L’évolution des genres littéraires de l’antiquité à nos jours

L’évolution des genres littéraires de l’antiquité à nos jours

Chapitre 4 : L’impact de l’hétérogénéité générique

4-1- L’évolution des genres littéraires de l’antiquité à nos jours

Dans son essai « introduction à l’architecte », in théorie des genres, Genette démontre que l’attribution à Platon et Aristote de la théorie des « trois genres fondamentaux » est une erreur historique qui cautionne et valorise une confusion conceptuelle.

De manière explicite, il démontre qu’au IIIème livre de la République, Platon circonscrit le domaine de la poésie à la représentation d’événement.

Excluant donc de son propos les poèmes lyriques et distingue trois lexis ou modes de représentation : le mode narratif pure, illustré par le dithyrambe, le mode mimétique pure, illustré par la tragédie et la comédie, et le mode mixte illustré par l’épopée.

Aristote, dans les premières pages de La Poétique, définit la poésie comme l’art de l’imitation en vers et forclos ainsi non seulement la poésie non représentative, mais aussi la prose.

Il discerne ensuite trois types de différenciation entre les arts d’imitation : par l’objet imité, par la façon d’imiter et par les « moyens » formels de l’imitation, ce dernier niveau ne recevant toutefois aucun investissement véritable dans le traité.

L’objet imité consiste uniquement en être agissant, représenté soit comme supérieur, soit comme inférieur au reste de l’humanité.

Les façons d’imiter comme les modes de représentation Platoniciens correspondent à des situations d’énonciation ; Aristote n’en retient que deux : le mode narratif, dans lequel le poète parle en son nom propre et le mode dramatique dans lequel se sont les personnes eux-mêmes qui s’expriment.

Ce couple se substitue à la triade proposée par Platon par éviction du narratif pure, mode fictif, le mixte s’intronisant alors comme seul narratif existant.

Les deux catégories d’objet recoupées par les deux catégories de mode déterminent une grille de quatre classes de genres : le poète met en scène les actions des personnages supérieurs dans la tragédie et des personnages inférieurs dans la comédie.

Il raconte des actions des personnages supérieurs dans l’épopée et des personnages inférieurs dans ce que le philosophe identifie provisoirement comme la parodie – réservant en fait sa place , selon Genette, au roman réaliste – En raison la réduction platonico-aristotélicienne du poétique au représentatif, la notion de poésie lyrique n’est pendant longtemps pas mise en paradigme avec celle des poésies épiques et dramatiques.

L’attribution de la triade au deux pensées grecques apparait en fin de classicisme ; elle procède alors à la fois d’un vif respect et d’un besoin de caution.

Ainsi, se réclamant d’Aristote mais passant, d’une part, du terme orthodoxe d’ « imitation » d’action à celui d’ « imitation », et d’autre part, d’une possibilité d’expression fictive à une fictivité essentielle des sentiments exprimés dans les énoncés non mimétiques.

Jean Marie Schaeffer, dans l’introduction de son ouvrage Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, met en évidence le fait que la question des genres n’est pas uniquement littéraire.

Mais c’est surtout dans le domaine de la littérature que le débat des genres a été et continue à être virulent, car la question générique investit la question de savoir ce qu’est la littérature.

Il est possible de repérer trois attitudes chez Aristote, initiateur de la réflexion : l’attitude « normative », l’attitude « descriptive- analytique » et l’attitude « essentialiste à paradigme biologique ».

Schaeffer affirme qu’on pourrait dire que ces attitudes se sont développées historiquement aussi, mais que la question générique se révèle plus complexe après s’être arrêté sur les impasses rencontrées dans l’esthétique philosophique et le système organiciste de Hegel et dans l’œuvre concernant la lutte des genres chez Brunetière, Schaeffer insiste sur le fait que la cause des impasses réside dans la volonté de classification.

En effet, la relation d’appartenance d’un texte à un genre n’est pas aussi simple qu’elle pourrait apparaitre à première vue de sorte qu’il est important de clarifier les rapports entre les œuvres au lieu d’essayer de les classer à l’aide des noms de genre.

Une œuvre littéraire est, comme chaque acte discursif, complexe. Tout acte discursif vise à faire au moins cinq choses que l’on pourrait traduire dans la célèbre question : « qui dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ? » ; ce qui conduit Schaeffer à discerner au moins cinq niveaux discursifs.

Il établit une bipartition entre deux catégories que l’on pourrait subdiviser à leur tour : « l’acte communicationnel » c’est- à dire le cadre, investit le (niveau d’énonciation).

