Mémorisation : théorie du double codage, imagerie et contiguïté

3. 4. La mémorisation : théorie du double codage, imagerie et principe de contiguïté Si on ne se souvient pas, il est impossible d’apprendre. Cependant, il ne s’agit pas, pour apprendre, d’amasser des connaissances mais plutôt de créer des liens pour retenir. Ce sont les liens construits entre les savoirs, les relations que l’on peut établir entre diverses notions qui nous permettent de construire nos connaissances. En ce sens, apprendre consiste davantage à comprendre et à modifier les représentations que l’on s’est construites qu’à les empiler. La mémorisation est donc intimement liée à la compréhension, et donc au sens. Pour Levy (1990), « la compréhension est l’association d’un item d’information avec un schéma préétabli », ce qui constitue un moyen de stocker l’information en mémoire à long terme. 3. 4. 1. La théorie de la charge cognitive Cette théorie stipule que la mémoire de travail du sujet a une capacité limitée. Selon Sweller, la mémoire serait basée sur une architecture composée d’une mémoire de travail (MDT) à capacité limitée, dans laquelle ont lieu la plupart les apprentissages et les pensées conscientes, et d’une mémoire à long terme (MLT) à capacité illimitée, possédant entre autres un nombre important de schémas automatisés. Ces schémas permettent d’outrepasser la capacité limitée de la mémoire de travail et de traiter des structures de connaissances complexes et généralisées comme des unités simples de mémoire. La proximité de présentation, c’est à dire, le principe de contiguïté – l’intégration physique des sources d’information – est, entre autres, apte à éliminer les effets négatifs de l’attention dissociée. Cet effet de dissociation peut donc être minimisé ou éliminé en intégrant physiquement les informations textuelles et imagées mutuellement référencées, ou encore en utilisant le canal auditif pour présenter les informations verbales. Ce mode d’apprentissage serait par conséquent en mesure de réduire la charge cognitive chez l’apprenant et donc de lui permettre de mieux comprendre et mémoriser. Nous reviendrons plus en détail sur la notion de charge cognitive en section [4.3.2], lorsque nous aborderons les caractéristiques de l’attention visuelle divisée dans le cadre des jeux informatisés. 3. 4. 2. Le principe de contiguïté Ce principe est dérivé de la théorie du double codage, selon laquelle le traitement de l’information est régi par deux systèmes distincts, l’un étant verbal, l’autre visuel. Pour Paivio (1986), les traitements verbaux et non-verbaux (imagerie) de l’information, considérés comme des sub-systèmes cognitifs de représentation, auraient un poids égal. Le rôle du principe de contiguïté dans la mémorisation et la construction des connaissances est un sujet d’études important des sciences cognitives, tout comme l’est la manière dont les informations doivent être organisées pour un apprentissage optimal. Selon le principe de contiguïté, la construction des connaissances est facilitée par la présentation simultanée des textes et des images. L’imagerie est un sujet critique en termes de structure de mémoire et de processus. Kosslyn (1980), propose un modèle de l’imagerie à deux niveaux : une représentation de surface générée dans la mémoire de travail à partir d’une représentation profonde dans la mémoire à long terme. L’imagerie, qui est donc considérée comme facilitant la remémoration, semble jouer un rôle majeur dans les tâches de résolution de problèmes et la créativité ainsi que faciliter les compétences sensori-motrices en permettant la répétition mentale d’une tâche ou d’une activité (Richard, 1995[2]). La mémorisation, selon bon nombre de chercheurs et théoriciens aujourd’hui, dépend des connexions représentationnelles du sujet ; les tâches de résolution de problème, c’est à dire les réponses à des questions portant sur un texte lu, nécessitent à la fois les connexions représentationnelles et référentielles (Legros, 1997). La mémoire de travail ayant une capacité limitée, les sujets sont donc beaucoup plus à-même de construire des connexions référentielles lorsque les mots et les images sont présentés en contiguïté. Mayer et Anderson (1991 et 1992) se sont livrés à un certain nombre d’expériences pour mettre en évidence l’effet bénéfique de la présentation simultanée des textes et des images sur la construction des connaissances. Ils ont montré qu’en séparant les mots de l’illustration, ou encore en dissociant l’animation et la narration dans le temps, la construction d’une cohérence était plus difficile à établir, et que les sujets avaient, non seulement, beaucoup plus de mal à mémoriser, mais également des difficultés accrues dans la