Dépenses publiques : Principe de spécialité Comptable et Juridique

Dépenses publiques : Principe de spécialité Comptable et Juridique

Section 2

Nomenclature et réforme budgétaires

Le problème de la nomenclature budgétaire est plus préoccupant. En effet, face à des écritures budgétaires illisibles, non seulement pour le public, mais aussi pour les initiés eux-mêmes, et à un système d’écriture budgétaire encore plus inabordable dans les chiffres et les idées qu’il traduit, qui contient toutes les erreurs et les incertitudes, le budget serait pratiquement incontrôlable99.

De ce fait, que ce soit au niveau de l’établissement du budget ou à celui de son exécution et de son contrôle, la nomenclature constitue le cadre indispensable d’une lisibilité.

La nomenclature doit en effet d’abord permettre à l’autorité budgétaire de se rendre compte aisément de ce qu’elle a à décider. Ainsi la règle démocratique de la spécialité budgétaire, qui exige que les crédits soient spécialisés, contribue-t-elle à la réalisation de cet objectif.

Au niveau de l’exécution, une nomenclature budgétaire homogène permet une plus grande transparence et clarté.

Enfin, au niveau du contrôle comptable, la qualité de la nomenclature aide à l’appréciation de la gestion.

Partout, les éléments constitutifs du financement du budget ou de son exécution doivent être aisément et clairement identifiables100.

A cet effet, la règle de la spécialité vise essentiellement à la transparence puisqu’elle consiste précisément dans le fait de détailler l’autorisation afin de rendre le document budgétaire plus intelligible et permettre un contrôle poussé de la part de l’autorité délibérante.

La spécialité déterminera la structure horizontale et verticale du budget.

La structure horizontal avec :

  • – L’état général des recettes (pour l’ensemble du budget) ;
  • – L’état général des recettes et des dépenses par section lequel expose les opérations de chaque institution, une subdivision de l’état des dépenses en partie A (crédits du fonctionnement), et une partie B (crédits opérationnels).

La structure verticale chaque section est subdivisée en titres, chapitres, toujours présentés comme unité de base101.

Paragraphe 1

Le principe de spécialité et ses aménagements

La règle de la spécialité budgétaire est l’une des règles les plus contraignantes du droit budgétaire. L’application de ce principe au budget de l’Etat consiste à détailler l’autorisation parlementaire, afin que chaque crédit ait une destination indiquée par la loi de finances. Théoriquement, le respect de ce principe implique que le gouvernement ne puisse pas modifier la destination des crédits sans l’accord du parlement102.

Le principe de spécialité budgétaire voudrait donc que les parlementaires votent l’affectation des crédits, inscrits dans la loi de finances, de la façon de la plus précise qui soit, ne serait-ce que pour réduire la marge de manœuvre du gouvernement dans leur utilisation voire le discipliner103.

En France, l’article 7 de la loi organique de 1959 prévoit que les crédits ouverts par les lois de finances sont mis à la disposition des ministres pour les dépenses ordinaires, les dépenses en capital et les prêts et avances. Ils sont affectés à un service ou à un ensemble de services et sont spécialisés par chapitres groupant les dépenses selon leur nature ou selon leur destination104.

A/ La spécialité comptable

La spécialité comptable impose d’indiquer avec précision la détail des opérations prévues, tout particulièrement des crédits demandés, ce qui exige une nomenclature budgétaire présentant au moins deux caractères

– Elle doit, d’une part, être suffisamment affinée, ce qui a conduit à l’élaboration de nomenclatures qui, suivant les cas, sont différentes (Etat, certaines grandes collectivités locales) ou semblables aux nomenclatures employées en comptabilité générale. Elles sont souvent assez détaillées et entraînent, surtout pour l’Etat, un volume impressionnant de documents budgétaires105 ;

– La nomenclature budgétaire doit, d’autre part, reposer sur des critères de classification suffisamment significatifs ; le critère traditionnel entraîne une classification des crédits par leur nature économique (frais de personnel, impôts et taxes, biens et services de consommation, immobilisation, etc.) selon un schéma qui correspond à celui de la comptabilité nationale et du plan comptable général des entreprises, et une classification des dépenses selon les secteurs d’activités auxquels elles correspondent.

