La constitution de partie civile de l’assureur de la victime

La constitution de partie civile de l’assureur de la victime

B. L’intervention volontaire de l’assureur de la victime

944. La jurisprudence s’est apparemment servie du critère de l’objet de l’intervention de l’assureur pour juger de la recevabilité de l’intervention volontaire de l’assureur du responsable, même si cette justification révèle un autre fondement possible de la solution, tenant à la nature de l’action à laquelle l’assureur intervient.

En ce qui concerne l’intervention volontaire de l’assureur de la victime en application de la loi du 8 juillet 1983, le problème a été posé en des termes différents. La doctrine et la jurisprudence ont distingué deux questions relatives à cette intervention.

D’une part, le principe même de l’intervention volontaire a été discuté : l’assureur de la victime peut-il seulement être mis en cause de manière forcée, ou peut-il exercer son recours subrogatoire par constitution de partie civile ?

D’autre part, une fois le principe de l’intervention volontaire admis, la recevabilité de cette intervention doit- elle être subordonnée à la constitution de partie civile de la victime ? Les deux questions n’ont pas tout de suite été clairement distinguées1398.

Et à bien y regarder, poser le problème de l’intervention volontaire de la victime en termes de constitution de partie civile (1°) ou de présence préalable de l’assuré (2°) n’est pas vraiment satisfaisant.

944 M. Girault : rapport Sénat n° 330 p. 4.

1°. Le problème de la constitution de partie civile de l’assureur de la victime

945. L’induction du rejet de l’assureur. Poser la question de l’intervention volontaire de l’assureur de la victime en termes de « constitution de partie civile », c’est en partie la résoudre en induisant une réponse négative.

Ce vocable explique en effet les réactions de rejet constatées envers l’intervention volontaire de l’assureur de la victime, car la constitution de partie civile revêt cet aspect vindicatif qui la différencie de l’action civile, action purement indemnitaire1399.

Lorsqu’elle est qualifiée de « constitution de partie civile », l’intervention volontaire de l’assureur est implicitement présentée comme l’usurpation, par cet assureur, des prérogatives réservées à la victime1400.

Ceci a naturellement provoqué chez les juges répressifs la résurgence du réflexe d’exclusion systématique de l’assureur. Il est à ce sujet révélateur de noter qu’un commentateur de la loi du 8 juillet 1983 a estimé que « comme par le passé, l’assureur de la victime ne saurait se constituer partie civile »1401 et qu’un autre, pourtant partisan de l’intervention de l’assureur au procès pénal, a affirmé sans précision qu’« il n’apparaît pas que le souhait du législateur ait été de permettre à l’assureur de se constituer partie civile pour demander réparation de son préjudice »1402.

946. Pourtant, s’agissant de l’assureur subrogé dans les droits de la victime, l’expression « constitution de partie civile » ne peut désigner que la demande d’indemnisation présentée par cet assureur contre le responsable ou son assureur, c’est-à-dire « l’action civile stricto sensu » selon l’expression du Professeur Viney, et non la faculté de saisir le juge pénal de l’action publique1403.

947. Le rejet de l’intervention de l’assureur de la victime par certains juges du fond. Certains juges du fond ont estimé que la loi du 8 juillet 1983 ne modifiait pas la jurisprudence interdisant à l’assureur subrogé dans les droits de la victime d’exercer l’action civile de cette dernière, aux motifs qu’il n’a pas personnellement souffert du dommage directement causé à son assuré et que le versement de l’indemnité opéré par l’assureur trouve sa cause non dans l’infraction mais dans le contrat d’assurance1404.

Pour le Tribunal correctionnel de Lyon, « la loi du 8 juillet 1983, si elle a introduit dans le Code de procédure pénale des dispositions permettant aux assureurs appelés à garantir le dommage d’intervenir lorsque des poursuites pénales sont exercées pour des infractions d’homicide ou de blessures involontaires, n’a pas expressément permis aux assureurs admis à intervenir à l’instance, de réclamer à l’auteur de l’infraction le remboursement des sommes versées à la suite de l’accident survenu à son assuré »1405.

948. L’intervention volontaire de l’assureur de la victime était donc purement et simplement rejetée, indépendamment de la constitution de partie civile de l’assuré.

C’est le principe de l’intervention volontaire de l’assureur qui était refusé, selon les principes de la jurisprudence excluant l’assureur du procès pénal dont nous retrouvons les termes1406.

Ceci revenait à interpréter la loi du 8 juillet 1983 comme autorisant seulement l’intervention forcée de l’assureur de dommages la victime, à l’initiative de l’assuré.

