Les moyens de l’assureur intervenant aux débats

Les moyens de l’assureur intervenant aux débats

Chapitre 2

Les moyens de l’assureur intervenant aux débats

963. Il convient de rappeler que c’est à l’action civile que l’assureur participe, ce qui circonscrit les débats aux questions relatives à l’indemnisation de la victime.

A cet égard, l’assureur peut être débiteur de l’indemnisation, lorsqu’il est appelé à garantir les dommages subis par la victime de l’infraction, ou créancier de cette indemnisation, lorsqu’il est subrogé dans les droits de la victime.

Dans ce dernier cas, l’assureur subrogé est finalement dans la même situation que la victime. Les questions juridiques relatives à l’indemnisation peuvent donc être identifiées dans le cadre des relations entre la victime et l’assureur débiteur de l’indemnisation : elles tiennent en premier lieu à l’existence du sinistre et en second lieu à l’obligation de garantie de l’assureur.

964. En ce qui concerne l’assurance de choses ou de personnes souscrite par la victime, ces problèmes ne sont pas toujours distingués. L’établissement de l’existence du sinistre relève plutôt de la preuve de faits, et c’est donc sur la garantie que se concentre le débat juridique.

Le sinistre étant rarement contesté une fois les faits prouvés, l’assureur oppose alors principalement des arguments de garantie pour refuser d’indemniser la victime ou réduire l’indemnité par rapport au préjudice établi.

965. En revanche, en matière d’assurance de responsabilité, le risque assuré est précisément la responsabilité civile de l’assuré, c’est-à-dire un risque par essence juridique et non simplement factuel.

Outre l’absence de preuve des faits allégués, l’assureur dispose donc de deux séries de moyens juridiques pour contester le principe ou le montant de son obligation à indemniser.

Il peut en premier lieu contester le principe ou l’étendue de la responsabilité de l’assuré, ce qui supprimera ou diminuera d’autant la garantie d’assurance. A supposer la responsabilité de l’assuré établie, il peut en second lieu contester l’obligation de garantie ou son étendue.

966. Il en résulte que les deux questions juridiques principalement débattues dans le cadre d’une action en indemnisation à laquelle un assureur participe sont d’une part la responsabilité civile et d’autre part la garantie d’assurance.

L’étendue du préjudice est évaluée à l’occasion du débat sur la responsabilité, qui par conséquent intéresse non seulement l’assureur de responsabilité, mais également les assureurs de choses et de personnes de la victime.

Le débat sur la garantie d’assurance permet ensuite de déterminer le principe et l’étendue de l’obligation à indemnisation pesant sur l’assureur.

967. Devant le juge civil, ces moyens de défense de l’assureur prennent la forme de moyens de défense au fond, c’est-à-dire de « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire »1435.

Les moyens de défense au fond sont opposés aux exceptions de procédures, qui sont « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours » 1436, et aux fins de non recevoir, définies comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » 1437.

C’est bien après un examen du fond du droit, concernant la dette de responsabilité de l’assuré et l’obligation de garantie de l’assureur, que la décision est rendue sur l’action en indemnisation1438.

Symétriquement, les moyens présentés en demande par la victime ou l’assureur subrogé sont également des moyens de fond, qui tiennent à l’existence et à l’étendue d’un droit à indemnisation, au titre d’une responsabilité civile (contre le responsable), d’une garantie d’assurance (contre l’assureur de personnes ou de choses), ou du droit propre fondant l’action directe du tiers victime (contre l’assureur de responsabilité du prévenu ou du civilement responsable).

968. La simple logique impose d’examiner d’abord la question de la responsabilité civile, qui inclut l’évaluation des dommages subis par la victime ainsi que le principe et l’étendue de l’obligation à indemnisation des personnes responsables civilement.

L’évaluation des dommages de la victime est le préalable à la mise en jeu de la garantie des assureurs de choses ou de personnes de cette victime. La détermination de la responsabilité civile d’une personne assurée est également le préalable à l’action contre son assureur de responsabilité.

Cette première phase permet d’établir l’existence du sinistre. Reste à déterminer si ce sinistre est garanti par l’assureur (principe de la garantie) et si oui, dans quelle mesure (étendue de l’obligation de couverture de l’assureur).

969. Telle est la manière dont se déroulent les débats en présence d’assureurs devant le juge civil. On pouvait souhaiter que cette solution fût transposée dans le cadre de l’action civile portée devant le juge répressif.

Malheureusement, ce n’est absolument pas le système que le législateur a instauré avec la loi du 8 juillet 1983. Il a décidé de soumettre à un régime spécial les moyens de garantie présentés par un assureur devant un juge répressif.

En premier lieu, tous les moyens de garantie ne peuvent pas être présentés : seuls ceux concernant le principe de la garantie peuvent l’être, à l’exclusion de ceux concernant son étendue.

En second lieu, les moyens de garantie ne sont pas considérés comme des moyens de défense au fond mais comme des exceptions de procédure tendant à la mise hors de cause de l’assureur, et sont soumis au régime des exceptions, notamment à l’obligation de présentation in limine litis.

963 Mme Cacheux : rapport A.N. n° 1461 p. 9 et 35; M. Girault : rapport Sénat n° 330 p. 19.

964 En témoigne le fait que l’opposabilité à l’assureur de la décision sur les intérêts civils ait été détachée de l’article 388-2 pour faire l’objet d’un article 388-3 distinct : amendement n° 4 présenté par Mme Cacheux, J.O. déb. A.N. 5 mai 1983 p. 912.

965 Mme Cacheux : rapport A.N. n° 1567 p. 31.

966 J. Beauchard : note sous Crim. 12 février 1997, RGDA 1997 p. 912.

967 J.O. déb. A.N. 5 mai 1983 p. 906.

968 Circ. min. just. n° 83-21 du 25 juillet 1983, BO min. just. 1983 n° 11 p. 111.

969 Cf. infra n° 848 et s.

En conséquence, le juge répressif ne peut statuer complètement sur l’obligation de garantie de l’assureur, dont il ne peut déterminer l’étendue exacte. Il ne peut que décider du principe de la garantie, afin de déterminer in limine litis si l’assureur doit être mis hors de cause ou non.

L’ordre logique habituel est inversé : le juge répressif doit statuer d’abord sur l’exception de garantie d’assurance avant de trancher au fond le problème de la responsabilité civile et du préjudice.

Ceci nous conduit, à l’instar du régime instauré devant le juge répressif par la loi du 8 juillet 1983, à étudier d’abord les exceptions de garantie (Section 1), puis ensuite seulement les moyens de fond tenant à la responsabilité civile (Section 2).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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