Les travaux de Céline Bareil: les changements organisationnels

Les travaux de Céline Bareil les changements organisationnels

1.1.1.3. 1997 : Les travaux de Céline Bareil

Pour faire suite aux apports de Hall et inspirée par Blanchard (1992) à l’effet qu’une innovation en milieu scolaire pouvait se généraliser à l’ensemble des changements organisationnels, Bareil a cherché à valider la théorie des phases de préoccupations en contexte de changement organisationnel.

Bareil choisit donc de s’éloigner du milieu de l’enseignement et de transposer le modèle chez des employés travaillant en milieu industriel afin de le généraliser à différents types de changements organisationnels et à différents groupes d’acteurs dans le changement.

Elle s’attarde ainsi à traduire le modèle original de Hall et à l’adapter au contexte industriel manufacturier.

Suite à l’introduction d’un changement technologique dans une grande entreprise manufacturière privée, sa recherche prendra une logique diachronique (trois temps de mesure échelonné sur une période de 6 mois) compte tenu du caractère fondamentalement dynamique du concept des préoccupations.

Sur un total de 7 hypothèses de recherche, trois de celles-ci ont été retranscrites dans le tableau 3. Elles cherchent à vérifier la validité de construit, l’évolution réelle des phases dans le temps et le lien entre les phases de préoccupations et l’adoption individuelle du changement.

Tableau 3: Quelques hypothèses de recherche de Bareil (1997)

1. Les analyses structurelles confirment l’existence de sept phases de préoccupations.* Confirmée
3. Les phases de préoccupations évoluent dans le temps : affaissement des phases antérieures de préoccupation et augmentation des phases ultérieures au fur et à mesure de la mise en œuvre du changement.Partiellement confirmée
5. Les phases de préoccupations sont corrélées aux degrés d’adoption de l’innovation.* Confirmée

Le fait que l’hypothèse 3 soit partiellement confirmée impose quelques explications supplémentaires face aux résultats obtenus.

Ainsi, Bareil (1997) confirme l’évolution rapide de la plupart des phases de préoccupations dans le temps puisque les phases des préoccupations 1, 2, 3 et 6 ont significativement augmenté ou diminué d’intensité sur une période de 6 mois.

Seulement, le mouvement des phases 0, 4 et 5 ne s’est pas manifesté de façon significative dans le temps, bien que l’on puisse percevoir cette tendance dans les résultats.

Bien que l’hypothèse reste partiellement confirmée, Bareil (1997) maintient tout de même l’effet de mouvement, semblable à celui d’une vague, dans les réactions et les préoccupations des destinataires du changement, au fur et à mesure que la mise en œuvre progresse.

En somme, Bareil (1997) démontre l’existence d’une structure logique en sept phases de préoccupations telle que proposée originalement par Hall et Hord (1987).

Cette confirmation rend ainsi possible le diagnostic des réactions des destinataires, via une grille d’analyse complète, valide et conviviale, au fur et à mesure qu’ils vivent le changement organisationnel.

Ce diagnostic est important tant pour le destinataire qui y trouve une légitimité et une meilleure compréhension de ses propres réactions, qu’à toute autre personne responsable d’analyser et de venir en aide aux individus exposés à un changement organisationnel.

Aussi, l’évolution des phases dans le temps, bien que partiellement confirmée, peut constituer un référent intéressant permettant une conduite éclairée de la mise en œuvre du changement et proposant un rythme de changement adapté aux besoins des destinataires plutôt qu’à un calendrier rigide d’implantation.

Cela témoigne de l’utilité du concept de préoccupations et de la confirmation du second postulat de la théorie des phases de préoccupations qui stipule que le changement doit être géré comme un processus qui comporte des étapes et qui a une durée de vie (Hall et Hord, 1987).

Enfin, Bareil (1997) confirme la relation entre les phases de préoccupations et l’adoption individuelle du changement (relations significatives entre l’adoption et les phases 0, 3, 5 et 6) ce qui permet d’obtenir un niveau global d’adoption pour l’ensemble des destinataires.

En bref, les résultats de l’étude de Bareil (1997) démontrent bien l’importance des phases de préoccupations vers une meilleure compréhension du phénomène humain et de ses besoins évolutifs non plus uniquement vécu dans le milieu de l’éducation, mais aussi dans le pilotage d’un changement organisationnel dans le domaine industriel.

La validation de la théorie des phases de préoccupations de Hall et son équipe permet d’une part, d’identifier sept réactions des destinataires permettant une meilleure compréhension de leur vécu et d’autre part, d’outiller les agents de changement assurant une meilleure gestion du rythme du changement en fonction de ces repères et une anticipation sur le degré d’adoption du changement par les destinataires.

Les travaux de Céline Bareil les changements organisationnels

1.1.1.4. 1999 : Les travaux de Céline Bareil et André Savoie

À la lumière des résultats de l’étude de 1997, Bareil et Savoie (1999) publient un article dans lequel ils enrichissent les phases de préoccupations et les adaptent au changement organisationnel.

Les définitions des phases sont retravaillées et leur ordonnancement est déterminé selon les résultats quantitatifs et diachroniques – une étude pionnière à ce sujet. Le tableau 4 présente la nouvelle structure du modèle des phases de préoccupations.