construction d’une représentation à la fois verbale et imagée, représentation servant de base de données pour des activités de traitement plus profond comme celles impliquées dans la résolution de problèmes. Dans des situations d’apprentissage multimédia (impliquant des mots, des images et des sons), l’apprenant peut, selon ces auteurs, construire trois types de rapports entre les connaissances à acquérir et celles qu’il possède déjà. Pour eux, ces rapports sont des connexions représentationnelles qui s’établissent : -*- Entre l’information verbale et sa représentation verbale activée chez l’apprenant -*- Entre l’information imagée présentée et la représentation visuelle de cette information telle que l’apprenant se la construit -*- Entre les représentations verbales et les représentations visuelles construites (connexions référentielles) Mayer, cette fois-ci avec Gallini (1990), se sont demandé quel était le rôle des connaissances antérieures sur cet effet de contiguïté. Ils ont montré que, chez les sujets possédant peu de connaissances sur un domaine donné, la coordination des mots et des images avait un effet bénéfique sur les processus de transfert dans une tâche de résolution de problèmes, alors que chez les sujets ayant une bonne connaissance du domaine, la présentation des mots et images en contiguïté n’avait pas le même impact car ceux-ci sont capables d’activer un modèle stocké en mémoire à long terme. Ainsi, ils utiliseraient ce modèle pour interpréter l’explication verbale non contiguë. Ces auteurs en ont donc conclu que, dans le domaine scientifique tout au moins, la meilleure façon de faire mémoriser et comprendre quelque chose était de demander aux apprenants d’établir un « résumé multimédia », c’est à dire de les amener à créer des séquences d’illustrations annotées concises et cohérentes. Enfin, notons que, selon certaines théories de l’intelligence, les personnes diffèrent dans leur capacité à créer des images visuelles. Au-delà de l’apport bénéfique de la présentation des textes et des images en contiguïté, on peut supposer que le jeu vidéo, en favorisant des représentations plus ou moins métaphoriques de l’espace, des atmosphères et des situations, et en permettant une interaction signifiante des images et des langages, peut permettre de réduire la charge cognitive de l’apprenant, dont l’activité sensorielle, affective et intellectuelle sera tout naturellement au service de l’interprétation du message délivré par le logiciel, si toutefois celui-ci parvient à l’intriguer suffisamment pour relancer sa motivation. La question se pose donc de savoir comment l’individu peut construire ces connaissances dans de tels environnements d’apprentissage, lesquelles, et si ces connaissances sont transférables à d’autres domaines. Cette étude fera l’objet du chapitre suivant. Pour résumer : Afin de concevoir des jeux vidéo à but éducatif, il est possible de relier un certain nombre d’aspects propres aux jeux vidéo à certaines théories de la cognition : * La motivation : la possibilité de rendre l’environnement intrinsèquement motivant et de « récupérer » certains « motivateurs » propres aux jeux pour l’éducation. * Le constructivisme : * Apprentissage en situation : les jeux vidéo peuvent permettre de recréer des situations d’apprentissage proches de la réalité * Apprentissage autogéré : Une interface de jeu vidéo bien conçue peut être à même de conduire l’apprenant vers une plus grande autonomie dans sa démarche d’apprentissage. * Le traitement de l’information : * La théorie des modèles mentaux : si l’on désire qu’un jeu aille au-delà du simple divertissement, il est important d’avoir une idée précise de la manière dont nous assimilons les connaissances et dont il est possible de se construire des représentations sur lesquelles nous pouvons opérer des traitements. * La mémoire et la charge cognitive : aspects importants auxquels il faut réfléchir lors de la conception de programmes éducatifs afin de ne pas démotiver l’apprenant ni générer chez lui d’anxiété * Le principe de contiguïté : présenter image, son et eventuellement textes en contiguïté afin de pouvoir « jouer avec » et interagir représente un des points forts du jeu vidéo. Un jeu éducatif bien conçu doit donc tenir compte des différents types de connexions que l’apprenant peut etablir entre ces différents modes et de l’efficacité de cette démarche a divers points de vue. Lire le mémoire complet ==> (Le potentiel du jeu vidéo pour l’éducation) Mémoire en vue de l’obtention du DESS Sciences et Technologies de l’Apprentissage et de la Formation Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education – Université de Genève

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