La constitution : définition, légitimité et l’élaboration

CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE – Chapitre premier :

Tout au long du traitement de ce chapitre, nous tenterons de fournir une explication de certains concepts clés constitutifs de notre sujet de recherche pour comprendre davantage ce à quoi va porter notre étude.

Ces différents concepts, ces différentes théories sont à retrouver dans ces deux sections que nous aborderons dans ce chapitre, à savoir :

  • La définition des concepts ;
  • Les principes et fondement de la démocratie.

Section 1. définition des concepts

Dans cette section, il est question d’expliquer les concepts clés de cette étude notamment : la révision, la constitution, le pouvoir constituant, la révision constitutionnelle, la démocratie, l’état de droit et l’alternance politique.

1.1. Constitution

La constitution est définie comme étant la loi fondamentale d’un Etat. La constitution est l’ensemble des textes fondamentaux qui établissent la forme d’un gouvernement, règlent les rapports entre gouvernants et gouvernés et déterminent l’organisation des pouvoirs publics24.

La constitution : définition, légitimité et l’élaboration

~ Au sens matériel, c’est l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui déterminent la forme d’Etat (unitaire ou fédéral), la dévolution et l’exercice du pouvoir25.

~ Au sens formel, c’est un document relatif aux institutions politiques, dont l’élaboration et la modification obéissent à une procédure différente de la procédure législative ordinaire.

Jean Paul Jacqué trouve également que la constitution est un acte unilatéral26par lequel est établi le statut du pouvoir politique dans une société.

Il nous fait remarquer par la suite que la constitution des Etats Unis d’Amérique élaborée en 1787 est très claire sur ce point du fait qu’elle ne résulte pas d’un contrat mais plutôt de la volonté unilatérale du peuple :

« Nous, le peuple des Etats Unis d’Amérique, nous décrétons et établissons cette constitution, œuvre d’une volonté unique et souveraine »27, l’idée qu’on retrouve même dans la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution qui stipule dans son préambule ce qui suit :

« Nous, peuple congolais, uni par le destin et par l’histoire autours de nobles idéaux de liberté, de fraternité, de solidarité, de justice, de paix et de travail, animé par notre volonté commune de bâtir au cœur de l’Afrique un état de droit et une nation puissante et prospère, fondé sur une véritable démocratie politique, économique et culturelle, … déclarons solennellement adopter la présente constitution »28 .

Au sens moderne, la constitution est donc la loi que s’est donnée le peuple afin de régir tant les modalités de dévolutions et d’exercice du pouvoir que les rapports entre gouvernants et gouverné.

« Toute société politique comporte un corps de règles écrites ou non, destinés à fixer les modalités d’acquisition et d’exercice du pouvoir politique, ces règles constituent la constitution29 ».

La constitution est la règle à laquelle les pouvoirs « ne peuvent point toucher ». Le principe d’action est aussi limite d’action.

Qu’une personne ou qu’une autorité nie cette commune origine constitutionnelle, qu’il prétende s’affranchir des règles qu’elle fixe et des bornes qu’elle établit pour l’exercice du pouvoir, elle se met hors l’état comme un bandit se met hors la loi. Les procédés de contrôle veillent généralement au respect des injonctions constitutionnelles30.

Quant à la conception de cette étude, la constitution c’est l’ensemble de règles contenu dans un document officiel qui organise les pouvoirs publics en déterminant les conditions d’acquisition, les modalités d’exercice du pouvoir politique et procède à l’installation ainsi qu’à la détermination du fonctionnement des institutions démocratiquement instaurée tout en limitant les pouvoirs des acteurs politiques.

1.1.1. Fonctions de la constitution

A côté de la fonction31 d’organisation des pouvoirs publics qui est la fonction incontestablement remplie par la constitution, il existe d’autres :

  • La constitution, source de légitimité,
  • La constitution, une expression d’une philosophie politique,
  • Constitution, statut des gouvernants.
1°) Source de légitimité

Le fondement de l’autorité des gouvernants réside dans le fait qu’ils ont été désignés conformément à la constitution.

Toute autorité investie conformément à la constitution, donc toute autorité légale est présumée légitime. Le consentement populaire à la constitution fait présumer de l’adhésion des citoyens à une autorité qui exerce ses pouvoirs en application de la constitution.

Il est possible qu’un gouvernement légal perde sa légitimité par ce que les citoyens n’admettent plus à la vision du pouvoir que présente la constitution, ceci peut se concrétiser par une motion de censure, une motion de méfiance, une pétition.

