Critique de l’argument tendant à rejeter une action fondée sur un contrat d’assurance

Critique de l’argument tendant à rejeter une action fondée sur un contrat d’assurance

2°. Critique de l’argument tendant à rejeter une action fondée sur un contrat d’assurance

130. Portée limitée de l’argument. Les juges du fond et la Cour de cassation rejettent la mise en cause de l’assureur du responsable en invoquant le fait que celui-ci « ne peut être recherché en vertu du délit reproché au prévenu, mais seulement à raison des effets du contrat civil d’assurance »256. Or, cet argument n’a pas de portée générale : il n’est pas toujours vrai et ne peut donc fonder une exclusion pure et simple de l’assureur.

131. Cas de l’action directe contre l’assureur de responsabilité. Certes, lorsque l’assureur de responsabilité est mis en cause par son assuré, c’est-à-dire le responsable ou le civilement responsable, cet assuré demande l’exécution du contrat d’assurance pour être relevé indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Son action n’est pas juridiquement fondée sur la responsabilité recherchée en vertu du délit.

Cependant, il n’en va pas de même lorsque l’assureur est mis en cause par la victime ou par une personne subrogée dans ses droits, qui prétend exercer l’action directe devant le juge répressif.

Cette action directe du tiers contre l’assureur trouve sa source non pas dans le contrat d’assurance, mais dans un droit propre qui a d’abord été reconnu par la jurisprudence sur le fondement de l’article L 124-3 du Code des assurances, avant d’être consacré par la loi257.

En effet, la Cour de cassation estime que « si l’action de la victime d’un accident contre l’assureur est subordonnée à l’existence d’une convention passée entre ce dernier et l’auteur de l’accident et ne peut s’exercer que dans ses limites, elle trouve, en vertu de la loi, son fondement dans le droit à la réparation du préjudice causé par l’accident dont l’assuré est reconnu responsable »258.

La mise en cause de l’assureur du responsable par la victime exerçant l’action directe est donc bien fondée sur le préjudice né de l’infraction.

Dans ces conditions, nous ne voyons pas ce qui empêche l’assureur d’être défendeur à l’action civile au même titre que l’auteur ou son civilement responsable, eu égard notamment à l’article 2 du Code de procédure pénale qui définit l’action civile comme l’action en réparation du dommage découlant de l’infraction.

132. Cas du recours de l’assuré contre son assureur de responsabilité. En outre, lorsque l’assureur de responsabilité est appelé en la cause non pas par la victime exerçant l’action directe, mais par l’assuré dont la responsabilité est recherchée et qui sollicite à ce titre la garantie de son assureur, il y a, à notre sens, un juridisme quelque peu excessif à prétendre que le recours en garantie de l’assuré responsable contre son assureur de responsabilité ne relève pas de l’action civile au motif qu’il ne serait pas fondé sur le dommage né de l’infraction, mais sur le contrat d’assurance.

C’est en effet oublier que même si l’auteur de la mise en cause est le responsable, le bénéficiaire de l’indemnité reste in fine la victime car c’est envers elle que le juge va prononcer la condamnation de l’assureur259.

L’intervention de l’assureur de responsabilité, qu’elle soit provoquée par l’assuré ou par la victime, aura donc pour objet la condamnation de l’assureur envers la victime. Pourquoi ne pas considérer que cette intervention forcée relève de l’action en indemnisation du dommage découlant de l’infraction ?

133. Cas du recours de la victime contre son assureur. Enfin, nous pouvons évoquer le cas, laissé de côté par la jurisprudence, de la victime qui appelle en la cause son assureur de choses ou de personnes afin d’obtenir de ce dernier l’indemnisation des préjudices subis.

Certes, l’action de la victime contre son assureur est alors indiscutablement fondée sur le contrat d’assurance, puisque c’est ni plus ni moins l’exécution de l’obligation de garantie qui est demandée.

Mais il n’en reste pas moins que c’est des dommages découlant des faits pénalement poursuivis que la victime sollicite l’indemnisation par son assureur.

Il s’agit donc bien d’une action civile en indemnisation des dommages résultant directement des faits poursuivis, au sens de l’article 2 du Code de procédure pénale260.

En outre, dans la mesure où cette action est bien exercée par la victime qui a subi personnellement les préjudices découlant directement de l’infraction, elle est bien recevable aux termes du même article.

134. En conclusion, bien que fermement établie, la jurisprudence excluant l’assureur du procès pénal apparaît également critiquable.

Elle l’est non seulement en ce qui concerne l’intervention en demande de l’assureur subrogé dans les droits de la victime, mais également en ce qui concerne l’intervention en défense, volontaire ou forcée, de l’assureur susceptible de garantir les dommages découlant des faits pénalement poursuivis.

130 Ph. Alessandra : op. cit., p. 61.

131 Crim. 10 octobre 1957, préc.

132 Crim. 8 juillet 1958, Bull. n° 523, RGAT 1958 p. 390 note A. Besson, Gaz. pal 1958.2.227.

133 Crim. 26 décembre 1961, Bull. n° 552, Gaz. pal. 1962, 1, p. 11, D 1962 Somm. 50 (vol); Crim. 28 février 1967, Bull. n° 78 (escroquerie à l’assurance suite à un accident).

134 Crim. 14 novembre 1974, Bull. n° 333, JCP 1975 II 18062 obs. P. Chambon, Gaz. pal. 1975, 1, 110 (Dans une poursuite engagée pour violences involontaires, les juges du fond ont refusé l’intervention d’une société mutualiste au motif que les statuts de cette société, qui prévoyaient la subrogation à son profit, ne sauraient prévaloir sur l’article 2 du Code de procédure pénale).

Cette jurisprudence est d’autant plus critiquable que des évolutions du droit positif pouvaient conduire à admettre l’intervention de l’assureur sans aller à l’encontre des textes en vigueur.

Toutefois, la loi du 8 juillet 1983 n’instaurant l’intervention de l’assureur que dans des cas limités, le principe reste l’exclusion prétorienne de l’assureur. Ainsi, cette loi de 1983 a paradoxalement conforté ce principe d’exclusion, qui est renforcé a contrario par l’affirmation d’exceptions.

Dans ces conditions, la discussion sur le point de savoir si la jurisprudence excluant l’assureur du procès pénal est fondée ou non a perdu de sa pertinence. En revanche, la critique des conséquences de l’exclusion de l’assureur du prétoire pénal conserve tout son intérêt.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top