Le contrôle de l’anormalité des prix de transfert

Deuxième partie : la mise en pratique du contrôle des règles ocde applicables aux prix de transfert par la législation fiscale camerounaise

La mise en pratique de ces règles relatives aux prix de transfert au Cameroun requiert une attention particulière de l’administration fiscale camerounaise.

L’administration fiscale camerounaise après fixation de ces règles, contrôle leur application par les entreprises multinationales. Elle exerce un contrôle sur l’anormalité des transactions opérés par les filiales camerounaises avec des entreprises du même groupe mais domiciliées hors Cameroun, qui des fois sont soupçonnées de ne pas être conformes au principe de pleine concurrence.

Ce qui est contraire aux règles applicables en la matière et entrainant par la suite d’énormes conséquences.

De tout évidence, l’appartenance à un groupe de sociétés confère des privilèges dont les prix de transfert sont l’illustration majeure, d’où l’intervention méticuleuse de l’administration fiscale camerounaise et de ses agents pour un contrôle fiscal57 des règles applicables aux prix de transfert.

Cette administration procède à un contrôle de l’anormalité de ces prix de transfert par rapport au principe de pleine concurrence ( Chapitre 1 ) et dont l’anormalité avérée, entraîne d’énormes conséquences.

D’où des perspectives pour une fiscalisation plus efficiente et pratique plus régulière des prix de transfert sur son territoire sont proposées aux différents acteurs concernés ( Chapitre 2 ).

57 AYANGMA AYANGMA (Joseph), La pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC : Le cas du Cameroun : préface de pierre ALAKA ALAKA, L’Harmattan du Cameroun.

Chapitre 1: le contrôle de l’anormalité des prix de transfert au regard du principe de peine concurrence par l’administration fiscale camerounaise

Les prix de transfert constituent un sujet important lors d’une vérification de la comptabilité.

L’administration doit en effet, s’assurer que le résultat déclaré au Cameroun par l’entreprise contrôlé correspond aux activités déployées sur le territoire national.

De manière générale, les agents de l’administration fiscale camerounaise contrôleront l’anormalité des prix de transfert pratiqué par l’entreprise, aussi bien pour les achats et les ventes que pour toute autre opération, au regard du principe de pleine concurrence.

Ce contrôle de l’anormalité des prix de transfert n’est pas toujours un exercice facile pour ces agents, car ils sont confrontés à des difficultés survenant non seulement des lacunes de l’administration fiscale camerounaise mais aussi des pratiques irrégulières par des entreprises sous contrôle ou sous dépendance, qui pratiquent ces prix de transfert les rendant complexe ( Section 1 ), n’étant pas sans conséquence directe sur les recettes de l’administration fiscale camerounaise que sur les résultats réalisés par ces entreprises une fois constatée ( Section 2 ).

Section 1 : Les difficultés rendant complexe le contrôle de l’anormalité des prix de transfert par les agents de l’administration fiscale camerounaise.

Le législateur fiscal camerounais ayant internalisé les normes internationales que préconise l’OCDE en son droit interne par la reformulation des articles 19 du CGI 2020 et L 19 du LPF pour sécuriser sa base imposable, s’est également approprié des moyens devant servir au contrôle de l’anormalité des prix de transfert au regard du principe de pleine concurrence proposé par l’OCDE.

Ces difficultés sont liées aux acteurs concernées par les prix de transfert en occurrence l’administration fiscale elle-même ( Paragraphe 1 ) et les entreprises pratiquant les prix de transfert ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 : Complexité du contrôle de l’anormalité des prix de transfert liée à l’administration fiscale camerounaise

Le caractère complexe des prix de transfert lors de son contrôle par l’administration fiscale camerounaise est résumé de l’appropriation difficile du Cameroun du moyen de contrôle primordial proposé par l’OCDE (A) et de la timide mise en œuvre des moyens de contrôle supranationaux négociés par le Cameroun (B).

A : Appropriation malaisée par le Cameroun du moyen primordial de contrôle proposé par l’OCDE : Le principe de pleine concurrence

L’OCDE dans Les principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et les administrations fiscales, notamment dans son article 9, ressort comme norme internationale devant s’appliquer aux prix de transfert dans les Etats le principe de pleine concurrence 58.

Ce PPC consiste à réduire les difficultés liées aux échanges et aux investissements internationaux ; il prévoit de traiter sur un même pieds d’égalité les transactions entre entreprises associées et entreprises indépendantes.