Tableau 4 :

Définitions des phases de préoccupations de Bareil et Savoie (1999)

PhaseAppellationDéfinition des phases de préoccupations
1Aucune préoccupationLe destinataire ne se sent pas personnellement concerné par le changement, il poursuit ses activités habituelles et fait « comme si de rien n’était ». Il demeure indifférent au changement organisationnel.
2Sécurité de son posteLe destinataire est inquiet des incidences du changement sur lui-même et sur son poste. Il s’interroge sur le maintien de son poste à la suite de l’implantation du changement et sur les conséquences de ce dernier sur son rôle, ses responsabilités, son statut et son pouvoir décisionnel. Il a l’impression de ne plus maîtriser la situation ou de ne plus savoir ce qui l’attend, et se questionne sur sa place dans l’organisation.
3Volonté et sérieux du changementLe destinataire se questionne sur les impacts et les conséquences qu’aura le changement sur l’organisation. Il désire s’assurer que son investissement en temps et en énergie en vaudra la peine. Il se demande entre autres jusqu’à quel point l’organisation est sérieuse dans le maintien du changement à plus long terme et si le changement sera rentable.
4Nature du changementLe destinataire quitte la zone de confort et commence à s’interroger sur la nature exacte du changement. Il cherche des réponses à sa méconnaissance du changement. Il devient attentif et proactif et souhaite obtenir davantage de précisions sur le changement : de quoi s’agit-il, quant et comment cela se fera-t- il, etc.
5Soutien disponibleLe destinataire se montre disposé à se conformer au changement prescrit et à en faire l’essai. Cependant, il doute éprouve un sentiment d’incompétence par rapport à ses nouvelles fonctions, habiletés et attitudes. Il se dit inquiet sur sa capacité à réussir et c’est pourquoi il s’interroge sur le temps, les conditions, l’aide et le soutien qui lui sont offerts. Il veut pouvoir être sûr de réussir son adaptation.
6Collaboration avec autruiLe destinataire se montre intéressé à collaborer et à coopérer avec d’autres. Il désire partager son expérience avec des collègues et s’enquérir de leurs façons de faire. Il veut s’impliquer dans la mise en œuvre du changement.
7Amélioration continue du changementLe destinataire recherche de nouveaux défis. Il désire améliorer ce qui existe déjà, en modifiant de façon significative son travail ou ses responsabilités, ou en proposant de nouvelles applications du changement. Il remet en question ses méthodes de travail et souhaite améliorer ou généraliser le changement.

Source : Bareil et Savoie 1999, page 90

À première vue, on remarque une numérotation différente des phases de préoccupations. L’objectif de cet ajustement vise à mieux rendre compte du nombre de phases comprises dans la théorie puisque la numérotation originale proposait une séquence comprise entre 0 et 6 alors que la théorie faisait la promotion de 7 phases.

Une nouvelle numérotation allant de 1 à 7 ne modifie pas réellement le modèle original, mais induit plus facilement le nouvel initié à la théorie à 7 phases distinctes.

Aussi, l’ordre des phases se trouve modifié suite aux résultats quantitatifs obtenus dans Bareil (1997) ainsi qu’aux recherches de nature qualitative de Bareil dans différents milieux d’interventions.

Quant aux titres de chacune des phases, ils reproduisent le message original des appellations de Hall et Hord (1987), jumelé à une adaptation au contexte industriel issu de l’étude de Bareil (1997).

En somme, la théorie des phases de préoccupations a évolué à travers les chercheurs qui l’ont approchée.

Du domaine de l’éducation au milieu industriel et par les préoccupations de carrières vers des phases de préoccupations généralisables, cette nouvelle approche vers une meilleure compréhension du vécu des destinataires du changement a suscité un intérêt continu à travers la communauté scientifique captivée par le phénomène humain en contexte de changement.

En guise de synthèse de ces nombreux travaux, nous présentons le tableau 5 résumant cette évolution.

04 evolution modele phases preoccupations travaux fuller

Aujourd’hui, la recherche sur la théorie des phases de préoccupations se poursuit, notamment grâce aux travaux de Bareil et de son équipe de chercheurs afin d’améliorer l’instrumentation et la compréhension de chacune des sept phases.

Une nouvelle recherche empirique, qualitative et diachronique (4 temps de mesure dont 3 à la fois quantitatif et qualitatif) a étudié un changement organisationnel complexe de type SIG/ERP (Système Intégré de Gestion / Enterprise Resource Planning) selon trois catégories d’utilisateurs.

Sous l’angle qualitatif, il a été possible de confirmer l’existence des sept phases de préoccupations dans le discours des destinataires et d’approfondir l’évolution et le dynamisme du contenu des phases.

Jusqu’à présent, aucune étude n’avait détaillé avec autant de précision le contenu des phases de préoccupations ce qui permet d’appréhender le vécu des destinataires de façon riche, non menaçante, innovatrice et constructive tout en offrant des informations permettant de mener des interventions ciblées et efficaces.

Aussi, tant l’analyse qualitative que quantitative confirme le mouvement de vague des phases. Ainsi, le contenu des préoccupations évolue dans le temps et peut être classé selon les catégories de destinataires.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le rôle attendu des professionnels RH lors d’un changement organisationnel
Université 🏫: École des Hautes Études Commerciales - HEC Montréal Affiliée à l’université de Montréal
Auteur·trice·s 🎓:
Martine Visinand

Martine Visinand
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M.Sc.) - Août 2003
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