Décryptage théorique : analyse contrastive du français et du kifuliiru


CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

L’objectif de ce chapitre est de définir les concepts-clés, notamment l’analyse, l’analyes contrastive, les formes verbales, le français et le kifuliiru.

1.1.1. Définition des concepts – clés
1.1.1.1. Analyse

L’analyse est une décomposition d’un tout en ses parties. C’est une opération par laquelle l’esprit, pour parvenir à la connaissance d’un objet, le décompose en ses éléments. C’est aussi une étude détaillée d’un élément (Dictionnaire Universel, 2012, p.55).

Elle peut être définie comme étant l’examen détaillé pour le discernement des constituants. En grammaire, l’analyse est une décomposition d’une phrase ou d’une proposition en ses parties ou éléments grammaticaux.

En grammaire, l’analyse est considérée comme étant un exercice scolaire par lequel on découvre, ou on fait découvrir, dans une phrase la nature et la fonction des mots qui la constituent (JeanDUBOIS , Dictionnaire de linguistique, 1973, p.31).

1.1.1.2. Analyse contrastive

L’analyse contrastive est l’étude systématique d’une paire de langues dans le but d’identifier leurs différences structurales et leurs similitudes. Historiquement, elle a été utilisée afin d’établir des généalogies de langues. L’analyse contrastive et l’acquisition des langues s’accordent (Idem).

1.1.1.3. La linguistique contrastive

Définition

La grammaire contastive ou la linguistique contrastive est la grammaire de correspondance par laquelle on réunit sous forme unique les grammaires descriptives de deux langues. Elle a pour fin de donner les schémas possibles dans une langue pour tout ensemble donné de schémas de construction dans l’autre langue. Elle permet de prédire avec une certaine exactitude quelles parties de la structure de la langue présenteront les difficultés pour les étudiants et la nature de ces difficultés (Jean DUBOIS1973 :123).

La linguistique contrastive est une branche de la linguistique appliquée. Elle travaille sur la comparaison des systèmes de deux ou plusieurs langues. Elle est dite différentielle dans la mesure où elle s’intéresse surtout aux différences des langues en contact (Dénis BASHISHI, Notes du cours de Grammaire Contrastive du français et des langues bantu, ISP/UVIRA, L1 FLA, 2017).

La linguistique contrastive s’intéresse essentiellement aux différences entre les langues non congénères, c’est-à-dire d’origine différente ; par opposition à la linguistique comparée qui, ne porte que sur des langues congénères (même origine) (Rex EKYOCI Sady, Notes du cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, ISP/UVIRA, L1 FLA, 2018).

Elle oppose deux systèmes linguistiques différents afin de pouvoir repérer les interférences se manifestant dans la langue seconde, elle a pour objectif, de faciliter le passage d’une langue à une autre. Son ambition de départ était une comparaison, terme à terme, rigoureuse et systématique de deux langues structurelles afin de permettre de réaliser des méthodes mieux adaptées aux difficultés que rencontre, dans l’étude d’une langue étrangère, une population scolaire d’une langue maternelle donnée. Cette linguistique est dite aussi différentielle, elle s’intéresse surtout aux différences des langues en contact. Elle situe d’emblée, une langue 2 par rapport à une langue 1, en ce qu’elle considère que les problèmes rencontrés au cours de l’acquisition d’une langue maternelle sont différents de ceux rencontrés dans l’apprentissage d’une langue étrangère.

Elle décrit en expliquant les erreurs et les difficultés dues à l’influence de la langue 1 sur la langue 2 (NTERANYA MONDO, 2013, cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, ISP – Bukavu, L1 FLA).

Historique

La grammaire contrastive ou linguistique contrastive (différentielle) est née vers les années 1950 aux Etats – Unis de la théorie de l’apprentissage et de la pratique des langues étrangères. Ainsi, il a été observé que la langue maternelle (ou L1 exerce une influence qu’on appelle « le transfert négatif » sur l’apprentissage de la langue étrangère (ou L2). Ce phénomène est aussi appelé « interférence » : cela veut dire qu’un trait de langue 1 apparaît dans la langue 2, ou trait de la langue source apparaît dans la langue cible.