2°) Expression d’une philosophie politique

Une constitution, souligne Jean Paul Jacqué, n’est pas seulement un ensemble de procédures.

A travers son texte, s’exprime une vision de la société, un projet politique, ainsi dire par exemple en ce qui concerne la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, nous trouvons à son premier article cette vison dont voici la teneur : « la République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un état de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc32. »

3°) Statut des gouvernants

C’est ici la fonction la plus évidente de la constitution et une simple lecture permet de s’en rendre compte. La constitution institue les pouvoirs publics, fixe leurs compétences et règle leurs rapports. C’est en fonction de ces règles qu’on appréciera la légalité de l’action des pouvoirs publics.

1.1.2. Pouvoir constituant dans l’élaboration et la révision de la constitution

Avant d’aborder les procédures prévues à l’élaboration ainsi qu’à la révision de la constitution, il sied de souligner que ces deux opérations sus dits « élaboration et révision » sont l’œuvre du pouvoir constituant que nous proposons de définir.

Le pouvoir constituant est en effet, l’ensemble des organes chargés d’élaborer, d’amender, de réviser ou d’abroger une constitution. Cependant, il existe deux catégories de pouvoirs constituants :

1°) Pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant originaire c’est un organe qui intervient pour élaborer une constitution alors qu’une constitution n’est en vigueur.

Cette situation peut se produire soit lors de la création d’un état nouveau « fondation d’un état, mise en place d’un nouveau régime » soit à la suite d’une révolution qui a mis fin à la constitution ancienne « législation des autorités après coup d’états, putsch, guerre subversives ».

Dans ces deux cas, le pouvoir constituant originaire qui se trouve à l’origine d’un nouvel ordre juridique est inconditionné.

La question de la source de l’autorité du pouvoir constituant originaire est d’ordre politique car le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de fait qui trouvera sa pérennité et celle des idées qui l’ont porté au pouvoir grâce à la constitution qu’il élaborera. Il tire sa légitimité du succès de la révolution.

L’adoption de la constitution marquera la fin du gouvernement de fait et l’avènement d’un gouvernement de droit. Elle consacrera la disparition du pouvoir constituant originaire qui, son œuvre accompli, laissera sa place au pouvoir constituant institué ou dérivé.

2°) Pouvoir constituant dérivé

C’est celui qui s’applique à la révision d’une constitution déjà en vigueur, selon les règles posées par celle-ci.

A ce titre, souligne, le professeur Jean Paul Jacqué, il ne peut agir qu’en conformité avec le texte constitutionnel et doit respecter les limites que lui impose la constitution tant en ce qui concerne la procédure que le contenu de la révision.

Dans les démocraties modernes, le pouvoir constituant originaire appartient au peuple « souverain primaire », celui-ci l’exerce soit par l’intermédiaire de ses représentants, soit par référendum33.

C’est ainsi que dans le cadre de notre étude nous tenterons d’analyser les techniques procédurales de la révision constitutionnelle du 20 janvier 2011, ses motivations ainsi que sa contribution à la promotion de la démocratie en RDC.

1.1.3. Modes d’élaborations de la constitution

Généralement deux modes34 sont retenus pour élaborer une constitution en vue soit de la mise en place d’un nouvel état ou nouveau régime, soit la législation des autorités après les coups d’Etats ‘’putsch’’, les guerres subversives ou l’action étrangère.

Parmi ces modes, nous citons :

  • Les modes autoritaires;
  • Les modes démocratiques.
1) Modes autoritaires

Octroi : par ce mode, la constitution est dite charte octroyée, le titulaire du pouvoir constituant originaire est un monarque, chef dictateur ou un groupe d’individus détenteurs du pouvoir qui concède d’élaborer la constitution à leur plaisir sans aucune participation populaire.

Le pacte : dit autrement charte négociée, c’est un mode mixte par lequel le pouvoir constituant originaire est partagé entre le monarque et le peuple.

Parfois, le chef de l’état se soumet à l’orientation populaire ou du parlement.

2) Modes démocratiques

« Ce pays, avec ses institutions, appartient aux personnes qui l’habitent. Chaque fois qu’elles se lasseront du gouvernement en place, elles pourront exercer leur droit constitutionnel de le modifier ou leur droit révolutionnaire de les renverser » Abraham LINCOLN, discours d’investiture, 1861.