Les règles applicables aux prix de transfert permettent généralement à l’administration fiscale d’ajuster les bénéfices imposables lorsque les entreprises associées ou intragroupes n’adoptent pas des conditions de pleine concurrence dans leur transactions entre elles.

Afin de déterminer ce prix, les administrations fiscales comparent les conditions de transactions des entreprises associées à celles qui existent entre les parties indépendantes dans les circonstances comparables. Et pour le faire, chaque administration fiscale procède à une analyse de comparabilité59 chaque fois que le PPC s’applique.

Cette analyse de comparabilité vise à s’il n’existe pas de différences entre transactions entre entreprises associées et celles des entreprises indépendantes ; et s’il en existe, l’administration fiscale procède à des ajustements afin d’éliminer ces transactions.

Ce pendant, l’administration fiscale camerounaise étant donné qu’elle fasse partie d’un pays en voie de développement, fait face à des difficultés liées à l’analyse de comparabilité qu’exige le principe de pleine concurrence pour son application.

L’administration fiscale camerounaise manque en effet d’informations ou de données indispensables pour effectuer une analyse de comparabilité, ce qui rend de plus en plus complexe le contrôle de l’anormalité des prix de transfert.

Et par données ou informations indispensables pour effectuer une analyse de comparabilité, on voit entre autre les transactions potentiellement comparables, les informations financières fiables et pertinentes ainsi que des données suffisamment fiables pouvant être exploitées dans le cadre d’analyse des prix de transfert.

58 L’article 9 du modèle de convention de l’OCDE expose le principe de pleine concurrence comme suit « Lors que les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées qui différent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause des conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence »

59 OCDE 2017 dans Les principes applicables en matière de prix de transfert, définit l’analyse de comparabilité comme la « comparaison d’une transaction entre entreprises associées avec une ou plusieurs entreprises indépendantes. Ces deux types de transactions sont comparables si aucune différence entre elles n’est susceptible d’affecter matériellement les facteurs pris en compte dans la méthodologie (par exemple le prix ou la marge ) ou s’il est possible de procéder aux ajustements nécessaires pour éliminer les effets matériels de ces différences ».

Cette pénurie d’informations ou de données est liée au fait que l’administration fiscale camerounaise manque d’informations suffisamment fiables et assez pertinentes d’entreprises indépendantes pratiquant les mêmes transactions que ces entreprises associées.

Une transaction sur le marché libre est comparable à une transaction contrôlée lorsqu’il n’existe pas de différences entre transactions entre susceptibles d’affecter sensiblement le prix examiné ou bien, si de telles différences existent, lorsque des ajustements de comparabilité fiables peuvent être pratiquées pour éliminer leur incidence.

B : Timide mise en œuvre des moyens de contrôle supranationaux négociés par le Cameroun : Timide mise en œuvre de l’échange des renseignements prévus par les conventions fiscales bilatérales ratifiés par le Cameroun

Le Cameroun dans le but de contrôler les prix de transfert, à ratifié à des conventions fiscales bilatérales c’est-à-dire entre deux pays en effet pour l’échange d’informations devant servir à contrôler les prix de transfert. Cependant, ces conventions fiscales bilatérales bien qu’elles aient déjà été ratifiée par le Cameroun, ne sont toujours pas jusqu’à présent entrées en vigueur sur le territoire camerounais.

Le fait pour ces conventions de n’être pas entrer en vigueur empêche notamment les agents de l’administration fiscale camerounaise d’effectuer un meilleur contrôle sur l’anormalité des prix de transfert dans les entreprises intra-groupes dû au fait qu’ils manquent amplement des informations relatives aux prix de transfert de d’autres Etats, fragilisant ce contrôle à l’extérieur du territoire.

A titre d’exemple de conventions fiscales que le Cameroun à ratifié mais n’étant toujours pas entrées en vigueur60 jusqu’à présent, on peut citer en effet :

– La convention fiscale entre l’Allemagne et le Cameroun sur l’élimination de la double imposition des entreprises de transport aérien en matière d’impôt sur le revenu signé 24 août 2017 et toujours pas entrée en vigueur

– La convention Cameroun et Maroc du décret n°2014/609 du 31 décembre 2014 portant ratification entre le Cameroun et le Maroc pour éviter la double imposition et prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu

60 www.impôts.cm Ministère des finances du Cameroun, Direction générale des Impôts.

Paragraphe 2 : Complexité du contrôle de l’anormalité des prix de transfert du fait des entreprises multinationales : Montages illicites.

