L’office du juge répressif à l’égard du contrat d’assurance

L’office du juge répressif à l’égard du contrat d’assurance

2°. L’office du juge

1125. Il convient avant toute chose de rappeler que les juges, tenus de statuer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis, n’ont pas le pouvoir de modifier d’office les termes du litige et que par conséquent, ils ne peuvent dire que l’assureur n’est pas tenue à garantie en retenant une exception qui n’avait été ni invoquée par l’assureur, ni soumise au débat contradictoire1722. Ils ne doivent naturellement pas se contredire dans leurs motifs1723.

L’article 385-1 donnant compétence au juge répressif pour connaître des exceptions fondées sur une cause de nullité ou une clause du contrat d’assurance, les juridictions pénales sont amenées à connaître de nombreuses questions de droit des assurances. Ces questions touchent tant le contrat d’assurance lui-même (a) que l’obligation de l’assureur (b).

1125 Mme Cacheux, rapport A.N. n° 1461 pp. 12 et 32. Cf. également l’intervention de ce rapporteur, J.O. déb. A.N. séance du 5 mai 1983 p. 899.

a) L’office du juge répressif à l’égard du contrat d’assurance

1126. Existence et preuve du contrat. Les juridictions répressives peuvent trancher des problèmes relatifs à l’existence1724 ou la preuve d’un contrat d’assurance1725.

S’agissant de l’existence du contrat, le juge répressif peut statuer sur la validité d’une proposition de prolongation ou de modification d’un contrat ou sur l’existence d’une cause de résiliation du contrat1726.

1127. Nullité du contrat. Concernant la nullité sanctionnant la fausse déclaration du risque, le juge répressif apprécie souverainement la preuve d’une réticence ou fausse déclaration intentionnelle1727, le caractère intentionnel d’une déclaration fausse ou inexacte1728 ainsi que la bonne ou mauvaise foi du souscripteur1729. Mais il est naturellement tenu de répondre aux conclusions dont il est saisi1730.

Il examine également l’incidence de la circonstance non déclarée ou inexactement déclarée sur l’appréciation par l’assureur du risque1731. C’est à l’assureur qu’il incombe de prouver que l’assuré était de mauvaise foi1732 ou encore que la circonstance non déclarée était de nature à lui permettre d’apprécier le risque1733.

Le juge du fond est encore souverain dans son appréciation de l’incidence de la fausse déclaration sur l’appréciation de l’assureur1734.

Cette incidence ne doit pas être appréciée par référence aux circonstances du sinistre1735, ce dont il ressort que c’est au moment où la déclaration aurait dû être réalisée que doit être appréciée l’influence sur l’opinion du risque1736 et que la sanction doit être appliquée même en cas d’absence d’incidence de la fausse déclaration sur le sinistre survenu1737.

1128. Fausse déclaration du risque. En l’état du droit positif, et notamment de l’article 385-1 du Code de procédure pénale, le juge répressif ne peut connaître que de la fausse déclaration intentionnelle invoquée par l’assureur au soutien de la nullité de la police (art. L 113-8 C. assur.).

Il ne peut statuer sur l’application de la règle proportionnelle de primes applicable en cas de fausse déclaration non intentionnelle (art. L 113-9 C. assur.), car cette exception ne tend qu’à un refus partiel de garantie1738. Cela étant, le juge répressif a été conduit, pour l’examen de la fausse déclaration intentionnelle, à donner d’utiles indications au sujet de la déclaration du risque, qui concernent également la fausse déclaration non intentionnelle.

1129. Obligation de déclaration; questionnaire. En application de l’article L 113-2, 2° du Code des assurances issu de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1999, l’obligation de déclaration du risque à la souscription se traduit pour l’assuré par l’obligation de répondre exactement aux questions posées par l’assureur. Le juge répressif a eu l’occasion de se prononcer sur ce questionnaire de risque.

