Circulation des productions théâtrales entre la France et l’Europe

Université de Bretagne Occidentale
UFR Lettres et sciences humaines

Mémoire de fin d’études
La circulation des productions théâtrales entre les institutions culturelles françaises et européennes
La circulation des productions théâtrales entre les institutions culturelles françaises et européennes : Une relation réciproque ou unilatérale ?

Présenté par :
Sabrina PASQUIER
Master 2 Management du spectacle vivant

Sous le direction de :
M. René LAFITE

Année universitaire :
Septembre 2006

Table des matières

Methodes

Les méthodes utilisées pour cette étude sont multiples. Elles s’appuient dans un premier temps sur des recherches documentaires, mais aussi sur des entretiens réalisés avec des professionnels du théâtre et de l’Europe (entre mai 2005 et août

2006) et des « personnes-ressource »1. Une étude statistique a été également

menée auprès des théâtres nationaux, des centres dramatiques nationaux et de certaines scènes nationales.

Il convient de mentionner que cette méthode conduit inévitablement à une certaine absence de recul (il est question souvent d’actualité, les personnes interrogées sont majoritairement françaises, pour des questions pratiques). Aussi, les paroles d’acteurs manquent souvent de neutralité.

Soulignons qu’à ce jour, très peu d’ouvrages et de colloques problématisent réellement la notion d’échanges entre la France et l’Europe dans le domaine du théâtre et, plus largement, du spectacle vivant.

1 Voir annexe 1, « personnes ressource interrogées », p. 125.

Introduction

« Le voyage, c’est l’autre nom du spectacle. » Robert Lacombe

L’art théâtral, conçu dans son sens large (un lieu, un temps, une action, un public) est né dans sa forme moderne sur le continent européen. Il apparaît au VIe siècle av. J.C en Grèce.

Son répertoire commence avec Eschyle, Euripide, Sophocle, et se déploie à l’âge classique aux quatre coins de l’Europe avec Shakespeare et Molière, puis Tchekhov et Strindberg, pour ne citer que les auteurs les plus joués du répertoire.

Le théâtre incarne donc la diversité linguistique, de la Grèce à la Grande-Bretagne, de la France à la Suède.

Figure emblématique de l’ensemble des arts du spectacle (musique, danse, cirque), le théâtre s’avère ainsi être un trait de civilisation unique, « élément tout aussi déterminant de la formation d’un espace commun européen que les monuments ou les églises1. »

Bien que le théâtre soit reconnu comme la forme la plus européenne du spectacle vivant, il rencontre bien des difficultés à traverser les frontières, comparé aux autres arts du spectacle.

Les arts de cirque, itinérants par tradition, ont toujours présenté un penchant à l’extraversion. Les arts de la rue, quant à eux, sont voués au voyage par nécessité autant que par désir.

La danse et la musique ont une réputation d’universalité ; l’internationalisme a également gagné le petit monde de la marionnette, à travers les grands festivals internationaux.

Ces arts ont de commun qu’ils se jouent des frontières : ils véhiculent un langage international aisément compréhensible par tous les publics nationaux.

La large diffusion à l’étranger de certaines compagnies et ensembles démontre l’intérêt et le potentiel que représente l’international pour ces disciplines artistiques.

Nous comprenons que les arts sont inégaux devant l’étranger : entré au XIXe siècle dans l’ère de la traduction, le théâtre bénéficie depuis peu d’années des commodités du surtitrage, mais la langue reste un obstacle.

Qu’en est-il donc de la circulation des productions théâtrales entre la France, attachée à la notion d’« exception culturelle » et l’Europe, soucieuse de préserver la « diversité culturelle » ?

1 Robert Lacombe, Le Spectacle vivant en Europe (modèles d’organisation et politiques de soutien), La documentation française, 2004, p. 32.

Comme l’indique Jean-Claude Berutti : « L’Europe, par son histoire et l’évolution de ses pensées, a permis le développement des cultures les plus diverses et les plus variées. L’intégration européenne doit donc consister à connaître, mettre en valeur, confronter, et respecter ces cultures1.