C’est un codage sectoriel ou fonctionnel qui prend en compte les fonctions remplies (alors que le codage économique prend en considération la nature du moyen employé). Les crédits sont regroupés en fonction des différentes actions de l’Etat, elles-mêmes subdivisées en sous-secteurs106.

  • 99 H. MESSAGE « la structure des lois des lois de finances ». Transparence et finances publiques. RFFP. N° 40. LGDJ 1992. p, 11.
  • 100 D.STRASSER « les métamorphoses du budget général des communautés européennes. Effet sur la transparence ». Idem. P, 150.
  • 101 G. ORSONI « éléments de transparence budgétaire ». Idem. P, 134.
  • 102 E. DEVAUX. Op. Cit. P, 112.
  • 103 F. QUEROL. Op. Cit. p, 88.
  • 104 F. CHOUVEL « finances publiques » Galbino Editeur 2003. p, 48.
  • 105 L. SAIDJ « finances publiques DALLOZ 4eme édition 2003. p, 68.
  • 106 M. BOUVIER/ M-C. ESCLASSAN/ J-P. LASSALE. Op. Cit. p, 227.

B/ La spécialité juridique

La spécialité juridique implique que les crédits soient ouverts de manière relativement détaillée, suivant des subdivisions dont le bénéficiaire ne peut plus ensuite modifier le contenu, toute modification impliquant, en principe, une nouvelle décision de l’autorité budgétaire107.

L’article 7 de l’ordonnance de 1959 dispose qu’une classification est faite par ministère. Les dépenses de l’Etat sont ensuite ventilées par titres. Quant à l’article 6 de la même ordonnance énumère les 7 titres suivants

  • – Titre I la dette publique
  • – Titre II les pouvoirs publics
  • – Titre III les moyens des ministères
  • – Titre IV les dépenses d’intervention
  • – Titre V les dépenses d’investissement
  • – Titre VI les subventions d’investissement
  • – Titre VII réparation des dommages de guerre

Chaque titre est subdivisé en parties qui contribuent à l’information et au contrôle parlementaire, et constituent une des données de l’exécution du budget.

Les parties sont, en fait, des regroupements de chapitres, et permettent tantôt de ventiler le coût des différents moyens utilisés pour le fonctionnement des services (personnel, matériel, entretien, etc.), ou par secteur d’activité (agriculture, énergie, transport, etc.) les parties sont elle mêmes subdivisées en sections qui correspondent à la ventilation des crédits à l’intérieur du ministère, et dès ignent le service bénéficiaire108.

Quant au chapitre, celui-là constitue l’unité budgétaire de base. Le chapitre budgétaire a longtemps été l’unité de vote pour le législateur (le budget est voté par chapitre), mais l’inflation des chapitres pouvait conduire à une paralysie du Parlement et nuire une prompte adoption du budget. Par la suite, ces chapitres sont subdivisés en articles et paragraphes109.

107 L. SAIGJ. Op. Cit. p, 68.

108 M. BOUVIER/ M-C. ESCLASSAN/ J-P. LASSALE. Op. Cit. p, 225.

109 F. CHOUVEL. Op. Cit. p, 50.

Mais, au travers de sa présentation, la rigueur de la règle de la spécialité constitue un sérieux obstacle à une bonne gestion des crédits publics, d’où une limitation de sa portée. On assiste donc à des dérogations d’ordre politique et d’ordre budgétaire.

Les dérogations d’ordre politique

Le principe de spécialité n’est pas applicable aux fonds spéciaux, appelés communément « fonds secret », attribués directement au premier ministre. Ces crédits, qui n’ont aucune affectation particulière, sont soustraits à toutes les règles de la procédure budgétaire et de la comptabilité publique ; ils apparaissent comme une manifestation, sur le plan financier, de la raison de l’Etat.

