Les règles camerounaises sur les prix de transfert

Chapitre 2 : L’internalisation des règles OCDE sur les prix de transfert par la législation et doctrine fiscale camerounaise.

Les prix de transfert de par la problématique fiscale qu’ils posent, relative à la fixation, à l’analyse et à l’ajustement des prix pratiqués par les entités liées et implantées sur un territoire, constituent un très grand enjeux tant pour l’administration fiscale que pour les entreprises lès pratiquant.

Le Cameroun avant son adhésion à l’OCDE, sa doctrine fixait des règles traditionnelles devant s’appliquer aux prix de transfert ( Section 1 ), et qui par son adhésion à l’OCDE en 2017, les a moderniser en se basant sur la règle internationale OCDE ( Section 2 ).

Section 1 : Les règles traditionnelles camerounaises sur les prix de transfert avant son adhésion à l’OCDE

La doctrine fiscale camerounaise avant son adhésion à l’OCDE en 2017, avait prévue des règles relatives aux de prix de transfert que devaient appliquer les entreprises les pratiquant.

Ces règles consistaient à limiter le taux de déductibilité des charges financières ( Paragraphe 1 ), mais aussi celui des autres opérations transfrontalières donnant lieu au paiement d’un prix ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 : La limitation du taux de déductibilité des charges financières

Bien avant son adhésion à l’OCDE en 2017, le Cameroun avait déjà prévu des mesures de lutte contre les emprunts faits par les filiales camerounaises aux Sociétés mères situées à l’étranger.

Ces emprunts étaient constitutives de fausse manipulation de ces sociétés mères avec le contentement de leurs filiales camerounaises.

Ces fausses manipulations consistaient pour les sociétés mères à transformer les apports en fonds propres qu’elles consentent à leurs filiales en de simples prêts, et ce dans le but d’augmenter les montants des charges financières ( pour une entreprise, sont la rémunération des ressources d’emprunts, c’est-à-dire des capitaux propres ) déductibles des résultats imposables des sociétés bénéficiaires, entrainant une ‘’ sous- capitalisation ‘’ 37 dont la doctrine fiscale camerounaise par la loi de finances 2014, appréhendait cette pratique tout d’abord en présentant les cas déterminant la limitation des intérêts en cause (A) ensuite, luttait contre elle en fixant des modalités plafonnant les déductions de ces charges financières (B).

37 La sous-capitalisation est un ‘’procédé qui permet aux sociétés du groupe de transformer leurs apports en fonds propres qu’elles consentent à leurs filiales ou à leurs’’ sœurs ‘’ en de simples prêts ou avances dans le but d’augmenter les montants des charges financières déductibles des résultats imposables des sociétés bénéficiaires’’, Article 7b de la loi de finances 2014.

A- Cas de détermination de la limitation des intérêts en cause

La limitation des intérêts en cause variera selon que les prêts sont obtenus des entreprises détenant moins de 25% du capital social (1) ou des entreprises détenant au moins 25% du capital social (2).

1- Des entreprises détenant moins de 25% du capital social ou droit de vote

Cette doctrine fiscale camerounaise dans ses dispositions, autorise en effet les filiales domiciliées au Cameroun de demander des prêts à leurs sociétés mères situées à l’étranger, mais à condition que ces sociétés mères détiennent moins de 25% 38du capital social ou du droit de vote, directement ou indirectement.

Dès lors qu’elles possèdent de manière directe ou indirecte au moins 25% du capital social ou du droit de vote, leurs filiales peuvent leur demander des prêts dont les ‘’ intérêts sont servis à ces associés et entreprises sont admis en déduction dans la limite du taux d’intérêt pratiqué sur les avances de la Banque Centrale ( BEAC ), majoré de deux (02) points au maximum 39‘’ qui impacteront si l’entreprise est en ‘’ sous-capitalisation ‘’ de ses capitaux propres.

Car étant en sous-capitalisation de ses capitaux propres, l’entreprise cherchera à violer la loi dans le but d’augmenter les montants des charges financières qui seront déductibles de l’ensemble des résultats imposables des sociétés bénéficiaires.

2- Des entreprises détenant au moins 25% du capital social ou du droit de vote

Lors de l’octroi des dettes par les entreprises ou associés possédant au moins 25% du capital social ou du droit de vote des filiales ou des sociétés sœurs, il peut arriver que ces sociétés mères détenant au moins 25% du capital des filiales fixent des taux des intérêts pour ces dettes pouvant dépasser le montant des capitaux propres des filiales ou sociétés sœurs et pouvant entrainer une sous-capitalisation et une augmentation des charges financières déductibles des résultats imposables des sociétés bénéficiaires, car chaque fois qu’il y’a déductions, les recettes de l’administration fiscale camerounaise sont en baisses.