Le « niveau de la destination » et le « niveau de la fonction » qui répondent respectivement aux questions « qui parle ?, « à qui ? », « avec quel effet ? » « L’acte discursif réalisé », ou la réalisation du message se compose du « niveau sémantique » et du niveau syntaxique » qui correspondent aux questions « quoi » et « comment ».

Les noms de genres n’investissent pas les mêmes niveaux, ce qui explique déjà en partie l’hétérogénéité.

De plus, les déterminations génériques ne se limitent pas à ces cinq catégories. Schaeffer repère aussi par exemple des noms des genres qui renvoient à des déterminations de lieux ou de temps tels que la tragédie élisabethaine ou le courtois provençal.

Il faut ajouter à cela que la signification des noms de genre est variable contextuellement et qu’il n’identifie jamais le texte total. Il est donc clair que les référents génériques sont des réalités pluridimensionnelles.

Outre leur caractère complexe, les textes ne peuvent être dissociés du contexte de leur situation historique. A cet égard, il faut tenir compte de deux phénomènes : d’une part, un texte peut se trouver dans un autre texte grâce à une « récréation générique », ce qui est exemplifiée par les traductions-adaptations ; d’autre part, une œuvre peut donner lieu à des recontextualisations ultérieures réalisées dans différentes situations de réception dont témoignent les traductions, en dehors du fait qu’un approfondissement de la question des traductions peut constituer un apport dans le débat générique, il s’en suit également que la problématique générique se traduit dans au moins deux questions : « celle de la création du texte » à laquelle répond « la généricité auctoriale » et « celle de sa réception » à la quelle correspond la généricité lectoriale ».

Tout comme la notion de littérature est complexe, le système qu’il organise à savoir les genres, se compose de plusieurs niveaux.

L’opposition fondamentale se situe entre le régime auctoriale et le régime lectorial. Les genres font donc partie de « la logique pragmatique de la généricité logique qui est indistinctement un phénomène de production et de réception textuelle»

A ce stade, Schaeffer cherche à mieux cerner les « régimes et logiques génériques » de nouveau, il est possible d’instaurer une bipartition : au niveau de l’acte communicationnel, une relation d’exemplification s’introduit, ce qui signifie que le texte possède les propriétés fixées par le nom de genre ; quand le référent générique investit au contraire le niveau du texte comme réalité syntaxique et sémantique, Schaeffer parle de la modulation générique, car le texte n’exemplifie pas seulement les propriétés indiquées par le nom de genres, mais modifie également les propriétés pertinentes.

D’autres subdivisions s’imposent de sorte que, à la fin, Schaeffer réussit à distinguer quatre logiques de la généricité qui ont chacune des caractéristiques propres.

Quant à l’acte communicationnel la « relation d’exemplificat

ion globale » d’une propriété est mise en évidence, exprimée dans des descriptions « contrastives » et des définitions « en compréhension ».

On pourrait faire le lien avec des « conventions constituantes » c’est-à –dire des conventions qui produisent des activités ; l’écart est alors considéré comme un « échec ». Schaeffer qualifie ainsi La Princesse de Clèves de récit, car le livre en illustre les propriétés. Au niveau du texte, trois catégories peuvent être révélées.

Bon nombre de noms de genres se réfère à la « relation de modulation par application » des règles, à laquelle correspondent des définitions « prescriptives » et des descriptions « énumératives ».

A cet égard, l’évocation des « conventions régulatrices qui prescrivent les activités ultérieures, est permise ; l’écart est donc conçu comme « violation ».

Etant donné que le parfum de Baudelaire applique les règles de sonnets, le poème peut donc recevoir ce nom générique. Les « classes généalogiques » par contre se basent sur des relations « de modulation hypertextuelle » donnant lieu à des descriptions « spécifiantes » et des définitions « heuristiques ».

L’évolution des genres littéraires de l’antiquité à nos jours

La comparaison avec les « conventions traditionnelles », qui expriment le fait qu’une activité actuelle recourt à des modèles antérieurs et reproductibles, est correcte, ce qui signifie que l’écart est considéré comme « transformation ».

Selon Schaeffer, Micromégas est un conte de voyage imaginaire, du fait que Voltaire s’est référé à cette tradition (Lucien, voyage de Gulliver, Bergerac) en la modifiant.

