Décryptage de la morphologie verbale : français et kifuliiru en parallèle


CHAPITRE II : STRUCTURE DE LA FORME VERBALE

Ce chapitre porte essentiellement sur la structure des formes verbales du français et du kifuliiru. C’est sur cette structure que portera notre attention particulière. Il est donc question d’analyser la morphologie verbale en français et en kifuliiru, dégager quelques éléments de ressemblance (transfert positif) et de dissemblance (transfert négatif ou interférence) et surtout chercher à comprendre l’impact de ces derniers sur l’apprentissage de la langue française.

2.1. LA MORPHOLOGIE VERBALE EN FRANÇAIS

La morphologie est, en grammaire traditionnelle, l’étude des formes des mots (flexion et dérivation) par opposition à l’étude des fonctions ou syntaxe. En linguistique moderne, la morphologie est la description des règles qui régissent la structure interne des mots, c’est-à-dire les règles de combinaison entre les morphèmes racines pour construire des « mots » (règles de formation des mots) et la description des formes diverses que prennent ces mots selon la catégorie de nombre, de genre, de temps, de personne et, selon le cas (flexion des mots) (Jean DUBOIS 1973 : 326).

Une forme verbale du français est constituée de plusieurs éléments entretenant des relations d’interdépendance :

2.1.1. Le radical

En français, le « radical » est l’une des formes prises par la racine dans les réalisations diverses des phrases. C’est encore le morphème d’un mot qui n’est pas un affixe et auquel est lié le signifié. (op. cit.p. 403).

Dans les formes verbales du français, le radical est généralement invariable, il porte le sens que le verbe garde à travers toutes ses formes (Maurice GREVISSE , Le petit Grevisse, Grammaire française , 2005, p. 140).

Exemple 1 :

Chanter : chant-er

Nous chantons : chant-ons

Je chantais : chant-ais

Vous chanterez : chant-erez Exemple 2 :

Aimer : aim-er- Que nous aimions : aim-ions

Il aime : aim-e- Aimez : aim-ez

Tu aimeras : aim-eras- Ils ont aimé : aim-é Exemple 3 :

Finir : fin-ir- Nous finîmes : fin-îmes

Je finis : fin-is- Il finira : fin-ira

Ils finissent : fin-issent- Que vous finissiez : fin-issiez Exemple 4 :

Recevoir : recev-oir- Je reçus : reç-us

Je reçois : reç-ois- Vous recevrez : recev-rez

Nous recevons : recev-ons- Que tu reçoives : reçoiv-es

Ils recevraient : recev-raient- Recevez : recev-ez Exemple 5 :

Vendre : vend-re- Je vendis : vend-is

Je vends : vend-s- Vous vendîtes : vend-îtes

Vous vendez : vend-ez- Tu vendrais : vend-rais

Nous vendions : vend-ions-Quenousvendissions :vend- issions

Il s’observe que dans les formes verbales du français, le radical verbal est le mot qui tient le sens du verbe. Beaucoup d’autres mots viennent se coller à lui. C’est le noyau du verbe. Cependant, dans les formes des verbes réguliers surtout du premier et deuxième groupe, le radical est invariable. Par contre, il est variable dans les formes de plusieurs verbes irréguliers dits « du troisième groupe ». Ici, la notion du radical est très confuse, c’est-à-dire difficile à distinguer. Il est parfois confondu à la désinence. C’est le cas dans le verbe

« recevoir » déjà ci-haut analysé. Le radical prend plusieurs formes selon le mode, le temps, la personne et le nombre.

Cette variation ou ce changement du radical s’observe également dans les verbes « aller » et « savoir ».

Exemple 1 :

Aller : all-er- J’irai : ir-ai

Je vais : vai-s- J’allai : all-ai

Nous allons : all-ons- J’irais : ir-ais

Ils vont : v-ont- Que j’aille : aill-e

Que j’allasse : all-asse Exemple 2 :

Savoir : sav-oir- Je sus : s-us

Je sais : sai-s- Ils sauraient : saur-aient

Tu savais : sav-ais- Que je sache : sach-e

Nous saurons : saur-ons- Que je susse : su-sse

Quant à nous, quoi qu’il soit confondu à la désinence, le radical verbal donne le sens du verbe selon le mode, le temps et la personne pour le cas des verbes réguliers. Il se confond souvent à la racine dans certains cas.