En Europe, dans les années 70, la linguistique contrastive connait un nouvel essor. Les langues de grande diffusion (anglais, français, allemand, etc.) ont été confrontées entre elles, et chacune avec les langues dont les locuteurs apprennent plusieurs d’entre elles pendant leur scolarisation. La différence de ces travaux par rapport à ceux des années 50 consiste à l’abandon des prévisions. Il s’agit de descriptions parallèles dont les résultats peuvent être mis en application dans l’enseignement.

Un développement intéressant de la linguistique contractive est la pragmatique contrastive. En effet, il ne s’agit pas seulement de décrire telle ou telle langue, mais de rendre compte aussi de l’usage de tel ou tel élément, d’expliquer sa valeur dans le contexte (Dénis BARHISHI, 2017, Notes du cours de Grammaire contrastive du français et des langues bantu, ISP/UVIRA, L1 FLA).

1.1.1.4. Les formes verbales (verbes)

Définition

Maurice GREVISSE définit le verbe comme étant un mot qui exprime, soit l’action faite ou subie par le sujet, soit l’existence ou l’état du sujet, soit l’union de l’attribut au sujet ( Le Bon usage , 6 ème édition, p.461).

Ex : L’élève écrit au tableau.

Le verbe peut également être défini comme un mot variable qui exprime l’action ou l’état du sujet ou, plus simplement, ce qui se passe. Il varie selon le mode, le temps, la voix, la personne et le nombre.

Le verbe est toujours le noyau du groupe verbal (Jean Couillard, Ma grammaire française.Code grammatical analytique , 5 ème édition, 1999, p.163).

Ex : Je vous raconterai mon histoire.

Le verbe se définit encore comme étant un mot qui a la valeur de situer dans le temps le fait ou l’événement dont il est question dans la phrase (Chartrand Suzane, et alii, 1999, Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui , p. 174).

Ex : Dans cinq milliards d’années, le soleil grossira et il détruira notre planète.

Le verbe se reconnaît d’abord par ses variations de forme et par les oppositions grammaticales qu’elles dénotent, ainsi que par son rôle dans la construction de la phrase.

Morphologiquement, le verbe est un mot variable qui se conjugue, c’est-à-dire qui est affecté par plusieurs catégories morphologiques. Il reçoit les marques spécifiques (les désinences) correspondant, sur le plan de la signification, au nombre (comme le nom), à la personne, au temps et au mode (qui peuvent également déterminer des variations du radical) (Martin R., et alii , Grammaire méthodique du français , 1994, p.243).

Lorsqu’une réunion de mots exprime une idée unique et joue le rôle d’un verbe, on parle de locution verbale.

Espèces de verbes

Il existe plusieurs sortes ou espèces de verbes en français tout comme en kifuliiru :

Les verbes transitifs : Sont des verbes qui commandent un complément d’objet direct ou indirect.

Exemples :

Cet enfant aime son père (français).

Uyύ mwana asiimiri yishe (kifuliiru).

En kifuliiru,les formes verbales sont bitransitives, c’est-a-dire qu’elles peuvent introduire deux compléments d’objet.

Exemple :Nágulira umwanaumύlondo « je paye l’habit à l’enfant ».

Les verbes intransitifs : Sont des verbes qui ne commandent pas de complément d’objet direct ou indirect. Ils peuvent accepter le complément circonstanciel.

Exemples :

Mon père vit à Uvira (français).

Data arambiri ibuvira (kifuliiru).

Les verbes attributifs : Sont des verbes qui introduisent l’attribut au sujet. Exemples :

Il est malade (français).

Alwaziiri (kifuliiru).