38 Article 7b du code général des impôts, édition 2020

39 Article 7b-1 de la loi de finances 2014

Le législateur fiscal camerounais s’étant rendu compte de l’impact que ces déductions pouvaient avoir sur leurs recettes fiscales, a fixé des dispositions concernant donc la limitation du seuil des déductions.

Désormais, elle admet en déduction de la base de calcul des impôts les intérêts octroyée aux sociétés mères dans certaines mesures :

Dans la mesure où ‘’ les sommes mises à la disposition n’excèdent pas, pour l’ensemble desdits associés, une fois et demi le montant des capitaux propres.

Dans le cas contraire, les intérêts afférents à la fraction excédentaire ne sont pas déductible.’’40

Dans la mesure où ‘’ les intérêts servis auxdits associés n’excèdent pas 25% du résultat avant impôt sur les sociétés et avant déduction desdits intérêts et amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat. Dans le cas contraire, la fraction excédentaire n’est pas déductible.’’41

B : Présentation des modalités de plafonnement de déduction des charges financières

La limitation des déductions des intérêts des entreprises possédant directement ou indirectement moins de 25% du capital social, ou des entreprises ou associés possédant directement ou indirectement au moins 25% du capital social ou du droit de vote est assise sur les capitaux propres (1) ou sur les revenus bruts d’exploitation (2).

1- Limitation des déductions des intérêts assises les capitaux propres

Les capitaux propres sont définis dans l’Acte Uniforme OHADA relatif à l’Organisation et l’Harmonisation des Compatibilités des Entreprises ( AU OHCE ) comme ‘’correspondant aussi au total formé des apports, des écarts et de réévaluation, des bénéfices autres que ceux par lesquels une décision de distribution est intervenu, des pertes, des subventions d’investissement et des provisions réglementées ‘’42.

Afin d’éviter une déduction totale liée aux prêts obtenus des entreprises étant sous contrôle, la loi a fixée un taux devant limiter ces intérêts des prêts déductibles au montant de leurs capitaux propres.

Lorsque les intérêts sont supérieurs aux taux fixés par la loi qui est de une fois et demi le montant des capitaux propres, l’excédent sera réintégré et imposable à l’impôt sur les sociétés.

40 Article 7b du Code Général des Impôts camerounais édition 2014

41 Article 7b du Code Général des Impôts camerounais édition 2014

42 Acte uniforme OHADA relatif à l’organisation et l’harmonisation des compatibilités des entreprises, Section 11, capitaux propres et autres fonds propres.

Si le montant des avances est inférieur à une fois et demie le montant des capitaux propres, l’entreprise pourra alors déduire les intérêts, mais à condition qu’ils ne soient pas supérieurs au taux de la BEAC qui est majoré de deux (02) points.

Cas pratique

L’entreprise SIKI Sarl a obtenu un prêt de 80 000 000 000 FCFA de la part de sa société mère, domiciliée à Londres.

Les capitaux propres de cette entreprise s’élèvent à 200 000 000 000 FCFA et le taux d’intérêt dudit prêt est de 10% tandis que le taux pratiqué dur les avances de la Banque centrale (BEAC) s’élève à 12%

L’entreprise a généré un revenu brut d’exploitation de 40 000 000 000 FCFA au cours de l’exercice.

** Application numérique :

Vérification de la sous-capitalisation par rapport aux capitaux propres

A titre de rappel, les intérêts servis à la société mère ne doivent dépasser les 1,5 du montant des capitaux propres.

Montant des capitaux propres (KP)= 200 000 000 000 FCFA

Plafond d’emprunt ouvrant droit à la déductibilité des intérêts = 1,5 × KP soit (1,5 × 200 000 000 000 FCFA)= 300 000 000 000 FCFA

Montant de l’emprunt = 80 000 000 000 FCFA

** Analyse : l’emprunt de 80 000 000 000 FCFA étant inférieur au plafond de déductibilité de 300 000 000 000 FCFA, l’entreprise n’est pas en situation de sous- capitalisation sur le volet capitaux propres.

2- La limitation des déductions des intérêts fondées sur les revenus bruts d’exploitation (RBE)

Le revenu brut d’exploitation est un indicateur permettant de connaitre la rentabilité réelle d’une entreprise, c’est-à-dire la rentabilité générée uniquement par son activité opérationnelle, indépendamment de ses politiques d’investissement et de financement.

Dans le revenu brut d’exploitation (RBE), la limitation de la déduction des intérêts de l’entreprise intervient lorsque ‘’les intérêts servis aux associés excèdent 25% du revenu brut d’exploitation ‘’43.

Vérification de la sous-capitalisation par rapport au revenu brut d’exploitation

(RBE)

A titre de rappel, les intérêts servis à la société mère ne doivent pas excéder 25% du revenu brut d’exploitation.