Seul le peuple peut se donner une nouvelle constitution, trois procédés sont d’usage, notamment : l’assemblée constituante, le référendum, la consultation populaire.

– Assemblée constituante :

C’est une assemblée élue par le peuple ayant pour rôle d’élaborer la constitution sur appel d’un gouvernement de transition. Cette assemblée est à la fois constituante et législative, ainsi ses taches seraient d’élaborer la constitution, voter la loi, contrôler le gouvernement et ratifier les traités et accords internationaux.

– Référendum constitutionnel :

Procédé par lequel et plus particulièrement les citoyens approuvent un projet qui a été rédigé par l’assemblée constituante non souveraine et soumis à son approbation.

On parle de plébiscite constitutionnel, lorsqu’on procède comme pour le référendum mais en refusant au peuple la liberté et il est contraint à donner son accord. Cette pratique est d’application dans le monolithisme et en démocratie socialiste.

– Consultation populaire :

Ici, le peuple est associé à la rédaction du texte qui leur est soumis pour amendement par les autorités et ensuite les propositions amendées sont soumises à une assemblée constituante pour adoption après l’avoir transformé en un ensemble technique cohérent avec des équilibres souhaitées.

Cette technique est très faible car si l’on ne recourt pas à un organe constitutionnel ayant des spécialistes, le texte risque d’être déformé et incohérent.

1.1.4. Procédure d’élaboration de la constitution du 18 février 2006

1. Initiative

L’avant-projet de la constitution devant régir la RDC après la transition a été élaboré par le sénat issu de l’accord global et inclusif sur la transition en RDC signé à Pretoria (république sud-africaine), le 17 décembre 2002 et adopté à Sun city le 1er Avril 200335.

Le sénat a été chargé de proposer cet avant-projet à l’assemblée nationale issu de ce même accord. Face à ce qui précède, nous trouvons que l’initiative de cette constitution a été l’œuvre de la chambre haute du parlement « sénat ».

2. Ratification

La ratification36est la procédure par laquelle le texte mis sous examen est soumis à l’approbation par l’autorité l’ayant rédigé à un organe ayant finalement le pouvoir de l’accepter.

C’est le peuple congolais, lors du référendum organisé du 18 au 19 décembre 2005 qui a approuvé la constitution du 18 février 2006. Le président de la république l’a promulgué solennellement le 19 février 2006. Pratiquement, le sénat et l’assemblée nationale de la transition ont joué le rôle de l’assemblée constituante.

____________________________________

24 I. JEUGE MAYNART., Le petit Larousse illustré, édition Cedex, Paris, 2008, p.240

25 S. GUINCHARD et T. DEBARD., Lexique des termes juridiques, 19e édition Dalloz, Paris, 2012, p.222

26 J. P. JACQUE., Droit constitutionnel et institutions politiques, édition Dalloz, Paris, 1994, p.43

27 J.P. JACQUE., op cit, p.43

28 Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, in J.O.R.D.C, n° spécial du 20 Juin 2006

29J.P. JACQUE, op cit, p.43

30 E. DELPEREE., Le droit constitutionnel de la Belgique, cité par J. WASSO MISONA., Droit constitutionnel, cours ronéotypé, G3 DROIT, ULPGL, 2010-2011, p.40

31J.P. JACQUE, op cit, p.44

32 Article 1er de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, in J.O.R.D.C, n° spécial du 20 Juin 2006

33 Un processus consistant à soumettre le texte élaboré par la convention à l’approbation des électeurs, soit pour voter la loi ou l’abroger, dans ce cas le peuple exerce alors lui-même le pouvoir constituant.

34 KIMBERHE KITHAKA., Droit constitutionnel et institutions politiques, cours ronéotypé, G2 SPA, FSSAP,

UNIGOM, 2013-2014, pp.31-33.

35 Art. 140 alinéas 2 de la constitution de transition, in Journal officiel de la République, n° spécial, 44e année, du 05 avril 2005.

36 KOKO SHWEKA., Pouvoir constituant dérivé en RDC sous la constitution du 18 février 2006, telle que modifiée en ce jours, TFC inédit, G3 Droit Public, UNIGOM, 2012- 2013, pp.5-6.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de GOMA - Travail de fin de cycle - Diplôme de Graduat en Sciences Politiques et Administrative
Auteur·trice·s 🎓:
GAHAGAMO BAHATI GLOIRE

GAHAGAMO BAHATI GLOIRE
Année de soutenance 📅:
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