initiale (préfixe verbal), le radical et la finale.

Cette complexité de la forme verbale du kifuliiru constitue la différence entre les formes verbales du français et du kifuliiru, laquelle différence ne facilite pas l’apprentissage du français.

Dans le dernier chapitre portant sur le système de conjugaison du français et du kifuliiru, nous avons examiné les différents modes et temps dans ces deux langues d’étude. Le français atteste six modes dont seul l’indicatif comprend dix temps. Ces modes se répartissent en quatre modes personnels (indicatif, conditionnel, subjonctif et impératif) et deux modes impersonnels (participe et infinitif)

En ce qui concerne le kifuliiru, nous avons regroupé les formes verbales en deux catégories : les formes verbales tabellaires (qui attestent la distinction de temps, d’aspect, de personne, de nombre, …) et les formes verbales non tabellaires dont les radicaux ne sont pas soumis à toutes les distinctions du genre ordre, temps, aspect, personne, nombre.

Les formes verbales tabellaires sont constituées des formes verbales de l’indicatif. Le kifuliiru atteste deux sortes d’indicatif : l’absolu et le relatif ou conjonctif.

L’indicatif absolu exprime l’action sans faire référence à quelqu’un ou engager la personnalité de celui qui parle alors que le relatif ou conjonctif sert à exprimer les actions dans les propositions subordonnées relatives et/ou conjonctives.

A la différence du français dont l’indicatif atteste dix temps ; l’indicatif en kifuliiru n’atteste que trois temps, notamment les présent (permanent, momentané, continuation et habituel), le passé (récent, éloigné) et le futur (proche, éloigné).

Par formes verbales non tabellaires, nous avons fait allusion aux formes verbales non indicatives, notamment le conditionnel, le subjonctif, l’impératif, l’infinitif.

Dans ce dernier chapitre, nous avons également parlé de l’aspect. En français, l’aspect accompli est exprimé par les verbes conjugués aux temps composés alors que l’aspect inaccompli est exprimé par les verbes conjugués aux temps simples et les auxiliaires d’aspects appelés formes périphrastiques comme aller , venir de , se mettre à , entrain de , …).

Par contre, en kifuliiru, l’aspect est indiqué par les morphèmes limitateurs comme –ki-, -kiri-, -shubi-, -kandi-, -kizi- se plaçant soit en position postinitiale, soit après le formatif.

Vu les résultats auxquels nous avons abouti, nous disons que nos hypothèses ont été bel et bien confirmées.

Pour clore, nous disons que nous ne prétendons ni avoir analysé toutes les formes verbales du français ou du kifuliiru, ni avoir fait un travail exhaustif et parfait.Notre souci était seulement d’examiner la structure de la forme verbale. Un travail scientifique est une œuvre humaine qui ne manque pas d’imperfection. Nous ouvrons les horizons aux chercheurs ultérieurs afin de nous emboiter les pas et contribuer à l’amélioration de ce travail.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS
1.3. PRESENTATION DU CORPUS

BOSQUART M.,1998, Nouvelle grammaire française , P.A.G, Montréal, Québec.

CHARTRAND S.et alii, 1999, Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui, Graficor, Québec.

CHEVALIER J.et alii, 1964, Grammaire du français contemporain ,Larousse, Paris.

COUILLARD J., 1999, Ma grammaire française. Code grammatical analyique , 5 ème édition,Québec.

GREVISSE M.1949, Le Bon usage.Grammaire française ,4 ème édition, Gembloux, Paris.

GREVISSE M., Le Bon usage , 6 ème édition, Gembloux, Paris.

GREVISSE M. et alii, 2005, Le petit Grevisse. Grammaire française , édition de Boeck, Paris.

MEEUSSEN A.E., 1950, Essai de la grammaire rundi, Annales du MRAC,Tervuren.

RIEGEL M.et alii,1994, Grammaire méthodique du français , P.U.F., Paris.

ROBINS R.H., 1976, Brève histoire de la linguistique de Platon à Chomsky , édition du Seuil, Paris.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

DUBOIS J.,1973, Dictionnaire de linguistique , Librairie, Larousse, Paris.

Dictionnaire Universel, 2012, éd. RDC.

Sobanura, Dictionnaire illustré Kifuliiru – Français, 2008.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

RUHEKENYA JUMAPILI, « La Morphosyntaxe du kifuliiru », 2010, Thèse de doctorat, UNILU.

MAVUDIKO BASHOMBERWA, « Essai d’analyse structurale des formes verbales du kifuliiru (J.54), 1996, Mémoire inédit, ISP/BUKAVU.

MASUMBUKO MALEGA, « L’expression métonymique et métaphorique à travers quelques anthroponymes fuliiru, 2018, Mémoire, inédit, ISP/UVIRA.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

BARHISHIDénis, Notes du cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, L1 Français, ISP-UVIRA, 2016 – 2017.

NTERANYA MONDO, Notes du cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, L1 Français, ISP-BUKAVU, 2014

– 2015.

RUHEKENYA JUMAPILI, Notes du cours de Grands courants de la linguistique contemporaine, L1 Français, ISP-UVIRA, 2017 – 2018.

RUHEKENYA JUMAPILI, Notes du cours de Questions spéciales de linguistique africaine, L2 Français,ISP-UVIRA, 2018 – 2019.

ALUMA KABIKA, Notes du cours de sociolinguistique contemporaine, L1 Français, ISP-UVIRA, 2017 – 2018.

E’KYOCISADYRex, Notes du cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, L1 Français, ISP-UVIRA, 2017 – 2018.

NAMUNENE MUGANGUZI Joël, Notes du cours de Techniques et méthodes de recherche en linguistique et en littérature, L1 Français, ISP-UVIRA, 2017 – 2018.

KIJINDIRE TUNDWA, Notes du cours de linguistique africaine, G1 FLA, ISP-UVIRA, 2013 – 2014.

ALUMA KABIKA, Notes du cours de linguistique générale, G1 FLA, ISP-UVIRA, 2013 – 2014.

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