Encadrement juridique de la souveraineté de l’État par l’État de droit

Encadrement juridique de la souveraineté de l’État par l’État de droit

Chapitre V : Propositions pour une réduction de l’intervention onusienne en HAÏTI

Nous voilà arrivé au dernier chapitre réalisé dans le cadre de la recherche. Il poursuit l’objectif de développer l’hypothèse transformative de notre problème de recherche. Ainsi, des solutions théoriques et pratiques calquées sur l’État de droit sont proposées et développées.

La formule que nous utilisons pour la rédaction est la suivante : les propositions sont énoncées puis justifiées. Il s’agit donc de répondre à deux questions : Qu’est-ce qu’il faut faire pour réduire les risques d’interventions onusiennes en Haïti ; Comment le faire ?

Nos recommandations seront donc particulièrement inspirées des propos de Louis Favoreu et al. (2010, p. 31) précisant que l’État de droit, aujourd’hui, repose sur trois piliers :

  • L’encadrement juridique du pouvoir : la Constitution
  • Le contrôle du pouvoir : la justice constitutionnelle
  • La division (horizontale et verticale) du pouvoir

En rapport avec les différents facteurs ayant favorisé l’intervention des Nations Unies en Haïti, nos principales propositions pour contrer d’autres projets d’intervention onusienne en Haïti sont les suivantes :

  1. L’encadrement juridique de la souveraineté de l’État par l’État de droit
  2. Le renforcement des capacités juridiques et institutionnelles des Pouvoirs de l’État

1. L’encadrement juridique de la souveraineté de l’État par l’État de droit

Si la théorie pure du droit élaborée par Kelsen misant sur la hiérarchie des normes, reste au cœur de l’État de droit, l’exigence d’une normativité misant sur les droits et libertés éclipse le paradigme d’un droit pur, le droit devant désormais tirer sa légitimité des droits et libertés de l’homme que l’État doit respecter et protéger (Mondélice, 2015).

Ainsi donc l’idée kantienne de la quête de la paix par le droit sera au centre des propositions à formuler ici pour qu’Haïti puisse se mettre à l’abri des interventions étrangères.

1.1 Vers une conception relativiste de la souveraineté de l’État

Notre première sous-recommandation est celle d’une conception de la souveraineté calquée sur l’État de droit. Pour cela, la prééminence de la loi doit être vue comme la condition nécessaire à son effectivité.

L’État souverain doit donc être en mesure de satisfaire l’ensemble de ses obligations légales exprimées dans la constitution et dans les instruments juridiques internationaux.

Nous partageons ici les propos de Drieu Godefridi (2004, p. 147) lorsqu’il affirme que dans l’État de droit, les ordres doivent être conformes aux règles ; les normes doivent être hiérarchisées. Alors et alors seulement, peut-on dire que cet État est régi par des règles, non par des hommes.

L’État de droit se caractérise donc par une pluralité de fonctions : fonction législative d’élaboration des règles, fonction exécutive d’élaboration des ordres, fonction juridictionnelle de contrôle de la conformité des ordres et des comportements des sujets de droit aux règles.

Dans un contexte comme celui-ci marqué par la défaillance de l’État Haïtien, la loi ou encore les normes doivent à nouveau occuper une place de choix dans la vie de la République.

Ainsi donc à la lumière de ces considérations, dans l’exercice de sa souveraineté, l’État doit tout faire pour combattre l’arbitraire. Tous les actes du gouvernement doivent émaner de la loi et suivant le principe de la hiérarchie des normes.

L’État souverain est donc cet État qui est respectueux des normes juridiques établies. Car, le concept Souveraineté doit davantage être vu comme une « responsabilité ». Une responsabilité d’obligations des normes établies concernant les fonctions régaliennes de l’État et les droits humains entre autres.

Dans le jargon des Nations unies, la responsabilité de protéger est représentée sous le sobriquet de « R2P ». Les premières tentatives de ce genre datent de la fin des années 1990.

À cette époque, le secrétaire général des Nations unies invitait les États membres à réfléchir sur les éventuelles contradictions qui pouvaient surgir entre la conception absolutiste de la souveraineté et les violations massives et systématiques des droits humains.

Faisant suite à cet appel, le gouvernement du Canada accompagné d’un groupe de grandes fondations annonçaient à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2000 la création d’une commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États.

