Prix et Segmentation, le consommateur en période de crise

B) Prix & Segmentation

Nous assistons aujourd’hui à une véritable crise de valeur dans le sens où la légitimité même des marques est remise en cause. L’apparition du low cost, des gratuits et d’Internet avaient déjà engendré une certaine propension à rechercher des prix de plus en plus bas, mais la crise a amplifié le phénomène. Les clients sont de plus en plus soucieux de leurs dépenses et se demandent quelle est la valeur de la marque. Son prix est-il justifié ? La marque mérite-t-elle leur fidélité ? Ces questions interviennent désormais dans la majorité des décisions d’achat. Denis Gancel, Co-fondateur et Président de l’agence W & Cie, explique en effet que cette crise a affecté profondément tout ce qui relève de l’intangible215. Or les marques sont construites à partir d’éléments tangibles (produit, services, prix, fonctionnalités, innovation…) mais aussi d’éléments intangibles que sont l’imaginaire associé, valeurs perçues, références sociales, etc. Les marques sont en danger et la crise qui les touche est plus structurelle que conjoncturelle. Pour s’en sortir elles doivent pouvoir rétablir un contrat avec le consommateur, une démarche que confirme Isabelle Milgrom. Ce nouveau contrat devra en quelque sorte réinitialiser les caractéristiques intangibles de la marque et cela passera nécessairement par davantage de tangible avec plus de transparence et par la capacité à justifier véritablement ses avantages compétitifs. Gravement touché par la crise, Peter Ilic, propriétaire du « Little Bay », un restaurant londonien, avait lancé une nouvelle technique de vente fin 2008 qui consistait à faire payer le client selon son bon vouloir. Efficace, le restaurant a connu l’affluence. Ce concept n’est pas nouveau puisqu’il y a deux ans sur Internet le groupe britannique Radiohead avait demandé aux internautes de fixer eux-mêmes le prix de leurs chansons. On voit également apparaître de plus en plus d’enchères. Un site nommé Sokoz a récemment lancé une formule qui propose une nouvelle façon de faire du shopping en ligne, de façon plus interactive et riche en sensations. Le principe ? Des ventes en live. Chaque vente dure 30 secondes au fil desquelles le prix baisse. Un moyen d’allier plaisir, jeu et la sensation pour le client d’avoir fait une affaire.
La relation des consommateurs au prix a changé. Jean-Marc Lehu souligne que l’Euro, qui devait favoriser l’uniformisation, a eu comme effet pervers de déstabiliser les consommateurs puisque ceux-ci se trouvent désormais face à des produits identiques avec la même monnaie, mais aux prix variables selon le lieu de vente (on citera l’exemple des marques Mr Propre ou Barilla qui, en fonction des pays, ont un positionnement différent). Les frontières n’étant plus étanches, les marques, les produits, les prix discordants introduisent le doute chez les consommateurs. Il semble d’ailleurs que la tendance aujourd’hui soit d’adopter sur le long terme une stratégie de prix habituellement utilisée en période de crise. Conceptualisé par le phénomène losange/sablier, les crises poussent souvent les entreprises à fuir le segment moyen de gamme pour se réfugier vers les deux extrémités (haut et bas de gamme). Ce type de pratique semble malheureusement ou heureusement être ce vers quoi l’on tendrait sur le plus long terme.
Les marques semblent de plus en plus adopter une stratégie stretching216 c’est-à-dire de mettre en place pour une même marque des produits hauts voir très hauts de gammes et des produits positionnés sur le segment bas de gamme. En effet étant donné que des consommateurs sont à facettes multiples (ils assument le fait de consommer du low-cost mais recherchent toujours des produits hauts de gamme), le stretching semble être la meilleure stratégie à mettre en place. Le but étant de satisfaire ainsi les deux principales tendances qui s’expriment aujourd’hui et que nous avons déjà développé, le phénomène trading up / trading down. Des entreprises et non des moindres ont déjà adopté ce type de stratégie, on pense à Air France qui a été l’une des premières marques premium à se positionner sur le segment low cost avec Transavia, Renault avec Dacia et dans le sens inverse DELL qui crée Adamo sur un segment très haut de gamme pour concurrencer les marques Sony, ou Apple. A noter que si de nombreuses entreprises adoptent cette stratégie stretching, ce n’est pas toujours pour les mêmes motifs. Gilles Blanc du groupe Benchmark explique par exemple qu’Apple vient de sortir en juin 2009 aux Etats-Unis un nouvel Iphone vendu à bas prix. Une stratégie qui ne peut pas être qualifiée de low cost même si elle entre en rupture totale avec le positionnement de la marque, mais dont le but est la massification. Cette dernière stratégie fait partie des préconisations que l’on retrouve au sein de l’étude 2009 du cabinet Grant Thornton.
Il apparaît en effet judicieux pour les marques de développer des versions à bas coût de leurs produits les plus populaires de manière à toucher cette « cible low cost », générer de nouveaux adeptes de la marque tout en luttant efficacement contre la compétitivité par les prix que la crise intensifie. Il est autrement conseillé d’établir une stratégie de prix sur le long terme. En effet, immergées dans une économie qui tire de plus en plus les prix vers le bas, les entreprises ont tendance, avec la crise, à se précipiter vers des stratégies low cost intempestives, à la recherche d’une compétitivité par les prix (ce qu’utilisent, selon l’étude Grant Thornton217, 13% des dirigeants). Planifier une stratégie sur le long terme permettra à la marque de préserver sa cohérence tout comme préférer des promotions sur le long terme (type bons sur prochain achat de la marque) permettront aux entreprises de s’assurer un certain rendement. Sur ce point, Bernard Bierdermann explique que la difficulté sera de faire des prévisions de ventes et de mener une politique de pricing stable.
Un autre phénomène prend forme, celui du low cost « vert » qu’incarne totalement le modèle Dacia Eco² de Renault. Selon Remi Oudghiri, Directeur du département tendances et prospectives d’Ipsos, le segment low cost a clairement un avenir prometteur devant lui : « il y a un terrain pour la qualité, où le luxe se positionne très bien, et un autre terrain pour une offre accessible, de plus en plus soumise à des critères de santé, de sécurité et de développement durable, sur lequel le low cost a une carte à jouer »218.
Même si cela ne fait que se dessiner pour le moment, il semble tout de même que les produits moyens de gammes soient condamnés à être de plus en plus tirés vers le bas ou bien vers le haut de gamme. Pour être plus précis, il ne s’agit pas d’aller forcément vers du low-cost, mais plutôt pour les entreprises de lancer des produits moyens de gamme à des prix attractifs comme l’a fait Danone en lançant son pack de yaourts économique. En effet, comme l’explique Gérard Donadieu d’Ipsos Observer, les marques low-cost sont là pour rappeler que la qualité change avec le niveau de prix. Ainsi l’enjeu des marques de demain sera d’un côté de rester la référence via des produits hauts de gamme qui donneront du sens, de la valeur, qui susciteront le plaisir des consommateurs, et d’un autre côté d’être compétitives face aux Mdd. Evidemment une telle stratégie exige que l’entreprise réfléchisse bien à son positionnement, à son identité de manière à adopter un discours qui préserve sur le long terme l’image de la marque.
Lire le mémoire complet ==> (La consommation : les enjeux du demain)
Dans un marché en pleine mutation, quelles stratégies adopter alors que la crise impose une vision courtermiste ?
Mémoire de fin d’études
Pôle Paris Alternance

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Pôle Paris Alternance
Auteur·trice·s 🎓:

Dilène SANTOS & Florent FEDOU
Année de soutenance 📅:
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