2.1.2. La racine

D’une manière générale, on appelle « racine » l’élément de base, irréductible, commun à tous les représentants d’une même famille de mots à l’intérieur d’une langue ou d’une famille de langues. La racine est obtenue après élimination de tous les affixes et désinences. Elle est alors considérée comme un mot primitif, d’où dérivent d’autres mots ; la plus petite et plus ancienne unité lexicale qui permet de former des mots apparentés (Jean DUBOIS 1973 : 403).

Exemple :

[ven] est une racine verbale qui signifie « venir » et qui comporte deux radicaux : ven-/vien- ; elle se réalise dans les formes venons, venue, vienne, etc.

[chant] est une racine verbale qui signifie « chanter » ; il se réalise dans les mots chanter, chanteur, chantre, chantrerie, etc.

[coiff] est une racine verbale qui signifie « coiffer » ; il se réalise dans les mots coiffer, coiffeur, coiffeuse, coiffure, etc.

[reç] est une racine verbale qui signifie « recevoir » et comporte deux radicaux : reç-/recev- ; elle est réalisée dans les formes reçu, réception, receveur, réceptif, réceptibilité, etc.

[obéi] est une racine verbale qui signifie « obéir » ; il se réalise dans les formes obéissons, obéissance, obéissant, obéissamment, désobéir, désobéissance, désobéissant, désobéisseur, désobéisable, etc.

La racine est un élément de base commun entre deux ou plusieurs mots de même famille. Elle sert dans la formation des autres. C’est l’élément de départ sur lequel se gravent les préfixes et les suffixes pour aboutir à un mot nouveau.

Dans la plupart des verbes irréguliers, la racine donne lieu aux divers radicaux. Elle se confond souvent au radical dans le sens où celui-ci porte le sens du verbe, mais elle porte le sens de plusieurs mots après suppression des éléments formateurs (préfixes et suffixes).

La différence entre le radical et la racine est que le radical est un élément de base dans une forme verbale alors que la racine est un élément commun entre plusieurs mots d’une même famille.

2.1.3. La désinence

On appelle désinence l’affixe qui se présente à la finale d’un nom, d’un pronom ou d’un adjectif (désinences casuelles) ou à la finale d’un verbe (désinences personnelles) pour constituer avec la racine, éventuellement pourvue d’un élément thématique, une forme fléchie (Jean DUBOIS 1973 : 144).

Quant au Dictionnaire Universel, la désinence est une terminaison qui sert à marquer le cas, le nombre, le genre, la personne, etc. C’est un suffixe, une terminaison au radical d’un mot le mettant en contexte (Dictionnaire universel, 2012, p.362).

La désinence (terminaison), essentiellement variable, marque les modifications de personne, de nombre, de mode et de temps (Grevisse Maurice et André GOOSSE, 2005, « Le petit Grevisse. Grammaire française », p.140).

Exemple 1 :

Je mange : mang- e – Je mangeais : mange- ais

Tu manges : mang- es – Tu mangeais : mange- ais

Nous mangeons : mange- ons – Nous mangions : mang- ions

Vous mangez : mang- ez – Vous mangiez : mang- iez

Ils mangent : mang- ent – Ils mangeaient : mange- aient Exemple 2 :

Je dansai : dans- ai – Je danserai : dans- erai

Tu dansas : dans- as – Tu danseras : dans- eras

Il dansa : dans- a – Il dansera : dans- era

Nous dansâmes : dans- âmes – Nous danserons : dans- erons

Vous dansâtes : dans- âtes – Vous danserez : dans- erez

Ils dansèrent : dans- èrent – Ils danseront : dans- eront Exemple 3 :

Je finirais : fin- irais – Que je finisse :fin- isse

Tu finiras : fin- iras – Que tu finisses : fin- isses

Il finirait : fin- irait – Qu’il finisse : fin- isse

Nous finirions : fin- irions – Que nous finissions : fin- issions

Vous finiriez : fin- iriez – Que vous finissiez : fin- issiez

Ils finissaient : fin- iraient – Qu’ils finissent : fin- issent Exemple 4 :

Que j’aidasse : aid- asse – Aide : aid- e

Que tu aidasses : aid- asses – Aidons : aid- ons

Qu’il aidât : aid- ât – Aidez : aid- ez

Que nous aidassions : aid- assions

Que vous aidassiez : aid- assiez

Qu’ils aidassent : aid- assent Exemple 5 :

Je vois : voi- s – Je voyais : voy- ais

Tu vois : voi- s – Tu voyais : voy- ais

Il voit : voi-t- Il voyait : voy- ait

Nous voyons : voy- ons – Nous voyions : voy- ions

Vous voyez : voy- ez – Vous voyiez : voy- iez

Ils voient : voi- ent – Ils voyaient : voy- aient Exemple 6 :