» Or le spectacle théâtral reste l’un des instruments privilégié de cette intégration. En effet, un spectacle naît rarement dans le vide ; il a des liens avec son environnement social, politique et culturel, ce qui en fait un vecteur significatif de la culture et des traditions d’un pays.

A l’heure où l’Europe politique élargie tente de se constituer une identité et au lendemain du rejet de la Constitution européenne de la part de la population française, que devient l’aspect artistique et plus précisément théâtral ? Quelles sont les relations entre les institutions théâtrales publiques françaises et européennes, qui ont chacune une mission d’excellence dans leurs propositions et dont le rôle, dans la construction des identités nationales, est important ? Il convient donc de se poser plus exactement les questions suivantes :

Les échanges entre les productions dans les institutions théâtrales françaises et européennes sont- ils réciproques ? Quels sont les obstacles à cette circulation ? Quelles sont les tendances ? Quelles sont les perspectives d’évolution ?

Cette notion de diffusion de spectacles entre la France et l’Europe ouvre d’une part un volet juridique, puisque parler de la mobilité des artistes, c’est aussi parler de leur statut. Cette notion questionne d’autre part l’économique, puisque les contraintes de production et de diffusion sont variables d’un pays à l’autre.

L’aspect politique n’est pas en reste car les spectacles théâtraux en question couvrent un secteur non marchand excluant tout bénéfice. Leur financement, à l’exception des théâtres privés, provient essentiellement de subventions publiques.

Enfin, il ne faut pas oublier le volet sociologique (tendances artistiques différentes, pratiques culturelles différentes, différent degré d’ouverture des artistes et des professionnels…).

Toutes ces dimensions sont imbriquées les unes dans les autres, c’est pourquoi elles seront évoquées simultanément tout au long de cette étude.

Nous nous attacherons à limiter cette recherche au théâtre d’Art créé au sein d’institutions théâtrales publiques européennes (type théâtres nationaux, CDN, scènes nationales…), qui jouent un rôle de moteur au niveau du territoire.

Aussi, les spectacles ‘jeune public’, appartenant à un autre réseau, ne seront pas pris en compte dans cette étude. Précisons également que l’Europe est entendue ici comme l’ensemble des pays de l’Europe élargie, de l’Atlantique à l’Oural en passant par la Méditerranée.

1 Plaquette de présentation de saison 2005/2006 de la Comédie de Saint-Etienne, p. 44.

Ainsi, la première partie portera sur l’analyse de l’ouverture au théâtre européen des équipes et structures de création et de diffusion françaises. Dans la deuxième partie seront étudiés les conditions et les enjeux de la présence des productions théâtrales françaises dans les pays européens (de l’Europe élargie).

Cela nous conduira enfin à réfléchir sur l’évolution et les caractéristiques des échanges européens (montages de productions à l’échelle européenne, rencontres, relations entre théâtres français et européens).