Alors que la Première Chambre civile de la Cour de cassation admettait que le questionnaire se présente sous la forme non seulement de questions appelant une réponse du souscripteur, mais également de phrases pré rédigées sous lesquelles le déclarant appose sa signature1739, la Chambre criminelle a estimé qu’un tel formulaire d’adhésion ne constituait pas un véritable questionnaire et a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé que l’assureur n’avait pas prouvé la mauvaise foi de l’assuré au motif qu’il n’était pas établi que ce dernier avait été interrogé sur ses antécédents1740.

Le questionnaire qui n’a pas été signé par l’assuré ne lui est pas opposable1741. Le questionnaire est un moyen de preuve de l’exactitude de la déclaration1742 et fait en conséquence l’objet de l’appréciation souveraine du juge du fond, qui peut estimer que les questions posées ne sont pas suffisamment claires pour que l’assuré puisse déterminer avec exactitude les conditions auxquelles il doit satisfaire afin d’être régulièrement assuré1743.

L’article L 112-3 du Code des assurances, modifié par la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, prévoit que l’assureur « ne peut se prévaloir du fait qu’une question posée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise » et il n’est donc pas surprenant que pour la jurisprudence, la sincérité et l’exactitude des déclarations doivent s’apprécier en fonction des questions posées1744.

Toutefois, comme le juge civil, le juge répressif fait une interprétation stricte des questions1745. Il a été observé qu’une interprétation trop stricte par les magistrats peut inviter les assureurs à allonger la liste des questions dans un but d’exhaustivité1746.

Si le souscripteur ne répond pas à l’intégralité du questionnaire et la garantie est accordée sans que l’assureur ou son agent ne sollicitent des renseignements complémentaires, les juges sont fondés à estimer que l’assuré n’a pas commis de fausse déclaration de mauvaise foi1747.

De manière plus générale, il appartient au juge du fond « de rechercher si le souscripteur avait renseigné le formulaire de déclaration du risque prévu par l’article L 113-2, 2°, du Code des assurances et, dans l’affirmative, d’examiner son contenu et les réponses faites à toutes les questions posées par l’assureur, afin de vérifier le bien-fondé de l’exception au regard de la teneur de la police »1748.

1130. Aux termes de l’article L 113-2, 3° du Code des assurances, l’assuré est également tenu d’une obligation de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le questionnaire1749.

1126 Circ. min. just. N° 83-21 du 25 juillet 1983, BO min. just. 1983 n° 11.

1127 Crim. 30 octobre 2007, n° 06-89152 (l’assureur, cité devant le tribunal correctionnel en déclaration de jugement commun, n’a pas qualité pour soulever la nullité de la procédure d’instruction préalable); Crim. 18 mars 2008, n° 07-82158 (les assureurs du prévenu ne sauraient se faire un grief de ce que le juge du fond ait fondé sa décision relative à la culpabilité de l’assuré, au fait générateur de sa responsabilité civile et à l’allocation de provisions aux parties civiles sur des éléments de preuve résultant, notamment, d’expertises pénales exécutées au cours de l’instruction préparatoire, dès lors qu’admis à intervenir devant la juridictions répressive du fond, ces assureurs ont pu participer à l’audience à la discussion contradictoire relative aux opérations d’expertise et à leurs résultats).

1128 R. Merle et A. Vitu : op. cit. t 2, n° 376.

1129 Cf. supra n° 522 et s. Pour le Doyen Boulan, ces considérations incitent à admettre l’intervention du civilement responsable devant les juridictions d’instruction : La situation du civilement responsable dans le procès pénal, in Etudes délivrées à Alex Weill, Dalloz 1983, p. 69, spéc. p. 76 à 79.

1130 Crim. 8 décembre 1906, Bull. n° 443, D 1907,1,207 note F.T. et rapport Laurent-Atthalin, S 1907.1.377 note Demogue; Crim. 7 février 1978, Bull. n° 45; Crim. 28 avril 1986, Bull. n° 140.

L’assureur n’est en principe pas tenu de vérifier les déclarations de l’assuré, mais les circonstances peuvent conduire les magistrats à retenir de manière ponctuelle une obligation de vérification1750.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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