Les verbes pronominaux : Sont des verbes qui s’accompagnent d’un des pronoms personnels me, te, se, nous, vous, représentant le même être ou la même chose que le sujet.

Exemples :

Je me lave chaque jour (français).

Nimύyikaraba ngisi lusiku (kifuliiru).

– Les verbes impersonnels : Sont des verbes qui ne s’emploient qu’à la 3 ème personne du singulier avec le pronom personnel « il », sans relation avec le sujet déterminé. On les appelle aussi des verbes « unipersonnels ». Les verbes impersonnels proprement dits expriment les phénomènes de la nature.

Exemples :

Il pleut chaque matin (français).

Imutonya ngisi shesezi (kifuliiru).

Les auxiliaires :Ce sont des verbes qui perdent leur signification habituelle et qui servent à marquer le temps composé. En français, c’est le cas de avoir et être . Mais, en kifuliiru, pour qu’un verbe se conjugue à un temps passé, il ne fait pas appel à un auxiliaire et les temps composés n’existent pas en kifuliiru.

Exemples :

Il a aimé son épouse (français).

Akásiima mukaage (kifuliiru).

Ils se sont battus (français).

Bákalwa (kifuliiru).

En kifuliiru, le formatif « – ka- » marque le passé récent ou éloigné.

Les verbes semi-auxiliaires : Sont des formes verbales qui, jumelées à des infinitifs, servent à exprimer tantôt l’aspect, c’est-à-dire la manière d’envisager l’action dans son développement (être entrain de, cesser de, commencer à, etc.), tantôt la modalité, c’est-à-dire le point de vue selon lequel on envisage l’action réalisée (devoir, pouvoir, sembler, etc.) (Jean Couillard , Ma grammaire française , 1999, 5 ème édition, p.170).

Exemples :

Nous sommes entrain de manger (français).

Tugweti tύgalya (kifuliiru).

Il cesse de parler (français).

Aleka’ kudeta (kifuliiru).

Vous devez parler (français).

Mukwanini mύdete (kifuliiru).

Ils peuvent assister leurs voisins (français).

Bangatabala abátulani bábo (kifuliiru).

En kifuliiru, les aspects sont marqués par les morphèmes limitateurs comme – gweti, – leke-, -nga-, -kwanini-, -ki-, -kiri-, -mu-, etc. Ces morphèmes se placent soit en position postinitiale, soit après le formatif.

Exemples :

Ni kiri mugenda « je suis entrain de marcher ».

Nali kizi kola « j’étais en train encore de travailler ».

Bali kizi humba « Ils avaient l’habitude de creuser ».

En français, nous avons des verbes semi-auxiliaires marquant l’aspect et le mode tandis qu’en kifuliiru, les verbes semi-auxiliaires sont directement remplacés par les morphèmes. Tous ces morphèmes constituant une forme verbale seront analysés dûment dans le chapitre suivant.

Groupes de verbes

Dans Le Bon usage , Grevisse Maurice montre que dans la conjugaison active, les verbes peuvent être rangés en trois (3) groupes :

1 er groupe : Regroupe tous les verbes en –er. Ce groupe, de loin le plus nombreux, compte près de 4.000 verbes, c’est-à-dire à peu près le neuf dixième des verbes français.

2 ème groupe : Regroupe quelques verbes en –ir. Ce groupe comprend un peu plus de 300 verbes.

3 ème groupe : Regroupe tous les verbes irréguliers à radical variable. Ce groupe, qui ne comprend que des verbes anciens, venus pour la plupart directement du latin, ne présente pas de système régulier de formes et de désinences. Il compte une trentaine de verbes dont l’infinitif est en –ir, une trentaine dont l’infinitif est en –oir et une centaine dont l’infinitif est en –re (Maurice G., Le Bon usage , 6 ème édition, Gembloux, p.p.526-527).