Pour l’optimisation de leurs résultats d’ensemble, certaines entreprises apparentées développent des montages illicites directs (A) et indirects (B) dont il est difficile d’établir qu’elles canalisent indirectement les revenus vers les pays à fiscalité privilégié.

A : Montages illicites directs : Évitement total ou partiel de l’impôt

Les entreprises camerounaise sous contrôle ou sous dépendance d’autres entreprises situées à l’étranger ou les entreprises mères situées à l’étranger dans le but d’éviter de payer l’impôt totalement ou partiellement, rendant effet difficile le contrôle par l’administration fiscale camerounaise, procèdent à la manipulation intra-groupe des valeurs de biens.

Cette manipulation consiste à pour la plupart utiliser des conventions fiscales internationales 61 dans le but d’obtenir indûment les avantages prévus par certaines conventions fiscales.

Généralement, ces entreprises intra-groupes recherchent des conventions fiscales entre États à fiscalité avantageuse.

Certaines entreprises intra-groupes encore procèdent à la manipulation de leur prix, soit en majorant afin de développer plus leurs capitaux ou en minorant dans le but d’obtenir un retour sur investissement.

Ces entreprises intra-groupes procèdent aussi à la manipulation de leur valeurs.

Cette manipulation consiste pour les entreprises mères d’accorder des prêts aux entreprises camerounaises sous leur contrôle ou dépendance en fixant un taux d’intérêt anormal avec leur consentement, sachant en effet que cet intérêt sera déductible au bénéfice imposable par l’administration fiscale camerounaise.

On peut ajouter à cette pratique des rémunérations anormales des prestations de services, qui consistent pour l’entreprise mère à payer à un prix bas les frais d’assistance technique ou généraux de siège.

61 http://fr.m.wikipedia.org une convention fiscale internationale est un traité entre deux pays visant à éviter la double imposition des personnes et des entreprises sur les mêmes biens, revenus ou bénéfices. En particulier, elle définit la résidence fiscale, de sorte que le citoyen ou l’entreprise d’un pays résidant dans un autre ne soit pas imposé dans chaque pays.

B : Montages illicites indirects : évasion fiscale

Dans les pays à haute fiscalité, certaines entreprises dans le but d’échapper à l’impôt usent des pratiques considérées comme illicite afin de transférer les bénéfices vers d’autres pays où la fiscalité est privilégiée au sens de l’article 8 ter du CGI 2020, et causant notamment l’évasion fiscale internationale.

Ces pratiques illicites consistent pour les entreprises à créer des sociétés fictives, qui sont considérées comme des sociétés écrans62 dont il est difficile pour l’administration fiscale camerounaise de déterminer le bénéfice réel imposable.

Ces sociétés écrans sont utilisées en effet dans le but de dissimuler les bénéfices réalisés par une entreprises à l’administration fiscale, et les transférer vers un autre pays où le régime d’imposition est plus avantageux.

Il revient à l’administration fiscale dans ce cas de démontrer le caractère fictif de cette pratique, rendant possible la qualification d’un abus de droit.

En matière de TVA, il peut s’agir des manœuvres telles que l’utilisation des logiciels frauduleux devant permettre à occulter le chiffre d’affaires réel réalisé par l’entreprise.

En plus de la création des sociétés écrans, on se rend compte qu’avec le développement d’internet, de plus en plus d’entreprises sont fondées uniquement sur les commerces électroniques 63 notamment la vente en ligne qui est aussi une source de difficultés de l’administration fiscale camerounaise notamment pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

62 http://fr.m.wikipedia.org une société écran est une société fictive, créée pour dissimuler des transactions financières d’une ou de plusieurs autres sociétés.

63 Lexique des termes juridiques Dalloz 22e édition le définit comme étant une ‘’ expression désignant les transactions commerciales entre entreprises et particuliers (dites « B 2 C » pour : business to consumer) ou entre entreprises (« B 2 B » ), portant sur des biens ou des services et représentées par la transmission et le traitement par des réseaux informatisés ( internet, par ex.) de données numériques pouvant correspondre à du texte, à des dons ou a des images.’’

Lors de ces transactions électroniques, la valeur des services et les actifs incorporels que ces entreprises utilisent sont difficiles à identifier, ce qui rend complexe la détermination du profit imposable ainsi que celle du lieu où est réalisée l’activité exploitée.

Avec l’avènement des nouvelles technologies, les entreprises spécialisées dans le commerce se lancent beaucoup plus dans le commerce en ligne du fait de l’absence physique de l’entreprise, qui de plus, proposent des services reposant sur l’incorporels, ce qui favorise le phénomène d’érosion des bases fiscales.

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