Celle-ci, présentait son rapport, approuvé à l’unanimité de ses douze membres, signé par Gareth Evans et Mohamed Sahnoun, le 30 septembre 2001. Il s’agit d’un texte de 71 pages qui a servi de base à l’élaboration et à l’adoption des § 138 et 139 du document final de New York du 16 septembre 2005.

Dans le même sens, la résolution 1674 du Conseil de sécurité sur le renforcement des efforts de protection des civils en période de conflit armé, particulièrement des femmes et des enfants, ainsi que la responsabilité d’accompagnement de la communauté internationale.

À l’OIF : La Francophonie s’est prononcée à diverses reprises en faveur de la R2P. Dans sa déclaration de Ouagadougou puis dans celle de Saint-Boniface le 14 mai 2006.

La « responsabilité de protéger » : suppose par dessus tout, une responsabilité de réagir devant des situations où la protection d’êtres humains est une impérieuse nécessité.

Quand les mesures de prévention ne parviennent pas à résoudre le problème ou à empêcher que la situation se détériore, et quand un État ne peut pas, ou ne veut pas, redresser la situation, des mesures interventionnistes de la part d’autres membres de la communauté des États dans son ensemble peuvent s’avérer nécessaires.

Ces mesures coercitives peuvent être d’ordre politique, économique ou judiciaire et, dans les cas extrêmes – mais seulement dans les cas extrêmes –, elles peuvent également comprendre une action militaire.

L’un des principes premiers, en matière de réaction comme en matière de prévention, est qu’il faut toujours envisager les mesures les moins intrusives et coercitives avant celles qui le sont plus. (Commission internationale de l’Intervention et de la Souveraineté des États, 2001, p. 33).

Encadrement juridique de la souveraineté de l’État par l’État de droit

1.2 Place de la charte internationale des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, a, de manière spectaculaire, renforcé le mouvement international pour les droits fondamentaux de l’être humain.

Cette déclaration, votée dans un contexte assez particulier, symbolise « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ».

Ce texte à vocation universelle énonce pour la première fois dans l’histoire de l’humanité les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels fondamentaux dont tous les êtres humains devraient jouir.

Au fil des ans son statut de norme fondamentale des droits de l’homme, que tous les hommes devraient respecter et protéger, a été largement reconnu. Haïti fait d’ailleurs partie de ces pays qui ont été les premiers à adopter ce texte dans son entièreté.

La Déclaration, jointe au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux protocoles facultatifs, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels forment ensemble la Charte internationale des droits de l’homme.

Par la ratification des traités internationaux des droits de l’homme, les gouvernements expriment leur engagement à prendre des mesures nationales tout en adoptant des lois compatibles avec les obligations découlant des traités.

Aujourd’hui, le respect de ces textes conditionne même l’existence d’un État souverain. Autrement dit, l’État pour pouvoir jouir pleinement de sa souveraineté et s’exempter de toute ingérence étrangère doit impérativement être capable de protéger et garantir ces droits.

Ainsi, dans le contexte actuel des choses et dans une perspective de restauration de la souveraineté de l’État. Il faut :

A) Respecter scrupuleusement les droits économiques sociaux et culturels des citoyens

Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisationet des ressources de chaque pays. Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Article 22.

B) Respecter scrupuleusement les droits politiques des citoyens

Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.

La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote. Déclaration universelle des droits de L’homme (1948), article 21.

C) Rendre effectif le droit à un procès équitable

Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Déclaration universelle des droits de L’homme (1948), Article 10.

Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. (2)

Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international.

De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis. Déclaration universelle des droits de L’homme (1948), article 11.

D) Le droit à un recours effectif

Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. Déclaration universelle des droits de L’homme (1948), article 8.

Il n’est pas superflu de rappeler que le principe de légalité consacre la soumission de l’action administrative à la règle de droit sous toutes ses formes : formelle, jurisprudentielles, et plus encore aux règles que l’exécutif élabore lui-même.

Mais la règle est morte si le juge ne la vivifie pas; il n’y a pas d’État de droit sans recours donné au particulier pour faire sanctionner la violation de la légalité par l’administration.

La seconde pièce du système, après la loi, c’est le juge; l’État de droit, c’est l’État dans lequel les violations de la légalité par l’administration peuvent être constatées et sanctionnées par un juge.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université d’état d’Haïti (UEH) - Faculté de droit des Sciences Économiques et de gestion du Cap-Haïtien (FDSEG/CH)
Auteur·trice·s 🎓:
Nem JEAN-BAPTISTE

Nem JEAN-BAPTISTE
Année de soutenance 📅: En vue de l’obtention du grade de licencié en droit - 2012-2016
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