En français, les verbes du 1 er groupe constituent la vraie conjugaison régulière : c’est sur le modèle de cette conjugaison que la langue forme les verbes de création nouvelle : téléphoner, radiographier, pasteuriser, téléviser, etc. Quant aux verbes du 2 ème groupe, leur nombre ne s’accroît pour ainsi dire plus. Ces deux conjugaisons sont appelées « conjugaisons vivantes ». Elles s’opposent à la « conjugaison morte », celle du 3 ème groupe, ainsi nommée non seulement parce qu’elle ne s’enrichit plus d’aucun verbe nouveau, mais encore parce qu’elle s’appauvrit peu à peu (Maurice G., op. cit. p.527).

Quant à nous, il ressort que dans les langues bantu en général, et en kifuliiru en particulier, les verbes ne sont pas rangés selon les groupes. Les principaux éléments déterminatifs d’une forme verbale en kifuliiru sont les préfixe verbal –ku-, le radical (élément de base autour duquel viennent se grouper tous les autres), la finale, etc.

L’absence des verbes auxiliaires, semi-auxiliaires, des groupes de verbes est une différence manifeste entre le français et le kifuliiru. L’apprenant mufuliiru étant habitué à cette absence, se bute au départ aux difficultés dans l’apprentissage de la langue française, car, le système de conjugaison qu’il a acquis par sa langue maternelle ne pouvant pas lui permettre ou faciliter l’acquisition d’un autre système de conjugaison. Cette différence est l’une des sources de fautes commises par l’élève mufuliiru dans l’apprentissage des verbes du français.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Il est alors question, ici, de présenter les deux langues qui font l’objet de notre étude.

1.1.2.1. Le français

Origine

Le français est une langue romane, c’est-à-dire qui tire son origine du latin vulgaire. Le français porte mal son nom qui vient du peuple germain qui était les Francs.

Or, la langue française n’est pas germanique, elle est romane, c’est-à-dire d’origine latine. Il ne s’agit pas de latin classique mais du latin vulgaire du peuple, des militaires et des marchands. Ce latin, apporté en Gaule par les conquérants romains (50 ans avant Jésus – Christ), se substitua rapidement aux dialectes indigènes ; il s’imposa à tous parce qu’il était la langue de l’administration, du commerce, des écoles et de l’église. Il poussa de bonne

heure des racines assez fortes pour résister aux barbares, qui l’adoptent en l’établissant chez nous.

Il est difficile de déterminer avec exactitude la date de naissance du français car les premiers textes en français sont rares. Les plus célèbres sont :

Le serment de Strasbourg signé en 842 par les petits-fils de Charlemagne : Louis le Germanique et Charles le Chauve contre leur frère Lothaire.

Le Glossaire de Reichenau (VIIe siècle).

Le Moyen Age a été considéré comme le temps de dialectes. On distingue à cette période trois dialectes :

La langue d’oïl (dans laquelle oui se dit « oïl ») influencé par les langues germaniques. Ce dialecte était parlé au Nord.

La langue d’oc (dans laquelle oui se dit « oc ») avec un parler plus proche du latin. Ce dialecte était parlé dans le Midi (Sud).

Le franco provencal (parler de type occitan) qui se rapproche de la langue d’oc. Sans oublier de citer de nombreux parlers régionaux : basque, catalan, flamand, le breton, etc.

Dès la fin du XIIe siècle, la « langue du roi », c’est-à-dire le parler de la cour de l’Ile de France est mieux reconnu et devient une langue de vertige élargissant ainsi son domaine. C’est à partir de la Renaissance, quatre siècles plus tard que la question de la fixation de la « langue du roi » se pose fortement. Dans le domaine de la vie pratique, le français remplacera le latin dans tous les domaines de l’administration à partir de 1539, date à laquelle François I prendra la célèbre ordonnance de Villiers-Cotterêt. Il faudra dorénavant que tous les textes officiels soient rédigés en langue maternelle françois. Dans le même temps, les auteurs littéraires se mettent aussi au français (Ex : Villon F., La Ballade des pendus ).