Une autre limite particulière au principe de spécialité se rapporte au régime financier des assemblées. En régime parlementaire, les assemblées sont souveraines ; il en découle qu’elle doivent fixer elles-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement. Par conséquent, l’emploi des crédits ouverts sur le budget des assemblées échappe à tous les contrôles de droit commun prévu pour assurer la spécialisation des crédits110.

Les dérogations d’ordre budgétaire

Il arrive que certains crédits, en raison de leur nature particulière, soient imprécis. Aux termes de l’ordonnance 59, il existe 3 catégories de crédits globaux qui figurent au budget des charges communes dont l’ordonnateur est le Ministre chargé des finances.

Tout d’abord, ceux qui peuvent être ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés. L’affectation de ces crédits est momentanément inconnue – ils seront ventilés en cours d’année en fonction des besoins – mais leur destination est connue. Il s’agit de « chapitres réservoirs » qui masquent l’objet ou le montant des dépenses réelles111.

  • 110 E. DEVAUX. Op. Cit. p, 119.
  • 111 F. CHOUVEL. Op. Cit. p, 52.

Ensuite, la catégorie des crédits globaux concerne les crédits globaux pour dépenses éventuelles ils ont pour objet de compléter des chapitres dotés de crédits provisionnels c’est- à-dire destinés à faire face à des dépenses dont le montant ne peut être connu exactement au moment où le parlement adopte la loi de finances.

Enfin, les crédits globaux par décrets pour « dépenses accidentelles » permettent d’ouvrir des crédits par décrets pour compléter des dotations de crédits limitatifs et faire face à des calamités ou des dépenses urgentes ou imprévues.

Ainsi, des virements de crédits peuvent modifier la répartition des dotations entre les chapitres mais ne peuvent avoir pour effet de créer de nouveaux chapitres. Contrairement aux transferts de crédits qui modifient la détermination du service responsable de la dépense, sans modifier la nature de celui-ci112.

Les dispositions de la LOLF visent à promouvoir une plus grande transparence du débat budgétaire qui portera dorénavant sur des programmes et des objectifs biens identifiés plutôt que sur une multitude de lignes de dépenses dispersées. La réalisation de ces objectifs dépendra bien sûr de la qualité de la nouvelle nomenclature budgétaire.

Comme cela a déjà été souligné plus haut, l’article 7 de la LOLF est le pivot de l’introduction de la performance dans la gestion financière de l’Etat. Il introduit le principe d’une budgétisation fondée non plus sur la nature des dépenses mais orientée vers les résultats à partir des objectifs préalablement définis. L’entité fondamentale de la nouvelle nomenclature est le programme113.

Le principe de spécialisation des crédits par programme constitue l’innovation majeure apportée par la loi organique de 2001. Cette dernière a apporté une double révolution d’une part, par la suppression du chapitre et d’autre part, et surtout, par la substitution au traditionnel budget de moyens, regroupant les crédits par nature, d’un budget de résultats, ou de performance, regroupant les crédits par objectifs. A cet effet, les crédits sont juridiquement classés en trois niveaux.

  • Les crédits sont votés par missions ;
  • – Les crédits sont ouverts et spécialisés par programme (ou dotation) ;
  • – Les programmes sont subdivisés en titres (sept) qui classent les crédits selon leur nature économique.
  • 112 F. CHOUVEL. Op. Cit. p, 54.
  • 113 H.GUILLAUME/ G.DUREAU/ F.SILVENT. Op. Cit. p,157.
  • 114 Voir partie1, chapitre 1, section 2

La présentation par titre est indicative, donc le gestionnaire dispose de liberté pour la gestion des crédits (fongibilité des crédits). Cependant, ce principe connaît des exceptions pour le titre des dépenses de personnel (fongibilité asymétrique)114.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La gestion budgétaire : préparation de budget de l’Etat
Université 🏫: Customs And Fiscal Maghreb Institute
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 25/12/2006
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