Table des matieres
Remerciements………………………………………………………………. p. 2
Methode ……………………………………………………………………….. p. 3
Introduction………………………………………………………………… p. 4
PREAMBULE : ETAT DES LIEUX DU THEATRE DANS L’EUROPE ELARGIE p. 7
1- La structuration du théâtre en Europe ……………………… p. 7
B. Le théâtre dans les pays nordiques : un divertissement ?
C. Le théâtre en Europe du Sud : un léger désintérêt au profit du patrimoine bâti
D. Le théâtre en Allemagne et en Europe Centrale et Orientale : le modèle du
« théâtre de répertoire » dominant
2- Les différentes formes de soutien du théâtre en Europe … p. 16
E. L’intervention de l’Etat en matière culturelle en Europe
F. L’implication de l’Europe dans les projets européens
G. Tour d’horizon des contextes politiques et des soutiens institutionnels en Europe
H. Les traits caractéristiques
3- Synthèse : Etat des lieux du théâtre dans l’Europe élargie p. 25
Partie I – Les institutions théâtrales publiques françaises : une place grandissante pour les productions européennes ……………………….. p. 27
1. Une volonté politique affirmée : défendre la « diversité culturelle » p. 28
1.1 L’intérêt artistique du théâtre européen : un théâtre alternatif p. 28
1.1.1 Pourquoi accueillir des productions étrangères ?
1.1.2 Les metteurs en scène emblématiques de l’Europe d’aujourd’hui
1.2 La position « phare » du Théâtre National de l’Odéon – Théâtre de l’Europe ………… p. 39
1.2.1 180 ans d’histoire avec le théâtre européen
1.2.2 Montrer les « maîtres du théâtre européen » dans une Europe artistique élargie
1.2.3 Le poids des institutions
1.3 Le rôle de l’ONDA : principal contributeur pour la diffusion des spectacles en France … p. 41
1.3.1 L’information
1.3.2 L’aide à la diffusion
1.3.3 L’incitation à la rencontre et à l’échange
1.4 La promotion des cultures étrangères …………… p. 43
2. Le développement de l’accueil des productions étrangères : vers un rééquilibrage entre les institutions parisiennes et régionales……… p. 45
2.1 La grande visibilité du théâtre européen dans les institutions publiques parisiennes ……. p. 45
2.2 En région : l’ouverture progressive des CDN au théâtre
européen (étude statistique) …………………………………….. p. 46
2.2.1 L’accueil de spectacles européens : une progression
2.2.2 Les coproductions : un investissement en légère hausse
2.2.3 Vers une intégration du volet international dans les scènes nationales Synthèse : L’évolution de l’accueil des productions européennes dans les institutions théâtrales françaises entre 1998 et 2005 …………… p. 50
3. Les difficultés constatées pour l’accueil des productions étrangères et les moyens d’y pallier …….. p. 52
3.1 Des difficultés liées aux modes de gestion du spectacle à l’étranger…….. p. 52
3.1.1 Des difficultés administratives
3.1.2 Un manque de subventions pour l’exportation à l’étranger des spectacles des autres pays européens
3.1.3 Une incompatibilité entre les théâtres de suite et les théâtres de répertoire
3.1.4 Un manque d’initiatives concernant les coproductions
3.2 Des difficultés inhérentes au problème de la diffusion en France……. p. 55
3.2.1 Un phénomène d’engorgement
3.2.2 Un manque d’initiative de la part des directeurs de théâtre
3.2.3 Des quotas à respecter
3.2.4 Un public parfois réticent
3.3 Sensibiliser le public au théâtre européen ……………………. p. 57
3.3.1 Travailler les relations avec le public
3.3.2 Le phénomène des festivals : rallier les publics
Partie II- L’exportation du théâtre français dans les institutions théâtrales européennes : des difficultés malgré une volonté affirmée ………….. p. 60
1. Les organismes d’aide à l’exportation du théâtre français …………. p. 61
1.1 Le rôle de l’Association Française d’Action Artistique …………. p. 61
1.1.1 Les missions de l’AFAA
1.1.2 L’AFAA en matière de théâtre
1.1.3 La création du « Comité export théâtre »
1.2 Le rôle des établissements culturels français en Europe …….. p. 64
1.2.1 Les établissements culturels français comme interlocuteurs
1.2.2 L’exemple du bureau du théâtre et de la danse à Berlin
2. Analyse des tournées des créations des institutions théâtrales françaises……. p. 67