Le XVII e siècle, époque du français classique (temps du bon usage) va fixer l’orthographe et la prononciation. Et en 1635, Richelieu fonde l’Académie

française avec comme objectif la création d’un dictionnaire, la fixation des règles grammaticales, la prise de soin de la langue française.

Dans la France, au XIX e siècle, la langue française gagne du terrain et l’usage du patois commença à se raréfier. Au XX e siècle, la langue française bénéficiera de nouvelles techniques permettant une plus large diffusion (radio, télévision, internet, etc.). Il est exporté hors la France et se trouve en contact avec plusieurs langues dont les langues bantu qui l’enrichissent (Rex EKYOCI SADY, Notes du cours de grammaire contrastive du français et des langues bantu, ISP/UVIRA, L1 FLA, 2018).

Statut sociolinguistique du français

Aujourd’hui, la langue française est parlée dans le monde par près de 120 millions de personnes.

Elle est la langue officielle de la Belgique (5.450.000 personnes), d’une partie du Canada et de la Nouvelle Angleterre (5.500.000 personnes), de Luxembourg (300.000 personnes), d’Haïti (750.000 personnes) et de 21 pays d’Afrique et de l’Océan indien. Le français a, théoriquement, un statut égal à celui de l’anglais dans les institutions internationales. Il demeure l’une de grandes langues internationales de communication, après l’anglais, mais concurremment avec l’espagnol et l’allemand (Dictionnaire Universel, édition 2012, p.p.520-521).

Le français contemporain a le triple statut de langue officielle, de langue de travail et de langue internationale dans l’espace francophone et dans les organisations internationales.

Au Congo-Kinshasa, le français jouit de plusieurs statuts : il est la langue officielle, la langue de l’administration, la langue d’enseignement, la langue de la diplomatie, la langue de la culture, la langue utilisée dans les cours et tribunaux, dans les églises de réveil, etc. (Dénis BARHISHI, Notes du cours de

Grammaire contrastive du français et des langues bantu, 2017, ISP/UVIRA, L1 FLA).

Phonétique et phonologie du français

Sur le plan phonétique, le français comprend 36 sons dont 16 sons vocaliques, 17 sons consonantiques et 3 semi-voyelles ou semi-consonnes. Du point de vue phonologique, le français compte 36 phonèmes segmentaux. Les phonèmes étant des unités distinctives, différentielles ou opposionnelles qui se situent à la deuxième articulation après les sons.

Exemples :

a/𝑎 : Dans « 𝑡𝑎/𝑡𝑎𝑠 »

𝜀/𝜀̅ : Dans « pair/pain »

𝛾/𝜙 : Dans « du/deux »

𝜙/𝜀 : Dans « peu/paix »

Ο/Ο̌ : Dans « mot/mont »

Les voyelles du français se présentent de la manière suivante : Antérieures / EcartéesPostérieures / Arrondies

Fermées

Mi-fermées

𝑖𝛾𝑢

𝑒∅𝑜

𝜕

Mi-ouvertes𝜀 œ ʚ

𝜀œ̌ʚ̌

Ouvertes ou centrales

𝑎

a𝑎̌

Sur le plan suprasegmental ou prosodique, le français atteste des éléments comme la quantité (durée),l’accent, le rythme, l’intonation, etc. Ces éléments affectent la séquence dont les limites ne correspondent pas au découpage de la chaîne parlée en phonème.

Pour ce qui concerne les consonnes, le français compte 17 consonnes définies selon trois critères :

Le mode de production : Selon ce critère, on distingue des consonnes dites occlusives, fricatives, nasales, latérales, vibrantes et les semi- voyalles ou semi-consonnes.

Le point d’articulation : On a, selon ce deuxième critère, les consonnes dites bilabiales, labiodentales, dentales, palatales, vélaires (dorsales) et glotalles.