Je croirai : croi- rai – Je croiyai : croy- ai

Tu croiras : croi- ras – Tu croiyas : croy- as

Il croira : croi- ra – Il croiya : croy- a

Nous croirons : croi- rons – Nous croyâmes : croy- âmes

Vous croirez : croi- rez – Vous croyâtes : croy- âtes

Ils croiront : croi- ront – Ils croyèrent : croy- èrent Exemple 7 :

Je prendrais : prend- rais – Que je prenne : prenn- e

Tu prendrais : prend- rais – Que tu prennes : prenn- es

Il prendrait : prend- rait – Qu’il prenne : prenn- e

Nous prendrions : prend- rions – Que nous prenions : pren- ions

Vous prendriez : prend- riez – Que vous preniez : pren- iez

Ils prendraient : prend- raient – Qu’ils prennent : prenn- ent Exemple 8 :

Que j’attendisse : attend- isse – Attends : attend- s

Que tu attendisses : attend- isses – Attendons : attend- ons

Qu’il attendît : attend- ît – Attendez : attend- ez

Que nous attendissions : attend- issions

Que vous attendissiez : attend- issiez

Qu’ils attendissent : attend- issent

Après l’analyse minutieuses de ces quelques formes verbales du français, il s’observe que la désinence verbale a des formes diverses. Elle est variable. Cette variation dépend de plusieurs facteurs ,notamment le mode, le temps, la personne, le groupe, etc.

C’est donc un élément déterminatif ou informateur. Elle détermine et donne l’information précise du groupe auquel le verbe appartient, le mode, le temps, la personne et le nombre.

La désinence ajoute une information complémentaire non négligeable au radical.

Voici le tableau synthétique des désinences ou terminaisons des verbes selon le groupe, le mode, le temps, la personne et le nombre en français.

1.3. PRESENTATION DU CORPUS

De ce tableau, se constate une certaine analogie entre certaines désinences bien que les verbes soient de groupes différents. C’est le cas par exemple des verbes du 1 er et 3 e groupes qui ont les mêmes terminaisons à l’imparfait, des verbes du 2 ème groupes et quelques verbes du 3 e groupe qui ont aussi les mêmes terminaisons au passé simple, des verbes du 1 er et 3 e groupe qui ont également les mêmes désinences au subjonctif présent, à l’impératif présent et au participe présent.

On signale enfin une ressemblance entre les terminaisons des verbes du 2 e groupe et celles de certains verbes du 3 e groupe au subjonctif imparfait.

Cette ressemblance de terminaisons de certains verbes des groupes différents entraîne une certaine confusion au cas où la désinence serait séparée de son radical, c’est-à-dire sans ce dernier, on risque de ne plus distinguer le groupe du verbe conjugué.

En bref, ce tableau ne reprend que les terminaisons de temps simples, lesquels posent des problèmes dans la conjugaison. Quant aux temps composés, ils nécessitent l’auxiliaire et le participe passé.

2.1.4. Le préfixe

On appelle préfixe un morphème de la classe des affixe figurant à l’initiale d’une unité lexicale, position dans laquelle précède immédiatement soit un second suffixe, soit l’élément radical ou lexème. A la différence du suffixe, le préfixe ne permet pas à l’unité lexicale nouvelle de changement de catégorie grammaticale (Jean DUBOIS, 1973 : 389).

Selon le Dictionnaire Universel, le préfixe est un morphème de la catégorie des affixes qui précèdent le radical et en modifie le sens. C’est un élément ajouté au début du radical pour créer un mot.

Exemple 1 : Déshabiller : des -habill-er Préfixe marquant le contraire (négation) Exemple 2 : Déplier : de -pli-er

Préfixe

Exemple 3 : Prédire : pré -di-re Préfixe marquant l’avance (devant) Exemple 4 : Préjuger : pré -jug-er Préfixe

Exemple 5 : Surprendre : sur -prend-re Préfixe marquant l’improviste Exemple 6 : Surcharger : sur -charg-er Préfixe marquant l’abondance

Exemple 7 : Chronométrer : chrono -métr-er Préfixe signifiant « temps »

Exemple 8 : Immerger : im -merg-er

Préfixe signifiant « dans »

Exemple 9 : Interposer : inter -pos-er Préfixe verbal signifiant « entre » Exemple 10 : Rétrograder : retro -grad-er Préfixe verbal signifiant « retour »

Le préfixe verbal est une unité minimale de la première articulation, la première unité porteuse de sens. Il intervient pour la formation des verbes, c’est- à-dire que c’est un morphème de formation (morphème dérivationnel). Dans la création de nouveaux mots, le préfixe modifie le sens du radical.