– Montant de l’emprunt : 80 000 000 000 FCFA

– Intérêt : 80 000 000 000 FCFA × 10% = 8 000 000 000

– Plafond des intérêts déductibles : 25% × RBE soit (25/100 × 40 000 000 000)= 10 000 000 000 FCFA

Analyse : Le montant des intérêts de 8 000 000 000 FCFA étant inférieur au plafond des intérêts déductibles (10 000 000 000 FCFA). L’entreprise n’est pas en situation de sous- capitalisation au regard du RBE et par conséquent déductible.

Paragraphe 2 : La limitation du taux de déductibilité des autres opérations transfrontalières donnant lieu au paiement d’un prix

Compte tenu de l’impact que pourraient avoir les prix de transfert sur les recettes fiscales de l’administration et aussi son économie, relativement au transfert illicite de bénéfices, le législateur et la doctrine fiscales camerounaise dans le but de lutter contre ce problème impactant sur ces recettes, ont pris comme disposition de limiter les charges déductibles des opérations relevant des prix de transfert ( opérations susceptibles de donner lieu au paiement d’un prix ) qui sont admis comme charges, en occurrence les frais d’assistance technique et frais généraux de siège (A) ainsi que les redevances pour l’utilisation des brevets, marques dessins et modèles (B).

43 Loi de finances 2014

A- Limitation des taux de charges déductibles des frais d’assistance technique et des frais généraux de siège

L’article 7 A 1d du Code Général des Impôts 2020, déduit toutes les charges des opérations à réalisées au Cameroun par des entités étrangères. En effet les frais généraux constituent par principe toutes les charges déductibles.

Conformément à cet article sous réserve de l’application des conventions fiscales internationales conclues par le Cameroun, les ‘’ frais généraux de siège pour la plupart incombant aux opérations faites au Cameroun et les rémunérations de certains services effectifs ( études, assistance technique financière ou comptable ) rendus aux entreprises camerounaises par les personnes morales ou physiques étrangères ‘‘44 sont fiscalement déductibles du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dans des limites des taux ci-après :

  • 2,5% du bénéfice imposable avant déduction des frais en cause pour les entreprises soumises au régime général
  • 1% du chiffre d’affaire pour les entreprises du secteur des Travaux publics
  • 5% du chiffre d’affaire pour les bureaux d’étude et d’ingénieurs conseils.

La circulaire interprétative des dispositions fiscales de la loi de finances 2013 indique que toute prestation de service concourant à l’accroissement du rendement ou de la production de l’entreprise camerounaise qui en bénéficie, constitue une prestation d’assistance, lorsqu’elle est rendue par une entreprise relevant du périmètre de consolidation de la société mère de la société camerounaise en cause.

Ce faisant, l’administration fiscale entend soumettre à ce plafond de déductibilité l’ensemble de prestation de services rendues par les entités apparentées.

B- Limitation des redevances pour l’utilisation des brevets pour l’utilisation des brevets, marques dessins et modèles.

Toutes les opérations relatives au prix de transfert sont les opérations susceptibles de donner lieu au paiement d’un prix, et l’administration fiscale dans le but d’éviter des transferts illicites des bénéfices liées à ces opérations susceptibles de donner lieu au paiement des prix pouvant fausser l’imposition des montants à l’impôt sur les sociétés qui les considére comme charges et par conséquent déductibles, limite la déduction des charges des redevances pour l’utilisation des brevets d’invention, marques de fabrique, dessins et modèles qui constituent des droits incorporels, à condition qu’elles ne soient exagérées.

Les brevets d’invention45 sont des titres délivrés par les pouvoirs publics, conférant un monopole temporaire d’exploitation sur une invention à celui qui la révèle, en donne une description suffisante et complète, et revendique ce monopole.

Quant – aux marques de fabrique46, ce sont des signes sensibles apposés sur des produits ou accompagnants des services afin de les distinguer de ceux des concurrents.

  • 44 Article 7 A 1d du Code Général des Impôts édition 2020
  • 45 Lexique des termes juridiques Dalloz 22e édition, p.136
  • 46 MANFOUO FOPA Severain, le régime fiscal des rémunérations versées à l’étranger au regard de la TSR, Académie fiscale et douanière du Cameroun, Diplôme professionnel de cadre fiscaliste 2008

Le Code Général des Impôts camerounais édition 2020 dans son article 7 A 1 d admet en effet ces charges, mais limite aussi les sommes issues des redevances pour l’utilisation des brevets d’invention, des marques de fabrique, des dessins et modèles en ces termes ‘’ Les sommes versées pour l’utilisation des brevets, marques, dessins et modèles en cours de validité dans la limite globale de 2,5% du bénéfice imposable avant déduction des frais en cause ‘’.

Cette limitation s’applique aux sommes versées par les entreprises participant directement ou indirectement à la gestion du capital social ou du droit de vote d’une entreprise camerounaise.

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