L’activité des cordes vocales ou voisement : Ce critère nous permet de distinguer les consonnes sonores représentées par le signe (+) de consonnes sourdes représentées par le signe (-).

Tableau phonétique des consonnes du français

Nasales m n 𝑃 ŋ ∫ Occlusives pb td kg Fricatives f v sz ʒ Latérales l Vibrante r Semi- consonnes w ʯ j

1.1.2.2. Le kifuliiru

Le kifuliiru est l’une des langues congolaises de la famille bantu. Guthrie lui avait attribué le signe D63 en le plaçant dans le groupe Rwanda-rundi. Avec les modifications des linguistes de Tervuren, le kifuliiru est passé de D63 à J54 où le sigle J représente toutes langues de la zone interlacustre (MASUMBUKO MALEGA, « L’expression métonymique et métaphorique à travers quelques anthroponymes fuliiru », mémoire inédit, ISP/UVIRA, 2018, p.1).

Le kifuliiru est une langue bantu parce qu’il présente les traits distinctifs essentiels suivants :

Le système de classes nominales ayant les caractéristiques suivantes :

Les préfixes de classes déterminent la catégorie ou la classe nominale et les mots s’arrangent de 0 à 20 classificateurs.

L’appariement des classes nominales se fait selon le singulier – pluriel.

Le système d’accord se fait en rapport avec les préfixes de classes, lesquels préfixes commandent l’accord.

Exemples :

Mύ ndu mύ zimba u yό wálenga

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Kí ti kí hamu ki no kyá kubwa

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

Le kifuliiru a un vocabulaire dont une partie peut être considéré comme reflexe ou vestige du proto-bantu, c’est-à-dire, il peut être mis en relation avec un certain nombre des racines communes hypothétiques avec les autres langues bantu.

Le kifuliiru atteste les radicaux qui sont obtenus par le procédé d’agglutination et qui présente entre autres les traits formels suivants :

La structure canonique du radical est du type –CVC- Exemples :

lir – dans kulira « pleurer ».

lek – dans kuleka « cesser ».

yit – dans kuyita « tuer ».

Le kifuliiru atteste un système vocalique de 5 unités contrairement aux autres langues dites non bantu qui attestent un système vocalique allant de plus 7 unités.

Le kifuliiru atteste l’absence de voyelles nasales.

a) Historique du peuple Fuliiru et sa langue

Le peuple Fuliiru est originaire de la région de l’Ulindi que l’on appelle

« Lwindi » qu’il aurait quitté vers 1350. Toutefois, certains historiens disent que ce peuple serait parti du Soudan vers les années 1010 et arrivé en Ouganda, en 1090, en passant par le Centrafrique. Les Bafuliiru et d’autres peuples tels que les Nande, les Hunde et les Bashi seraient partis du Bunyoro en Ouganda et auraient traversé la frontière Est du Congo. Les Bafuliiru se sont installés dans l’Ulindi en 1130 et ont occupé la zone d’Uvira, alors habitée seulement par les Batwa (pygmées) en 1350.

BASIMISE RUKABO, cité par MAVUDIKO BASHOMBERWA, note

ce qui suit en parlant de l’origine des Bafuliiru : « il est admis que les Bafuliiru ainsi que les Bavira actuels constituent en fait la descendance des vagues

d’hommes venus de Lwindi » (MAVUDIKO BASHOMBERWA , Essai d’une analyse structurale des formes verbales du Kifuliiru (J54), 1996, Mémoire, inédit, ISP/BUKAVU, p.3).

BISHIKWABO CHUBAKA, cité par MAVUDIKO BASHOMBERWA,

déclare ce qui suit en parlant de ces deux peuples : « C’est l’autorité coloniale qui les répartit en deux collectivités à savoir celle de Bafuliiru et celle de Bavira. Pourtant Bafuliiru et Bavira sont deux appellations désignant les mêmes personnes. Selon certains témoignages, les Bavira auraient comme origine le refus des poissons offerts par les pêcheurs Babwari aux Bafuliiru. Ces derniers ignoraient les poissons, ils les prenaient pour des serpents ou des têtards. Ainsi, les pêcheurs Babwari les ont qualifiés des Bavira qui signifient ignorants » (op. cit. p.4).