C’est seulement dans la catégorie des classes généalogiques qu’il est très important de faire la distinction entre la généricité lectoriale et la générécité auctoriale, car « la dépendance contextuelle de l’identification générique peut être très grande .Ceci correspond au caractère complexe et protéiforme » des genres hypertextuels.

En dernier lieu, les « classes analogiques » se fondent sur des relations « ‘de modulation par ressemblance », ce qui se traduit dans des définitions « statistiques » et des descriptions « typisantes ». la question des conventions n’est pas à l’ordre du jour dans cette catégorie, si bien que l’écart est considéré comme « variation ».

Le texte chinois Dame Chao, rappelle le genre de la nouvelle, sans qu’il y ait un véritable « statut causal » de l’analogie générique. Il est nécessaire d’ajouter que c’est la seule catégorie dans laquelle la générécité est uniquement lectoral.

Ainsi, il est clair que la relation d’appartenance d’un certain texte à un certain genre est très complexe : Schaeffer souligne en effet que les genres sont souvent « des classes impures », du fait que l’acte littéraire est une réalité pluridimensionnelle.

En fait, il avait déjà insisté sur le fait qu’un acte discursif peut concerner au moins cinq niveaux et que la question générique regarde au moins les deux facteurs importants de la production et de la réception d’un texte littéraire peut donc être conçu dans plusieurs perspectives ; ainsi, Schaeffer suggère que les quatre logiques génériques qu’il a traitées constituent des phénomènes relatifs, mettant en relief que le débat générique demande une approche prudente et qu’il faut abandonner la volonté de diviser en catégories nettement définies.

Ainsi, au sein de notre corpus, cette évolution générique est visible puis que le mélange des genres est un processus qui évolue sans cesse au quotidien. A titre d’exemple, L’Eden Cinéma est une réécriture du roman Le barrage du pacifique.

On assiste à une inter relation entre hypertexte et hypotexte avec les mêmes histoires, les mêmes personnages et les mêmes espaces qui reviennent dans les deux textes.

Dans Juste la fin du monde, l’écriture théâtrale prônée par l’auteur Jean Luc Lagarce, est un mélange de différents styles d’écriture. Comme nous l’avons mentionné ci-haut, le texte est entièrement constitué de versets.

C’est une forme d’écriture qui nous rappelle la prose poétique décrite par les poètes des siècles antérieurs tels que Baudelaire et Mallarmé.

Le Paquet de philippe Claudel est aussi l’illustration d’un théâtre en pleine évolution. Tout le texte est marqué par une écriture libre qui s’écarte des règles traditionnelles. Il n’y aucune scène, ni tableau, ni division en parties.

C’est le prototype d’un théâtre révolutionné, qui intègre de temps à autre des fragments poétisés marqués par des répétitions, des anaphores, des phrases interrompues qui créent une rupture entre le personnage et le spectateur /lecteur.

« J’avais beau changer d’école, on me changeait souvent d’école, parce que… » (Claudel, 2010:11). « « Chaque homme mérite ce qu’il a : le riche, sa fortune.

Le pauvre, son… » (Claudel, 2010:68). Avec cinq récurrences aux pages 68, 71, 72, 81,85, « J’allais donc à Chatelet ce jour-là pour régler un…enfin, j’allais à Chatelet car il faut bien aller quelque part dans la vie. » (Claudel, 2010).

Notons aussi l’usage de nombreuses répétitions qui viennent enfoncer le clou dans cet univers prosaïque « Brigitte Bardot est une salope mais j’suis trop con pour la baiser ! » (Claudel, 2010:17).

Avec plusieurs récurrences aux pages 17, 18(2 fois), « Validez Madame, validez je vous prie. » (Claudel, 2010:25), avec 3 récurrences.

Cette rupture permanente qui se matérialise par des points de suspension témoigne de l’incapacité du héros à se souvenir et à créer une communion permanente avec le public.

En somme, l’évolution des genres littéraires est un fait incontestable. Les époques ne sont pas les mêmes. Ainsi, face à la concurrence des autres arts qui ont séduit le public-notamment le cinéma et la musique-, les écrivains ont opté pour des formes d’écritures diverses qui plaisent aux consommateurs.

Cette évolution qui prend l’élan d’un vol d’oiseau longtemps resté captif, est un fait qui semble irrémédiable.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le mélange des genres dans la dramaturgie française contemporaine à travers L'Éden Cinéma
Université 🏫: Université de Maroua
Auteur·trice·s 🎓:
Tchingdoube valentin

Tchingdoube valentin
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de master ès lettres
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