Signalons en passant qu’il existe divers préfixes verbaux (dé-, dis-, ex-, im-, in-, pré-, sur-, rétro-, chrono-, …)

Le préfixe intervient dans la création non seulement des verbes, mais aussi dans la création des noms, adjectifs et des adverbes. C’est grâce au préfixe et au suffixe qu’une langue forme de nouveaux mots. Ce procédé qui consiste à créer les mots par préfixation ou par suffixation s’appelle la « dérivation ».

2.1.5. Le suffixe

On appelle suffixe un affixe qui suit le radical auquel il est étroitement lié (Jean DUBOIS 1973 : 466).

Selon le Dictionnaire Universel, le suffixe est un affixe placé après le radical d’un mot ou de la base de celui-ci et lui conférant une signification particulière (Dictionnaire Universel, p. 1194).

Exemple :

Téléphoner : téléphon- er

Suffixe de formation des verbes du 1 er groupe.

Enfanter : enfant- er

Chantonner : chantonn- er

Suffixe verbal marquant le « diminutif »

Vivoter : vivo-ter « vivre difficilement, faute de moyens » Suffixe verbal marquant le « péjoratif »

Criailler : cri-ailler « crier beaucoup, et souvent pour rien » Suffixe péjoratif

Rêvasser : rêv-asser « se laisser aller à la rêverie » Suffixe péjoratif

Acidifier : acid-ifier « rendre plus acide » Suffixe signifiant rendre.

Familiariser : familiar-iser « rendre familier » Suffixe verbal signifiant rendre

Amocher : am-ocher « abîmer, détériorer » Suffixe péjoratif

Nettoyer : nett-oyer « rendre net » Suffixe signifiant rendre ou devenir.

Rigoler : ri-goler « rire avec plaisanterie Suffixe verbal marquant le diminutif

Ricaner : ri-caner « rire dans une intention de moquerie » Suffixe péjoratif

Selon Jean DUBOIS, on peut distinguer deux (2) sortes de suffixes :

Les suffixes flexionnels ou désinentiels : Ceux qui forment les marques casuelles, celles de genre et de nombre de la flexion des noms, et les marques de temps, de nombre et de personne des verbes (Jean DUBOIS, 1973 : 466).

Exemples :

Je fais

Suffixe flexionnel du présent

Je faisais

Suffixe flexionnel de l’imparfait

Nous ferions

Suffixe flexionnel du futur simple

Vous fer iez

Suffixe flexionnel du subjonctif présent

Qu’ils fas sent Suffixe

Les suffixes dérivationnels : ceux qui servent à former de nouveaux termes à partir des radicaux (idem).

Exemple 1 : Téléviser : télévis- er Suffixe dérivationnel

Exemple 2 :

Mûrir : Mûr- ir : « devenir mûr » suffixe dérivationnel

Grossir : gross- ir : « rendre gros » suffixe dérivationnel

Maigrir : maigr- ir : « rendre maigre » suffixe dérivationnel

Les suffixes flexionnels ou désinentiels sont des terminaisons ou désinences marquant le mode, le temps, la personne, le nombre ou le groupe auquel appartient tel ou tel autre verbe tandis que les suffixes dérivationnels sont des morphèmes servant à la formation de nouveaux mots (verbes).

Le suffixe et le préfixe sont des éléments principaux dans la formation de nouveaux mots en français. Il s’agit de la dérivation.

En français, on peut aussi former le verbe par préfixation et par suffixation, c’est-à-dire on ajoute sur un mot existant déjà le préfixe et le suffixe pour en créer un nouveau mot.

Exemple : Rajeunir : ra -jeun- ir : « rendre jeune »

préfixe suffixe dérivationnel

En conclusion, les éléments constitutifs d’une forme verbale du français sont les suivants : le radical, la racine, la désinence flexionnelle ou

dérivationnelle, le préfixe. Le radical et la désinence ou terminaison sont des éléments indispensables de toute forme verbale. Le radical est le morphème invariable gardant le sens du verbe alors que la désinence est variable surtout qu’elle donne une information complémentaire pour marquer le mode, le temps, la personne, le nombre du verbe. Ces deux éléments sont interdépendants, c’est- à-dire ils s’influencent mutuellement l’un de l’autre.

Le préfixe et suffixe, à leur tour, jouent le rôle de « formateur ». Ils interviennent dans la formation de nouveaux verbes ; c’est la dérivation verbale, procédé sans lequel le français ne s’enrichirait pas de nouveaux verbes.

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