ALUMA KABIKA Jean-Yves estime que le kifuliiru et le mashi sont des langues-sœurs qui auraient comme langue-mère, le « kiyindu » (Notes du cours de sociolinguistique contemporaine, L1 FLA, 2018, ISP/UVIRA).

Actuellement, le kifuliiru est parlé à l’Est de la République Démocratique du Congo, dans la Province du Sud-Kivu, territoire d’Uvira, dans toutes des collectivités dudit territoire, à savoir la collectivité des Bafuliiru, celle de la plaine de la Ruzizi et celle des Bavira. Cette langue tend à être la plus dominante dans le territoire d’Uvira à part le kiswahili.

D’autres langues limitrophes du kifuliiru sont :

A l’Est, le kirundi en République du Burundi ;

A l’Ouest, le kiyindu en territoire de Mwenga ;

Au Nord, le mashi en territoire de Walungu ;

Au Sud, le kivira et le kibembe dans la chefferie des Bavira et en territoire de Fizi.

Il convient de noter que toutes ces langues exercent des influences énormes sur le kifuliiru. A ceci, s’ajoute aussi l’influence du kiswahili (langue véhiculaire) et du français qui est entrain de prendre le devant sur le kifuliiru.

Quant au nombre de locuteurs, selon l’estimation du colon belge, la langue « kifuliiru » est parlée par plus de 350.000 personnes (KASIGWA MUJINA, « Les théonymes traditionnels fuliiru face à des attributs de Dieu chrétiens à partir de la traduction de la Bible. Approche sociolinguistique », TFC, ISP/UVIRA, inédit, 2012 : 13).

c) Phonétique et phonologie du kifuliiru

Du point de vue phonétique, le kifuliiru atteste 27 sons dont 5 voyelles, 20 consonnes et 2 semi-voyelles. Une très grande différence s’observe entre le français et le kifuliiru sur le plan phonétique. Les voyelles du français absentes en kifuliiru constituent le « crible phonologique », difficulté auxquelles se heurte les apprenants fuliiru, et source de fautes commises par lesdits apprenants.

Les consonnes du kifuliiru et du français constituent les éléments de transferts positifs. Elles ne posent pas beaucoup de difficultés lors d’apprentissage du français.

Voici le triangle vocalique du kifuliiru :

Du point de vue phonologique, le kifuliiru atteste 27 phonèmes segmentaux répartis en 20 phonèmes consonantiques, 5 phonèmes vocaliques et 2 phonèmes semi-vocaliques (w et y).

Commelefrançais,lekifuliiruattesteaussiquelquesphonèmes suprasegmentaux comme l’accent, l’intonation, la quantité, le rythme, … Exemple :

𝑖/𝑢 dans kúhinga : « cultiver » et dans kúhunga « fuir ».

𝑖/𝑒 dans kúhima : « gagner » et dans kúhema « gonfler ».

𝑒/𝑢 dans kútema : « couper » et dans kútuma « envoyer ».

𝑒/𝑜 dans kúgenda : « aller » et dans kúgonda « doter ».

𝑒/𝑎 dans kúhema : « gonfler » et dans kúhama « grossir ».

𝑜/𝑢 dans kútola : « couper » et dans kútula « forger ».

𝑢/𝑒 dans kúhuma : « aveugler » et dans kúhema « gonfler ».

𝑜/𝑒 dans kúlonga : « avoir » et dans kúlenga « passer ».

𝑖/𝑜 dans kúsiima : « aimer » et dans kúsoma « lire ».

Etc.

Tableau consonnatique du kifuliiru

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