Ceci équivalait encore à n’admettre l’intervention de l’assureur que lorsque la victime s’était constituée partie civile, puisqu’elle devait être partie au procès pénal pour y faire intervenir son assureur. La solution pouvait de ce point de vue donner l’apparence d’une cohérence avec celle adoptée pour l’assureur du responsable.

949. Toutefois, cette position pouvait laisser dubitatif. De manière générale, l’action civile peut être exercée devant un juge répressif déjà saisi de l’action publique, ou au besoin en déclenchant l’action publique.

Ce qui importe est que le juge répressif soit saisi ou ait été saisi de l’action publique, car sa compétence civile est accessoire à sa compétence pénale1407. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que l’action civile est exercée par voie d’action ou d’intervention.

Rejeter purement et simplement l’intervention volontaire de l’assureur, c’est non seulement lui interdire l’exercice de l’action civile par voie d’action, mais également la voie de l’intervention.

Or, en instituant l’intervention de l’assureur de la victime, de manière volontaire ou forcée, le législateur n’a-t-il pas expressément autorisé l’exercice par cet assureur de l’action civile ?

La simple référence à la notion de « constitution de partie civile », et donc implicitement aux conditions de l’article 2 du Code de procédure pénale, ne peut faire oublier les termes de la loi du 8 juillet 1983, dont les dispositions spéciales dérogent à celles de l’article 2 du Code de procédure pénale.

950. L’admission de l’intervention de l’assureur de la victime par certains juges du fond. D’autres juges du fond ont admis la constitution de partie civile de l’assureur1408.

Cette solution « pratique » et « originale » pouvait être fondée « sur les deux considérations suivantes : d’une part la loi a prévu l’intervention volontaire ou forcée de l’assureur de la partie civile à côté de celle du prévenu; d’autre part elle a tout organisé pour éviter la répétition des procédures, et même la répétition des jugements : pourquoi faudrait-il une deuxième instance, civile cette fois, pour permettre à l’assureur qui a payé, d’être enfin remboursé ? »1409.

Ainsi la Cour d’appel de Douai a-t-elle, par confirmation, condamné le prévenu à rembourser à l’assureur de la partie civile la partie du dommage matériel que celui- ci avait payée1410.

Dans une autre espèce, l’assureur n’était pas intervenu devant le tribunal de police et prétendait se constituer partie civile en intervenant pour la première fois en appel : la Cour de Douai l’a déclaré recevable à intervenir, mais non à se constituer pour la première fois en cause d’appel, pour la raison qu’il n’était pas dispensé de respecter les règles applicables à l’action civile1411.

Il résulte en effet de l’article 421 du Code de procédure pénale que la victime ne peut pas se constituer partie civile pour la première fois devant la chambre des appels correctionnels1412.

Et en l’absence de texte exprès, la Cour de cassation a décidé qu’il résulte de l’article 380-6 du Code de procédure pénale qu’une victime non constituée partie civile devant la cour d’assises de première instance ne peut se constituer, pour la première fois, devant la cour d’assises statuant en appel1413.

951. La recevabilité de l’action civile de l’assureur, et non de sa constitution de partie civile. Il est à noter que le problème de l’intervention volontaire de l’assureur de la victime en application de la loi du 8 juillet 1983 n’a été posé en termes de « constitution de partie civile » que devant les juges du fond.

Par exemple, alors que les juges du fond avaient déclaré un assureur « irrecevable en sa constitution de partie civile », la Cour de cassation a déclaré « l’action civile » de cet assureur irrecevable au motif que la loi du 8 juillet 1983 « prévoit uniquement l’intervention de l’assureur au procès pénal pour les infractions d’homicide et de blessures involontaires »1414.

Cet emploi judicieux de la terminologie doit être approuvé, car la « constitution de partie civile » désigne aussi bien l’exercice de l’action civile que celui de la prérogative pénale reconnue à la partie civile.

945 Cf. supra n° 646.

946 Sur ce point, cf. supra n° 216 et s.

947 Mme Cacheux : rapport A.N. n° 1461 p. 9.

948 Cf. supra n° 224 et s.

949 J.O. déb. Sénat 25 mai 1983 p. 1088 (le terme « novation » n’est manifestement pas à prendre ici au sens juridique, mais dans son acception (plutôt rare) d’« innovation »).

950 J.O. déb. Sénat 25 mai 1983 p. 1096.

951 J.O. déb. Sénat 25 mai 1983 p. 1091.

Une fois admis le principe de la participation volontaire de l’assureur de la victime, reste à déterminer si cette « intervention » doit, comme pour l’assureur du responsable, être réservée aux cas où le juge répressif a déjà été saisi de l’action civile.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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