2.1. Pourquoi diffuser son spectacle en Europe ?……………………… p. 67
2.2. Quelques chiffres……………………. p. 67
2.3. La diffusion des spectacles en Europe : une évolution bien légère……………………. p. 68
3. Les obstacles observés à l’exportation du théâtre français dans les institutions théâtrales européennes…… p. 70
3.1. Des problèmes inhérents à la conjoncture du théâtre dans les pays européens……………. p. 70
3.1.1. Des infrastructures moins nombreuses en Europe qu’en France
3.1.2. Un public peu ouvert dans certains pays européens
3.1.3. L’étroitesse du répertoire dans les théâtres de suite européens
3.1.4. Un manque d’information de la part des programmateurs étrangers
3.1.5. Des difficultés financières
3.1.6. L’intrusion du théâtre commercial aux dépens du théâtre d’art
3.1.7. Théâtres de suite et théâtres de répertoire : une démarche très différente
3.1.8. La difficulté de coproduire un spectacle
3.2. Des difficultés liées aux modes de gestion du spectacle en France………… p. 74
3.2.1. Le coût des spectacles français
3.2.2. Des aides publiques limitées
3.2.3. En France : diversité de compagnies et d’esthétiques
3.2.4. L’omission des tournées à l’étranger dans les coûts de production
4. La solution des grands festivals européens …………………………… p. 77
4.1 Le poids des festivals européens …………………………………. p. 77
4.1.1. Les festivals organisés par le pays accueillant
4.1.2. Les festivals organisés par des organismes français ou européens
4.2 Une perspective limitée…………………………………………….. p. 80
Partie III- La circulation des productions théâtrales entre la France et l’Europe : Une ‘culture de réseau’ …… p. 81
1. Une notion d’exportation remplacée par la notion d’ « échange » … p. 82
1.1 L’échec de la présentation de productions de façon unilatérale p. 82
1.1.1 La remise en cause du « one-shot »
1.1.2 L’importance des relations humaines (de théâtres à théâtres)
1.2 La réalité des échanges et de la coopération …………………… p. 83
1.2.1 L’exportation du savoir-faire des metteurs en scène
1.2.2 La restructuration de l’AFAA en « CULTURESFRANCE » : le résultat significatif d’une réflexion
2. L’affirmation d’une culture de réseau…………………………………… p. 86
2.1 Les cercles de « Grands artistes et théâtres européens » : l’exemple de l’Union des Théâtres de l’Europe et de la Convention Théâtrale Européenne …………………………………………………………… p. 86
2.1.1 L’Union des Théâtres de l’Europe : un réseau des scènes européennes
2.1.2 La Convention Théâtrale Européenne : échanges d’idées, d’hommes et de spectacles
2.1.3 UTE / CTE : mise en perspective
2.2 Le développement des réseaux d’information …………………. p. 96
2.2.1 IETM (Informal European Theater Meeting)
2.2.2 THEOREM
2.2.3 Les autres pôles d’information
3. Le point de vue des institutions théâtrales : L’exemple du Théâtre National de Bretagne à Rennes, premier « Centre européen de production théâtrale et chorégraphique » ………………………………………………. p. 100
3.1 Les activités « européennes » du TNB…………………………… p. 100
3.1.1 L’atelier international d’artistes
3.1.2 Le festival « Mettre en scène » : un laboratoire international
3.1.3 Des échanges tout au long de la saison
3.1.4 L’école supérieure d’art dramatique
3.2 Les projets européens en cours…………………………………… p. 105
4. Le festival ¡Mira! : un exemple réussi de coopération entre les institutions théâtrales sud-européennes (France, Espagne, Portugal)……………… p. 106
4.1 ¡Mira ! : origines, missions et objectifs ………………………….. p. 106
4.2 Une rencontre entre publics et artistes………………………….. p. 107
CONCLUSION …………………………………………………………………… p. 109
TABLE DES MATIERES ………………………………………………………… p. 112
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………….. p. 116
LEXIQUE…………………………………………………………………………. p. 120
ADRESSES UTILES…………………………………………………………….. p. 122
ANNEXES………………………………………………………………………… p. 124

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Bretagne Occidentale  - UFR Lettres et sciences humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Sabrina PASQUIER

Sabrina PASQUIER
Année de soutenance 📅: Master 2 Management du spectacle vivant - Septembre 2006
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